S'il subsiste encore une douzaine de jubés en bois en Bretagne, celui de la chapelle Notre-Dame de Kerfons à Ploubezre est sans doute l’un des plus remarquables dans le travail du bois ajouré et de la polychromie. Ce jubé de style gothique flamboyant a été réalisé dans les années 1493-1495 puis, recoupé et déplacé, probablement dans la seconde moitié du 16e siècle ou au début du 17e siècle, pour s’adapter aux transformations de la chapelle.
Pour Jérôme Lafeuille et Christian Kermoal (voir bibliographie), "si le maître de Kerfons n’est pas un étranger - Florence Piat évoque le Breton Jean Jouhaff dans sa thèse - le jubé de Notre-Dame de Kerfons témoignerait de la présence d’une culture savante et francophone dans le diocèse de Tréguier à la fin du Moyen Âge et, grâce à la sculpture religieuse, de sa diffusion au plus profond des campagnes bretonnes".
Selon Jérôme Lafeuille et Christian Kermoal, son décor s’inspirerait d’une illustration du Calendrier des Bergers, ouvrage populaire de référence publié en 1493. Le jubé porte le message théologique suivant : la proclamation de la foi par les apôtres et l’annonce de la Résurrection du Christ par Marie-Madeleine.
Selon des observations in situ, il apparaît que le jubé a été recoupé et déplacé depuis un emplacement d’origine plus proche du chœur et plus large (vraisemblablement dans la seconde moitié du 16e siècle ou au début du 17e siècle ?). Par comparaison iconographique, il manquerait aujourd’hui à la composition du jubé de Kerfons, le Christ de la Passion et le Christ en majesté "de façon à constituer avec le Christ ressuscité un triptyque symbolisant la rédemption opérée par la mort et la Résurrection du Christ embrassant les douze apôtres " (Jérôme Lafeuille, 2019).
Le jubé sépare la nef du chœur et sert de support à une tribune.Il mesure 6 m. de long et 4,60 m de large.
Il est en bois, sculpté et peint, de style gothique flamboyant composé d'une clôture à cinq arcatures ajourées en arc brisé, séparées par des colonnes torsadées. L’arcature centrale s’ouvre par une porte à claire-voie. La clôture supporte une tribune en encorbellement, accessible par un petit escalier en vis encore doté de sa porte.
Quinze niches abritent des bas-reliefs en bois polychromes qui représentent de gauche à droite : sainte Barbe, les douze apôtres avec les instruments de leur martyre (Pierre, André, Jacques le Majeur, Jean, Thomas, Jacques le mineur, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Simon, Jude, Matthias), sainte Marie-Madeleine et le Christ ressuscité (placé à l’extrême droite). Au-dessus de la tribune, se dressent les statues de la Vierge et de l’apôtre Jean, entre lesquelles se trouvait à l’origine une statue du Christ en croix.
Classé Monument historique dès 1899, le jubé a été restauré de 1978 à 1979."
Ce jubé ayant été parfaitement étudié et décrit par Jérôme Lafeuille et Christian Moal, le but de cet article est de fournir mes clichés aux internautes, et de venir compléter, dans ce blog, mes séries sur les jubés bretons, et sur les Credo apostoliques :
I. LE CÔTÉ VISIBLE DEPUIS LA NEF (face occidentale).
A. LA TRIBUNE ET SES QUINZE PANNEAUX.
On y trouve, comme à La Roche-Maurice, Lambader, N.D de Berven, ou Saint-Nicolas en Priziac, les 12 apôtres, dans l'ordre des Credo apostoliques, mais associés de chaque côté à deux saintes, sainte Barbe et sainte Marie-Madeleine, et à l'extrême droite, au Christ ressuscité :
1. Sainte Barbe
2. Saint Pierre
3 Saint André
4. Saint Jacques
5. Saint Jean
6. Saint Thomas
7. Saint Jacques le Mineur
8. Saint Philippe,
9. Saint Barthélémy,
10. Saint Matthieu.
11. Saint Simon.
12. Saint Jude.
13. Saint Mathias
14. Sainte Marie-Madeleine.
15. Le Christ ressuscité.
L'identification des apôtres se fait, lorsque leur nom n'est pas indiqué d'après leur attribut, ou par leur rang (fixé par le Credo apostolique"), ou par le texte de ce Credo lorsque les apôtres présentent leur article sur un phylactère, ce qui n'est pas le cas ici. (L'absence de ces phylactères pourrait penser que nous n'avons pas affaire à un Credo). Il pourrait s'agir de la présentation des saints personnages auxquels le Christ est apparu après sa résurrection : les Apôtres, et Marie-Madeleine. Sainte Barbe serait alors l'intruse.
Quoiqu'il en soit, les douze apôtres s'identifient, comme l'a montré Jérôme Lafeuille, par les illustrations du Credo des Apôtres du Calendrier des bergers de 1493, édité par G. Marchant à Paris (première édition en 1491).
On peut penser que le commanditaire a remis au sculpteur cet imprimé ( ou une copie) et que l'artisan a suivi ce modèle, avec de légères difficultés d'interprétation pour Jacques le Mineur ou Philippe par exemple.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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1. Sainte Barbe , sa tour, son livre, sa palme du martyr .
Sainte Barbe est très largement invoquée à la fois par les fidèles dans leurs oraisons privées — dans les livres d'Heures — pour prévenir les dangers de la mort brutale, et dans les édifices pour les protéger de la foudre. Sa présence n'est pas surprenante. On la trouve sur la tribune de La Roche-Maurice, avec les mêmes trois attributs.
Son front est ceint d'un diadème, ses cheveux noirs retombent en nattes jusqu'à sa taille ; elle désigne son livre d'un index décidé, sans doute pour affirmer sa foi dans le dogme de la Trinité.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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2. Saint Pierre et sa clef.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
3. Saint André et sa croix en X .
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
4. Saint Jacques le Majeur en tenue de pèlerin.
Chapeau à large bord timbré d'une coquille Saint-Jacques, pèlerine, bourdon et besace.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
5. Saint Jean bénissant la coupe pour en neutraliser le poison (signalé par un serpent) .
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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6. Saint Thomas et sa lance.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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7. Saint Jacques le Mineur avec un "bâton de foulon" en crosse.
Jacques le Mineur tient habituellement un "bâton de foulon", dont l'extrémité dilatée en club est tournée vers le bas. Mais ici, au bout d'un bâton à écot, c'est l'extrémité supérieure qui se recourbe comme une crosse végétale, presque épiscopale. C'est inhabituel, mais insuffisant pour nous tromper : soyons indulgents.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
8. Saint Philippe et sa croix .
Au lieu d'une croix à traverse orthogonale, notre sculpteur, un peu gêné par le format dont il dispose, a créé une croix en T de traviole. Heureusement, il suit l'ordre du Calendrier, et finalement, son écart du modèle est minime. Notez par exemple l'index placé sur le bois de la croix.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
9. Saint Barthélémy et son coutelas de dépeçage.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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10. Saint Matthieu et sa hache.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
11. Saint Simon et sa croix à longue hampe.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
12. Saint Jude et sa scie.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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13. Saint Mathias et sa hallebarde.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
14. Sainte Marie-Madeleine et son pot d'onguent.
Elle s'identifie à son pot d'onguent, ou d'aromates destinés à l'embaumement du corps du Christ, mais elle trouve le tombeau vide, et le Christ ressuscité lui apparaît, sous les allures d'un jardinier : elle est le premier témoin de la Résurrection.
Ses longs cheveux blonds fait aussi partie de ses attributs, car c'est avec ses cheveux qu'elle essuya, chez Simon, les pieds de Jésus qu'elle avait trempé de ses larmes de repentir.
Elle trouve donc toute sa place à côté des apôtres, comme Témoin, et comme figure de la gratitude envers le Rédempteur.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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15. Le Christ ressuscité.
Vêtu du manteau glorieux, de pourpre doublé d'or, de sa victoire sur la mort il tient la croix (remplaçant l'étendard marqué de la croix) et il bénit. Dans la figure traditionnelle du ressuscité, les plaies des mains et des pieds sont exposées ; ici, seule la plaie du flanc, et celle du poignet droit, sont visibles.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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B. AU DESSUS DE LA TRIBUNE, LA VIERGE ET SAINT JEAN.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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C. SOUS LA TRIBUNE, ONZE ANGES EN VOL.
L'un, à droite, porte un blason (muet), l'autre, à gauche, prie les bras croisés sur la poitrine, quatre portent les Instruments de la Passion un tient un livre ouvert, les autres tiennent des rectangles qui ont perdu leurs peintures. Ce sont des écus en bannière, portant jadis des armoiries des prééminenciers et autres familles nobles influentes.
En effet, René Couffon fait remarquer ceci :
"La tribune est supportée par des arcs soutenus par des angelots tenant entre leurs mains des écussons soigneusement rabotés à la Révolution.
Ce jubé ne porte ni date ni inscription. Il a été daté par quelques auteurs du xve siècle, le plus généralement du xvie siècle sans preuve déterminante.
Or un acte nous permet aujourd'hui de préciser l'époque de sa construction (Archives départementales des Côtes-du-Nord, E. 1644). Un ouragan ayant détruit en 1769 l'une des verrières de la chapelle, le gouverneur fit mettre soigneusement de côté tous les morceaux afin de faire dresser l'état des prééminences, qui fut exécuté le 10 septembre 1771 par un expert héraldiste, François Bahic de Lannion.
Celui-ci mentionna dans la verrière les armes de Bretagne, d'Avaugour, de Coëtmen, de Penhoët et du Parc et ajouta que ces mêmes armes se voyaient également sur le jubé, très précieuse indication. Elles permettent, en effet, d'attribuer le jubé soit à Guillaume de Penhouët, chambellan du duc François Ier et vivant encore en 1470, ainsi qu'à sa femme Beatrix de Coëtmen, soit plutôt à leur fils Jean, époux de Beatrix Péan dont les armes étaient écartelées du Parc et de la Roche-Jagu, ces dernières semblables d'ailleurs à celles de la Maison de Coëtmen de sa belle-mère.
Ce Jean, baron de Coëtfrec en 1475, était décédé en 1489. Or l'examen du jubé de Kerfaoues indique qu'il est légèrement postérieur à celui de Saint-Fiacre du Faouët daté très exactement par une inscription de 1480 et qu'il convient ainsi de le dater d'entre 1481 et 1489."
Si la datation a été précisée par Jérôme Lafeuille en la rapportant aux dates de parution des Calendrier des bergers, la pièce d'archive nous permet d'assurer que ces anges tenaient bien au moins huit panneaux rectangulaires armoriés, ou écus en bannière, et un blason.
Nous avions donc ici :
Bretagne : d'hermines plain
D'Avaugour :D'argent au chef de gueules chargé d'une macle d'or
De Coëtmen : De gueules à neuf annelets d'argent posés 3, 3, 3.
—Guillaume de Penhoët, décédé en 1475, épouse Béatrice de Coëtmen.
—Jean de Penhoët, leur fils, épouse vers 1465 Guillemette Péan (De sable à deux fasces d'or accompagnées de six quintefeuilles d'argent posées 3, 2 et 1 ), d'ou Pierre de Penhoët, marié avec Louise du Juch (pas d'enfant), et Jeanne de Penhoët.
— Jeanne de Penhoët, dame de Kerimel, 4ème baronne de Coëtfrec, épouse François de la Touche, seigneur de La Touche-Limouzinière (d'or à trois tourteaux de gueules).
—La branche des Penhoët-Coatfrec se fond en 1492 dans la famille de La Touche-Limousinière en Loire-Atlantique. Un des fils épouse en 1522 un membre d 'une des plus grandes familles bretonnes, Marquise de Goulaine qui meurt en 1531 et est enterrée dans la chapelle Saint-Yves de Kerfons, c'est-à-dire dans la chapelle sud du transept. En 1533, leur fille Françoise de La Touche est inhumée dans la même chapelle aux côtés de sa mère et leur deuxième fille Claude fera rebâtir en 1559 la chapelle funéraire de la famille. Ces travaux nécessitent la surélévation de la nef avec des modillons et l'aménagement d'une sacristie au bas de la nef.
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2. Ange tenant la colonne de la Flagellation et sans doute jadis les fouets et verges.
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3. Ange tenant un panneau.
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4. Ange tenant la croix, les clous (et jadis sans doute un marteau).
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5. Ange tenant un panneau.
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6. Ange tenant la lance de Longin et ?.
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7. Ange tenant un panneau.
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8. Ange tenant un objet perdu. La tunique qui fut tirée au sort par les soldats ? Le voile de Véronique ?
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9. Ange tenant un panneau.
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10. Ange tenant un livre ouvert.
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11. Ange tenant un écusson (muet).
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D. LA CLÔTURE AJOURÉE À CINQ TRAVÉES.
Quatre travées ont la forme d'ogives étroites ajourées de deux lancettes à découpes gothiques. La porte rectangulaire occupe la travée centrale sous un tympan ajouré à feuilles d'acanthes et fleurons. Chaque colonne reçoit une ornementation différente, et la porte est entourée d'une frise de pampres et grappes, symbole eucharistique.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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II. LE CÔTÉ VISIBLE DEPUIS LE CHŒUR (face orientale).
De ce côté, la tribune ne comporte plus que 13 panneaux, mais ceux-ci se prolongent par ceux, identiques en couleur et en décor, de l'escalier à vis qui y donne l'accès par le côté droit.
D'autre-part, ces panneaux ne sont pas à personnages, mais seulement ornementaux.
Par contre, nous retrouvons la succession de neuf anges en vol, tenant là encore alternativement des panneaux vierges, et des objets souvent perdus.
Séparant les panneaux de tribune et les anges, une frise de branches écotés à phylactères et d'épis s'enrichit de groupes d'animaux et de personnages non religieux.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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A. Dans les arcades à feuilles d'acanthes séparées de pinacles, les panneaux décoratifs de la tribune, à entrelacs végétaux, surmontés d'une frise de pampres et de grappes.
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B. Les neuf anges.
1. Ange tenant un panneau muet.
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2. Ange tenant la colonne de Flagellation.
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3. Ange bras écartés tenant un objet perdu.
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4. Ange tenant un objet perdu .
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5. Ange tenant un panneau muet.
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6. Ange tenant un objet perdu .
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7. Ange tenant un panneau muet.
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8. Ange tenant une croix et une tige [clou?.
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9. Ange tenant un objet perdu.
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C. La frise intermédiaire.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
Un homme coiffé d'un bonnet jaune, allongé, tient l'extrémité de la tige de feuillages et d'épis.
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Un dragon vert (échine dentelée) et un animal jaune à pelage lisse (bœuf? Lapin?)
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
D. L'escalier à vis donnant accès à la tribune.
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E. La clôture et la porte.
Le jubé de la chapelle de Kerfons. Cliché lavieb-aile.
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SOURCES
— COUFFON (René), 1959, Note sur la chapelle Notre-Dame de Kerfaoues en Ploubezre et la chronologie de quelques jubés, Bulletin Monumental Année 1959 117-1 pp. 51-54.
—LE LOUARN, Geneviève. "La chapelle Notre-Dame de Kerfons". Rennes, Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, t. LX, 1983, p. 301-305.
—LAFEUILLE, Jérôme. KERMOAL, Christian. "Le Calendrier des bergers modèle du Jubé de Notre-Dame de Kerfons. Son interprétation à la lumière du Symbole des apôtres". Société d'émulation des Côtes-d'Armor, 2019, p. 271-294.
—LAFEUILLE, Jérôme. "Le jubé de Notre-Dame de Kerfons : un chef-d’oeuvre tronqué". Société d'émulation des Côtes-d'Armor, 2019, p. 295-310.
Le chœur et la nef de l'église Sai,nte-Foy de Conches-en-Ouches ont été édifiés entre 1530 et 1550, et la plupart de ses 24 vitraux datent des années 1540-1555. Seules les baies 19 et 20 (cf. lien supra) datent de 1500-1510 et témoignent de la Première Renaissance Rouennaise, par Arnoult de Nimègue (baie 19) et par le Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste (baie 20).
Les baies du chœur 0 à 6 sont attribuées à Romain Buron de Gisors, dans les suites des Le Prince de Beauvais, vers 1540, ainsi que les baies 7, 98 et 11, mais les baies 8, 10, 12, et les baies plus tardives 13 à 17 réalisées dans les années 1550-1553 témoignent de la Seconde Renaissance et serait selon Jean Lafond de l'école parisienne.
Pourtant, la baie n°12, datée de 1546, reprend un motif, celui du donateur en transi (son cadavre nu allongé sur un tombeau sous les scènes religieuses) apparu à l'église Saint-Vincent de Rouen en 1520-1530, puis à l'église Saint-Patrice de Rouen en 1540, ainsi qu'à l'église Saint-Médard de Saint-Mards en 1531, et qui sera repris en 1551 à Buchy, toutes localités situées en Seinte-Maritime.
DESCRIPTION
Cette baie de 4,50 m de haut et 2,30 m de large comporte 3 lancettes trilobées et un tympan à 3 ajours.
En bonne état de conservation, elle a été restaurée en 1857-1858 par Maréchal.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
LE TYMPAN.
Je débute la description de la Cène par le tympan, car il montre le couronnement de l'architecture du Cénacle, la pièce où Jésus réunit ses disciples pour le repas célébrant la paque la veille de sa mort. C'est une architecture grandiose, à arcs et colonnes Renaissance, qui ne figure pas dans la gravure ayant servie de modèle. Le point de fuite de la perspective coincide avec le blason de la tête de lancette.
Ce blason de gueules aux trois martels d'or porte les armes parlantes du donateur, de la famille Martel. Elles ont été restaurées.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
LA CÈNE.
Elle trouve son origine dans une gravure de Marc-Antoine Raimondi , catalogue Bartsch 26 réalisée vers 1515-1516.
Le point de fuite est placé au sommet de la tête du Christ. Celui-ci, encadré par une fenêtre à paysage rural, est entouré de Jean à sa gauche et d'un autre apôtre à sa droite. Il écarte les bras vers les mets placés sur la table, et notamment sa main droite touche le plat de viande. La main gauche est restaurée.
Sous ses pieds, un dogue à collier hérissé de pointes dévore un os qu'on ne voit pas.
Les différents apôtres témoignent par leurs gestes et postures de leur stupeur, car Jésus vient d'annoncer que l'un d'eux va le trahir.
Judas, en robe verte et manteau violet, se lève de son tabouret : sa main droite est posée sur sa bourse, orange.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
LE SOUBASSEMENT : LE DONATEUR EN TRANSI, ET SA VEUVE.
Le cadavre du donateur, clairement identifié comme tel par une inscription, est allongé sur le liceul sur la dalle de son tombeau, presque nu (seul un pagne couvre son bassin), les genoux fléchis sur un coussin et la tête cambrée et tournée vers la droite comme par un spasme. Il est maigre, sa tête brune et grimaçante me semble restaurée, les cheveux sont bruns.
Ce n'est pas l'inscription d'origine, laquelle est conservée à Champs-sur-Marne, mais le restaurateur a suivi fidèlement le modèle.
L'inscription, son épitaphe, est un huitain :
Si devant gist loys pierre martel
Lequel avant que passer le morstel
de dure mort ensuyvant son feu père
par testament donna cette verrière
puis trespassa le iour vingt et cinq
du moys juillet mille quarante et six
Avec cinq cens de luy il vous souvienne
Pries à dieu qui luy doint paradis
Louis-Pierre Martel a donc donné cette verrière par son testament, précédent sa mort survenue le 26 juillet 1546. L'abbé Bouillet indique qu'il est question d'un Pierre Martel, probablement petit-fils de ce dernier, dans un manuscrit du siècle dernier, relatif à l'histoire de l'abbaye de Saint-Pierre et Saint-Paul de Conches. On y lit à son sujet « En 1630, Pierre Martel, de Rouen, fut le dernier gouverneur du château de Conches, eut soin de réparer le pont qui y conduisait il y avait une chambre où il logeait quelquefois il mourut en 1672, et est inhume devant l'autel Saint- Michel. »
Mais Wikipédia consacre un long article sur cette famille Martel, et à leurs armes d'or à trois marteaux de sable ou de gueules. Mais les armes des premiers Martel étaient bien de gueules à trois marteaux d'or :
"Il semble que les familles qui portent actuellement le nom de Martel descendent toutes par filiation agnatique (masculine) du mercenaire Baldric le Teuton, arrivé en Normandie en 1013.
Baldric aurait eu plusieurs filles et six fils avec une fille de Godefroi de Brionne bâtard du duc de Normandie ; parmi ceux-ci, l'aîné, Nicolas Ier de Bacqueville, et Richard de Courcy dont les descendants ont joué un rôle important dans l’histoire de l’Angleterre. Plusieurs d’entre eux participent à la conquête de l’Angleterre en 1066 et en sont récompensés par l’attribution de grands fiefs des deux côtés de la Manche ; pour sa part, Nicolas reçoit à titre principal la seigneurie de Bacqueville-en-Caux, à une quinzaine de kilomètres au sud de Dieppe.
Geoffroy Ier, fils aîné de Nicolas, est le premier à prendre le nom de Martel de Bacqueville, probablement en référence à son fief principal et aux marteaux de combat qui figuraient sur le bouclier de Baldric. Les armoiries des Martel, qui portaient au départ trois marteaux d’or sur fond de gueules, ont par la suite connu de nombreuses déclinaisons au fur et à mesure de la diversification des branches de la famille."
Les fleurs qui poussent devant le tombeau atténuent ou démentent le côté macabre de la mise en scène. Il s'agit de jonquilles, d'iris, et de tulipes rouges. Plusieurs sont des pièces en chef d'œuvre.
Concernant cette figure de transi, qui tire son modèle d'un vitrail de l'église Saint-Vincent de Rouen (1520-1530) et qu'on retrouve à Saint-Patrice de Rouen, Buchy et Saint-Mards, je renvoie à mon commentaire sur la baie 12 de l'église Jeanne d'Arc de Rouen, où les vitraux de Saint-Vincent ont été reposés.
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Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
Sa veuve est agenouillée devant le tombeau, lisant son livre de prière sur un prie-dieu, et tenant un long chapelet (rosaire). Sa tête est couverte d'un voile noir, elle porte une robe grise sur une chemise blanche avec des manches plissées en fraise aux poignets. Le visage et les mains me semblent restaurées, mais ce n'est pas indiqué dans la notice de Callias Bey.
Baie 12 (1546) de l'église Sainte-Foy de Conches. Photo lavieb-aile.
SOURCES ET LIENS.
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 406-407.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum
— SALET (Francis), 1943 Romain Buron et les vitraux de Conches [compte-rendu] Bulletin Monumental Année 1943 102-2 pp. 272-273
—Van Moé Émile-Aurèle Jean Lafond. Romain Buron et les vitraux de Conches. П énigme de l'inscription «Aldegrevers ». Bayeux, impr. Colas (1942). (Extrait de l'Annuaire normand, 1940, 1941.) [compte-rendu] Bibliothèque de l'École des chartes Année 1942 103 pp. 271-272
La baie n°12 ou verrière de la Vie Glorieuse du Christ —ses Apparitions après sa résurrection —, au dessus du donateur en transi (1520-1530), de l'église Sainte-Jeanne d'Arc de Rouen.
Cette baie n°12 est la quatrième du pan gauche de la grande voûte, et par son décor —la Vie Glorieuse du Christ — elle achève la série qui a débuté avec l'Enfance et la Vie Publique du Christ (n°9), puis la Passion (n°10), et la Crucifixion (n°11). Elle mesure 6,60 m de haut et 3,24 m de large. Elle est datée de 1520-1530. Elle se compose de 4 lancettes trilobées e d'un tympan à 6 soufflets et 6 mouchettes. Le décor des lancettes se répartit en deux registres présentant en haut la Déposition de croix, et la Mise au tombeau, la Résurrection et les Sainte Femmes au tombeau, et au registre inférieur les apparitions du Christ ressuscité à sa Mère, puis à Marie-Madeleine, aux Pèlerins d'Emmaüs et enfin à saint Thomas).
Au soubassement, le donateur anonyme s'est fait représenter en transi, nu et dévoré par les vers, sous l'imploration Jesus, sis mihi Jesus, "Jésus, sois pour moi Jésus [et tient ta promesse de résurrection]", une oraison jaculatoire souvent reprise dans les textes de préparation à la mort. Ce même motif, sans cette inscription, mais avec des précisions sur les donateurs, se retrouve dans une verrière de l'Annonciation de 1532 de l'église de Saint-Patrice de Rouen, dans la baie 12 de la Cène de 1546 de Conches-en-Ouche (27) , dans la baie 3 de la Résurrection de 1531 de l'église de Saint-Mards (76) et sur la baie 1 de la Vie de la Vierge de 1551 en l'église Notre-Dame de Buchy (76).
Elle a été restaurée , selon Baudry en 1868 ou 1870 grâce aux souscriptions recueillies par la fabrique.
Elle occupait jadis la baie n° 2 de l'ancienne église Saint-Vincent de Rouen, détruite en 1944, alors que les verrières avaient été mises à l'abri. avant d'être réinstallée
Situation :
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR : LA MORT DU CHRIST.
1. Déposition de la Croix.
Joseph d'Arimathie sur une échelle, et Nicodème descendent le cadavre dont ils viennent d'ôter les clous de la crucifixion (tenailles, marteau). La couronne d'épines a été accrochée à la traverse. Remparts de Jérusalem en grisaille sur le verre bleu. Jean soutient la Vierge au visage éploré.
Inscriptions de lettres aléatoires sur le galon de Joseph d'Arimathie et de Nicodème (--NQA-), une caractéristique des ateliers de l'Ouest de la France au XVIe siècle largement reprise dans les Passions du Finistère.
Tête de la Vierge et buste du Christ restaurés.
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2. Mise au Tombeau.
Les personnages déposent le corps sur le tombeau en marbre orné de deux médaillons à l'antique, devant une grotte peinte en arrière-plan. Remparts de Jérusalem en grisaille sur le verre bleu clair. Deux exemples de verres rouges gravés (la tunique de Nicodème, portant les pieds du Christ, et la toque de Joseph d'Arimathie portant la tête). Jean et Marie ont les mains jointes, les Saintes Femmes sont derrière eux.
Martine Callias Bey fait remarquer que la tête du personnage en bas à droite est réalisée d'après le même carton que celle de l'apôtre Thomas de la lancette D du registre inférieur.
3. Résurrection, Sortie du Tombeau.
Nouveaux exemples de verres rouges gravés. Murailles de Jérusalem en grisaille et jaune d'argent sur le ciel bleu clair.
On retrouve les médaillons à l'antique du Tombeau.
Comme le veut l'iconographie de cette scène, un soldat est endormi, les deux autres sont éblouis par le corps radieux du Ressuscité et se protègent d'un geste de la main.
4. Les Sainte Femmes devant le tombeau vide.
On reconnait Marie-Madeleine au premire plan par le luxe de sa parure et la longueur de sa chevelure blonde. Elle pose le pot d'aromates destinés à l'embaumement sur la dalle du tombeau, où ne reste que le suaire, alors que l'ange annonce aux visiteuses du Lundi de Pâques que le Christ est ressuscité :
"Mais l'ange prit la parole, et dit aux femmes: Pour vous, ne craignez pas; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n'est point ici; il est ressuscité, comme il l'avait dit. Venez, voyez le lieu où il était couché, et allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts. Et voici, il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez. Voici, je vous l'ai dit." Matthieu 28 5-7.
La tête de Marie-Madeleine est réalisée d'après le même carton que dans l'apparition du Christ à la sainte ; sa tenue vestimentaire est également semblable dans les deux cas avec le manteau bleu dont le pan se fixe sous le poignet par la troussière, la robe de fine toile blanche sur le buste, et d'étoffe d'or damassée pour la jupe, les fraises se déployant aux poignets, et les manches bouffantes rouges des épaules.
Il est difficile de préciser si la sainte est en larmes, ou si le verre est altéré par des coulées.
Toute la robe blanche de l'ange est damassée, par un très délicat usage de la grisaille.
Architecture en grisaille sur le ciel bleu. Savants dégradés des verts des feuillages.
Ces panneaux ont été très restaurés, notamment le panneau inférieur.
Inscriptions de lettres sur le galon du manteau (d'or à damassés de rinceaux) de Marie-Madeleine. Cette dernière porte des chaussures (rouges) à crevés, alors à la mode à la cour royale sous Henri II.
LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES APPARITIONS DU CHRIST RESSUSCITÉ.
Voir sur ce thème, notamment à Louviers par le Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste, vers 1505-1510 :
Les Saintes Femmes ont constaté que le tombeau était vide, preuve indirecte de la Ressurection et ont entendu l'annonce de l'Ange. Puis le Christ est apparu à Marie-Madeleine (comme jardinier au jardin près du tombeau), puis aux Saintes Femmes, puis aux apôtres réunis (Thomas étant absent) Lc 24:36, puis aux apôtres en présence de Thomas Jn 20 :26-29, puis/et à saint Pierre Lc 24:34, à 7 disciples dont Pierre Jn 21:1-2 et aux Pèlerins sur le chemin d'Emmaüs Lc 24:13-15. Au total, l'Église reconnaît dix apparitions du Christ dans son corps glorieux, représenté dans l'iconographie couvert du manteau rouge, tenant l'étendard rouge frappé d'une croix et montrant ses cinq stigmates.
L'apparition du Christ à sa Mère n'est pas mentionnée dans les Évangiles, mais cette scène est décrite dans les Méditations sur la Vie de Jésus Christ du Pseudo Bonaventure vers 1336 à 1364. Discussion et références ici.
5. Apparition du Christ glorieux à sa Mère.
Martine Callias Bey indique que ces panneaux s'inspirent de la la scène homologue de la Petite Passion de Dürer, datant de 1511. Le titre donné par l'article Wikipédia (Apparition à Marie-Madeleine) est erroné, et n'est pas repris sur le site du Louvre.
La Vierge est agenouillée au prie-dieu dans sa chambre, en prière, devant son lit à baldaquin ou ciel de lit (ici avec une tenture dorée damassée au motif de candélabre), mais elle est ici représentée frontalement. Autre différence, le Christ est accompagné de huit anges orants.
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6. Apparition du Christ à Marie-Madeleine, ou Noli me tangere.
Dans un jardin clos de pallisade, le Christ apparaît à Marie-Madedleine qui, agenouillée, semble lui tendre en offrande le pot d'onguent. Les murailles de Jérusalem sont peintes en grisaille sur le ciel. Teintes variées de vert pour les feuillages et pour le tronc de l'arbre qui, vertical et parallèle au corps du Christ s'affirme en métaphore. Verre rouge gravé pour la croix de l'étendard.
L'accent est mis sur l'apparition, et non sur l'injonction Noli me tangere ("ne me touche pas"), et l'élan d'amour de Marie-Madeleine ou le retrait du Christ sont traités de façon atténuée. Il persiste néanmoins l'échange des regards, et la tendresse de la posture du Christ, en contraposto, tête inclinée.
On notera le détail des aiguillettes fixant les manches ; les lettres NMVEAE... sur le galon du manteau ; et le motif en tête grotesque du damassé de la robe.
Tête et main gauche du Christ restaurés.
7. Apparition du Christ glorieux aux pèlerins d'Emmaüs.
Dans une espace fermé (l'auberge) d'architecture Renaissance en perspective avec plafond à caisson, médaillons à l'antique et pilastres aux sculptures en bas-relief, le Christ , assis, rompt le pain, dans un geste qui le fait reconnaître à ses compagnons de route. Ceux-ci portent le costume des pèlerins de Compostelle, avec le bourdon, la besace dont la sangle passe sur l'épaule, et surtout le chapeau rejeté derrière la nuque et portant les bourdonnets (en os ou en ivoire, et croisés par paires souvent autour de la coquille). Ces bourdonnets sont gravés sur le verre rouge.
Curieusement, le personnage en premier plan porte ce chapeau derrière la tête, mais tient également un chapeau, bleu cette fois, et portant (gravés sur verre blleu) les bourdonnets et la coquille.
Le Christ tient également le bourdon de pèlerin.
8. Apparition du Christ glorieux à saint Thomas.
Il s'agit de la scène de l'Incrédulité de saint Thomas, où le Christ fait toucher à l'apôtre, qui doutait de la réalité de la résurrection, la plaie de son flanc droit.
La posture des personnages ne correspond pas bien à cette scène, et le bras de Thomas me semble avoir été très modifié entre l'épaule et la main. Ne s'agissait-il pas au départ d'une Apparition à saint Pierre, modifiée avec repeint de la main sur la plaie ? Voir le panneau homologue de Louviers.
En détail, les délicates architectures en grisaille sur verre bleu.
LE TYMPAN.
Il comporte six mouchettes et six soufflets et est consacré à la Trinité entourée de la cour céleste. Au sommet, Dieu le Père tient le globe crucifère. En dessous, s'inscrivant dans un triangle avec le Père, le Fils et l'Esprit se répondent en miroir, assis de trois-quart et enveoloppé dans le même manteau écarlate que le Père au dessus d'une robe blanche brodée d'or. Mais le Christ tient la croix tandis que le Saint-Esprit, aux traits restaurés, est figuré sous des traits humains et tient la colombe dont il écarte en croix les ailes.
En dessous, deux anges tiennent une banderole avec l'inscription GLORIA PATRI ET FILIO ET SPVI, "Gloire à Dieu, au Fils et au Saint-Esprit".
LE SOUBASSEMENT : LE DONATEUR EN TRANSI.
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Posé sur une longue dalle de marbre blanc et intégré à la composition des quatre Apparitions, un homme nu à l'exception d'un pagne, livide, barbu, aux cheveux en désordre et aux traits émaciés est étendu, et on comprend vite qu'il s'agit d'un cadavre car sa chair est dévorée par des vers roses qui se repaissent.
On peut hésiter un moment à y voir le cadavre du Christ lui-même, mais cet homme est un "transi de vie", un trépassé, donnant à voir le terrible spectacle de la décomposition des corps après la mort pour convaincre le public — les fidèles, ses frères — de se souvenir de leur destinée : memento mori.
Plus exactement, ce cadavre prend la parole et dit, par des mots inscrits sur le phylactère qui le domine JESUS, SIS MIHI JESUS. Il s'adresse, non aux spectateurs du vitrail, mais au Christ qu'il implore : "Jésus, sois un Jésus pour moi", autrement dit ressuscite-moi comme tu as ressuscité toit-même. Il s'adresse à ce Christ qui est apparu dix fois à ses disciples en leur apportant la preuve de la réalité de sa victoire sur la mort et réclame sa participation à cette victoire, dans une imploration à la fois pleine d'espérance et pleine d'inquiétude.
Émile Mâle nous donne le commentaire suivant :
"A partir de 1400 ces tombeaux forment une suite presque continue. En 1412, le cardinal Pierre d'Ailly fut représenté dans la cathédrale de Cambrai sous l'aspect d'un mort couché dans son linceul1 ; en 1424 Jacques Germain fut sculpté sur sa pierre tombale enveloppé d'un suaire tragique ; en i434,on fit graver sur la plate-tombe qui devait recouvrir les restes de Richard de Chancey, conseiller de Bourgogne, et ceux de sa femme, deux squelettes Gaignières, Pe 1 m, f°8a.; en 1437, les enfants de Jacques Cœur élevèrent à leur mère, dans l'église Saint-Oustrille de Bourges, un monument funèbre surmonté dune figure nue de la morte' ; vers 1467, on marqua la place de la sépulture du chanoine Yver, enseveli à Notre-Dame de Paris, par le fameux bas-relief où se voit le cadavre déjà décomposé du défunt; vers 1490 ou 1500, on plaça sur le sarcophage de Jean de Beauveau, évêque d'Angers, une image décharnée qui porte la mitre et la crosse .
"Le XVIe siècle manifesta un goût plus vif encore que le XVe siècle pour ce genre de représentations. Exemples de cadavres couchés sur des tombeaux du XVI° siècle : tombeau de la comtesse de Cossé aux Jacobins d Angers (1536), Gaignières, Pe 2, f° 10; tombeau de Claude Gouffier à Saint-Maurice d'Oyron, Gaignières, Pe 7, f° 11 (après 1570).
" Les cadavres ne se montrent pas seulement alors sur les tombeaux : on en voit jusque dans les vitraux. En Normandie, les morts sont quelquefois représentés au bas des verrières que leurs veuves ont offertes en leur nom. A Saint-Vincent de Rouen, une sorte de momie parcheminée est étendue au bas d'un grand vitrail consacré aux scènes de la Résurrection; le pauvre mort implore encore, et il crie du fond de son néant : Jésus, sis mihi Jésus, « Jésus, sois pour moi Jésus », c'est-à-dire : « Jésus, tiens ta promesse, et, puisque tu as triomphé de la mort, fais que j'en triomphe à mon tour. » A Saint-Patrice de Rouen, un cadavre est couché au bas du vitrail de l'Annonciation ; à Conches, sous les pieds du Christ célébrant la Cène, on aperçoit encore un mort : il est étendu au milieu des pavots et des jonquilles, et sa veuve prie à ses côtés. Ces œuvres étranges se placent entre 1520 et 1560. Le vitrail de Saint-Patrice, qui seul est daté, porte la date de 1538."
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Je décrirai dans un prochain article la verrière de la Cène de la baie 12 de 1546 de Conches-en-Ouche (27), mais en voici deux clichés . L'inscription identifie le personnage, Louis-Duval-Martel et la date de 1546.
Le transi est pâle, maigre, son visage aux yeux clos est émacié et grimaçant, mais il n'y a ni décomposition des chairs, ni présence de vers. Les fleurs tempèrent l'aspect macabre de la présentation.
— À Saint-Patrice de Rouen, la baie 15 de l'Annonciation offerte en 1540 par Guillaume de Planes et sa femme montre au soubassement le couple de donateurs et leurs filles agenouillés à leur prie-dieu et entourant le transi, sans-doute le donateur lui-même. Pour le site patrimoine-histoire "Au soubassement, l'ordonnancement des donateurs ne rend pas l'interprétation aisée. On voit en effet, à gauche, une femme agenouillée et sa fille, au centre un transi, et à droite un homme vêtu de noir en oraison devant un prie-Dieu. Qui sont réellement les donateurs? Sont-ce le transi, la dame et sa fille? Le priant de droite est-il le deuxième mari de la dame?"
Sur l'image disponible (infra), on voit un homme barbu, aux longs cheveux blancs, dans un linceul, et au corps nullement décomposé ou en proie à la vermine, sous réserve d'un examen plus précis des détails.
— Martine Callias Bey signale encore deux autres vitraux du XVIe siècle avec ces donateurs en transi : celle de la baie 3 de la Résurrection de 1531 de l'église de Saint-Mards (76) et celle de la baie 1 de la Vie de la Vierge de 1551 en l'église Notre-Dame de Buchy (76).
— À Saint-Mards : Voir Callias Bey p. 417. Baie 3 de la Résurrection, datée de 1531, apparentée à la verrière de l'église de Lintot actuellement réemployée dans la baie 8 de Saint-Patrice de Rouen. Le donateur ecclésiastique, peut-être Laurent Brunel, est représenté agenouillé devant son transi (tête restaurée).
—À Notre-Dame de Buchy, sous la Vie de la Vierge, le transi est Jacques Arnoult [de la Meilleraye ?]. Son nom est inscrit sur le tombeau [CY GIST JACQUES ARNOULT], avec la date de 1551. Je ne vois pas de vers, le cadavre est nu mais non décomposé, le visage est trop altéré pour juger de son état. Le tombeau est entouré à gauche d'un couple de donateur en tenue de bourgeois marchands, et à droite d'un autre couple, de la noblesse puisque l'homme est en armure et accompagné de ses armes de gueules à trois merlettes, également figurées sur son tabard. Voir Callias Bey page 277
Le plus ancien transi serait celui de Jean de Lagrange, mort en 1402 et conservé à Avignon
Ajoutons qu'en l'église de Gisors (Eure), un donateur s'est fait représenter en 1526 en haut-relief dans le mur de la chapelle Saint-Clair de la nef sud de l'église ; Etienne Hamon suggère qu'il s'agit d'un sculpteur sur pierre. L'inscription en latin Quisquis ades, tu morte cades, sta, respice, plora, Sum quod eris, modicum cineris, pro me, precor, ora (*) se traduit par "Qui que tu sois, tu seras terrassé par la mort. Reste là, prends garde, pleure. Je suis ce que tu seras, un tas de cendres. Implore, prie pour moi." Et le transi de conclure, en français cette foi : "Fay maintenant ce que vouldras / Avoir fait quand tu te mourras"
On lit également IE FUS EN CE LIEV MIS / EN LAN 1526
Il s'agit cette fois d'un memento mori.
Le cadavre dont l'intimité est couvert d'un pagne sur lequel il croise les bras est très maigre, sa tête est inclinée vers la gauche, la bouche entrouverte et les yeux mi-clos. Un fémur lui sert de coussin, sous de longs cheveux bouclés. Les mains et les pieds sont décharnés, la sarcopénie sénile fait apparaître les tendons.
(*) cette inscription se retrouverait aussi sur le Tombeau de Perrinet Parpaille à Avignon.
Le même transi se retrouve en l'église Saint-Samson de Clermont-en-Beauvaisis, avec la même citation (sans la formule en français).
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Au total, on peut souligner que le transi de la verrière de Saint Vincent de Rouen (aujourd'hui à Sainte Jeanne d'Arc), témoigne d'une façon macabre de mettre en scène le donateur qui sera suivie en trois autres églises de la région durant les trente années suivantes, mais qu'il présente deux originalités, la présence de vers de décomposition d'une part, et l'invocation directe au Christ ressuscité disant son espérance de survivre à la mort. Il n'est pas un memento mori, mais un acte de foi dans la donation (cf. Cohen 1973).
— COHEN (Kathleen), 1973, Metamorphosis of a Death Symbol: The Transi Tomb in the Late Middle Ages and the late middle ages and the Renaissance, California studies in the history of art, n°15, 215 pages.
Cet ouvrage s'intéresse au tombeau à image transi, que l'auteur définit comme « un tombeau avec une représentation du défunt sous la forme d'un cadavre, représenté nu ou enveloppé dans un linceul », tombeaux particuliers à l'Europe du Nord à partir de la fin du XIVe siècle. tout au long du XVIIe siècle. Cohen remet en question la vision moderne selon laquelle l’image transi n’était qu’un simple memento mori pour les vivants. S'appuyant sur 200 exemples de tombes avec ou sans images de transi, ainsi que sur la poésie, les hymnes d'église, les prières, les sermons, les textes de cérémonie et les testaments, elle démontre qu'au cours des XVe et XVIe siècles, le sens du transi a évolué , reflétant les changements dans la vie religieuse, sociale et intellectuelle au cours de cette période.
SOURCES ET LIENS.
—BAUDRY (Paul), 1875, L'Église paroissiale de Saint-Vincent de Rouen, par Paul Baudry. Description des vitraux (1875) pages 101-102.
"La première fenêtre du côté de l'Épitre, représente la Résurrection du Rédempteur. Elle a été restaurée en 1868, au moyen de souscriptions recueillies par la Fabrique. Une photographie en donne la reproduction.
Dans l'amortissement de l'ogive, les trois personnes de la sainte Trinité sont entourées d'un chœur d'anges. Deux de ces messagers célestes déploient un phylactère chargé de la doxologie : GLORIA PATRI ET FILIO ET (SPIRIT) VI. Le saint Esprit, personnifié comme le Père et le Fils, par une forme humaine, tient entre les mains la colombe symbolique.
Au plan supérieur de la fenêtre, nous voyons :
1o La descente de la croix qui a pour témoin la sainte Vierge et saint Jean, dont les attitudes expriment la plus profonde douleur. Nous croyons que la figure de la sainte Vierge est de récente restitution.
2°) Joseph d'Arimathie et Nicodême déposant, en présence des deux mêmes précédents personnages, le corps de Jésus dans le tombeau.
3°) Jésus sortant vainqueur du tombeau, pendant que les gardes semblent être endormis ou frappés de stupéfaction.
4°) Un ange, assis sur la pierre renversée du tombeau, et annonçant aux saintes femmes l'accomplissement de la Résurrection. La robe de sainte Madeleine, dont les plis produisent un effet de miroitage parfaitement rendu, doit être une peinture récente, dans la presque totalité. Quelques caractères s'y remarquent ainsi que sur le vêtement de saint Jean, dans le premier tableau.
Au plan inférieur :
1°) Jésus apparaît à la sainte Vierge, qui est agenouillée devant un livre ouvert. L'édifice à l'intérieur duquel la scène se passe est appuyé sur des colonnes de style grec. Des draperies, aux couleurs éblouissantes, descendent d'un splendide baldaquin. Des anges remplissent les vides du tableau.
2°) Jésus, portant les plaies de la Passion, se fait voir à sainte Marie-Madeleine, qui tient le vase de parfums précieux et se prosterne. La sainte femme, richement parée, offre certains points de ressemblance avec celle qui, dans la verrière précédente, figure le même personnage.
3°) Jésus, à table, s'entretient avec les disciples d'Emmaüs et est reconnu d'eux à la fraction du pain. Les trois personnages ont chacun un bourdon de pélerin. Une arcade ouverte, ornée de deux gracieux médaillons de la Renaissance, ménage une belle perspective d'architecture.
4° L'apôtre incrédule, saint Thomas, est aux pieds du divin Sauveur, qui lui fait toucher son côté ouvert. De même que dans le troisième tableau de l'étage supérieur, et dans les premier et deuxième de l'étage inférieur, Jésus tient une croix; et, ici comme dans la Résurrection, et dans l'Apparition à sainte Madeleine, la croix est surmontée d'une oriflamme portant aussi une petite croix.
Sur les tableaux de cette verrière, le Rédempteur est couronné du nimbe commun, au lieu de l'être du nimbe crucifère, son attribut distintif.
Le donateur, rappelant celui de l'un des vitraux de l'église Saint-Patrice, est représenté mort, au bas de la fenêtre. Etendu dans un tombeau, son cadavre est déjà décomposé. Une banderole le couvre dans toute la longeur, avec l'inscription : Jesus sis mihi Jesus, qui devrait régulièrement se formuler ainsi : Jesu sis mihi Jesus."
— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel) 2001, Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum -p. 399-411, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2001 (ISBN 2-85822-314-9) ; p. 406-407.
— DAVID (Véronique), 2004, Rouen, église Sainte-Jeanne d'Arc : les verrières, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, coll. « Itinéraires du patrimoine », 16 p. (ISBN 2-910316-03-3)
— DELSALLE (L.), 1998, "A St-Vincent de Rouen, vitrail dit des Œuvres de Miséricorde", Bull. CDA, 1998, p. 119-130.
— FAVREAU (Robert), 1989, Fonctions des inscriptions au moyen âge, Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1989 32-127 pp. 203-232
— MÂLE (Emile), 1925, L'art religieux de la fin du moyen âge en France: étude sur l'iconographie du moyen âge et sur ses sources d'inspiration, A. Colin, 1925 - 512 pages, pages 432 et suiv.
— PERROT (Françoise ) 1995, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Catalogue d'exposition Musée des Beaux-arts, Rouen, 190 p.
— PERROT (Françoise ), « Les vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent remontés place du Vieux-Marché » , Bulletin des Amis des monuments rouennais, 1979, p. 71-73
— PROUIN (Norbert), PRÉAUX (André), JARDIN (Anne), 1983, Rouen place du Vieux-Marché, L'Église Jeanne-d'Arc et ses vitraux, Charles Corlet, 36 p.
— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie, entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Presses universitaires de Rennes, coll. Corpus Vitrearum .
—RIVIALE (Laurence), 2003, « Les verrières de l’église Saint-Vincent de Rouen remontées à Sainte-Jeanne d’Arc »,Congrès archéologique de France, 161e session, 2003, Rouen et Pays de Caux, Paris, Société archéologique de France, 2006, p. 262-268.
La Crucifixion de la verrière (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen (canton de Briec) au Musée départemental breton de Quimper inv.1879.2.1.
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1°)Voir sur le Musée départemental breton de Quimper :
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2°)Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle dont beaucoup sont attribuées à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :
Milieu XVIe : ancienne maîtresse-vitre de Saint-Gunthiern à Langolen, aujourd'hui au Musée Départemental Breton de Quimper. Larmes. Mêmes cartons qu'à Guenguat, Guimiliau et Gouezec.
3e quart XVIe siècle (vers 1560), Quéménéven église Saint-Ouen : Attribuable à l'atelier Le Sodec . Cartons communs (Le Bihan) avec Guengat, Gouezec et Guimiliau, ou La Martyre et La Roche-Maurice (Gatouillat). Larmes de compassion (une seule femme). Pas d'inscription ni de verres gravés.
3e quart XVIe siècle Tréguennec ; Attribuable à l'atelier Le Sodec. 5 lancettes dont une Grande Crucifixion centrale.
1556 : Saint-Herbot (Plonévez-du-Faou) par Thomas Quéméneur de Morlaix. 6 lancettes, 12 scènes de la Passion avant la Crucifixion.
L'église Saint-Gunthiern de Langolen a été reconstruite en 1844 et ne conserve plus que son porche sud du XVe siècle et sa façade ouest et du clocher du XVIe siècle.
La maîtresse-vitre du milieu du XVIe siècle a été acquise pour la somme de 100 francs par la Société archéologique du Finistère et placée dans une salle basse de l'aile sud du Musée départemental breton, où elle est visible aujourd'hui, à côté de la verrière de la chapelle Saint-Exupère de Dinéault. Sa mise en dépôt coincide sans doute avec l'installation dans l'église de créations du Manceau Hucher en 1869. Le Musée la décrit ainsi :
"Présente trois lancettes en plein cintre. 11 panneaux de la maîtresse-vitre représentent la Crucifixion, le 12ème en bas à gauche, interpolé, provient d'une Adoration des mages (buste de Melchior et vêtements des autres mages). Composition sur fond rouge, nombreux personnages.
Sur le panneau de gauche le bon larron, le bourreau et deux cavaliers en armure (heaume, bouclier).
Sur le panneau central, le Christ sur la croix et Sainte Marie-Madeleine à ses pieds. Un homme à cheval, sur la gauche, pointe sa lance en direction du Christ. D'autres personnages sont figurés à pied.
Sur le panneau de droite, le mauvais larron, un homme à cheval, d'autres personnages munis de lances. Deux hommes montent ou descendent de l'échelle qui a servit à attacher le mauvais larron sur la croix."
Une photographie accompagne cette description.
Il me restait à la décrire en détail dans une démarche de comparaison stylistique.
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Elle présente trois lancettes de plein cintre de 2,40 m de haut et 1,80 m de large. Nous ignorons si c'était la disposition d'origine, et, surtout, si cette verrière, qui devait occuper la position de maîtresse-vitre, disposait d'un tympan ou si ce dernier était armorié ; F. Gatouillat précise néanmoins que la verrière est "amputée de ses panneaux inférieurs et de son tympan". Un couple de donateur était-il représenté? Nous ignorons aussi la nature des autres verrières de l'église, hormis le faible indice d'une Adoration des Mages, venant peut-être du registre inférieur. Enfin la date de la verrière est estimée, mais non fondée sur une inscription.
La verrière a été restaurée avec suppression des plombs de casse par collage par le maître-verrer quimpérois Jean-Pierre Le Bihan.
Cette verrière relève a priori de l'atelier Le Sodec de Quimper, dont nous relevons certaines caractéristiques comme les lettres inscrites sur les galons des vêtements (mais par une seule occurrence), les chevaux hilares à harnachements luxueux, la posture de Marie-Madeleine et les larmes de son visage, le verre rouge gravé du nimbe du Christ, des motifs de damas.
Il est nécessaire de procéder à des rapprochements avec les autres Crucifixions finistériennes.
En effet, parmi les Passions finistériennes il faut distinguer les verrières comportant des scènes de la Vie du Christ dont la Passion, ou bien des scènes successives de la Passion, ou bien de Grandes Crucifixions occupant toute la vitre. La maîtresse-vitre de Langolen appartient à ces dernières.
On la comparera donc avec intérêt cette verrière de Langolen aux verrières de La Roche-Maurice, La Martyre et Tourc'h — et Saint-Mathieu de Quimper qui en est la copie—, du Juch, de Ploudiry et de Labadan mais surtout avec celles de Guengat, Guimiliau, Gouezec, ou Quéménéven. Tous ces vitraux sont attribués à l'atelier Le Sodec de Quimper. Ils ont, outre cette composition, et leur proximité géographique, des points communs temporels (entre 1535 et 1560 environ) et bien-sûr stylistiques.
On notera en particulier la fréquence des inscriptions de lettres, souvent dépourvues de sens, sur les galons des vêtements et les harnachements, et d'autre part, la représentation de larmes sous les yeux de Marie, Jean et Marie-Madeleine au pied du calvaire.
Un autre élément qui peut permettre des rapprochements iconographique est la scène, en troisième lancette, d'une déposition du mauvais larron : on la retrouve à Guimiliau (1550), à Guengat (1550) et à Gouezec (ca 1550-1575).
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Le corpus des verrières de la Passion et de la Crucifixion du Finistère au XVIe siècle.
En rouge, les verrières à comparer à celle de Langolen.
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La verrière en entier.
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Inv. 1879.2.1« Musée départemental breton de Quimper »
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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PREMIÈRE LANCETTE, À GAUCHE : LE BON LARRON ; LES SOLDATS ; JEAN ET LA VIERGE.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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1°) Le bon larron sur le gibet, son âme emportée par un ange.
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Dans les autres verrières du corpus, le Bon Larron tourne sa tête vers le bas, sauf au Juch où elle est ainsi orientée vers le haut.
Les chausses à crevés (propre à la Renaissance) , ou la jambe gauche détachée et fléchie, sont des détails qui se retroiuvent sur toutes les verrières de l'atelier, mais aussi sur la grande majorité des calvaires paroissiaux érigés à la même époque.
Le motif fleuri formé par quatre pétales jaunes autour d'un rond sur la tunique de l'ange est propre à l'atelier Le Sodec.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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2°) Quatre soldats et cavaliers armés de lances.
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L'atelier excelle dans la représentation des chevaux vu de trois-quart, en fuite, ou de face, et le détail de leur harnachement à glands ou de leurs mors est très soigné.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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3°) La Vierge et Jean.
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Ces deux visages ont été restitués par un restaurateur pour former une continuité avec le panneau sous-jacent.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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4°) le roi-mage Melchior, réemploi d'une Adoration des Mages.
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On voit Melchior, le roi le plus âgé, prosterné [devant la Vierge et l'Enfant], tête nue, tandis que derrière lui les deux autres rois, dont il manque la tête, portent leurs présents, l'encens et la myrrhe.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen au Musée départemental breton de Quimper. Photo lavieb-aile 2024.
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DEUXIÈME LANCETTE, AU CENTRE : LE CHRIST EN CROIX, LONGIN, MARIE-MADELEINE, LES SOLDATS SE DISPUTANT LA TUNIQUE.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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1°) Le Christ en croix.
On remarque le nimbe en verre rouge gravé, les rayons étant peints au jaune d'argent.
Le buste du Christ est, selon Gatouillat et Hérold, une pièce du début du XVIe siècle, placée en réemploi. L'attention portée à l'écoulement du sang, le long des bras et du torse, est à souligner.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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2°)Le cavalier Longin transperçant le flanc droit de Jésus de sa lance. Le Bon Centenier levant les yeux vers le Christ.
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La tête de Longin a été restaurée.
Les deux cavaliers forment, sur un croisillon de nombreux calvaires du Finistère, un couple emblématique.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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3°) Marie-Madeleine en larmes au pied de la croix.
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La sainte étreint de ses jambes et de ses bras le bois de la Croix et tourne sin visage vers le sang qui s'écoule des plaies des pieds de Jésus. Son grand manteau rouge qui ne couvre plus ses épaules mais retombe derrière ses reins sur le sol est certes un détail, mais il est si caractéristique sur les calvaires du Finistère qu'il lui devient un véritable attribut, immédiatement identifiable.
De même, toutes les verrières du groupe de comparaison reprennent ses autres caractéristiques vestimentaires : sa coiffe perlée, ses cheveux blonds, sa chemise fine à col frisé, ses manches ouvragées et, surtout, son visage en larmes.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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Les larmes que l'atelier Le Sodec s'attache à tracer sous les yeux de Marie-Madeleine sur toutes les verrières où ce détail n'a pas été supprimé par les restaurateurs sont faites de trois à quatre lignes blanches (enlevées sur le fond de peinture) qui se terminent en ampoules sur la joue. Aussi passent-elles facilement inaperçues à un examen à distance.
Elles sont également présentes dans les yeux des personnages réunis à droite de la Croix (Jean, Marie et les Saintes Femmes), mais à Langolen, ces visages n'ont pas été conservés.
Elles témoignent d'une dévotion aux larmes versées devant le sang versé et les souffrances endurées par le Christ lors de sa Passion, propre au XVe et XVIe siècle en Bretagne, et on les retrouve sur les visages des calvaires du Finistère.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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4°) Trois soldats se disputant la tunique sans couture du Christ.
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La comparaison avec les scènes homologues de Guengat, de Guimiliau, de Gouezec ou de Quéménéven montre que c'est le même carton qui a été repris, mais par un autre peintre du même atelier, ou sur un panneau considérablement restauré. Certains détails s'y retrouvent de façon troublante, comme, à Gouezec la ligne festonnée de l'encolure de la chemise du soldat en haut à droite, tracée en soustraction ("enlevé" par le manche du pinceau) sur le fond bistre de la carnation, ou bien la cuirasse du même homme dessinée par deux volutes, ou bien ses manches bouffantes ornées de petits ronds.
Si nous nous reportons aux verrières de Guengat ou de Gouezec, nous découvrons la partie inférieure de la scène, ici perdue : un soldat, retenu par sa chevelure, est à genoux et tente de dégainer son glaive.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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TROISIÈME LANCETTE, À DROITE : LE MAUVAIS LARRON ; DÉPOSITION ; UN CAVALIER.
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Cette troisième lancette est la plus mystérieuse et la plus singulière en raison de l'existence d'une double représentation de la confrontation du Mauvais Larron au diable, soit sur le gibet, soit lors de sa descente de ce gibet. On craindrait de ne pas l'interpréter correctement, si on ne retrouvait pas ailleurs cette déposition du Larron à Guimiliau (1550), à Guengat (1550) et à Gouezec (ca 1550-1575).
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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1°) Le mauvais larron sur le gibet, son âme emportée par un diable.
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Cette scène là est classique : le Mauvais Larron refuse d'être sauvé par le Christ, et détourne son regard de la Croix. Il est alors damné, et un diable emporte son âme en Enfer, en parallèle avec le panneau où un ange emportaitb aux Cieux celle du Bon Larron.
Ce diable violet est simiesque, velu, barbu, et doté d'une queue.
Le peintre fait très largement appel à la technique de l'enlevé de peinture, pour les nuages, les cheveux de l'âme, tous les détails du diable, les cheveux, la barbe et les éclats de lumière du visage du larron.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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2°) Le mauvais larron est descendu du gibet, son âme emportée par un diable.
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On pourrait d'abord croire que le personnage en rouge n'est pas un larron, — comme semble le penser le rédacteur de la notice du musée—, mais la corde blanche qui le ceinture, d'une part, la jambe droite pliée à angle droit (et donc brisée) d'autre part, et enfin le diable guettant son âme à sa droite, prouve qu'il s'agit bien de la déposition du Mauvais Larron de son gibet, l'artiste peintre plaçant deux épisodes successifs sur la même lancette. Cette Descente de gibet reprend les codes des Descentes de Croix.
Une enquête rapide ne m'a pas permis de trouver cette Descente de gibet dans les enluminures et peintures du XVIe siècle, hormis, précisément, sur les verrières de l'atelier Le Sodec, à Guimiliau (1550), à Guengat (1550) et à Gouezec (ca 1550-1575). Mais dans ces trois derniers cas, la scène remplace celle du Mauvais Larron au gibet. D'autre part, dans ces trois cas, le larron est habillé d'une tunique blanche, et son visage se détourne vers sa gauche. Ici, à Langolen, le visage a été restauré. Deux lancettes (Mauvais Larron au gibet, et Descente de gibet du Mauvais Larron) ont-elles été habilement réassemblées en une seule ?
Mais dans ces quatre cas, c'est bien un même carton qui semble avoir été repris, même si, à Guimiliau, le diable a disparu.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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Un autre détail est troublant. D'une façon très singulière (est-ce un unicum ?), les yeux du diable (cornu et ailé) ont été percés dans le verre. C'est par ailleurs un verre bleu qui, pour le faire apparaître vert, a été soit peint au jaune d'argent, soit gravé, c'est à dire doublé d'un verre blanc, et meulé de son verre bleu pour l'éclaircir et le peindre en jaune. Les yeux résultent-ils d'un meulage à la molette (outil servant à graver le verre)?
L'effet obtenu est saisissant.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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3°) Un cavalier ( membre du Sanhédrin ?) et des soldats en armure.
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Ce cavalier est retrouvé dans toutes les verrières du corpus comparatifs, et il est facilement reconnaisable à sa coiffure à oreillettes, nouée d'un ruban à son sommet. Il lève la tête vers le Christ en croix. C'est toujours lui, ou sa monture, qui reçoivent les inscriptions à type de lettres souvent dépourvues de sens. Ici, nous ne lisons que VERE.EE sur le galon du camail.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1918, Notice sur Langolen, BDHA Quimper
— BARRIÉ (Roger), 1978, Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle, Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper ; sous la direction d' André Mussat / [S.l.] : [s.n.] , Thèse, Université de Haute Bretagne, Rennes.
— BARRIÉ (Roger), 1977, "Un atelier de peinture sur verre en Cornouaille vers 1535", in Le vitrail breton. Arts de l'Ouest, numéro 3 (Centre de recherches sur les arts anciens et modernes de l'Ouest de la France, U. E. R. des arts, Université de Haute-Bretagne, Rennes)
— BARRIÉ (Roger), 1976 "Les verres gravés et l'art du vitrail au XVIe siècle en Bretagne occidentale". In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 83, numéro 1, 1976. pp. 35-44.
—DEBIDOUR (Victor-Henri )1981 La sculpture bretonne- Rennes, éd. Ouest-France, 1981 (rééd. en 1953) p. 69
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, 365 p. (Corpus vitrearum France, série complémentaire. Recensement des vitraux anciens de la France, VII) page 186.
— LE STUM (Philippe), Nolwenn RANNOU, Michel LE GOFFIC, Patrick GALLIOU, André CARIOU, Christiane PRIGENT. 2007, "Le Musée départemental breton - Quimper" - Quimper : éd. Musée départemental breton, 2007.- 96 p. p.38, repr.
Le monument funéraire ou enfeu (calcaire polychrome et marbre, vers 1508-1509) du duc René II de Lorraine dans la chapelle des Cordeliers de Nancy : la Première Renaissance en Lorraine.
Au milieu du mur sud de la nef de la chapelle des Cordeliers de Nancy (et non dans les chapelles latérales du fond de nef aménagées en enfeu), construite contre le palais ducal par René II en 1487 pour devenir la nécropole des ducs de Lorraine, le visiteur découvre le monument funéraire du fondateur, René II duc de Lorraine.
Or, ce monument témoigne de l'influence très précoce, dès 1509, de l'art italien introduit par Charles d'Amboise pour son château de Gaillon (1502-1510) et repris largement sur les pilastres du tombeau de l'évêque Thomas James en sa cathédrale de Dol-de-Bretagne en 1507, et plus discrétement sur ceux du tombeau de François II et Marguerite de Foix à Nantes en 1502-1507. Ce sont ces relations stylistiques entre les trois monuments qui sont passionnantes à découvrir : on les découvre aussi à la Porterie du Palais ducal de Nancy construite en 1502-1512. Dès le tout début du XVIe siècle, l'art italien en moins de dix ans s'affirme en Normandie, en Bretagne et en Lorraine, tout comme à Blois en Val-de-Loire dont la cour royale doit être le foyer.
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La première Renaissance lorraine.
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"D'une manière générale l'Europe se pacifie considérablement après la bataille de Nancy [gagnée par René II de Lorraine] en 1477, qui éradique la possibilité d'émergence d'un état puissant entre royaume de France et Saint-Empire romain germanique. Cette période de paix est favorable à la création artistique, c'est à ce moment qu'apparait une première Renaissance Lorraine (palais ducal de Nancy) dont l'âge d'or sera le règne du duc Charles III de Lorraine [duc de 1545 à 1608]. La Renaissance dans le duché de Lorraine prendra fin avec la guerre de Trente Ans (1618)" Wikipedia
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Le monument funéraire de René II fut commandité après sa mort en 1508 par sa veuve Philippe de Gueldre, et sans doute par son fils Antoine alors âgé de 19 ans, qui hérite alors du duché.
La Renaissance débute en Italie puis se propage peu à peu en France après les premières guerres d'Italie par Charles VIII (1494-1497), puis en Lorraine suite à différents évènements dont le plus précoce est l’arrivée d’artistes italiens invités par le roi de France puis en Lorraine par les ducs angevins René 1er et René II : Antonio de Bergame, Citoni, Orphéo Galéani, Stabili…
Antoine le Bon (duc de 1508-1544) passa son enfance au palais ducal de Nancy puis fut envoyé parfaire son éducation à la Cour de France à la cour de Louis XII à Blois avec ses frères Claude, Jean et François. Il se lie d’amitié avec le duc d’Angoulême, futur François Ier, qui n’a que cinq ans de moins que lui. Il se alors familiarise avec la première renaissance ligérienne, car à Blois le nouveau décor à l’antique apparaît vers 1500, sur l’aile Louis XII du château, et à l’hôtel d’Alluye de Blois, et il peut découvrir l’encadrement des fenêtres par des pilastres, inauguré au château de Gaillon de 1501 à 1510 pour le cardinal Georges d'Amboise archevêque de Rouen et principal conseiller de Louis XII : ces pilastres déploient en bas-relief à candélabres toutes les inventions de l'art à l'antique, ou à la grotesque. Ces pilastres et ces corniches ornés de Gaillon et de Blois seront repris à partir de 1510-1515 dans les châteaux de Bury (détruit), Chenonceau, Azay-le-Rideau, Blois et bien sûr Chambord, entrepris en 1519, mais aussi au palais ducal de Nancy notamment sur sa célèbre porterie (1502-1512) inspirée de la porte Louis XII du château de Blois.
Si Antoine a manifesté tout au long de son règne (1508-1544) un grand intérêt pour l’art péninsulaire, il n’a pas fait venir d’Italiens à sa cour, à la différence de son frère Jean, le cardinal de Lorraine. "Il semble avoir préféré envoyer ses propres artistes étudier dans le duché de Milan les grandes réalisations qu’il avait lui-même pu admirer lors des campagnes d’Italie." (R. Tassin)
"Le 10 décembre 1508, le duc René II de Lorraine s’éteignit après avoir pris froid lors d’une chasse au château de Fains, non loin de Bar-le-Duc (Meuse). Après avoir d’abord songé, dans un premier testament de 1486, à être inhumé à la collégiale Saint-Georges auprès de ses prédécesseurs, le défunt formula le souhait, dans un second testament daté de 1506, de reposer dans l’église des Cordeliers qu’il avait fondée et construite. Le souhait de René II était que lui soit dédié un monument très simple au côté droit de l’autel. Accompagné d’une épitaphe, celui-ci devait prendre la forme d’un monument en bronze, gravée de son effigie, aux côtés de laquelle il serait possible de s’agenouiller pour réciter des prières tout en y reposant les bras. Le monument voulu par le duc fut réalisé par un fondeur dénommé « maître Jacques » et prit la forme d’un tapis en trompe-l’œil sur lequel le défunt était représenté couronné et tenant son sceptre. Sur les côtés, apparaissaient également à plusieurs reprises deux anges soutenant les armes de Lorraine ainsi qu’une inscription mentionnant : « Cy-gist tres hault, tres puissant et tres chevaleureux Prince, René de Lorraine, Roy de Jhrlm, de Sicile et d’Arragon, leq[ue]l eagié de lxij ans trespassa le vij de décembre l’an 1508 ».
Néanmoins, la veuve de René II, la duchesse Philippe de Gueldre, ne respecta pas entièrement les dernières volontés de son défunt mari. Si la plaque et l’épitaphe furent bien réalisées, un spectaculaire monument funéraire, dont le concepteur demeure à ce jour inconnu, leur fut adjoint en 1508-1509 comme le montre l’estampe de Sébastien Antoine de 1728 où on distingue la plaque de bronze entourée d’une structure métallique destinée à le protéger. Au sein d’un enfeu creusé dans le mur droit de la nef, deux statues en marbre blanc, peut-être dues au sculpteur Mansuy Gauvain, auteur de la statue équestre primitive du duc Antoine sur la porterie du palais, furent installées. La première représentait le duc René II, revêtu du manteau ducal et d’un camail d’hermine, à genoux devant un prie-Dieu recouvert d’un tissu brodé armorié sur lequel étaient posés la couronne ducale et un livre. Devant lui, debout sur un piédestal, était figurée la Vierge Marie présentant l’Enfant Jésus à la dévotion du duc." (P.H. Pénet)
C'est donc à la découverte de ces bas-reliefs à la grotesque que je vous convie, à la recherche sur les pilastres ou les chapiteaux des candélabres à animaux fantastiques et feuillagés, des médaillons, des coquilles, des bucranes, des arabesques et rinceaux, des dauphins, des putti jouant à la balançoire dans des guirlandes , etc.
Mais je ne négligerai pas, bien qu'elle soit mieux connue, la description des panneaux héraldiques.
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Attribution.
La polychromie d’origine était due entre autre au peintre Pierrequin Fauterel et à l’enlumineur François Bourcier (P.-H. Pénet), également actif au palais ducal et qui avait été envoyé à Paris aux frais du prince pour y apprendre son art.
La sculpture est parfois attribué à Mansuy Gauvain, auteur de la statue équestre de la porterie du palais ducal.
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DESCRIPTION.
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Je diviserai le monument pariétal en trois registres : en bas, l'enfeu proprement dit, qui contenait jadis les statues du duc devant la Vierge, et qui est par son décor un véritable manifeste de la Première Renaissance en Lorraine. Au dessus, les six niches consacrées à l'Annonciation, et aux saints. Au sommet, les armoiries des royaumes de Hongrie, Sicile Jérusalem et Aragon, coiffées par trois acrotères avec Dieu le Père au centre.
"Au XVIe siècle, le discours de ce spectaculaire monument se prolongeait sur le vitrail qui le surmontait. Celui-ci représentait au sommet une rose ornée dans son centre des armes pleines de Lorraine entourées de celles des différents royaumes ou duchés les constituant. Dans les quatre lancettes, on pouvait distinguer saint Jean-Baptiste apportant une guérison miraculeuse au couple ducal couché dans un lit, puis René II en prière, identique au priant de l’enfeu, et, à l’extrême droite, un personnage armé de toutes pièces portant les armes de Lorraine" (P.-H. Pénet)
Le matériel héraldique se retrouve sur les trois registres.
Je débuterai ma description par le haut, pour consacrer le temps et la place nécessaire au décor à la grotesque des pilastres de l'enfeu.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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I. LE REGISTRE SUPÉRIEUR : LES ACROTÈRES, ET LA RANGÉE HÉRALDIQUE
Le couronnement est composé de deux parties superposées : en haut , trois acrotères, et plus bas un large linteau est orné de huit anges vêtus de dalmatiques tenant les écus des quatre royaumes de Hongrie, Sicile, Jérusalem et Aragon, prétentions territoriales des ducs de Lorraine héritées de la famille d’Anjou.
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IA. LES TROIS ACROTÈRES.
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La partie supérieure est constituée de trois acrotères de formes insolites composés, sur les côtés, de motifs de coquilles. Au dessus de chacun d’eux, se tiennent des putti tenant des phylactères.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'acrotère central : Dieu le Père entre deux anges musiciens.
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Dans une niche où il siège sur une cathèdre, Dieu le Père bénit da la main droite et tient le globe crucigère. Il est coiffé d'une couronne impériale, et porte une chape damassée et dorée sur une robe blanche à sautoirs.
L'ange à sa droite joue du luth : on ne voit ni plectre, ni archet.
Son voisin joue d'un petit orgue portatif dont il actionne le soufflet de la main gauche.
Le panneau est entouré d'un arc en fer à cheval s'enroulant en volutes aux extrémités, arc orné de six chérubins et de deux putti ailés tenant un parchemin.
Il est surmonté de l’inscription « Le juste s’élèvera jusqu'à moi ». Il ne s'agit pas d'une citation biblique.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'acrotère de gauche.
Il est centré par une coquille découpée en pétales de marguerites, bleus et or.
Au centre, deux griffons (oiseaux au bec crochu et au corps feuillagé) croquent des raisins dans une coupe dressée en candélabre. C'est le premier exemple d'un ornement à la grotesque témoignant de l'influence des artistes italiens après leur découverte de la Domus aurea romaine vers 1480.
Sur la banderole en fer à cheval sont sculptés, en or sur fond rouge, des volutes réunies en miroir sur des pistils.
Deux anges assis au sommet tenaient un phylactère aujourd'hui brisé.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'acrotère de droite.
Il est semblable au précédent, mais le motif central est une tête de lion. Le fer à cheval, où nous retrouvons les rinceaux dorés, s'achève par de charmantes têtes féminines encapuchonnées. Les anges grimpés à califourchons sur l'acrotère sont presque intacts (tête de l'ange de droite brisée), ils tiennent un phylactère où nous lisons Iesus---maria.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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I B. LES ANGES PRÉSENTANT LES ARMES DES ROYAUMES DE HONGRIE, SICILE, JÉRUSALEM, ET ARAGON .
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"Le large linteau est orné de huit anges vêtus de dalmatiques tenant les écus des quatre royaumes de Hongrie, Sicile, Jérusalem et Aragon, prétentions territoriales des ducs de Lorraine héritées de la famille d’Anjou. Ils faisaient écho à ceux qui étaient initialement gravés sur la plaque de bronze à l’effigie du duc tandis que, dans l’enfeu, les écus des duchés d’Anjou, de Lorraine et de Bar leur répondent toujours." (P.H. Pénet)
Ces revendications sont à la base des guerres d'Italie :
"Le royaume de Naples, jusqu'en 1442, est aux mains de la maison d'Anjou, maison cadette des Capétiens. À cette date, l'Aragon avec le roi Alphonse V en prend le contrôle. La maison d'Anjou essaie alors sans relâche d'en reprendre possession. Son dernier représentant, René d'Anjou meurt en 1480. Ses droits sur le royaume de Naples passèrent alors au royaume de France, où règne Louis XI, puis, à partir de 1483, Charles VIII.
Charles VIII doit faire d'importantes recherches dans les archives pour prouver le bien-fondé de ses prétentions, d'autant plus que la maison d'Anjou a perdu ses possessions napolitaines en 1442. Ce legs comprend aussi le royaume de Jérusalem, qui est occupé par les Mamelouks jusqu'en 1517. " (Wikipedia)
La fille de René Ier d'Anjou, Yolande d'Anjou (1428-1483), duchesse de Lorraine en 1473 et comtesse de Vaudémont, abdiqua en faveur de René II René II, duc de lorraine 1473 - 1508, Duc de Bar, comte de Vaudémont et d'Aumale, baron d'Elbeuf et de Mayenne, et sire de Joinville, qui réunit sous une même autorité les duchés de Lorraine et de Bar.
Les armes de ces quatre royaumes sont reprises dans les armoiries de René d'Anjou, de Yolande d'Anjou et de René II.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Le chapiteau : deux masques de profil— couple de souverains couronnés ?— sont figurés sous un chérubin et un couple d'aigles, dans un entrecroisement de deux plantes, peut-être des cardères.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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. Deux anges présentant les armes couronnées du royaume de Hongrie fascé de gueules et d'argent de huit pièces (l'argent a noirci).
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Les anges, très naturels, portent un diadème d'or, une dalmatique dorée à revers rouge et une tunique blanche à amict.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Deux anges présentant les armes couronnées de Sicile [de Naples] d'azur semé de fleurs de lys au lambel de gueules en chef.
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Les anges, portent au dessus de leur dalmatique une chape dorée, frangée, à fermail, à revers vert ou rouge .
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On retrouve ces anges sur le vitrail datant vers 1510 de Jean de Lorraine, fils de René II et évêque de Metz conservé au musée lorrain : leur dalmatique pourrait être inspirée des gravures germaniques
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Au milieu, vase à feuilles d'acanthes et masque léonin, flanqué de deux aigles. Deux autres aigles viennent picorer dans des cornes d'abondance.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Deux anges présentant les armes couronnées du royaume de Jérusalem, d'argent à la croix potencée d'or cantonnée de quatre croisettes du même.
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Les anges sont vêtus d'une tunique gris clair damassée de motifs dorés et serrée par un cordon.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Deux anges présentant les armes, couronnées, du royaume d'Aragon d'or à quatre pals de gueules.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Chapiteau de droite.
En partie haute, en or sur fond bleu : deux dragons enlacés par le cou, aux corps feuillagés.
Partie principale, en or sur fond rouge : quatre "dauphins" (poissons) feuillagés et aux queues liées de part et d'autre d'une guirlande ; deux dauphins tiennent dans leur gueule un collier de perles ou grelots (ou d'un chapelet à neuf grains).
C'est là encore un exemple du vocabulaire à la grotesque d'origine italienne.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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II. LE REGISTRE MÉDIAN : LES SIX NICHES : QUATRE SAINTS AUTOUR DE L'ANNONCIATION.
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"Ce registre comprend six niches à coquilles où sont sculptées en haut relief six figures de saints identifiés par des phylactères. On peut d’abord y reconnaître, terrassant le dragon, saint Georges, patron des chevaliers, sous le vocable duquel était placé la collégiale jouxtant le palais, puis saint Nicolas, patron de la Lorraine, en l’honneur de qui René II avait fait reconstruire l’église de Port (actuelle basilique de Saint-Nicolas-de-Port). Ce dernier est représenté redonnant la vie aux trois enfants placés dans un baquet.
Au centre sont figurés l’archange Gabriel tenant un phylactère où sont écrits les mots « Ave gracia plena » "Je vous salue, [Marie], pleine de grâces" et la Vierge portant un livre et une croix de Jérusalem autour du cou, rappelant ainsi la dévotion particulière du duc envers l’Annonciation.
À ses pieds, un phylactère indique en abrégé la réponse de Marie : mihy scdm verbo tuum (mihy secundum verbo tuum), "Qu’il me soit fait selon ta parole", complétée, entre les deux personnages, d’un lys, symbole de pureté de la Mère de Dieu, sortant d’un vase doré et torsadé accompagné de l’inscription sit nomen domini , "Que le nom du Seigneur [soit béni]".
Enfin, à droite, apparaissent saint Jérôme, accompagné de son fidèle lion et, sans doute, de sa traduction de la Bible, ainsi que saint François d’Assise montrant ses stigmates. Ces deux dernières figures sont à mettre en rapport avec le précepteur du duc, Didier Birstorff, qui traduisit les écrits de saint Jérôme, et avec la fondation par René II du couvent des Cordeliers, une des branches de la famille franciscaine.
Au dessus des deux premiers pilastres, des phylactères portent deux inscriptions issues du Magnificat : fecit potentiam in brachio suo "Il a déployé la puissance de son bras", une des devises ducales, et « ecce ancilla Domini fiat "Voici la servante du Seigneur, qu’il m’advienne [selon ta parole]". Au dessus de celui de droite, on déchiffre, en capitales : « IE SUIS RENE RO[Y] DE IHERUSALEM »." (P.-H. Pénet)
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Le sommet du pilastre de gauche et son inscription fecit potentiam in brachio suo
Cette devise du duc, qu'il accompagne parfois de UNE POUR TOUTES est extrait du Magnificat ; elle s'accompagne parfois du dextrochère ou bras armé d'une épée et sortant d'un nuage. On la trouvait aussi gravée sur l'épée de François Ier. Symbole de la puissance divine, elle désigne également la puissance du duc et fait écho à la victoire de René II contre Charles le Téméraire à la bataille de Nancy en 1477.
Sur la statue équestre du duc Antoine au centre de la porterie du Palais ducal, le duc lève son bras armé de l'épée comme pour revendiquer cette devise. D'ailleurs, le dextrochère figure sur la housse du cheval.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Saint Georges terrassant le dragon.
Venant juste après cette devise, nous ne pouvons nous empecher de remarquer le bras armé du saint.
La chapelle des Cordeliers a été créée pour accueillir les tombeaux des ducs de Lorraine jadis inhumés en la collégiale Saint-Georges de Nancy.
De chaque côté, une frise d'alerons sur fond noir ou rouge renvoie aux armoiries de Lorraine.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Les putti jouant avec des rubans dans le pourtour de la coquille, et autres anges ou masques.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Saint Nicolas en évêque de Myre ressuscitant les trois enfants du saloir. Main droite brisée.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'ange Gabriel en dalmatique frangée tenant sur une verge fleurie la salutation de l'Annonciation Ave Maria [gratia] plena.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'inscription Ecce ancella domini fiat.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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La Vierge de l'Annonciation tenant ouvert le livre des Écritures.
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Elle porte nautour du cou une chaine en or dont l'extrémité en forme de croix est tenue entre majeur et annulaire.
N.b : la reliure du livre se double d'une étoffe formant un sac de transport : c'est le "livre ceinture".
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Saint Jérôme, en cardinal, tenant ouvert la Vulgate, sa traduction latine de la Bible, que le lion touche de sa patte.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Saint François montrant ses stigmates.
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Le saint a toute sa place ici, dans la chapelle des Cordeliers, desservie par les franciscains.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'inscription IE SUIS RENE RO[Y] DE IHERUSALEM.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Pilastre de gauche.
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"Les grotesques sont une catégorie de peinture libre et cocasse inventée dans l'Antiquité pour orner des surfaces murales où seules des formesen suspension dans l'air pouvaient trouver place. Les artistes y représentaient des difformités monstrueuses créées du caprice de la nature ou de la fantaisie extravagante d'artiste : ils inventaient ces formes en dehors de toute règle, suspendaient à un fil très fin un poids qu'il ne pouvait supporter, transformaient les pattes d'un cheval en feuillage, les jambes d'un homme en pattes de grue et peignaient ainsi une foule d'espiègleries et d'extravagances. Celui qui avait l'imagination la plus folle passait pour le plus doué. " Giorgio Vasari, "Introduction technique", De la peinture (c. 1550), chapitre XIV
Vasari nous propose ici une définition des grottesques directement inspirée du texte de Vitruve (De Architectura) écrit seize siècles plus tôt.
À la fin du 15e siècle, la redécouverte de décors antiques dans les sous-sols de la Domus Aurea, palais de l’empereur Néron à Rome enfoui sous les thermes de Trajan et confondu avec des grottes, va permettre la renaissance d’un art appelé « grottesque » puis grotesque le chargeant ainsi du sens de comique, ridicule. Outre le principe de symétrie autour d'une ligne médiane verticale, dans des rinceaux habités, de longues tiges d'acanthe ou de vigne à l'enroulement infini où fourmille toute une faune à échelle variable et des superpositions de vasques et de coupes, l'une de ses caractéristiques principales est selon André Chastel, le jeu et la combinaison de formes hybrides mi-végétales, mi-animales ou mi-humaines qui surgissent dans un foisonnement vivant, dans un jeu de métamorphoses. André Chastel souligne aussi la négation de l'espace, (il s'agit d'un monde sans poids, sans épaisseur articulé selon un mélange de rigueur et d'inconsistance ; une architecture de la suspension et du vertige), et le démon du rire fondé sur le jeu, comme dans les bizarreries, drôleries ou monstres largement présents dans les manuscrits de l'Europe du Nord du XIVe siècle.Ce sont des formes de la pure imagination et de fantaisie .
Précision : un candélabre est dans l'art de la Renaissance, un motif fait de coupes, de vases superposés associés à des arabesques et décorant des piédroits ou pilastres ou toute surface haute et étroite.
Des gravures de candélabre circulaient dès le début du XVIe siècle, comme celles de Giovanni Pietro Birago , gravées vers 1505-1507 par Giovanni Antonio da Brescia :
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De même, les gravures de Nicoletto da Modena , postérieures à 1507, pouvaient être disponibles aux nancéens : elles restituent de nombreux détails qui se trouvent dans les décors du Palazzo dei Pio à Carpi, sur la voûte (1509) de la cathédrale d'Albi et dans le château de Gaillon. Manuela Rossi émet l'hypothèse que les artistes qui ont peint les fresques du Palazzo dei Pio aient eu pour modèle les estampes de Nicoletto, comme le laissent penser certains détails de grotesques et la proximité géographique des chantiers.
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Mais ce décor était aussi présent dans les Livres d'heures imprimés à partir de 1488, par exemple par Vérard, Simon Vostre, Philippe Pégouchet ou par les Hardouyn.
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Nous trouvons sur ce candélabre, de haut en bas :
couple de dragons de part et d'autre d'un arbre sur une coupe
couple d'oiseaux picorant des feuilles sur une coupe
deux dauphins aux queues feuillagées liées autour d'un médaillon de profil (homme aux traits rustres coiffé d'un bonnet)
un bucrane ou plutôt un massacre de cerf
deux oiseaux picorant des plantes aux tiges liées (chardon?)
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
III. LE REGISTRE INFÉRIEUR.
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Deux pilastres et un entablement délimitent un espace rectangulaire aujourd'hui vide et dans lequel on a placé une plaque de marbre portant l'épitaphe. Les statues du duc agenouillé à son prie-dieu devant la Vierge à l'Enfant, détruites à la Révolution, avaient été remplacées par des copies en plâtre du XIXe siècle qui ont été supprimées.
"Détruites lors de la Révolution, de même que la plaque à l’effigie ducale envoyée à la fonte, les sculptures du duc et de la Vierge à l’enfant furent refaites en plâtre par François Labroise, en 1818, qui rajouta sur le prie-Dieu une épée, un sceptre et un second livre. Le sculpteur restaura par ailleurs, outre la polychromie, le blason central et les trois écus présents à l’intérieur de l’enfeu : sur la gravure de Sébastien Antoine, les armes de Lorraine et de Bar sont en effet inversées et on distingue des couronnes ducales qui ont aujourd’hui disparu. Refaite en 1738, l’épitaphe murale fut également détruite à la Révolution puis rétablie en 1818 par le marbrier Miller-Thiry mais avec des dimensions moins larges, ce qui permit de rajouter un rideau peint en trompe-l’œil derrière le priant du duc. Jugés très maladroits par le conservateur du Musée lorrain Pierre Marot, les statues en plâtres de Labroise furent finalement retirés vers 1936." (P.-H. Pénet)
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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1. La plaque de marbre et l'épitaphe copie du marbrier Miller-Thiry en 1818.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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2. La partie haute de l'enfeu est oblique aménageant ainsi deux registres horizontaux richement ornés d'entrelacs et de grotesques ; trois blasons sont intégrés dans le rang inférieur.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Du côté gauche :
entrelacs et feuillages dissimulant deux masques d'enfants.
larges feuilles d'acanthe
deux oiseaux fantastiques (proches des aigles), feuillagés, boivent à la vasque d'une fontaine. Les piètements sont réunis par un lacs à nœuds tressés et rosette.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Les armes d'Anjou, d’azur aux trois fleurs de lis d’or à la bordure de gueules. Restauration en 1818 par François Labroise.
Ces armes sont "modernes", ce sont celles adoptées par René Ier duc d'Anjou, avec trois fleurs de lis plutôt qu'un semé de fleurs de lis.
La bordure de gueules est remplacée comme sur le blason central par des billes rouges, formant un chapelet.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Blason du duché de Lorraine, d'or, à la bande de gueules, chargée de trois alérions d'argent. Restauration en 1818 par François Labroise.
Les alérions, qu'on retrouve partout sur ce monument, sont, en héraldique des aiglons sans bec ni pieds.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Suite de ce décor, du côté droit.
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Nous retrouvons le très riche décor à l'antique avec, parmi les rinceaux :
deux aigles picorant des fruits dans un vase
deux superbes dragons ailés feuillagés s'affrontant
deux putti chevauchant une créature fantastique
deux dragons feuillagés picorant des fruits dans une vasque.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Le blason du duché de Bar, d’azur semé de croisettes recroisetées au pied fiché d’or à deux bars adossés du même. Restauration en 1818 par François Labroise.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Les armoiries de René II de Lorraine. Restauration en 1818 par François Labroise.
Elles réunissent les sept blasons dispersés ailleurs.
En langage héraldique ces armoiries sont dites coupées, on y trouve en chef, les quatre royaumes : Hongrie (fascé d’argent et de gueules de huit pièces), Sicile (Anjou ancien : d’azur semé de fleur de lis d’or au lambel de gueules en chef), Jérusalem (d’argent à la croix potencée d’or cantonnée de quatre croisettes de même) et Aragon (d’or à quatre pals de gueules) et, en pointe, les deux duchés : Anjou moderne (d’azur semé de fleurs de lis d’or à la bordure de gueules) et Bar (d’azur semé de croisettes recroisetées au pied fiché d’or à deux bars adossés du même), ainsi que, sur le tout, un écusson aux armes de Lorraine (d’or à la bande de gueules chargée de trois alérions d’argent).
L'écu est surmonté d'un heaume à grille à six barres, tourné de 3/4 vers la gauche, accompagné de ses lambrequins coiffé de la couronne ducale et d'un cimier portant un aigle aux ailes éployées.
On le comparera à celui qui figure sur la porterie du palais ducal, mais il fut restauré au XIXe siècle.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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LES PILASTRES DU REGISTRE INFÉRIEUR.
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Quelques vues générales.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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Profils casqués feuillagés
Oiseaux feuillagés tenant un collier
Candélabre à collier et oiseaux.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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couple de dauphins feuillagés affrontés
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N.B On a pu les rapprocher de ceux du frontispice de l'édition vénitienne de Térence 1499, mais on les retrouve ailleurs.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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couple de dauphins feuillagés affrontés, aux queues entrelacées.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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candélabre à figures grotesques, etc.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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candélabre à couples de putti jouant avec des cordes. Putti grimpant dans les rinceaux.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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personnage coiffé de plumes buvant au tonnelet.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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aigle aux ailes déployées.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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candélabre et rinceaux.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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candélabre avec personnage tenant un écu à croix pattée, oiseaux picorant, chimères feuillagés.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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couple de dauphins feuillagés affrontés, les queues liées.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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épis de blé.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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couple de serpents feuillagés affrontés
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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couple de dauphins feuillagés buvant à une coupe ; queues faufilées dans un entrelacs.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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couple de griffons ou félins feuillagés affrontés ; queues en rinceaux faufilées dans un entrelacs.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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candélabre à putti jouant et oisillons.
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Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Le monument funéraire de René II en la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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UN AUTRE EXEMPLE DE LA PREMIÈRE RENAISSANCE LORRAINE : LA FRESQUE DE LA VOÛTE AU DESSUS DU MAÎTRE-AUTEL .
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Cette fresque représentant les Anges tenant les instruments de la Passion, accompagnés de saints dans des chapeaux de triomphe est attribuée à Hugues de la Faye, peintre du duc Antoine, et elle est datée du premier quart du XVIe siècle. Elle est donc voisine spatialement et chronologiquement du monument funéraire de René II et le commanditaire est le même. Parmi les saints, se trouvent Saint Louis d'Anjou vêtu de ses ornements épiscopaux dont une chape fleurdelisée, Saint Bonaventure, Saint Bernardin de Sienne et Saint Antoine de Padoue portant un coeur . Mais les figures sont accompagnées de séraphins tenant des cartouches à inscription, décor Renaissance, et les médaillons, rinceaux, candélabres et rubans relèvent du vocabulaire de la première renaissance.
Voir, pour la description détaillée et le relevé des inscriptions :
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Voûte de la chapelle des Cordeliers de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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UN AUTRE MONUMENT DE LA PREMIÈRE RENAISSANCE LORRAINE : LE PALAIS DUCAL.
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À la suite de la défaite de Charles le Téméraire, lors de la bataille de Nancy en 1477, le château des ducs de Lorraine était dans un état de délabrement avancé. Le duc René II (1473-1508) ordonna en 1502 la reconstruction du château dans le style Renaissance. Les travaux se poursuivirent jusqu'en 1512, sous le règne du duc Antoine qui est certainement l'instigateur de la porterie comportant sa propre statue équestre. Cette Porterie, ou entrée du château, construite en 1511-1512, est très inspirée de celle du château de Blois (Antoine avait passé une partie de son enfance à la Cour de Louis XII). Ses pilastres encadrant la porte sont ornés à l'antique, principalement avec des trophées d'armes, où des putti soutiennent des casques, cuirasses, tambours, carquois, boucliers et flèches, reprenant le décor du château de Gaillon dont les pilastres conservés au Louvre datent de 1510.
" Quant aux trophées militaires ornant les piédroits de la grande arcade du rez-de-chaussée, ils se distinguent, par leur précision et leur rigueur, des rinceaux et candélabres que l’on trouve sur le reste du monument. Doit-on vraiment leur conception et leur réalisation à l’un des ouvriers placés sous les ordres de Jaco de Vaucouleurs, comme le pense Paulette Choné (La Renaissance en Lorraine) , Gauvain se limitant exclusivement à la ronde-bosse [pour la statue équestre] ? Quoi qu’il en soit, ces reliefs martiaux figurent parmi les exemples les plus précoces de ce genre d’ornement au nord des Alpes, sans doute avant ceux de la façade des loges à Blois, et pourraient avoir été inspirés par des exemples lombards tels que le tombeau de Gian Galeazzo Visconti, réalisé par Gian Cristoforo Romano à la chartreuse de Pavie, entre 1492 et 1497" (R. Tassin 2020).
D'autres décors en bas-reliefs, à rinceaux et candélabres, sont visibles sur les pinacles et lucarnes du toit.
Comme le souligne Francine Roze pour le Congrès archéologique de 2006, les vestiges du palais :
"...représentent l'exemple le plus éclatant de l'architecture lorraine du début du XVIe siècle : un art venu de France, ponctué d'italianismes de seconde main plaqués sur une structure essentiellement gothique. Ils constituent donc un témoignage particulièrement éloquent des influences, des nouveautés et des archaïsmes qui se conjuguèrent en Lorraine à cette époque."
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Raphaël Tassin défend en 2013 l'hypothèse d'une influence des gravures de l’Hypnerotomachia Poliphili (Le Songe de Poliphile) de Francesco Colonna publié à Venise en 1499, et de du De artificiali perspectiva, (2ème édition, Toul, Pierre Jacobi, 1509) deJean Pélerin dit Le Viator, chanoine de Saint-Dié vers 1498.
"Ainsi n’est-il pas incongru de trouver une probable influence desdits ouvrages dans les premiers grands monuments de la Renaissance des duchés, au début du règne du duc Antoine : la porterie du nouveau palais ducal et le tombeau de son père dans l’église attenante du couvent des Cordeliers.
La porterie du palais (v. 1511-1512), dans sa conception générale, reprend celle du château de Blois, où Antoine avait passé une partie de son éducation avec son frère Claude, auprès du roi Louis XII. Jean Pélerin lui-même s’est certainement rendu en Touraine vers 1501, et l’on trouve une planche représentant probablement l’aile Louis XII – avec quelques différences – dans la première édition de son traité. Les deux édifices adoptent une composition similaire caractérisée par un fort verticalisme, combinant un portail d’entrée et une grande niche où trône une statue équestre, dans un monument d’une forte empreinte gothique. Cependant des innovations non négligeables témoignent d’une prise de distance du bâtiment nancéien par rapport à son modèle et d’une inspiration encore plus tournée vers les territoires transalpins.
En effet le détail du vocabulaire décoratif employé est presque exclusivement issu de celui de la Renaissance – dauphins, coquilles, médaillons à l’antique, etc. – bien que l’effet visuel général reste plutôt « flamboyant » avec les pinacles et l’espèce de gâble couronnant la niche. Selon toute probabilité, le cloître de Saint- Gengoult à Toul a exercé ici une influence considérable, que l’on mesure aussi bien dans les contreforts ornés de médaillons à l’antique, les candélabres et les gâbles similaires à celui de Nancy couronnant la quasi-totalité des arcades des quatre galeries.
Mais le meilleur exemple en est sans doute le décor de candélabres, de grotesques et de trophées ornant les piliers encadrant la porte, dont le Quattrocento italien avait fait un abondant usage dans l’architecture tant réelle que feinte. Cette mode s’était installée en France au retour de la première guerre d’Italie menée par Charles VIII et l’on en trouve des exemples parmi les plus intéressants dans l’entourage du cardinal Georges d’Amboise à Gaillon. Dans le détail, les décors de grotesques et de candélabres de la porterie ont probablement été, non pas copiés tels quels, mais en tout cas inspirés en partie par les gravures sur bois accompagnant les livres comme celui de Francesco Colonna."
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Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
Palais ducal de Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.
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SOURCES ET LIENS.
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— BLANCHARD (Jean-Christophe), 2016, Georges Gresset, peintre et héraut d’armes des ducs de Lorraine (1523- 1559). 2016. ffhalshs-01264665f
https://shs.hal.science/halshs-01264665/document
—CHONÉ (Paulette) , 2011, "Le tombeau de René II aux Cordeliers", in Le duc de Lorraine René II et la construction d'État princier, numéro spécial Lotharingia t. XVI, 2010, p. 81-106.
—CHONÉ (Paulette) , 1991 , Emblèmes et pensée symbolique en Lorraine (1525-1633). « Comme un jardin au cœur de la chrétienté », Paris, Klincksieck, 1991
—CHONÉ (Paulette) ,2007, "Le cas singulier des emblèmes en Lorraine aux XVIe et XVIIe siècles", in Littérature 2007/1
— GERMAIN ( Léon), 1885, "Le lit d'Antoine, Duc de Lorraine, et de la Duchesse Renée de Bourbon au musée historique lorrain" Bulletin Monumental Année 1885 51 pp. 239-262
—RABAUD (Wanda), BOULEAU (Nicolas), 2020, A la source de la Renaissance française, Le livre d’Heures parisien Livres d’Heures imprimés à Paris entre 1488 et 1550
https://shs.hal.science/halshs-02898229/document
— SANTROT (Jacques), 2017, À Nantes, le tombeau des parents d'Anne de Bretagne, le duc François II et Marguerite de Foix.
—TASSIN (Raphaël), 2013, "Toul et Saint-Dié : deux centres artistiques aux sources de la Renaissance lorraine", in Renaissance à Toul. Morceaux choisis, catalogue d'exposition, sous la dir. A. Harmand et P. Masson, Toul, 2013, p. 214-223.
UN MONUMENT INSIGNE DE LA PREMIÈRE RENAISSANCE EN LORRAINE. – Paulette Choné étudie sous toutes ses facettes le tombeau de René II, duc de Lorraine, mort en 1508, dont l’inhumation eut lieu en l’église des Cordeliers de Nancy qu’il avait fondée. Les relations concernant ce tombeau sont nombreuses, beaucoup de voyageurs l’ont mentionné, mais peu d’auteurs l’ont vraiment regardé, et moins nombreux encore sont ceux qui ont tenté de restituer l’historique de sa réalisation. Quelques textes – essentiellement du XVIIe siècle – font toutefois exception, et apportent des détails précieux sur des dispositions aujourd’hui disparues.
Dans un premier temps, P. Choné restitue le tombeau prévu par le duc lui-même dans son testament. Elle s’attarde sur le sens précis des mots utilisés par René II pour analyser les intentions exactes du duc, qui voulait un tombeau « libre » – et non adossé contre un mur –, du côté de l’épître, entièrement en bronze, avec une plaque gravée à son effigie et une longue épitaphe. Sa faible hauteur n’était pas un signe d’humilité, mais devait permettre que l’on s’agenouillât devant pour prier. P. Choné propose de voir dans ce tombeau un parti « royal », où tout contribuait à proclamer la « souveraineté du prince ». L’auteur étudie ensuite le monument qui fut érigé, plus magnifique que prévu par la volonté de sa veuve, Philippe de Gueldre. En effet, le sarcophage bas fut réalisé, mais placé contre un mur, sur lequel fut ajouté un monument funéraire haut de six mètres, dont le registre inférieur, en forme de niche, abritait deux statues en marbre. Celles-ci représentaient René II agenouillé devant un prie-Dieu, et la Vierge présentant l’Enfant à son adoration, dans une disposition qui rappelait celle de l’Annonciation. La Révolution fit disparaître les statues, ainsi que le sarcophage et la plaque portant l’inscription. Les sources d’archives, lacunaires, ne permettent pas de préciser avec certitude l’emplacement de l’effigie gravée, ni celui de la plaque portant la longue inscription voulue par le duc, cette dernière pouvant avoir été fixée au mur du monument pariétal, au fond de la niche abritant les deux statues (le mot « enfeu » nous semble trompeur puisque le tombeau ne s’y trouvait pas). P. Choné analyse les comptes de dépenses relatives au tombeau, qui fourmillent d’indications concernant certains corps de métier, (menuisier, peintres, enlumineur, serrurier, fondeur, etc.), mais restent muets quant aux sculpteurs, laissant place aux seules hypothèses. Enfin, la dernière partie de l’article est consacrée à ce qui reste du tombeau aujourd’hui, c’est-à-dire le monument pariétal, en pierre, richement sculpté et peint, même si la polychromie a été assez malheureusement reprise au XIXe siècle. Au-dessus de la grande niche, aujourd’hui vide de statues, qui formait « une sorte d’arc triomphal », le registre supérieur, traité comme un polyptyque, comporte six petites niches à coquilles, avec des statues de saints et de l’Annonciation. L’auteur y lit un ensemble extrêmement cohérent et relève l’omniprésence de l’héraldique dans « l’ornementique ». Elle remarque aussi la « tonalité singulière » de cette petite architecture, sans base, qui néglige la mouluration et la symétrie, et où les raccordements ne sont pas toujours heureux.
Les sources proposées pour éclairer le répertoire de la première Renaissance qui foisonne sur le monument sont peut-être un peu moins convaincantes. P. Choné voit, dans les ornements « insolites » du couronnement, quelque antéfixe d’inspiration grecque ou étrusque. En l’absence de référence précise pouvant confirmer une telle hypothèse, nous serions plutôt tentée de voir ici des formes hésitantes de petits frontons cintrés à coquille. Quant à la page extraite d’une édition de Térence parue à Venise en 1499, elle présente des rinceaux et des candélabres bien éloignés de ceux qui décorent le monument de René II. Mais nous partageons entièrement l’opinion de Paulette Choné sur « la saveur pittoresque et éclectique » des détails de la sculpture. – Paulette Choné, « Le tombeau de René II aux Cordeliers », Lotharingia. Le duc de Lorraine René II et la construction d’un État princier, XVI, n° spécial, 2011, p. 81 à 106. Évelyne Thomas Centre André Chastel (Erham)
—Site Canalblog 2019, le palais ducal de Nancy : la porterie