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29 novembre 2024 5 29 /11 /novembre /2024 21:39

La chaire à prêcher (1681) et le maître-autel (1686) faits par Jean Briand en la chapelle de Kerfons en Ploubezre.

 

 

Voir sur cette chapelle :

 

 

PRÉSENTATION.

 

À quelques kilomètres en amont de Lannion, la chapelle Notre-Dame de Kerfons ou plutôt "Kerfaouès" ("le lieu planté de hêtres") a été fondée sur les terres de l'ancien fief de Coatfrec dont les ruines du château homonyme se dressent plus au nord sur la rive occidentale du Léguer. Cette chapelle rurale étonne par la mise en œuvre de deux langages architecturaux : le Gothique flamboyant de la nef et de la chapelle nord - visible à l'intérieur dans les arcades, vraisemblablement datable du début du 15e siècle, une deuxième campagne de travaux vers 1450 (élévations ouest et sud), une troisième campagne dans le dernier quart du 15e siècle (fenêtre sud ornée de pampres) et la première Renaissance bretonne visible dans le bras sud (chapelle dédiée à saint Yves) datée des années 1553-1559.

Bâtie pour la puissante famille de Goulaine, la chapelle de Kerfons illustre dans la pierre un vocabulaire décoratif d’avant-garde : porte en plein cintre encadrée de colonnes surmontée d’un fronton triangulaire, modernité et simplicité du dessin des fenestrages, contreforts en forme de tourelle, niches à statues ou original campanile carré flanqué de quatre personnages. La chapelle de Kerfons est inscrite au titre des Monuments historiques depuis 1910.

 

Les gouverneurs étaient responsables de l’entretien et de la réparation des chapelles. A Kerfons, la chapelle dédiée à Notre-Dame était gérée par un gouverneur unique au cours d'un mandat d'un an non renouvelable. C'était un poste très convoité par les notables de Ploubezre. En 1686, c'était Pierre Merrien (cf. infra) qui occupait ce poste.Selon Christian Kermoal, les dénommés Fiacre Le Bihan et Rolland de Trongoff, tous deux gouverneurs, ont organisé le chantier de construction de l'aile sud à partir de 1553 : "ils emploient des carriers, des tailleurs de pierre, des forgerons, des vitriers et des peintres. Ils mettent en place un important charroi et fournissent la nourriture des gens et des bêtes" Selon le même auteur, en 1712, les gouverneurs jouent un rôle de conseil auprès des syndics et marguilliers de la paroisse, qui regroupe six chapelles. Les syndics (deux hommes/an) gère les affaires civiles, et le marguilliers (deux hommes/an) les biens religieux.

 

 

I. LA CHAIRE À PRÊCHER (Bois polychrome, Jean Briand 1681).

https://collectif-objets.beta.gouv.fr/objets/76729

https://pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM22001700

Œuvre classée le 29/03/1983, Base Palissy PM22001700.

La chaire est fixée dans le chœur  contre un pilier sud, immédiatement après le jubé.  Issue de la volonté de la Contre-Réforme de valoriser la prédication,  c'est une chaire suspendue  à dorsal, abat-voix et culot polygonal dont les quatre petits panneaux de la cuve  porte, dans des cartouches verts, les monogrammes IHS et MARIA puis les noms IOSEF ert ANNA, accompagnés de la date de 1681. On accède à la chaire par un escalier d'une seule volée aux flmancs ornées de trois panneaux sans ornementation. L'ensemble est décoré sobrement de panneaux  peints en jaune (décor en faux-bois, ou marbre feint), avec quatre pots à feu et quatre macarons.

On l'attribue au menuisier Briand, qui a indiqué son nom sur le retable du maître-autel.  L'inscription "I. BRIAND" est lue comme "Yves Briand" par  Geneviève Le Louarn,  qui lui attribue également de deux confessionnaux et de la clôture de chœur. Les généalogistes mentionnent un Yves Briand, né à Ploubezre en 1643 et marié en 1673 avec Catherine Primot.

Mais on peut aussi lire "Jean Briand", ce qui serait plus cohérent avec cette donnée  , précisant que  les comptes des années 1675-1676 de la confrérie du Luminaire de la paroisse de Ploubezre révèlent la dépense de « 85 livres payées à Jean Briand me menuisier pour avoir fait un retable et de mettre un tableau de saint Yves et marche pied ». Le tableau fut vendu à la confrérie pour 15 livres par Yves Le Gouliez, maître doreur, suivant une quittance en date du 18 juin 1676.

Les généalogistes mentionnent bien un Jean Briand, "honorables gens" , baptisé le 13 mars 1644 à Ploubezre, décédé le 11 avril 1716 à Ploubezre, marié avant 1671 avec  Marguerite Berezay, Honorables gens , et qui est qualifié de "Maitre" sur l'acte de mariage de sa fille Marguerite en 1706.

 

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Le maître-autel et la chaire à prêcher de la chapelle de Kerfons en Ploubezre.
Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Chaire à prêcher (Jean Briant, 1681) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

II. LE MAÎTRE-AUTEL (Bois polychrome, Jean Briand v.1686).

 

Selon le site minran.free.fr/patrim.htm :

 

"Le maître-autel en granite est surmonté d'un retable daté de 1686, que l'on [qui ? rapproche d'ouvrages similaires de la même époque en Bavière ; il apparaît comme un assemblage de multiples éléments, tous sculptés avec une minutie et une variété exceptionnelles. Il montre aussi qu'à l'époque, la Bretagne est une plaque tournante du commerce maritime européen, et que les richesses artistiques et les artistes eux-mêmes circulent par les mêmes voies.
Ce retable baroque a été vandalisé par des pillards fin 2008. Leur arrestation rapide a permis de récupérer la plupart des éléments dérobés, et l'ensemble a fait l'objet d'une restauration importante en 2012, y compris la copie d'éléments manquants."

 

Il a été entièrement restauré en 2010, pour la menuiserie par l'Atelier de l'Arbre aux quarante écus de Muzillac, et pour la peinture par l'Atelier Régional de Restauration de Bignan (madame Champagnac et madame Pris), sous la direction de la DRAC.

Coût et commande :

À titre d'exemple, à Ploubezre, le retable du Rosaire a coûté 300 livres en 1679, soit cinq années de revenus de la confrérie. En 1712, un retable de l'église est confié à Michel Guérin, sculpteur peintre et doreur, pour 1200 livres (C. Kermoal)

 

Ses niches latérales ornées de colonnettes abritent des statues du Christ Sauveur du Monde et de la Vierge de l'Annonciation. Le style Renaissance qui avait été introduit à Ploubezre par Marquise de Goulaine en 1559 sur le campanile de Kerfons se poursuit ici avec les colonnes cannelées et les supports anthropomorphes, ou les guirlandes de fruits-légumes suspendues à des rubans. Comme sur la chaire à prêcher, on trouve ici les monogrammes IHS du Christ et MRA de Marie. Les chérubins et angelots abondent. Dieu-le-Père et un soleil dominent le tabernacle.

Le jaune de la chaire, et les panneaux en marbre feint, se retrouvent également.

 

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

 

III. LE RETABLE DE LA VIERGE TERRASSANT LA DÉMONE.

Ce retable nous permet de poursuivre notre découverte du talent de Jean Briand et d'en connaître la date d'exécution, mais aussi d'enrichir l'iconographie de ces "Vierges à la Démone" bretonne. Hiroko Amemiya, qui leur a consacré sa thèse et un ouvrage, distingue bien celle-ci des Vierges terrassant soit des sirènes, soit des dragons : une "Démone", selon la dénomination du Dr Le Thomas, est une représentation semi-humaine, avec un visage, une chevelure et un buste féminin, et une queue serpentiforme.

Elle en recense pas moins de 69 exemples en Bretagne, dont 28 en Finistère, 11 en Côtes d'Armor, 11 en Morbihan et 3 en Ille-et-Vilaine.

Il en existe des variantes, avec la Sainte-Anne Trinitaire de Saint-Hernin.

Elles symbolisent la victoire de la Vierge, par son enfantement d'un Rédempteur, sur le Mal ou le Péché originel introduit par Ève lors de l'épisode de la pomme. Le thème établit des rapports avec le culte de l'Immaculée-Conception (est sa figure de la Vierge de l'Apocalypse les pieds posés sur un croissant), et avec le thème iconographique des Arbres de Jessé.

Voir dans ce blog : 

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La composition est placée, sous une coquille , dans une niche jaune et verte au soubassemment et aux colonnes de marbre feint, sous des guirlandes de fruits.

La Vierge est vêtue d'un manteau bleu dont le pan droit vient étager des plis-rideaux frontaux. La robe associe un bustier doré et lisse et une jupe plissée blanche. Les joues de son visage sont rehaussées de taches rouges. Ses cheveux dorées, qui retombent sur ses épaules, sont retenues par ce voile postérieur si souvent retrouvé en Bretagne aux XVI et XVIIe siècle et que j'ai  nommé "bandeau rétro-occipital" à défaut d'autre nom.

Voir par exemple :

La Vierge offre une fleur dorée à son Fils, qu'elle tient assis sur son bras gauche. Les joues de celui-ci sont également rehaussées de rouge, il porte une longue tunique blanche et il pose tendrement la main droite sur la poitrine de sa Mère.

La Démone est couchée sur le ventre au dessous du croissant, tête à droite. Son buste redressé prend appui sur le coude droit et sur la main gauche, laquelle est posée sur une demi-sphère rouge aplatie difficile à qualifier. Le visage rond aux joues rehaussées de rouge tourne vers nous des yeux ronds et noirs aux sourcils épilés. Deux cornes émergent de sa tête largement épilée. La main droite, humaine (ailleurs, elle peut être bestialisée en patte de batracien, ou griffue), tient une pomme dorée qui cache son sein droit.Tout le buste est nu, le bas du corps est peint en vert à écailles marquées et s'achève par une queue de serpent qui s'élève, rebelle et verticale, le long de la cuisse de Marie.

 

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

 

Deux médaillons ovales dorés portent une inscription, qui sera complétée par les inscriptions du retable de droite..

Le premier, à gauche, porte le texte suivant aux mots séparés par de gros points en losange:

F. 1686 /L.R.V./ED.M

Du côté gauche se lit ceci :

GEO/GE.R/IVOLL/AN.R./D.P.

 

Ce qui a été lu comme suit :

 "F[AIT] 1686 L[ORS] R[ECTEUR] V[ÉNÉRABLE] E[T] D[ISCRET] M[ESSIRE] GEORGE RIVOALLAN R[ECTEUR] D[E] P[LOUBEZRE]"

https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/IVR53_20142200149NUCA

Le recteur Georges Rivoallan est attesté par les actes de baptême, souvent comme parrain, de 1681  jusqu'en 1687 au moins, et sur des actes de mariage, avec le titre de messire, en 1683. En 1712, le successeur est Vénérable et Discret Messire Marc Chrétien, À cette époque, les cures les plus riches sont attribuées à des famolle de la noblesse.

 

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

III. LE RETABLE D'UN SAINT ÉVÊQUE (J. Briand 1686).

Une niche symétrique et strictement similaire est placée à droite de l'autel, en dessus d'un sacraire de style gothique flamboyant. En remplacement d'une représentation du Baptême du Christ, elle abrite un saint évêque mitré, en chape, qui a perdu sa crosse et que nous ne pouvons identifier.

Ploubezre, chapelle de Kerfons : vue intérieure, statue d'évêque

On peut lire l'inscription suivante : "G[OUVERNEU]R HO[NORABLE] HO[MME] PIERRE MER[R]IEN F[AIT] P[AR] I[VES] BRIAND"

Donc, le gouverneur est un notable, Pierre Merrien, et la signature par Jean Briand (je conteste la lecture I.=Yves pour I = Ian ) est répétée, comme sur la chaire

Il est signalé sur Geneanet un seul Pierre Merrien, et il est né en 1656. il a donc ici 30 ans. Il est agriculteur, et a épousé le 12 février 1676 Marguerite Le HOUEROU, d'où 8 enfants. Il est dit "lieutenant de Ploubezre". Sa femme épousera ensuite Nicolas Merrien. Elle est la sœur de Charles HE HOUEROU (1663-1736), 

Parmi les huit membres de la paroisse chargés de surveiller la commande d'un retable pour l'église de Ploubezre en 1712, on trouve outre le recteur deux notaires et trois nobles, deux paysans dont Pierre Merrien. (C. Kermoal). Quand à son beau-frère Charles Le HUEROU, il figure, avec le recteur et un notaire, parmi les membres de la commission de vérification des comptes.

 

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

Retable du maître-autel (Jean Briant, 1686) de la chapelle de Kerfons en Ploubezre. Cliché lavieb-aile.

SOURCES ET LIENS.

— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 176. Version remaniée de la thèse de 1996.

— AMEMIYA (Hiroko) 1996, Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129

Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'épouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse représentant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siècles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'épanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux façons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'étudier leur compatibilité dans leur contexte socioculturel. Les récits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une société. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet a la société de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en bretagne, la destruction de la cite légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au japon, ii. Récits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxième volume est un inventaire des différents types de représentation semi-humaine en bretagne.

 

 

—COUFFON, René, 1939, « Répertoire des églises et chapelles de Saint-Brieuc et Tréguier. Second fascicule », Société d’émulation des Côtes-du-Nord. Bulletins et mémoires, 71, 1939, p. 141.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6562108b/f169.item

 

— FRANCE (Abbé), 1885, excursion, Bulletin archéologique de l'association bretonne, volume 27 page 9

https://www.google.fr/books/edition/Bulletin_arch%C3%A9ologique_de_l_Association/McVLAAAAMAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=%22vitraux%22+%22kerfons%22&pg=RA1-PA9&printsec=frontcover

— KERMOAL Christian), 2024,  Christian Kermoal, Notre-Dame de Kerfons. Essai d’histoire monumentale, Pabu, À l’ombre des mots, 2023, 412 p.

 

Isabelle Guégan, « Christian Kermoal, Notre-Dame de Kerfons. Essai d’histoire monumentale, Pabu, À l’ombre des mots, 2023, 412 p. », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 131-3 | 2024, 235-238.

https://journals.openedition.org/abpo/9618

— KERMOAL Christian), ,1886 Les notables de Ploubezre de la fin du XVe au XVIIIe siècle

 

— LE LOUARN, Geneviève. 1983 "La chapelle Notre-Dame de Kerfons". Rennes, Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, t. 60, 1983, p. 301-305.

https://www.shabretagne.com/scripts/files/5f47279f486ba7.18741049/1983_25.pdf

— LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 175-175.

 —LÉCUILLER ( Guillaume), 2014, Chapelle de Kerfons (Ploubezre), Inventaire général, Gertrude, 2014. Dossier IA22132120 

https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA22132120

http://inventaire-patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-de-kerfons-ploubezre/537c3869-09be-477c-a478-f17a69e1a52f

—NOTICE de 1936.

http://www.infobretagne.com/ploubezre-kerfons.htm 

 

 

 

 

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11 décembre 2019 3 11 /12 /décembre /2019 18:19

La Vierge à la Démone de la chapelle de Locmaria-Lannn à Plabennec.

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Voir d'autres Vierges à la démone de Bretagne dans les articles suivants :

etc...

Et sur patrimoine.bzh :

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INTRODUCTION.

Les Démones tentatrices, ou les  Vierges à la Démone de Bretagne ont été étudiées par Louis Le Thomas en 1961, puis par Amemiya en 1996, puis j'ai multiplié sur ce blog  depuis une dizaine d'année mes articles d'analyse iconographique à leur propos.

1. Louis Le Thomas.

  Louis Thomas a recensé  19 Arbres de Jessé sculptés en Bretagne dont 6 en Finistère (outre Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, Plourin-les-Morlaix, St-Thégonnec, St-Yvi) dont un sous-groupe de 13 avec Démones.

  Ces Démones fascinent Louis Le Thomas, qui leur a consacré un article particulier, et les classe en deux figurations anthropomorphiques, celle de Démone-Serpent ou anguiforme, ou ophioure (ou "Echidna"), et celles, plus rares, de Démone-poisson (ou "Néreïde"). Il  voit dans ces formes qui "relèvent d'une gynécomorphie du Serpent de la tentation"  "l'occasion rare, dans l'iconographie religieuse; d'une étude du nu féminin, bustes et torses de démones ayant été, dans les Arbres de Jessé bretons, traités avec une verve évidemment complaisante et un réalisme particulièrement suggestif" car elles ont "pour attribut principal des mamelles orthomorphes, discoïdes, d'un galbe partout très exagéré" dont le mérite est néanmoins de consoler le fidèle des démons et démones de l'iconographie religieuse, très souvent affligées de mamelles pendantes, à titre péjoratif, et d'inspiration probablement monacale". Souvent, hélas, ces "exubérance mammaire a servi de prétexte à une chirurgie iconographique correctrice particulièrement tenace afin, presque partout, de réduire —sinon de supprimer— cette exubérance en pratiquant des amputations, alors qu'aux personnages "cacheurs" de Molière suffisait...le mouchoir".

 A la question qu'avait posé le chanoine Abgrall (Est-ce Éve ? Est-ce le serpent qui l'a trompé ?), Louis Le Thomas répond : c'est le Serpent, car il tend la pomme plutôt qu'il ne s'en saisit, mais aussi en raison de ses caractères chtoniens : main griffue, tête cornue, animalité.

 

2. Hiroko Amemiya.

H. Amemiya recense 52 "Vierges à l'Enfant foulant une représentation semi-humaine" en Bretagne, dont 28 en Finistère, 10 en  Côtes d'Armor, 11 en Morbihan et 3 en Ille-et-Vilaine, la grande majorité en pays bretonnant (seuls 4 exemples sont en pays gallo). Parmi les 28 exemples du Finistère, 13 se trouvent dans l'église paroissiale et 15 dans des chapelles. La Vierge est debout dans tous les cas, sauf 2. Elle appartient à un arbre de Jessé dans 12 cas, et est posée sur un croissant de lune dans 15 cas, ces deux représentations évoquant un lien avec le culte de l'Immaculé-Conception.

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Quant à la Démone, sur les 28 exemples finistériens, elle tient la pomme de la Tentation dans 22 cas, Elle associe un visage féminin, un buste aux seins dénudés, et une queue de serpent dans tous les cas.

De façon générale, "la grande série des Vierges sur croissant et démone date de la fin du XVIe"

 

Voici la liste commentée des 28 exemples du Finistère :


 

  • Bohars, église Saint-Pierre-es-Liens / chapelle de Locquillo : bois polychrome, assise, XVIe. Démone à la pomme. Queue de serpent  nouée sur elle-même.

  • Brest, église Saint-Louis, bois polychrome, XVIIIe. 

  • Landudal, église Notre-Dame-du-Populo, bois polychrome, Fin XVIe ? Vierge couronnée par deux anges. Croissant. Enfant tenant la citation d'Isaïe Ecce virgo concipiet. Démone à la queue de serpent se redressant verticalement.

  • Carhaix-Plouguer, chapelle Sainte-Anne, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Bandeau occipital, Jessé. Démone à la pomme associée à un dragon. Queue de serpent se redressant verticalement.

  • Kergloff, chapelle de la Trinité, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée ;  croissant.  Démone à la pomme. Queue de serpent se redressant verticalement.

  • Poullaouen, église Saint-Pierre et Saint-Paul, atelier de Carhaix ? 2eme moitié XVIe, bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Poullaouen, chapelle Saint-Tudec, bois polychrome, atelier de Carhaix ? 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent se redressant verticalement.

  • Saint-Hernin, ossuaire de l'église Saint-Hernin, bois polychrome : Anne trinitaire à la démone. "Fin XVIIe"?? Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant en socle.

  • Saint-Ségal, chapelle Saint-Sébastien, bois polychrome, fin XVIe. Vierge couronnée (couronne perdue) par deux anges. Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Le Moustoir, chapelle Saint-Ruellin, bois polychrome, fin XVIe. Couronne ? Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Leuhan, église Saint-Théleau, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant autour du pied de la Vierge.

  • Irvillac, chapelle Notre-Dame de Lorette, granite polychrome, 2eme moitié XVIe.Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Plougastel-Daoulas, chapelle Saint-Trémeur. bois polychrome, XVIIe. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Plogonnec, chapelle Saint-Pierre, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée.  Démone  à poitrine nue. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Landeleau, chapelle Saint-Laurent, bois polychrome, 2eme moitié XVIe, assise. Vierge couronnée.  Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Locquirec, église Saint-Jacques. Bois polychrome. Niche à volets, arbre de Jessé. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Le Folgoët, église Notre-Dame. Kersantite, XVe (?) Ceinture nouée par une ganse. Cape fermée par une chaîne. Bandeau occipital. Croissant. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Plouider, chapelle Saint-Fiacre. Bois polychrome, XVIe. Bandeau occipital. Croissant. Queue de serpent remontant verticalement.

  • Plourin-les-Morlaix, église Notre-Dame.  Bois polychrome, début XVIe ? Vierge couronnée.  Croissant, arbre de Jessé. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant à l'arbre de Jessé.

  • Plabennec, chapelle de Locmaria Lann. Bois polychrome, XVIIe. Vierge à bandeau occipital. Mandorle rayonnante (perdue).Croissant.  Démone à la pomme ? (bras perdu). Queue de serpent remontant verticalement.

  • Brennilis, église Notre-Dame. Bois polychrome, vers 1575. Niche à volets. Vierge couronnée.  Démone à la pomme. Queue de serpent remontant verticalement.

  • Pleyben, chapelle de Gars-Maria. Kersantite.  vers 1578-1580. Vierge couronnée.  Démone à la pomme, Queue de serpent remontant verticalement.

  • Pleyben, chapelle de Gars-Maria. Bois polychrome, XVIe. Démone à la pomme. Queue de serpent remontant verticalement.

  • Pleyben, chapelle de Notre-Dame de Lannelec. Kersantite, vers 1578. Bandeau occipital.  Démone à la pomme.  Queue de serpent remontant verticalement. Atelier de Pleyben d'après les modèles de l'atelier de Locronan.

  • Lampaul-Ploudalmézeau, église Saint-Paul. Bois polychrome, XVIe? Démone à la pomme.  Queue de serpent remontant verticalement.

  • Saint-Yvi, église Saint-Yvi. Bois polychrome. Fin XVIe. Croissant (disparu) et Jessé endormi. Bandeau occipital. Fin XVIe.

  • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame. Bois polychrome, fin XVIe. Niche à volets, Arbre de Jessé, croissant. Bandeau occipital. Démone à queue de serpent.

  • Scaer, chapelle Saint-Adrien. Bois polychrome, fin XVIe. Démone à la pomme.


 

Il faudrait ajouter à cette série les 20 exemples de "Vierge foulant un serpent ou un dragon", série apparentée mais apparaissant au XVIIe et XVIIe siècle (cf. Kerdévot en Ergué-Gabéric) . Ainsi, les démones semi-humaines disparaissent quasi complètement à partir du XVIIe.

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Commentaires.

Parmi ces 28 Vierges à la Démones du Finistère, on dénombre (rapidement) : 1 statue du XVe (en kersantite), 21 statues du XVIe, 3 statues du XVIIe et 1 du XVIIIe.

Dans le groupe majoritaire du XVIe, 1 date du début de ce siècle, 7 du milieu, 9 de son dernier tiers ou de sa fin, et 4 sont "du XVIe".

Cela confirme les remarques de Couffon puis de C. Prigent, pour qui la grande série des Vierges à croissant et démones date de la deuxième moitié du XVIe siècle : 16 exemples sur 28.

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Ces démones bas-bretonnes sont donc, on le voit, l'une des caractéristiques des sanctuaires de notre région, et leur confère un cachet d'autant plus intéressant à découvrir que leur compréhension n'est pas univoque, et que l'énigme qu'elles proposent rebondit à chaque nouvel exemple, alors qu'au contraire, les traits qu'elles ont en commun suscitent ce plaisir, pour le touriste, d'une connivence jubilatoire : Ah, j'en étais sûr, la queue de la démone s'entortille encore ici en se dissimulant dans le dos de la robe de la Vierge pour témoigner de son opiniâtreté à répandre son venin !

De même, j'ai plaisir à retrouver,   le bandeau occipital (mon chouchou) retenant en arrière les cheveux de la Vierge, un détail stylistique qui place cette œuvre dans une grande famille de sculptures presque exclusivement retrouvées en Finistère, au XVIe siècle et au tout début du XVIIe, sur des Vierges ou plus rarement des Marie-Madeleine, comme si cet accessoire capillaire était le marqueur d'une mode touchante car presque folklorique.

 À me lire, on pourrait croire que ce groupe sculpté de la petite chapelle de Locmaria en Plabennec  a été très étudié , mais il n'en est rien. Seul l'ouvrage de H. Amemiya en donne une description détaillée, avec une photographie noir et blanc de la Démone.

À moi de jouer !

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DESCRIPTION.

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Locmaria-Lan, formé avec le mot breton "lok " "lieu consacré" - ecclesia Beatae Mariae de Landa, en 1363, était une chapelle dépendante de Plabennec ( une trève) et lieu sacré depuis probablement la préhistoire. La fondation de la première chapelle chrétienne remonte au XIe siècle. Elle est réédifiée en  1450  à l'initiative du seigneur du Baudiez au Rest,  puis les familles Carman-Lesquelen et Lescoët agrandissent au XVIe siècle la chapelle de trois travées dans la partie est. Un ange du  bel autel en kersanton porte la date de 1512. D'autres inscriptions portent les dates de 1604 et de 1682.

 

 

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Le groupe sculpté de 1,70 m de haut en bois polychrome est placé contre le pignon du chœur, à gauche de l'autel, au dessus d'une porte de sacristie, sur une console en bois à 2 m environ du sol. 

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Photo Henri Moreau Wikipedia

 

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La Vierge à l'Enfant est debout sur un croissant de lune, foulant la Démone tandis que l'Enfant déroule un phylactère muet. Ses couleurs pimpantes témoignent d'une restauration récente dont je n'ai trouvé aucune trace en ligne.

Vénérée sous le vocable de Notre-Dame de Locmaria, elle date  du XVIIe siècle. Elle est couronnée, les cheveux bruns retenus par le bandeau blanc plissé, et elle tient dans la main droite un objet cylindrique brisé (sans doute la tige d'une fleur). Son manteau est resserré par  deux lignes d'une chaîne aux maillons larges, comme en portaient jadis les femmes de la haute noblesse au XVe siècle.Cette chaîne s'achève par une petite croix. Sous le manteau bleu, qui descend jusqu'à terre, vient une robe orange, aux manches plissées, mais tombant en plis larges et flottants, et dépourvue de tout décolleté. Enfin, une tunique blanche descend jusqu'au sol, dévoilant seulement la chaussure brune qui terrasse la démone.

Elle est posée sur un croissant lunaire, renvoyant ainsi au culte de la Vierge de l'Apocalypse.

Nous verrons plus loin qu'elle était le centre d'une mandorle de rayons, comme le veut l'iconographie de la Vierge de l'Immaculée-Conception.

L'Enfant, blond, cheveux courts et blonds, vêtu d'une tunique bleue, et portant lui aussi une chaîne en or, regarde devant lui. Il tient un phylactère sans inscription, et le globe terrestre non crucigère.

 

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La Démone est couchée sur le coté devant le croissant, sous le pied gauche de la Vierge, tête à droite. Buste redressé, elle regarde la Vierge en levant la tête, et on peut imaginer que ce regard est ironique ou nargueur. Son visage rond encadré d'une longue chevelure brune ne présente aucun caractère animal ou démoniaque.

Les avant-bras et les seins sont été bûchés. Une fleur de lys porte une ferrure en U, peut-être destinée à un accessoire. Le corps peint en rouge-orange est marqué de grosses verrucosités. Les deux ailes nervurées de chiroptères partent de la nuque comme un gros nœud papillon marron, comme un rappel (involontaire) des plis du bandeau de sa concurrente. 

La  queue porte une rangée de dents dorées. Il faut se déplacer sur le coté pour voir qu'elle remonte en torsades sournoises le long de l'extrémité gauche du croissant vers la cuisse de la Vierge.

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Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

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In caude venenum

 

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

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Une mandorle rayonnante.

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Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

Vierge à la Démone, bois polychrome, XVIIe siècle. Photographie lavieb-aile.

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LE BANDEAU OCCIPITAL.


 

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A. Il est présent sur huit Vierges allaitantes du Finistère

Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges. 

 

Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la Vierge.

Vierges allaitantes III : Chapelle de Quillidoaré à Cast, la Vierge.. 

Vierges allaitantes IV : Kerlaz, la Vierge.

Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin : la Vierge ressuscitée

Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

Vierge allaitante VIII :  de  l'ossuaire de Pleyben.

Vierges allaitantes du Finistère X. La chapelle St-Denis à Seznec, Plogonnec.

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B. Il est présent aussi sur plusieurs statues de la Vierge en Finistère :


 

1. La Vierge de l'Annonciation du porche de l'église saint-Germain de Pleyben. Kersanton, 1588.

On peut observer que le costume possède des points communs avec les vierges allaitantes, par exemple les poignets "gaufrés". Et aussi que la chevelure est dénouée et serpentine, ce qui est inhabituelle pour une vierge de l'Annonciation d'habitude plus retenue.

2. La vierge à l'enfant Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou. Date ?

3. La Vierge à l'Enfant de l'église Saint-Julien de Châteauneuf du Faou (16e siècle) : 

L'église Saint-Julien et Notre-Dame à Châteauneuf du Faou.

4. Notre-Dame de Bons-Secours de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. XVIe siècle. Vierge à l'Enfant, bois polychrome, Bandeau occipital, croissant lunaire, mandorle, ceinture à boucle puis nœud

Le retable de Notre-Dame-du-Bon-Secours, église de La Roche-Maurice (29).

5. Vierge à la Démone du Folgoët.

Kersantite XVI ?, manteau à fermail en chaîne à pan gauche faisant retour sous le bras gauche, robe à ceinture nouée, croissant de lune, 

6. Vierge de la Nativité du tympan du porche de 1566.

7. Vierge à la Démone de Brennilis.

8. Sur une statue de l'église de Bodilis.

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On trouve ce motif exceptionnellement dans d'autres départements bretons (mais biais de recrutement ?)

8. Vierge à l'Enfant de Lantic (22)

 

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C. On le trouve aussi sur des statues de Marie-Madeleine  :

1. Sur le calvaire de Dinéault

Le calvaire de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault.

Marie-Madeleine, sculptée par les frères Prigent, actif entre 1527 et 1577, 

2. Sur une Déploration de Bodilis .

Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration. 

Bois polychrome, XVIe, bandeau occipital sur Marie-Madeleine.

3 À Pencran, sur une   statue de Marie-Madeleine. kersanton, Bastien Prigent.

4. Sur un calvaire de Ploéven.

 La chapelle Sainte-Barbe de Ploéven. Son calvaire, son vitrail, sa statuaire, son Pardon. Marie-Madeleine de la Déploration du calvaire (kersanton, vers 1575)

5. Sur un vitrail du Faouët.

Les vitraux du XVIe siècle de la chapelle Ste-Barbe du Faouët (56) : II. la Transfiguration. Vers 1512-1515. C'est Marie-Madeleine qui porte ce bandeau.

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D. Enfin, il peut se retrouver sur d'autres personnages féminins.

1. La Sibylle de Tibur de Roscoff.

Bois polychrome, 1606, le bandeau occipital est porté par la Sibylle Tiburtine.

 

2. La cariatide de La Martyre.

L'église Notre-Dame de Rumengol.  V : les gargouilles et crossettes. 

Ossuaire de La Martyre, cariatide, kersanton, 1606.

La chapelle Notre-Dame-de-Berven en Plouzévédé. I. L'Arbre de Jessé du retable de l'autel nord. Vierge à l'Enfant, bois polychrome, fin XVIe, Croissant lunaire, mandorle radiante, manteau à fermail par chaîne ; Enfant en Sauveur du Monde.

3. Un ange de la chapelle Saint-Côme.

Les sablières (1641-1675)  de la chapelle Saints Côme-et-Damien à Saint-Nic. III. Les sablières des bas-cotés, et leurs blochets. Ange d'un blochet de 1661.

4. Pencran. Statue de sainte Anne, 1553

 

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Conclusion.

Ce bandeau occipital, surnommé "chouchou", est un bon marqueur iconographique car il est presque exclusivement retrouvé en Finistère, au XVIe et tout début du XVIIe siècle, sur des Vierges à l'Enfant ou plus rarement des Marie-Madeleine, anecdotiquement sur d'autre personnages, surtout en sculpture sur bois, mais aussi en sculpture sur pierre.

Il n'est pas attesté sur les enluminures françaises (dépouillement de Les Manuscrits à peinture de François Avril et Nicole  Reynaud et des Enluminures du Louvre des mêmes auteurs, et consultation des divers autres ouvrages), ni en enluminure religieuse, ni comme coiffure féminine, même si les voiles de la Vierge dégagent progressivement le front au XVIe siècle et deviennent plus postérieurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOURCES ET LIENS.

— PERENNES (Henri),, 1938,  Notices pour le diocèse de Quimper, BDHA, page 170

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf

" La chapelle de Locmaria-Lann est située à quatre kilomètres au Nord du bourg de Plabennec. Elle a un fort beau clocher Renaissance, épaulé de contreforts, décoré de galeries et d’un double étage de beffroi, terminé par une flèche pyramidale. D’une base d’environ 6 mètres de largeur, la tour écrase de sa masse la chapelle assez pauvrement restaurée en 1841, mais dont heureusement l’intérieur est demeuré ancien. Sous le porche voûté de la tour, dont l'arcade, de forme gothique, est coupée de claveaux, on voit les statues, non des douze apôtres, mais de douze saintes, pour rappeler sans doute que le sanctuaire est dédié à la plus célèbre et la plus sainte d’entre elles.

Ces statues de bois, jadis peintes et dorées, ont le costume de la fin du XVIème siècle. On y reconnaît là Véronique, tenant le voile de la Sainte Face ; une autre Sainte a pour attribut une corde, une troisième un berceau ou un lit ; deux ou trois tiennent un livre ouvert. Au-dessus de la porte est une statue en pierre du Sauveur du monde. Quant à l'arcade extérieure, elle est surmontée d’une belle statue en kersanton de la Vierge Mère couronnée.

L’édifice peut mesurer 24 mètres de long sur une douzaine en largeur. A l’intérieur c’est une nef et deux bas-côtés à cinq travées au Nord, à quatre au Midi, toutes en gothique du XVIème siècle. Comme parquet, c’est le sol de terre battue ; des bancs apparaissent à la base des piliers. A la clef de voûte de la première arcade à gauche on voit le blason des Carman-Lesquelen, mutilé, mais encore lisible. La troisième arcade présente un écusson armorié portant une fasce de 3 quintefeuilles et surmontée d’un lambel. La porte du bas de la nef est surmontée d’un écusson fascé de 6 pièces (du Chastel ?).

Le maître-autel, en kersanton, mesure 3 mètres 50 de longueur. Il est gothique et décoré de panneaux finement ouvragés. Au-dessus règne une belle frise de feuillages découpés et évidés. Dans les panneaux du centre, on aperçoit deux angelots : l’un tient un écusson chargé d’un calice st une banderole portant, en caractères gothiques, l’inscription suivante : Yves an Du lan mil cincq centz x II ; le second porte une banderole qui offre aussi une dizaine de caractères gothiques très distincts. Le retable de l'autel, en bois sculpté, porte des têtes d’anges et deux oiseaux. Quant au tabernacle, il est double ; la partie inférieure offre un ostensoir, tandis que le tabernacle supérieur présente le Christ crucifié, avec la Vierge et Saint Jean, encadré de deux vertus supportant des guirlandes de fleurs. Plus loin figurent deux autres vertus dans les mêmes conditions. A gauche et à droite du tabernacle s’étale cette inscription : Y : LE GUEN R : DE L : L’AN 1682.

A gauche de l’autel on aperçoit une grande statue couronnée de N.-D. de Locmaria, qui de la main droite présente un objet à l'Enfant Jésus qu’elle porte de la main gauche. A ses pieds un grand croissant jaune et un dragon rougeâtre.

A droite de l’autel apparaît un grand Saint Jean-Baptiste. On voit dans la chapelle une autre statue, celle de Sainte Brigitte, qui tient un livre sur ses genoux ; deux bénitiers dont l’un mesure un mètre de diamètre, tandis que l’autre, près de la porte latérale, présente cette inscription : P . G . 1604 ; puis deux enfeux et une dalle funéraire qui porte une croix à longue hampe, dont le croisillon est entouré d’un cercle.

Un procès-verbal de 1614 a relevé quelques détails intéressants touchant N.-D. de Locmaria. Ce sont les Kerman-Lesquelen qui y avaient fait placer la verrière du chevet. On y voyait un groupe de N.-D. de Pitié, entouré des effigies de Tanguy de Kerman et de Louise de la Forest. Celle-ci est présentée par l'apôtre Saint Jean qui tient une coupe, son mari par Saint Goulven, en évêque. Au-dessous on lit : Sancte Golvine ora pro nobis. Au quatrième panneau figurent Saint Pierre avec sa clef, Saint Paul avec son épée, et le roi Saint-Louis rendant la justice assis, en grand manteau d’hermines semé de fleurs de lys d'or, et en chaperon rouge... Au-dessous : 1508 — S Louys. Les armes des Rohan, avec le collier de l'Ordre et la devise A plus brillent au sommet de la fenêtre, et onze écus de Kerman et alliances — entre autres Pestivien (?) Coëtmen et du Perrier — occupent les jours du remplage. Dans le quadrilobe d’une petite fenêtre latérale apparaît le lion de Léon (L. Le Guennec, Prééminences de la famille De Maillé-Kerman..., p. 22). 

Une pièce du 26 Juillet 1735 signale l'existence de deux fondations faites à Notre-Dame de Locmaria au cours du XVème siècle. Le 20 Juin 1410, Sébastien Coetelleau établit par testament une messe à note le jour de l'Ascension. Plus tard, en 1451, une dame Amabile Marzin fait une fondation aux termes de laquelle on viendrait processionnellement de l'église paroissiale à Locmaria, le jour de la Fête-Dieu, pour y chanter la messe du Saint-Sacrement "

AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

— AMEMIYA (Hiroko) Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129

Résumé : Le thème principal de cette etude est de voir quel role la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joue au japon et en bretagne, a travers les recits relatifs a l'epouse surnaturelle. Pour la bretagne, les recherches s'etendent egalement sur l'iconographie religieuse representant l'etre semi-humain telles la sirene et la femme-serpent. La region conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siecles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'epanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux facons en bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'etudier leur compatibilite dans leur contexte socioculturel. Les recits qui traitent le theme du mariage entre l'etre humain et l'etre non-humain revelent la conception de l'univers d'une societe. L'autre monde ou les etres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet a la societe de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du Japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en bretagne, la destruction de la cite legendaire d'is est causee par une fille maudite nee d'une fee. Le premier volume de cette etude est compose de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au japon, ii. Recits relatifs au mariage au japon et en bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxieme volume est un inventaire des differents types de representation semi-humaine en bretagne.

CASTEL (Yves-Pascal)1260 Plabennec, les petites croix de Locmaria-Lan... 31.08.96., Yves-Pascal Castel : articles du Progrès de Cornouaille / Courrier du Léon ” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 25 juin 2019, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/2774.

 

— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988. 

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/929d131ccf0e85c0f4d63b4794d6d5e9.pdf

CHAPELLE DE LOCMARIA-LANN Elle fut église tréviale jusqu'en 1696. Ruinée après la Révolution, elle a été restaurée en 1841. 

"De plan irrégulier, elle comprend une nef de cinq travées avec bas-côté au nord et de quatre travées avec bas-côté au sud. Clocher du XVIIè siècle : galerie à moitié détruite, une chambre de cloches, flèche sans crochets. Le porche est voûté : l'arcade gothique extérieure est surmontée d'une statue en kersanton de la Vierge Mère couronnée ; au-dessus de la porte intérieure, statue en pierre du Christ Sauveur du monde.

Les statues qui garnissaient les deux murs latéraux (saintes dont une Véronique) sont actuellement dans la chapelle. Mobilier : Maître-autel en kersanton, de 3,5 m. de longueur (C.). Le devant est orné de panneaux finement sculptés et d'une frise de feuillages découpés et évidés. Un ange tient une banderole portant l'inscription en caractères gothiques : "YVES. AN. DU. LAN. MIL. CINCQ. CENTS. XII."

Retable en bois sculpté avec deux tabernacles superposés ; inscription : "Y. LE GVEN. R. DE. LAN. 1682."

Statues anciennes : Crucifix, Vierge Mère dite Notre Dame de Locmaria, XVIIè siècle, saint Joseph, sainte Anne seule, et celles en bois autrefois dans le porche.

Deux bénitiers en pierre ; l'un d'eux porte l'inscription : ".P G. 1604" - Bénitier portatif de bronze : "NOSTRE DAME DE LANDE DE LOCMARIA."

— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut.

MAUGUIN (Michel), Loc-Maria-Lann, la chapelle,

http://michel.mauguin.pagesperso-orange.fr/sonj/loc_mari.htm

— LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

— LE THOMAS (Louis) 1963 "Les Arbres de Jessé bretons", première partie, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère 165- 196.

 — LE THOMAS (Louis) 1963, "Les Arbres de Jessé bretons", troisième partie, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère pp. 35-72.

PRIGENT, Christiane. 1981, Etude de quelques sculptures bretonnes influencées par les modes venues des pays nordiques. Dans : Bulletin de la société archéologique du Finistère, t. CVIII, 1981.

 — PRIGENT, Christiane, 1982, . Les statues des vierges à l'enfant de tradition médiévale: XVe- XVe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille  Prigent, Christiane. - [Université de Rennes] (1982)

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vierges à la démone. Bandeau Chapelles bretonnes.
28 juin 2019 5 28 /06 /juin /2019 11:15

La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone (bois polychrome, fin du XVIe siècle), et le retable nord (XVIIe ?).

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Voir sur cette chapelle :

 

 

 

 

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Voir d'autres Vierges à la démone de Bretagne dans les articles suivants :

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5319822200139va/6a84908d-7360-40ec-b2e7-0350abc13e37

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Sur les Vierges à l'Enfant de la fin du XVIe, voir ici, en plus des liens déjà proposés :

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Voir sur Notre-Dame de Lorette :

 

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PRÉSENTATION.

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"Sur la commune de Saint Ségal, la chapelle Saint Sébastien est souvent surnommée la « petite cathédrale », tant par ses dimensions largement supérieures à celles des chapelles environnantes que par la qualité du travail des artistes qui y ont travaillé.
De style « Renaissance breton », elle fut érigée au XVIème siècle dans une boucle de l’Aulne, sur les terres du seigneur de Kergoët, dont la famille participa aux rénovations et transformations de la chapelle jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Sa construction est un acte votif et populaire, après la terrible épidémie de peste qui, venant de Brest s'étendit au XVIe siècle, jusqu'à Hanvec et le Faou, mais épargna les rives de l’Aulne.
Les retables polychromes témoignent de deux époques distinctes : dans le transept nord, les retables polychromes de la mi-XVIe siècle, contemporains de l'édification de la chapelle ; dans le chœur (maître-autel) et transept sud, des retables polychromes du début XVIIIe siècle, dit de "baroque breton ».
Les retables de ces deux périodes bien distinctes sont un riche témoignage de la qualité du travail des artisans bretons des XVI et XVIIIe siècles et sont considérés comme étant notoirement parmi les plus beaux et anciens (XVIe) de Bretagne.

Chaque année, la commune de Saint-Ségal maintient, en juillet, le Pardon de St Sébastien (dimanche le plus près de la Ste Madeleine) auquel se joignent encore les communes riveraines de l’Aulne." (Fondation patrimoine)

La chapelle Saint-Sébastien comprend une nef de trois travées avec bas-côtés, un large transept et un chœur à chevet plat peu débordant. Elle remonte au XVIe siècle mais elle a été remaniée au XVIIe ; la sacristie date du XVIIIe siècle.

Le chœur et les transepts reçoivent chacun un autel surmonté d'un retable et de statues grandeur nature.

Dans  le chœur dont le  retable ou du moins l'autel daterait (Couffon) de 1729, se trouvent saint Sébastien et saint Fabien, ainsi qu'un autre grand saint thaumaturge invoqué contre la peste, saint Roch (et son chien Roquet). Saint Modet ou Maudez  est également présent. 

Le transept sud forme une chapelle vouée à la Parenté de la Vierge avec ses parents sainte Anne et saint Joachim, ainsi que Zacharie et  Jean l'évangéliste  (il manque donc Elisabeth, épouse de Zacharie et mère de Jean-Baptiste). Le retable date de 1707.

Le retable du transept nord est un peu plus ancien :  René Couffon le datait du XVIIe, la fondation Patrimoine du mi-XVIe .

Initiant  le thème de la Sainte Parenté, cette chapelle accueille les statues de Marie, de son époux Joseph et de leur enfant, Jésus (dans les bras de son père). Tout cela forme donc un programme  cohérent.

Mais le décor de ce transept nord développe l'iconographie mariale et propose à la dévotion Marie comme Nouvelle Ève (statue), puis comme Notre-Dame de Lorette (bas-relief).

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Les représentations de la Vierge à la Démone sont nombreuses en Bretagne, font toujours allusion à la Vierge de l'Apocalypse  et de la conviction de son Immaculée Conception, en association ou non avec le thème de la généalogie royale de Marie et de la prophétie de sa virginité  (Arbre de Jessé). C'est l'un des points d'intérêt de la visite de la chapelle Saint-Sébastien de pouvoir se livrer, une fois de plus, à une démarche comparative du thème iconographique en se plaisant à y retrouver les constances, mais aussi, les développements, tout comme l'amateur de jazz se réjouit d'écouter une nouvelle variation d'un standard. Mais auparavant, regardons la disposition générale.

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DESCRIPTION GÉNÉRALE.

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La  baie simplement vitrée (dont la lumière gène beaucoup le photographe...) est encadrée de deux niches à volets. Dans celle de gauche, dont le volet montre un évêque, saint Côme et saint Damien,  prend place saint Joseph tenant Jésus . Dans celle de droite, la Vierge à la Démone, et sur les  volets des scènes de la Vie de Marie et de Jésus enfant.

Un registre intermédiaire montre sur quatre panneaux les Évangélistes.

Plus bas, les 12 panneaux du retable proprement dit, racontent la translation de la Santa  Casa du culte de N.D. de Lorette.

Devant l'autel, nous aurons à décrire trois autres panneaux .

Tout ceci serait très incomplet si nous négligions la sablière et les blochets : un morceau de roi pour les passionnés de leurs motifs. Mais je les décrirai à part.

Je viens donc de présenter le plan-menu de mon article. 

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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I. LA VIERGE À LA DÉMONE.

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Hauteur 1,70 m. Polychromie récente.

 

La statue est posée dans une niche à volets. L'attribut de la main droite manque (fleur ? sceptre ? fruit ?). On peut penser que les deux anges, face à face au dessus de la tête de la Vierge, ont du porter une couronne. La robe est serrée à la taille par une ceinture dorée à nœud ansée. 

Le manteau bleu à galon or, attaché par un fermail à médaillon et boutons latéraux dorés, fait retour à gauche en un pan recouvrant la jambe et dont la courbe horizontale laisse imaginer qu'il est fixé sous l'aisselle droite (et non retenu par la main droite).

La robe blanche descend jusqu'aux chaussures. Ses manches larges et retroussées laissent passer une chemise blanche qui s'affine sur les poignets en orbes successives.

Le visage ovale a un regard franc sous des hauts sourcils épilés et un front haut. Le nez est étroit, la bouche toute petite mais souriante.

Les cheveux bruns tombent sur les épaules après avoir été regroupés par un bandeau postérieur auquel j'attribue une haute valeur de marque iconographique. Cette large bande plissée en papillon passe derrière la nuque. On pourrait parler de bandeau cervical, ou occipital, ou rétro-nucal, mais je l'ai surnommer "chouchou" depuis le début de mes investigations pour le mieux retrouver sur mon onglet "recherche".

L'Enfant porte une robe rose dégageant ses jambes nues. Présenté en Sauveur, il tient le Monde dans sa main gauche et il le bénit.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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La Démone associe son visage aux cheveux longs  et son buste avenant à  une queue de serpent. Elle est asservie par la chaussure de la Vierge posée sur sa nuque, mais la rebelle redresse la tête et lève bien haut la pomme qu'elle brandit dans la main gauche, pour affirmer que son pouvoir, celui du Désir et — c'est la même chose — de la Tentation n'est pas encore aboli.

De même, le mouvement ascensionnel de sa queue qui grimpe le long de la jambe gauche de Marie affirme qu'elle n'a pas dit son dernier mot.

Cette queue est verte et ce choix répond à une détermination symbolique des couleurs extrêmement claire : le bleu, le blanc et l'or pour Marie, le rose pour Jésus, la couleur chair et le vert pour la démone. Comme la montré Michel Pastoureau, le vert est jusqu'au XVIe siècle la couleur que portent les fous, c'est celle de Tristan (anneau de jaspe, blason de sinople) mais c'est surtout la couleur de Satan, du diable, des ennemis de la chrétienté, des êtres étranges comme les fées,  les sorcières et  les lutins . : "

 "Couleur ambivalente, sinon ambiguë, il est symbole de vie, de sève, de chance et d'espérance d'un côté, associé au poison, au malheur, au Diable et à ses créatures de l'autre. Chimiquement instable, le vert a été apparenté à tout ce qui était changeant : l'enfance, l'amour, la chance, le jeu, le hasard, l'argent." M. Pastoureau 2017

Donc couleur du diable mais aussi couleur de la sève qui donne à cette queue sa vigueur ambiguë ou, on l'aura compris, sexuelle.

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Toutes ces caractéristiques sont celles des  Démones de la deuxième moitié du XVIe siècle. Il n'en va pas de même des larmes peintes sur le visage démoniaque. Il ne me semble pas qu'elle soit en relief sur le bois. Est-ce là l'initiative d'un peintre restaurateur ? Ce serait fort mal venu, car cela laisse supposer un remord absolument contraire, pour ceux qui le connaissent,  à ce suppôt du Mal. Si au contraire, ce qui est peu probable, les  preuves existent que les larmes sont là dès l'origine, ce serait un hapax qui nous questionnerait.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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LES DOUZE APÔTRES.

Je n'en montre que trois :

Saint Philippe et sa croix.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Saint Simon et sa scie.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Saint Matthieu et sa hallebarde.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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LES VOLETS DE LA NICHE.

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Le volet de droite.

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1. Jésus, Marie et Joseph.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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2.  Marie et Joseph.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Le volet de gauche.

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3. Jésus, Marie et Joseph.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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La Fuite en Égypte.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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SAINT JOSEPH TENANT JÉSUS. NICHE À VOLET.

Je renvoie à mon article Iconographie de Côme et Damien.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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LES QUATRE ÉVANGÉLISTES.

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Saint Marc et son lion.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Saint Jean et son aigle.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Saint Matthieu et l'ange.

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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.

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Saint Luc et le taureau.

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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.

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NOTRE-DAME de LORETTE ; LA TRANSLATION DE LA SANTA CASA.

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  Le culte de Notre-Dame de Lorette est italien avant d'être breton : C’est par une notice écrite en 1472 par Pietro Giorgio di Tolomei, dit le Teramano, que l’on connaît l’histoire de la « Maison de Lorette » . Elle est complexe puisqu'elle décrit cinq translations successives de la maison de la Vierge à Nazareth jusqu'à Loretto. 

 

Au  IIIe siècle, quand sainte Hélène se serait rendue à Nazareth, elle aurait découvert la maison de Nazareth dans laquelle Marie serait née, aurait reçu son éducation et grandi avec ses parents sainte Anne et saint Joachim, puis y aurait eu l'annonce de l'Incarnation. Hélène y aurait élevé une église.

Au XIIe siècle, les lieux saints chrétiens devinrent menacés par les Sarrasins et l'église construite par Hélène fut détruite. Un même sort aurait été réservé à la maison de Nazareth.

C'est alors que selon la tradition, Dieu fit miraculeusement transporter la Sainte Maison (Santa Casa) en Croatie, dans les villes de Trsat (Tarsatica) et Rijeka (Fiume), sur le mont Rauniza, avec l'aide de ses anges. C'est la première translation. Un premier pèlerinage se crée.

Mais les pèlerins étaient souvent la proie de voleurs et de criminels : il faut déplacer le sanctuaire

Aussi, trois ans et sept mois plus tard, la Sainte Maison aurait été de nouveau transportée par deux anges dans la marche d'Ancône. Deuxième translation.

 

Elle y resta neuf mois, après quoi les anges la déplacèrent pour la placer près de Porto Recanati , dans la région de "Banderuola", où se trouve encore aujourd'hui une petite église. il y avait un bosquet appartenant à une femme noble de Recanati nommée Loreta, d'où le nom de la ville de Loreto. C’est là que des bergers ont vu une lumière éblouissante sortir des nuages ​​et, derrière la lumière, la maison.  Troisième translation.

Mais le sanctuaire était donc trop près de la mer, donc exposé aux dangers des raids turcs; là aussi, des criminels ont commencé à se précipiter pour dépouiller les pèlerins venus en pèlerinage. Par conséquent, huit mois plus tard, les Anges déplacèrent à nouveau la Casa sur le terrain appartenant à deux frères, les comtes Simone et Stefano Rinaldi d’Antici, qui commencèrent cependant rapidement à tirer parti des pèlerins et à se battre pour les extorsions perpétrées contre les croyants pieux. Quatrième  translation.

 Et encore une fois, après seulement quatre mois, les anges habituels ont élevé la Maison et l’ont posée, en décembre 1296 , au beau milieu de la route allant de Recanati, dans un lieu public que personne n'aurait pu revendiquer et exploiter, au sommet d'une colline (mont Prodo). Cinquième translation.

 

En 1507, Jules II plaça Lorette sous la tutelle directe du Saint-Siège. Les papes Pie II, Paul II, Sixte IV, Clément VII, Léon X et Sixte V reconnaissent officiellement ce prodige.  Sixte V, en 1585, éleva Lorette au rang de cité, donna le titre de cathédrale à son église et y établit un siège épiscopal. Le sanctuaire de Lorette est depuis lors devenu l'un des plus importants lieux de pèlerinage de l'Europe du XVI et XVIIe siècles.

Une célèbre statue emblématique, dite Vierge noire, sculptée dans un cèdre du Liban, est associée à des miracles.

Dans les années 1600, une messe et une litanie mariale ont été approuvées. 

 La « Maison de Lorette » devient alors un lieu de pèlerinage et de miracles. Ainsi, en 1462 (1464), le cardinal Pietro Barbo, atteint de la peste, en revient guéri et est élu pape en 1464 sous le nom de Paul II, conformément au message de la Vierge qui lui était apparue là-bas en songe. Un culte se développe à Notre-Dame-de-Lorette. En 1632 un office propre à Notre-Dame-de-Lorette s’ajoute au calendrier liturgique le 10 décembre.

 

La plus antique allusion à la translation miraculeuse de la Santa Casa se trouve dans le manuscrit des Heures de Jeanne d’Evreux, enluminé à Paris aux alentours de 1325, soit une trentaine d’années après l’événement. 

  En Finistère, on la vénérait en l'église de Rédéné (pays de Quimperlé), à Notre-Dame de Lorette de Lanriec près de Concarneau, à la chapelle Saint-Sébastien de Saint-Ségal (Chateaulin) ou en l'église de Plouhinec prés d'Audierne, mais ce n'est qu'à Plogonnec et à Irvillac qu'une chapelle porte son nom.  On cite encore les sanctuaires qui  portent, ou ont porté, ce nom à Bannalec, Elliant, Garlan, Gouesnou,  Leuhan, , Plougasnou, Ergué-Armel, Quimperlé, Saint-Pol-de-Léon, preuve de la vogue de ce culte du xvie au xviiie s., ici comme dans toute l’Europe occidentale.

En Bretagne, on trouve une chapelle votive à Comblessac (35), et à Le Quillio (22).

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L'interprétation des 12 panneaux est périlleuse, au vu de la complexité des différentes versions des différentes translations. L'ordre des panneaux a été modifié. Il faut se rapporter aux  sources :

 

 

—Horatius Tursellinus [Orazio Torsellini,] , 1597, traduite en 1599, L'histoire mémorable de Nostre Dame de Lorette, par un jésuite recteur du collège de Lorette

https://books.google.fr/books?id=6S5KAAAAcAAJ&dq=lorette+%22+grenoble%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— Louis Richeome (assistant de la province jésuite de France à Rome de 1608 à 1615), 1603,  Pèlerin de Lorette, 1603

Yves Madec proposait :

 

 

"Les panneaux sont au nombre de onze :

1.Un homme et une femme prient à genoux devant la sainte maison à Nazareth.

2. Deux hommes tués. Les anges commencent à enlever la sainte maison. 

3. Des hommes et un moine s'extasient devant la sainte maison qui ne parait pas d'aplomb. Ce panneau doit représenter l'arrivée à Tersalz.

4.· Scène de contestation très vivante entre les deux frères possesseurs du sol. Les anges enlèvent la Santa Casa.

5. Les anges transportent la sainte maison, elle est placée sur un monticule et les témoins manifestent la plus vive allégresse.

6. On vérifie avec soin les fondations de la sainte maison restées à Nazareth. Un des personnages porte une torche. (Ce panneau est tout en bas).

7. Translation de la sainte maison.

8. Gens enchaînés en prières.

9 . Même scène ; quelques-uns ont des chapelets.

10. Guérison d'un enfant.

11. Malversations: on dégaine. Les anges réenlèvent la sainte maison."

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1er panneau. Deux anges s'emparent de la maison à Nazareth; tandis que les fondations restent sur place.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau 2. les anges  déposent la Santa Casa en Croatie.

(Torsellini chapitre 2).

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau 3.

(Torsellini chapitre 3 et chapitre 16)

Des hommes vont mesurer de nuit, à la lumière d'un flambeau les fondations de la construction restée sur place en Palestine. 

Sur la demande du prêteur de Croatie, Esclavonie et Istrie  Nicolas Frangipan, seigneur de Tersat, quatre hommes "de probité et de foi", dont l'évêque Alexandre, de se rendre en Galilée. Ceux-ci parviennent sur les ruines de la maison de Marie et "mesurent la longueur et largeur  de l'aire, l'épaisseur des fondements, et trouvent que tout en tout se rapporte aux mesures de la chapelle transportée en Esclavonie [Slavonie]".

 

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau 4. Premiers miracles.

Castel et Leclerc évoque ici "une femme de Grenoble". Ce serait alors Antoinette, la noble épouse d'Orentorix, possédée de sept diables, et délivrée par Notre-Dame. (Torsellini Livre II chap. 7)

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau  5.

(Torsellini chapitre 5)

Les pèlerins étant victimes d'agressions par des brigands, la Maison est enlevée de Croatie et translatée par des anges.

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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.

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 Panneau 6 

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Un cartouche portait (ou était prévu pour porter ) une inscription.

La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.
Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau  7.

 

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau  8.

Un religieux (carme ?) dans la même tenue que le panneau 12 est en discussion animée avec trois seigneurs. Dieu apparait  dans les nuées, tandis que la Maison semble s'élever.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau  9.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau  10. Des anges enlèvent la Maison d'un lieu où des soldats se battent.

 

(Torsellini chapitre 8)

On peut sans doute y reconnaître la dispute des frères Antici pour conserver sur leurs terres respectives la Maison.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Panneau 11. Les deux anges s'apprêtent à déposer la Maison en un lieu désigné par deux seigneurs.

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Panneau  12 Saint Yves ??.

Ce panneau est énigmatique. Un moine (un saint ??) présente un cartouche portant des inscriptions "pseudo coufiques" (en caractères illisibles) hormis les derniers caractères qui peuvent se lire comme St Yves. Le religieux se détache sur un voile portant (aujourd'hui) les armoiries de Bretagne d'hermines.

Le costume associe une robe de bure serrée par une ceinture (franciscain, cordelier) à un camail à capuchon, mais la longue bande blanche frontale est celle d'un scapulaire des Dominicains ... dont la robe est blanche.

Nous ne pouvons nous fonder sur les couleurs de la peinture actuelle pour une interprétation juste.

Un religieux breton a-t-il joué un rôle dans la propagation du culte de Notre-Dame de Lorette ?

Pour Castel et Leclerc, qui ont vu le panneau avant la restauration de 2017, "un religieux carme porte un large panneau en caractères fantaisistes indéchiffrables".

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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LES TROIS PANNEAUX DEVANT L'AUTEL.

Je vois l'élection d'un pape puis sa comparution devant un empereur, puis son arrestation.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

Transept nord de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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ICONOGRAPHIE COMPARATIVE : LES VIERGES À LA DÉMONE.

Pour Christiane Prigent, qui la date de la fin du XVIe siècle,  la statue de la Vierge de Saint-Sébastien  "est assez semblable à celle de l'église de Leuhan (2eme moitié XVIe). Elle s'apparente par le type de son vêtement (robe serrée à la taille par une ceinture à nœud ansée, manteau drapé transversalement, foulard enserrant la chevelure), la position de son Enfant assis, de trois-quart, jambes croisées, à la Vierge de la chapelle des Cieux à Huelgoat, elle-même très proche de la Vierge de Saint-Thégonnec, œuvre morlaisienne des années 1575."

Mais à propos de la Vierge à la Démone de Leuhan, le même auteure rattachait à un groupe incluant les Vierges de la chapelle Saint-Pierre de Plogonnec, celle de Kermanac'h en Plounévez-Moédec.

De façon générale, "la grande série des Vierges sur croissant et démone date de la fin du XVIe"

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Hiroko Amemiya a décrit dans sa thèse  52 "Vierges à l'Enfant foulant une représentation semi-humaine". Voici la liste commentée des 28 exemples du Finistère :

 

  • Bohars, église Saint-Pierre-es-Liens / chapelle de Locquillo : bois polychrome, assise, XVIe. Démone à la pomme. Queue de serpent  nouée sur elle-même.
  • Brest, église Saint-Louis, bois polychrome, XVIIIe. 
  • Landudal, église Notre-Dame-du-Populo, bois polychrome, Fin XVIe ? Vierge couronnée par deux anges. Croissant. Enfant tenant la citation d'Isaïe Ecce virgo concipiet. Démone à la queue de serpent se redressant verticalement.
  • Carhaix-Plouguer, chapelle Sainte-Anne, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Bandeau occipital, Jessé. Démone à la pomme associée à un dragon. Queue de serpent se redressant verticalement.
  • Kergloff, chapelle de la Trinité, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée ;  croissant.  Démone à la pomme. Queue de serpent se redressant verticalement.
  • Poullaouen, église Saint-Pierre et Saint-Paul, atelier de Carhaix ? 2eme moitié XVIe, bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Poullaouen, chapelle Saint-Tudec, bois polychrome, atelier de Carhaix ? 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent se redressant verticalement.
  • Saint-Hernin, ossuaire de l'église Saint-Hernin, bois polychrome : Anne trinitaire à la démone. "Fin XVIIe"?? Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant en socle.
  • Saint-Ségal, chapelle Saint-Sébastien, bois polychrome, fin XVIe. Vierge couronnée (couronne perdue) par deux anges. Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Le Moustoir, chapelle Saint-Ruellin, bois polychrome, fin XVIe. Couronne ? Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Leuhan, église Saint-Théleau, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant autour du pied de la Vierge.
  • Irvillac, chapelle Notre-Dame de Lorette, granite polychrome, 2eme moitié XVIe.Vierge couronnée. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Plougastel-Daoulas, chapelle Saint-Trémeur. bois polychrome, XVIIe. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Plogonnec, chapelle Saint-Pierre, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée.  Démone  à poitrine nue. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Landeleau, chapelle Saint-Laurent, bois polychrome, 2eme moitié XVIe, assise. Vierge couronnée.  Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Locquirec, église Saint-Jacques. Bois polychrome. Niche à volets, arbre de Jessé. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Le Folgoët, église Notre-Dame. Kersantite, XVe (?) Ceinture nouée par une ganse. Cape fermée par une chaîne. Bandeau occipital. Croissant. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.
  • Plouider, chapelle Saint-Fiacre. Bois polychrome, XVIe. Bandeau occipital. Croissant. Queue de serpent remontant verticalement.
  • Plourin-les-Morlaix, église Notre-Dame.  Bois polychrome, début XVIe ? Vierge couronnée.  Croissant, arbre de Jessé. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant à l'arbre de Jessé.
  • Plabennec, chapelle de Locmaria Lann. Bois polychrome, XVIIe. Vierge à bandeau occipital. Mandorle rayonnante (perdue).Croissant.  Démone à la pomme ? (bras perdu). Queue de serpent remontant verticalement.
  • Brennilis, église Notre-Dame. Bois polychrome, vers 1575. Niche à volets. Vierge couronnée.  Démone à la pomme. Queue de serpent remontant verticalement.
  • Pleyben, chapelle de Gars-Maria. Kersantite.  vers 1578-1580. Vierge couronnée.  Démone à la pomme, Queue de serpent remontant verticalement.
  • Pleyben, chapelle de Gars-Maria. Bois polychrome, XVIe. Démone à la pomme. Queue de serpent remontant verticalement.
  • Pleyben, chapelle de Notre-Dame de Lannelec. Kersantite, vers 1578. Bandeau occipital.  Démone à la pomme.  Queue de serpent remontant verticalement. Atelier de Pleyben d'après les modèles de l'atelier de Locronan.
  • Lampaul-Ploudalmézeau, église Saint-Paul. Bois polychrome, XVIe? Démone à la pomme.  Queue de serpent remontant verticalement.
  • Saint-Yvi, église Saint-Yvi. Bois polychrome. Fin XVIe. Croissant (disparu) et Jessé endormi. Bandeau occipital. Fin XVIe.
  • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame. Bois polychrome, fin XVIe. Niche à volets, Arbre de Jessé, croissant. Bandeau occipital. Démone à queue de serpent.
  • Scaer, chapelle Saint-Adrien. Bois polychrome, fin XVIe. Démone à la pomme.

 

Il faudrait ajouter à cette série les 20 exemples de "Vierge foulant un serpent ou un dragon", série apparentée mais apparaissant au XVIIe et XVIIe siècle (cf. Kerdévot en Ergué-Gabéric) . Ainsi, les démones semi-humaines disparaissent quasi complètement à partir du XVIIe.

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Commentaires.

Parmi ces 28 Vierges à la Démones du Finistère, on dénombre (rapidement) : 1 statue du XVe (en kersantite), 21 statues du XVIe, 3 statues du XVIIe et 1 du XVIIIe.

Dans le groupe majoritaire du XVIe, 1 date du début de ce siècle, 7 du milieu, 9 de son dernier tiers ou de sa fin, et 4 sont "du XVIe".

Cela confirme les remarques de Couffon puis de C. Prigent, pour qui la grande série des Vierges à croissant et démones date de la deuxième moitié du XVIe siècle : 16 exemples sur 28.

 

Jessé : 5 fois

Vierge, debout 26 fois. En bois 24 fois, en kersantite 3 fois, granite 1 fois. Couronnée 12 fois . Bandeau occipital 11 fois, presque toujours de la fin du XVIe (mais celle du Folgoët fin XVe... ou XVIe ). Croissant de lune 6 fois.

Démone : poitrine féminine nue 21 fois.la pomme  est présente dans 21 cas. La queue de serpent dans 25 cas. Elle n'est ailée qu'à Plabennec.

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Les ateliers de sculpture sur bois .

Christiane Prigent distingue dans sa thèse plusieurs ateliers de sculpteurs de Vierges en bois:

Celui de Locronan vers 1560 (avec le pan gauche du manteau ramené sur le devant de la robe par la main gauche).

Celui de Carhaix vers 1575 et durant la deuxième moitié du XVIe, produisant à partir d'un modèle de la chapelle Saint-Jean en Duault une grande série dans les cantons du Faouët, Carhaix, Gourin, Callac et Châteauneuf-du-Faou, (à Kergloff, Carnoët, Cleden-Poher, Poullaouen (église et Saint-Tudec), Scaer.

Un atelier de Morlaix auteur de la Vierge de Saint-Thégonnec, dont on retrouve des caractéristiques à Huelgoat (chapelle Notre-Dame des Cieux), à Leuhan, Saint-Ivy et Saint-Ségal.

Elle relie la Vierge de Saint-Sébastien en Saint-Ségal avec celle de Saint-Yvi et celle de Huelgoat (à peine entrevue ici):

"On y retrouve la position de l'Enfant, jambes découvertes et croisées ; le costume et la coiffure de la Vierge se révèlent identiques : un large bandeau enserrant la chevelure de la nuque. "

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LE BANDEAU OCCIPITAL.

 

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A. Il existe sur 11 des 28 Vierges à la Démone du Finistère ( 11 du XVIe ).

 

  • Carhaix-Plouguer, chapelle Sainte-Anne, bois polychrome, 2eme moitié XVIe. Vierge couronnée. Bandeau occipital, Jessé. Démone à la pomme associée à un dragon. Queue de serpent se redressant verticalement.

  • Poullaouen, église Saint-Pierre et Saint-Paul, atelier de Carhaix ? 2eme moitié XVIe, bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Saint-Ségal, chapelle Saint-Sébastien, bois polychrome, fin XVIe. Vierge couronnée (couronne perdue) par deux anges. Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Le Moustoir, chapelle Saint-Ruellin, bois polychrome, fin XVIe. Couronne ? Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Landeleau, chapelle Saint-Laurent, bois polychrome, 2eme moitié XVIe, assise. Vierge couronnée.  Bandeau occipital. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Le Folgoët, église Notre-Dame. Kersantite,, Bastien Prigent XVIe. Ceinture nouée par une ganse. Cape fermée par une chaîne. Bandeau occipital. Croissant. Démone à la pomme. Queue de serpent s'enroulant verticalement.

  • Plouider, chapelle Saint-Fiacre. Bois polychrome, XVIe. Bandeau occipital. Croissant. Queue de serpent remontantverticalement.

  • Plabennec, chapelle de Locmaria Lann. Bois polychrome, XVIIe. Vierge à bandeau occipital. Mandorle rayonnante (perdue).Croissant.  Démone à la pomme ? (bras perdu). Queue de serpent remontant verticalement.

  • Pleyben, chapelle de Notre-Dame de Lannelec. Kersantite, vers 1578. Bandeau occipital.  Démone à la pomme.  Queue de serpent remontant verticalement. Atelier de Pleyben d'après les modèles de l'atelier de Locronan.

  • Saint-Yvi, église Saint-Yvi. Bois polychrome. Fin XVIe. Croissant (disparu) et Jessé endormi. Bandeau occipital. Fin XVIe.

  • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame. Bois polychrome, fin XVIe. Niche à volets, Arbre de Jessé, croissant. Bandeau occipital. Démone à queue de serpent.


 

 

 

 

Il existe aussi sur la Vierge à la Démone de

  • Ploubezre (22), chapelle de Kerfons (date ?)
  • Cléguérec (56), chapelle de la Trinité, 1594.

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B. Il est présent sur huit Vierges allaitantes du Finistère

Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges. 

Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la Vierge.

Vierges allaitantes III : Chapelle de Quillidoaré à Cast, la Vierge.. 

Vierges allaitantes IV : Kerlaz, la Vierge.

Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin : la Vierge ressuscitée

Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

Vierge allaitante VIII :  de  l'ossuaire de Pleyben.

Vierges allaitantes du Finistère X. La chapelle St-Denis à Seznec, Plogonnec.

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C. Il est présent aussi sur 10 statues de la Vierge en Finistère :

 

1. La Vierge de l'Annonciation du porche de l'église saint-Germain de Pleyben. Kersanton, 1588.

On peut observer que le costume possède des points communs avec les vierges allaitantes, par exemple les poignets "gaufrés". Et aussi que la chevelure est dénouée et serpentine, ce qui est inhabituelle pour une vierge de l'Annonciation d'habitude plus retenue.

2. La vierge à l'enfant Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou. Date ?

3. La Vierge à l'Enfant de l'église Saint-Julien de Châteauneuf du Faou (16e siècle) : 

L'église Saint-Julien et Notre-Dame à Châteauneuf du Faou.

4. Notre-Dame de Bon-Secours de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. XVIe siècle. Vierge à l'Enfant, bois polychrome, Bandeau occipital, croissant lunaire, mandorle, ceinture à boucle puis nœud

Le retable de Notre-Dame-du-Bon-Secours, église de La Roche-Maurice (29).

5. Vierge à la Démone du Folgoët. Kersantite XVIe, Bastien Prigent (1527-1577), manteau à fermail en chaîne à pan gauche faisant retour sous le bras gauche, robe à ceinture nouée, croissant de lune.

6. Vierge de la Nativité du tympan du porche de 1566.

 

7. Vierge à la Démone de Brennilis.

8. Sur une statue de l'église de Bodilis.

9. La Vierge à l'Enfant Notre-Dame du Bon Secours (XVIIe) de la chapelle Saint-Nicodème de Ploéven.

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On trouve ce motif exceptionnellement dans d'autres départements bretons (mais biais de recrutement ?)

10. Vierge à l'Enfant de Lantic (22)

 

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D. On le trouve aussi sur des statues ou représentation de Marie-Madeleine  :

1. Sur le calvaire de Dinéault : Marie-Madeleine, sculptée par les frères Prigent, actif entre 1527 et 1577

Le calvaire de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault.

 

2. Sur une Déploration de Bodilis . Bois polychrome, XVIe, bandeau occipital sur Marie-Madeleine.

Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration. 

3.  À Pencran, sur une   statue de Marie-Madeleine. kersanton, Bastien Prigent.

4. Sur un calvaire de Ploéven.

 La chapelle Sainte-Barbe de Ploéven. Son calvaire, son vitrail, sa statuaire, son Pardon. Marie-Madeleine de la Déploration du calvaire (kersanton, vers 1575)

5. Sur un vitrail du Faouët.

Les vitraux du XVIe siècle de la chapelle Ste-Barbe du Faouët (56) : II. la Transfiguration. Vers 1512-1515. C'est Marie-Madeleine qui porte ce bandeau.

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D. Enfin, il peut se retrouver sur d'autres personnages féminins.

1. La Sibylle de Tibur de Roscoff.

Bois polychrome, 1606, le bandeau occipital est porté par la Sibylle Tiburtine.

 

2. La cariatide de La Martyre.

L'église Notre-Dame de Rumengol.  V : les gargouilles et crossettes. 

Ossuaire de La Martyre, cariatide, kersanton, 1606.

La chapelle Notre-Dame-de-Berven en Plouzévédé. I. L'Arbre de Jessé du retable de l'autel nord. Vierge à l'Enfant, bois polychrome, fin XVIe, Croissant lunaire, mandorle radiante, manteau à fermail par chaîne ; Enfant en Sauveur du Monde.

3. Un ange de la chapelle Saint-Côme.

Les sablières (1641-1675)  de la chapelle Saints Côme-et-Damien à Saint-Nic. III. Les sablières des bas-cotés, et leurs blochets. Ange d'un blochet de 1661.

4. Pencran. Statue de sainte Anne, 1553, kersanton, atelier Prigent .

 

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Conclusion.

Ce bandeau occipital, surnommé "chouchou", est un bon marqueur iconographique car il est presque exclusivement retrouvé en Finistère, au XVIe et tout début du XVIIe siècle, sur des Vierges à l'Enfant ou plus rarement des Marie-Madeleine, anecdotiquement sur d'autre personnages, surtout en sculpture sur bois, mais aussi en sculpture sur pierre.

Il n'est pas attesté sur les enluminures françaises (dépouillement de Les Manuscrits à peinture de François Avril et Nicole  Reynaud et des Enluminures du Louvre des mêmes auteurs, et consultation des divers autres ouvrages), ni en enluminure religieuse, ni comme coiffure féminine, même si les voiles de la Vierge dégagent progressivement le front au XVIe siècle et deviennent plus postérieurs.

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Restauration.

 

 

La charpente et son lambris ont été restaurés en 1997 (Georges Le Ber à Sizun).

En 2013-2017, les trois retables, classés en 1914,  ont été restaurés par les entreprises A.R.T (Stéphane Saint-André ) pour la maçonnerie, Le Ber  (Erwan Le Ber) pour la menuiserie d'art et sculpture, et Coréum Polychrome pour la peinture et dorure ( Vincent Chérel )  sous la direction de madame Marie-Suzanne de  Ponthaud, architecte en chef des Monuments historiques, secondée par Françoise Godet-Boulestreau et de la DRAC (Christine Jablonski) , la commune étant représentée par le maire, André Le Gall, et  son adjointe au patrimoine et à la culture, Virginie Foutel. 

Le diagnostic préalable réalisé par Yves Gilbert (Ateliers de la Chapelle) avait révélé  que parties des sculptures n’étaient tenues que par un usage de colle ou papier mâché placés au XIXème siècle ,

Dans la même campagne 2013-2017, les peintures murales de 1817 (recteur Gabriel Mevel 1790-1835, recteur de Saint-Ségal en 1817) ont été restituées et protégées par Géraldine Fray (56).

 

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Voici quelques photos prises en janvier 2012:

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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.
La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.

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La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.
La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.
La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone, et le retable nord.



 


 

SOURCES ET LIENS.

 

 

 

— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

— AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . 

CASTEL (Yves-Pascal), LECLERC, (Guy), s.d,  La chapelle Saint-Sébastien , son calvaire, ses retables, ed. Commune de Saint-Ségal.

— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988. p. 418-419

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/0ffd39bdf24d89d00ff35b034d2685b0.pdf

 

Retable de l'autel de la Vierge, transept nord, XVIIè siècle (C.) : dans le registre inférieur, douze panneaux sculptés en bas-relief racontent l'histoire de la Maison de Lorette. - Dans le registre supérieur, statues de la Vierge à l'Enfant et de saint Joseph ; deux panneaux-volets représentant quatre scènes de l'Enfance du Christ accompagnent la Vierge ; en dessous, panneaux représentant les quatre Evangélistes, saint Séverin et saint Yves.

— LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

MADEC (Yves), 1915, Saint-Sébastien en Saint-Ségal

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/fc72b7a373375935ed358e8dbd9c8cd4.pdf

PRIGENT, Christiane. 1981, Etude de quelques sculptures bretonnes influencées par les modes venues des pays nordiques. Dans : Bulletin de la société archéologique du Finistère, t. CVIII, 1981.

 — PRIGENT, Christiane, 1982, . Les statues des vierges à l'enfant de tradition médiévale: XVe- XVe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille  Prigent, Christiane. - [Université de Rennes] (1982)

 

INVENTAIRE GENERAL Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-saint-sebastien-saint-sebastien-saint-segal/3161081b-4d98-4287-a98a-4abeed58a9dc

Chapelle Notre-Dame-de-Lorette, rue de Lorette (Pédernec)


Chapelle Notre-Dame de Lorette, Notre-Dame de Lorette (Saint-Congard)

Eglise paroissiale Notre-Dame-de-Lorette (Roudouallec)


Église paroissiale Notre-Dame-de-Lorette (Rédené)


Chapelle Notre-Dame-de-Lorette (chapelle de pèlerinage), Notre-Dame-de-Lorette (Le Quillio)

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Published by jean-yves cordier - dans Vierges à la démone. Saint-Ségal
28 novembre 2016 1 28 /11 /novembre /2016 13:18

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Comme l'indique René Couffon et Alfred Le Bars (1988), le porche sud de l'église de Brasparts, "daté, sur son entablement, de 1589, présente une curieuse juxtaposition des deux styles gothique et Renaissance, ainsi que le montrent notamment les culs-de-lampe supportant les statues des Apôtres. Tandis que les deux travées de l'intérieur sont voûtées sur arcs ogives et que les portes jumelées du fond ont une décoration toute gothique, les contreforts, ornés de niches, colonnettes et pilastres Renaissance sont amortis par des lanternons pleins à dôme, et le tympan par un lanternon ajouré".

1589 ? Nous sommes alors au début du règne de Henri IV (1589-1610). Mais parmi les statues des apôtres, celle de saint Jean porte l'inscription : "LA.1592. L. GO./ PO. LORS. FAB., "l'an 1592 Le Goff (?) étant pour lors fabricien". Donc, nous voilà en 1592, et les troupes royales luttent contre le duc de Mercœur et ses alliés espagnols : c'est la Guerre de la Ligue (1588-1598).

 

 

 

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Porche sud (1589), église de Brasparts, photographie lavieb-aile.

Porche sud (1589), église de Brasparts, photographie lavieb-aile.

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Cela aura peu d'incidence sur le sujet de mon article qui concerne ces culs-de-lampe qui donnent appui aux statues des douze apôtres. En granite, avec une base supérieure à cinq cotés moulurée et perlée, chaque encorbellement est sculpté en son soubassement  par une figure angélique, humaine, animale ou à demi-monstrueuse. On retrouve là le masque, fréquent dans les sablières, de la bouche  duquel s'échappent les tiges d'un feuillage ; un ange tenant un blason effacé, et dont les cheveux ébouriffés en boules évoquent l'atelier du Folgoët ; des feuilles frisées ; une tête de lion ; deux faces enserrées ensembles. 

Démone de la Tentation, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Démone de la Tentation, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Sous la statue de saint Jacques, voici un buste d'homme entouré d'un chien et d'un lièvre, témoin des vices dont il est l'emprise.  Les deux animaux ont posé leur patte arrière sur ses flancs, alors que lui-même empoigne leur patte avant.

Personnage accosté d'un chien et d'un lapin,  porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.
Personnage accosté d'un chien et d'un lapin,  porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Personnage accosté d'un chien et d'un lapin, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Mais ce qui m'intéresse d'avantage, c'est la démone cornue qui tient une pomme dans sa main droite tandis qu'elle coiffe l'une de ses nattes, ou soutient sa tête, de la main gauche au bras accoudé. Elle possède les généreux attributs féminins d'une poitrine qu'elle met en évidence en se renversant en arrière, mais le bas de son corps est celui d'un serpent.  Sa longue queue s'entortille sur elle-même, avant d'entourer le cou d'un pauvre homme. 

C'est l'une des 10 ou 11 "Ornements du type femme-serpent" que Hiroko Amemiya a recensé dans sa thèse sur ces représentations semi-humaines, dont 9 dans le Finistère, alignées sur un axe nord-sud entre Bodilis, Sizun, Brasparts, Lannédern, et Plonevez-du-Faou et Lennon, avec des écarts à Le Juch et Plouay. Dans une cinquantaine d'autres exemples (dont 28 dans le Finistère), ces créatures sont foulées par la Vierge à l'Enfant, motif complet de la Nouvelle Ève abolissant la malédiction du Péché Originel dont ces Femmes-serpent isolées sont une figure métonymique.

Cette sculpture ne peut donc pas être comprise sans l'inclure dans cet ensemble, qui possède une forte cohérence thématique, géographique (Finistère) et temporelle (XVIe et XVIIe), d'autant qu'il faut y associer les vingt exemples bretons de sirènes, tenant souvent un miroir, mais parfois une pomme (Sizun), et surtout les 4 exemples de porches des Monts d'Arrée en vallée de l'Élorn, à Pencran, Guimiliau, Landivisiau et Ploudiry, où, dans une représentation de la tentation d'Ève par le Malin, ce dernier est représenté par une femme-serpent, à la queue enroulée autour de l'arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, à la tête à longue chevelure, à la poitrine nue et qui tend une pomme à la femme d'Adam. Or, une trentaine de kilomètres séparent ces quatre porches de celui de Brasparts.

Ces regroupements thématiques incitent donc à voir dans cette femme-serpent une forme féminine de Satan, ou une assimilation de la féminité avec la Tentation responsable de la Faute, et dans l'homme enserré dans les orbes de la queue Adam lui-même, ou tout homme entraîné par le Désir vers la répétition du Péché.

D'autres associations enrichissent l'interprétation de cette figure. Gwenc'hlan Le Scouëzec a écrit à son propos :
" C'est là, teintée du souvenir du démon chrétien du Paradis terrestre, l'antique déesse vipérine des profondeurs de la terre et de l'eau ; elle est la reine du marais de l'Ellez, celle qui se tient à la porte des Enfers."

C'est aussi ce que suggérait l'étude, à Brennilis, de la Vierge à la Démone nommée Notre-Dame de Bréac-Ellis.  

Ici, on doit tenir compte aussi des autres culs-de-lampe, qui développent le thème de l'homme en proie à ses vices, figurés sous des formes animales, alors qu'au dessus les douze saints énoncent les douze articles du Symbole des Apôtres, que sur le trumeau se tient le Christ Sauveur, et que sur la voûte était peint l''Agneau de l'Apocalypse ouvrant le livre scellé et portant l'étendard orné d'une croix,  entouré d'une auréole rayonnante. Une opposition radicale entre un monde soumis au Malin, et la victoire de  la Rédemption. 

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Démone de la Tentation, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Démone de la Tentation, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Démone de la Tentation, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Démone de la Tentation, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Cul-de-lampe, coté droit du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Cul-de-lampe, coté droit du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Cul-de-lampe, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Cul-de-lampe, porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Cul-de-lampe, coté droit du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Cul-de-lampe, coté droit du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Culs-de-lampe, coté gauche du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Culs-de-lampe, coté gauche du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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Cul-de-lampe, coté gauche du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

Cul-de-lampe, coté gauche du porche sud, église de Brasparts. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (chanoine Jean-Marie), PEYRON (chanoine Paul),  1903 et 1904, "[Notices sur les paroisses] Brasparts", Bulletin de la commission diocésaine d'histoire et d'archéologie, Quimper, 3e année, 1903, p. 364-374, 4e année, 1904, p. 33-64.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/brasparts.pdf

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1903.pdf

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1904.pdf

 

    AMEMIYA (Hiroko), 2005, Vierge ou Démone - Exemples dans la statuaire bretonne, Préface de Pierre-Yves Lambert Keltia Graphic, Spézet, 269 pages, ISBN 2-913953-82-4 Version remaniée de la thèse de 1996.

    — AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au Japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'épouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse représentant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siècles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'épanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux façons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'étudier leur compatibilité dans leur contexte socioculturel. Les récits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une société. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet à la société de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du Japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en Bretagne, la destruction de la cité légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au Japon, ii. Récits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxième volume est un inventaire des différents types de représentation semi-humaine en Bretagne.

     

     

     

    — Infobretagne :

     http://www.infobretagne.com/brasparts.htm

    — COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Brasparts, in  Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles , Quimper : Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.

    http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/BRASPART.pdf

    — Topic-topos :

    http://fr.topic-topos.com/apotres-brasparts

    —CIRÉFICE (Patrice), sd, Le porche de l'église de Brasparts,   Forum de la ville de Brasparts :

    http://ville-brasparts.forum-actif.net/t1497-le-porche-de-l-eglise-de-brasparts

    LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère t. LXXXVII p. 169-221.

     

     

     

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    Published by jean-yves cordier - dans Vierges à la démone. Brasparts
    8 octobre 2016 6 08 /10 /octobre /2016 18:27

    Les Sirènes et Démones de l'église de Sizun (29) : la diabolisation d'Ève, ou la féminisation de Satan.

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    Sur les Vierges à la démone, voir :

    Sur l'église de Sizun, voir :

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    Sur les murs extérieurs de l'enclos paroissial de Sizun, aux angles ouest ou nord de l'église et de l'ossuaire,  des figures féminines à la moitié inférieure animale sont sculptés. On parle à leur propos de "sirènes", ce qui incite à y voir des figures d'un légendaire païen et l'influence du statut maritime du Finistère. Mais à coté d'authentiques femmes-poissons, ce sont des femmes-serpents qui sont figurées.  Je me propose d'aller examiner leurs formes de plus près.

    1. La Femme-serpent de l'ossuaire.

    La plus belle (mais non la plus visible, et elle a échappé à mon attention lors de mes premières visites) se trouve à l'angle sud-ouest de l'ossuaire, dans la jonction du pignon de ce dernier avec l'arc de triomphe. 

    Vue de l'ossuaire entre l'Arc de triomphe à droite et le porche occidental à gauche. Repère sur la femme-serpent. Photographie lavieb-aile.

    Vue de l'ossuaire entre l'Arc de triomphe à droite et le porche occidental à gauche. Repère sur la femme-serpent. Photographie lavieb-aile.

    .

    C'est une femme nue, aux cheveux longs et ondulés, couchée sur le coté droit mais qui relève la tête et le buste en s'appuyant sur le bras droit. Le bras gauche est cassé. 

    La spécialiste de ces "créatures semi-humaines", Hiroko Amemiya, l'a décrite avec la suivante à la page 185 de son livre Vierge ou démone, parmi ses 10 exemples bretons de femme-serpent, dont 9 en Finistère (Trégourez,  Bodilis, Braspart, Sizun, Lannédern, Lennon, Plonevez-du-Faou, ou Le Juch). Elle décrit bien son visage ovale, ses seins globuleux aux mamelons en relief, et la partie inférieure du corps en forme de queue de serpent, dont l'extrémité allongée s'enroule sur elle-même à plusieurs reprises.

    Par contre, il me semble qu'elle se méprend lorsqu'elle écrit "Elle tient dans la main droite une ancre à laquelle des algues semblent accrochées. 

    Photo !

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    Femme-serpent de la Tentation, ossuaire de l'enclos paroissial de Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Femme-serpent de la Tentation, ossuaire de l'enclos paroissial de Sizun. Photographie lavieb-aile.

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    J'ai cru aussi que la Mélusine tenait le pommeau du jas d'une ancre, mais cela n'avait aucun sens, et l'ancre en question était absente. Et puis il y avait ces feuilles, "ces algues" sur le ventre. Le voile s'est déchiré brusquement et j'ai vu ce dont il s'agissait : un pommier, avec son tronc évasé à la base, sa division en deux branches horizontales et une branche sommitale, avec ses trois pommes assez maladroitement placées à l'extrémité des tiges, et les trois ou cinq feuilles qui sont crénelées comme celles d'un chêne.

    Cela devint évident : la femme tendait la main droite vers une pomme, mais la main gauche (celle du bras cassé) était aussi visible sous la forme d'une marque de fracture au dessus de la pomme de droite. 

    Il s'agissait soit d'Éve (mais une Ève diabolisée car introductrice du Péché), soit plutôt du Démon de la tentation, tel qu'il est décrit dans le Livre de la Genèse 3 :

     "Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.  Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.  Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point;  mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea."

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    Femme-serpent de la Tentation, ossuaire de l'enclos paroissial de Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Femme-serpent de la Tentation, ossuaire de l'enclos paroissial de Sizun. Photographie lavieb-aile.

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    On peut s'étonner que ce serpent prenne la forme d'une femme, mais c'est un motif fréquent en Bretagne, notamment sur le porche des églises des Monts d'Arrée, à Pencran (photo), Guimiliau, Landivisiau et Ploudiry : la femme-serpent placée entre Adam et Ève, la queue enroulée autour du tronc de l'arbre-qui-est-au-milieu-du-jardin, redresse la tête et la tourne vers Ève qui saisit la pomme qu'elle présente.

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    Adam, Ève et la femme-serpent de la Tentation, porche de l'église Notre-Dame de Pencran. Photographie lavieb-aile.

    Adam, Ève et la femme-serpent de la Tentation, porche de l'église Notre-Dame de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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    4. Femme-serpent.

    Ornement d'une frise du chevet, coté sud. 

    La femme, au visage joufflu encadré d'une épaisse chevelure, est allongée sur le coté droit, accoudée sur le bras droit. La partie inférieure du corps a la forme d'une queue de serpent enroulée sur elle-même en nœud en huit dont la pointe rebique vers le haut. 

    Elle tient une pomme dans la main gauche. C'est donc, là encore, une femme-serpent de la Tentation, figure féminimo-animale de Satan.

    Femme-serpent de la Tentation, frise de l'église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Femme-serpent de la Tentation, frise de l'église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile.

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    3. Femme-poisson de la Tentation, église Saint-Suliau de Sizun.

    En contournant l'ossuaire puis le porche occidental, on parvient à l'angle nord-ouest du pignon ouest dont la crossette adopte la forme d'une femme-serpent. 

    Hiroko Amemiya la décrit, avec la suivante, sous le terme de sirène à la page 214 de son livre, parmi 22 autres exemples dont 13 en pierre (8 en Finistère, 2 en Morbihan et 2 en Ille-et-Vilaine). Comme ses consœurs, elle est couchée sur le coté droit, s'appuie sur le coude, redresse la tête et le buste . Son visage rond est encadré d'une longue chevelure. Sa main droite est placée sous le ventre, mais l'extrémité manque. La gauche est tendue vers l'arrière et tient un objet rond (miroir pour H. Amemiya). La partie inférieure a la forme d'une queue de poisson à écailles marquées. Entre les pointes de la queue bifurique est sculpté un buste d'homme, lmain droite sur la poitrine et main gauche vers la bouche.

    Je suggère d'y voir une femme-poisson de la Tentation, tenant une pomme, qu'Adam porte à sa bouche. Dès-lors, nous retrouvons la thématique précédente, Satan sous sa forme femelle ayant seulement adopté sa forme animale à une sardine. Ou équivalent. 

     

     

     

     Femme-poisson de la Tentation, angle nord du pignon ouest, église Saint-Suliau de Sizun.Photographie lavieb-aile.

    Femme-poisson de la Tentation, angle nord du pignon ouest, église Saint-Suliau de Sizun.Photographie lavieb-aile.

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    4. Femme-poisson, église Saint-Suliau de Sizun.

     

    Elle est l'ornement du contrefort droit du pignon nord du chevet et fait pendant à un lion. Couchée sur le coté droit, en appui sur le coude, buste et tête redressés, elle a un visage féminin, une longue chevelure épaisse et des seins proéminents. Sa main droite tendue vers l'arrière tient un miroir, la gauche coiffe les cheveux avec une brosse ou une éponge. Sous la ceinture qu'elle porte à la taille, l'extrémité de son corps devient écailleux et se termine en queue de poisson, bifurique.

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    Femme-poisson, église Saint-Suliau de Sizun.Photographie lavieb-aile.

    Femme-poisson, église Saint-Suliau de Sizun.Photographie lavieb-aile.

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    Femme-poisson au miroir, coté nord, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Femme-poisson au miroir, coté nord, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Femme-poisson au miroir, coté nord, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Femme-poisson au miroir, coté nord, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile.

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    SOURCES ET LIENS.

    — AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

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    Published by jean-yves cordier - dans Vierges à la démone. Sizun
    1 octobre 2016 6 01 /10 /octobre /2016 14:06

    La Vierge à l'Enfant et à la démone (Bastien Prigent, 1527-1577) de la Collégiale du Folgoët (29).

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    Au Folgoët, l'Atelier Prigent a sculpté la Pietà du calvaire,  le groupe (dissocié) de saint Yves entre le Riche et le Pauvre de l'angle sud-ouest de la façade, ainsi que le Christ aux liens, et les deux Vierges à l'Enfant de la façade sud : ces œuvres sont décrites dans mon article La Collégiale du Folgoët V : les statues.

    .

    Voir aussi d'autres œuvres de Bastien ou Henry Prigent:

     

    Et (articles non rédigés) :

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     Cette statue de kersanton daterait du XVe siècle, époque de la fondation du sanctuaire  à la suite d'un vœu du duc de Bretagne Jean IV de Bretagne, qui fut réalisé par son fils Jean V, qui  l'élève en église collégiale le 10 juillet 1422. Une inscription lapidaire de la façade porte le millésime de 1423. 

    Elle serait donc représentative des choix et des dévotions du cercle de la cour ducale de Jean V. Mais elle relève aussi  directement du culte marial car la tradition attribue la fondation de la chapelle au souvenir d'un "fou du bois" (Fol-Coat), un innocent nommé Salaün ou Salomon qui  ne connaissait que deux mots, AVE MARIA, qu'il répétait constamment. Après sa mort vers 1360, un lys poussa sur sa sépulture, qui portait ces deux mots inscrits en lettres d’or sur ses pétales. 

    Néanmoins, selon J-M. Guillouet,

    "la plus grande prudence s’impose [dans la datation de] la série de niches abritant de nombreuses sculptures en granit ou en kersanton qui ont contribué à la renommée de l’église. Malheureusement, la provenance et la datation de la plupart de ces sculptures, sinon de toutes, ne peuvent être établies avec certitude. Le sanctuaire a en effet très durement souffert pendant la Révolution quand son décor sculpté a été totalement vandalisé. Au début du XIXe siècle, l’église du Folgoët se trouvait presque entièrement dépourvue de sculptures et celles qui subsistaient alors se trouvaient dégradées.  Une lettre du chanoine J.-M. Guéguen, adressée le 9 octobre 1947 au Directeur de l’architecture du Ministère, apporte ici un témoignage troublant quant à l’authenticité des sculptures visibles aujourd’hui. L’ecclésiastique rappelle en effet que, pendant la Révolution, « toutes les statues tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, furent renversées et mutilées » et que l’un de ses prédécesseurs « en 1895, fit remettre sur quelques-uns des socles de l’extérieur, des statues diverses, provenant d’anciennes chapelles démolies ou abandonnées  [...] Ainsi la documentation disponible montre qu’il est aujourd’hui hasardeux, sinon périlleux, d’analyser sans précaution la statuaire du Folgoët pour tenter de la replacer dans le concert plus large de la sculpture bretonne du XVe siècle."

    .

    En réalité, Emmanuelle Le Seac'h l'attribue à Bastien Prigent, responsable d'un atelier de sculpture sur Kersanton à Landerneau entre 1527 et 1577, et déjà auteur de la Vierge à l'Enfant du portail sud, ou de la Pietà du calvaire.

    "A coté, une Vierge à l'Enfant est du même style avec une exécution particulièrement soignée des détails sur l'agrafe en forme de maille du manteau ou la boucle du nœud resserrant la robe. Son visage est plus doux, la commissure des lèvres est légèrement creusée, laissant se dessiner un léger sourire. Elle ne porte pas de sourire, mais un bandeau de tissu qui retient ses cheveux sur le coté. L'Enfant-Jésus est plus remuant, un pied levé en signe d'agitation. La Vierge écrase une démone-serpent dotée de deux petites cornes courtes sur la tête et de mains crochues tenant l a pomme du Paradis terrestre." (page 160)

    Elle repose sur un culot du mur extérieur sud, et mesure 1,20 m de haut.

    La Vierge, les yeux baissés, est vêtue d'une cape aux pans rapprochés par une chaîne. Sa chevelure est maintenue par cette coiffure en "chouchou" ou bandeau occipital que je ne cesse de remarquer dans la statuaire bretonne mariale : c'est ici un voile plissé en épais godrons.

    Elle appartient donc au groupe des 11 Vierges à la démone au bandeau occipital dont j'ai donné la liste ici :

    http://www.lavieb-aile.com/2019/06/la-chapelle-saint-sebastien-en-saint-segal-la-vierge-a-la-demone-et-le-retable-nord.html

     La robe est resserrée par une ceinture nouée. La main droite tenait un objet désormais brisé, sans-doute une fleur et vraisemblablement un lys. La main gauche soutient la hanche de l'Enfant, qui est assis sur l'avant-bras. Cheveux frisés, vêtu d'une robe longue, pieds nus, il tient un livre ouvert, mais ses yeux mi-clos regarde au loin. 

    La démone est décrite ainsi par H. Amemiya 2005 p.86 :

    "Représentation semi-humaine : couchée sur le coté devant le croissant, sous le pied gauche de la Vierge, tête à droite. Visage aux traits réguliers. Deux courtes cornes émergent de sa chevelure longue au niveau du front. Les mains ont quatre doigts et des ongles pointus. Dans la droite, une pomme serrée contre le sein droit. La gauche repose sur le buste, sous le sein gauche. Seins légèrement arrondis. Au niveau de la taille, partant sous l'ombilic, on voit une coupure (ou une ceinture) en forme de V, caractéristique fréquente de la sirène. De là, le corps prend la forme d'une queue de serpent bifurique, l'élément supérieur remonte le long de la jambe gauche de la Vierge, l'inférieur tourne horizontalement vers l'arrière."

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    Vierge à l'Enfant et à la démone, église Notre-Dame, Le Folgoët (29). Photographie lavieb-aile.

    Vierge à l'Enfant et à la démone, église Notre-Dame, Le Folgoët (29). Photographie lavieb-aile.

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    SOURCES ET LIENS.

    — AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

    — AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au Japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'epouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse representant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siecles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'epanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux facons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'etudier leur compatibilite dans leur contexte socioculturel. Les recits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une societé. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet à la societé de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du Japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en Bretagne, la destruction de la cité légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au Japon, ii. Recits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxieme volume est un inventaire des différents types de representation semi-humaine en Bretagne.

    — GUILLOUET (Jean-Marie), 2009, « Le Folgoët, collégiale Notre-Dame », dans Congrès archéologique de France (Finistère – 2007), 2009, pp. 166-176. 

     https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00557740/document

     

    — LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut.

     

    — LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

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    Published by jean-yves cordier - dans Vierges à la démone. Le Folgoët
    1 octobre 2016 6 01 /10 /octobre /2016 13:40

    Selon le dossier de la DRAC consulté par Hiroko Amemiya, qui présente cette Vierge à la page 66 de son ouvrage Vierge ou démone, cette statue date du XVIIIe siècle. Origine inconnue, don de Mme Thierry, déposé au Musée Religieux 1941-1961 déposé au château de Kerjean . Placée en 1961 (?) à Saint-Louis.

    Elle occupe aujourd'hui l'angle sud-est de la chapelle absidiale du Saint-Sacrement. Pour cette raison (Adoration Perpétuelle), afin de ne pas troubler le recueillement du lieu, les photographies de la Démone, prises de loin dans une pénombre relative, ne seront pas fameuses. Le but de cet article est de contribuer à l'iconographie en ligne de ces "Vierges à l'Enfant foulant une représentation semi-humaine" dont Hiroko Amemiya a recensé 42 spécimens en Bretagne.

    Elle est décrite ainsi :

    "H : 1,90 m, bois, monochromie récente, badigeonnée d'or qui laisse entrevoir le rouge au pan du manteau. 

    Représentation semi-humaine : couchée sur le dos, sous le pied gauche de la Vierge, tête  à droite. Visage tourné vers la Vierge, une petite corne émerge du front gauche d'une longue chevelure brune. L'oreille droite est grande, rouge à l'intérieur. La main droite et les pieds manquent. Seins globuleux aux mamelons marqués, abdomen musclé. Petit corps entièrement peint en noir doré." (H. Amemiya 2005 p. 66)

     

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    Vierge à l'Enfant, église Saint-Louis, Brest. Photographie lavieb-aile.

    Vierge à l'Enfant, église Saint-Louis, Brest. Photographie lavieb-aile.

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    Vierge à l'Enfant, église Saint-Louis, Brest. Photographie lavieb-aile.

    Vierge à l'Enfant, église Saint-Louis, Brest. Photographie lavieb-aile.

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    Vierge à l'Enfant, église Saint-Louis, Brest. Photographie lavieb-aile.

    Vierge à l'Enfant, église Saint-Louis, Brest. Photographie lavieb-aile.

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    SOURCES ET LIENS.

     

    — AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

    — AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au Japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'epouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse representant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siecles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'epanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux facons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'etudier leur compatibilite dans leur contexte socioculturel. Les recits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une societé. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet à la societé de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du Japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en Bretagne, la destruction de la cité légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au Japon, ii. Recits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxieme volume est un inventaire des différents types de representation semi-humaine en Bretagne.

     

    — LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

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    Published by jean-yves cordier - dans Vierges à la démone. Brest
    22 septembre 2016 4 22 /09 /septembre /2016 21:23

    Notre-Dame de Breac-Ellis en l'église de Brennilis, une "Vierge à la Démone".

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    Tous mes remerciements et mon admiration à Marie-Thérèse Klaus, qui nous a guidé avec brio et humour lors des Journées du Patrimoine 2016 dans son église, qu'elle fait visiter depuis 18 ans!.

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    — Sur l'église de Brennilis, voir :

     

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    —Voir d'autres Vierges à la démone de Bretagne dans les articles suivants :

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    Contexte.

    L'église Notre-Dame est une ancienne chapelle tréviale de Loqueffret qui n'est devenue église paroissiale qu'en 1849. Une inscription en lettres gothiques à droite du maître-autel en indique la date de fondation en 1485, correspondant au règne du duc François II (de 1458 au 9 septembre 1488). Si la commande (sans-doute par le fabricien)  et la réalisation de la statue sont un peu postérieures à la date de fondation (car les vitraux datent de 1495-1510 environ), cela correspondrait alors au règne d'Anne de Bretagne soit comme duchesse, soit comme reine de France à partir de 1499. 

         La famille noble qui revendiquait sa prééminence sur cette chapelle était alors celle des Berrien, mais on estime que Henri de Berrien était décédé vers 1482. Son épouse Louise du Juch (dont on ignore la date de décès) exerça-t-elle une influence sur les choix concernant cette chapelle?  Leur fille Marie avait une quinzaine d'année, et c'est l'oncle, Roland de Berrien, recteur de Pleyben, qui offrit ( entre 1492 et 1498)  le vitrail de la baie du transept nord. Plus tard, Marie de Berrien épousera vers 1500 Olivier II de Quélen baron du Vieux-Chastel, et le couple fera apposer leurs armoiries sur ​la verrière d'axe consacrée à la Vie de la Vierge.  

    Datation.

    Niche et statue ont été classées à titre d'objet Mh le 12/04/1914 et datées par la notice des Mh de 1485 (date de la fondation de l'église). 

     http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=REF&VALUE_98=PM29000059

     

     

    Pourtant, Christiane Prigent, éminente spécialiste de la statuaire mariale, citée par H. Amemiya, écrivait :

    Le type de vêtement de la Vierge ..."l'apparente aux Vierges voisines (également en bois) de l'église et de la chapelle Saint-Tudec en Poullaouen ; schéma utilisé à la chapelle de Lannelec en Pleyben (statue en pierre, [vers 1578]). [...] Le type de décor utilisé dans les volets et certains détails vestimentaires (tenue de l'ange) se rencontrent sur des œuvres postérieures à 1575 (chapelle de Berven en Plouzévédé, ancien diocèse de Léon) ; cette date pourrait correspondre à l'exécution de la statue par comparaison avec la Vierge de de la chapelle de Lannelec en Pleyben. Et l'ensemble (niche + statue) serait contemporain des panneaux de l'enfance du Christ ornant le maître-autel utilisant des schémas identiques à ceux des ateliers morlaisiens dans leur seconde période de production."

    J'adopte donc cette datation : vers 1575 . Ce qui change beaucoup de chose.

    La statue a été restaurée en 1956 par Mr Hurtret, ébéniste à Nesles-la-Vallée (Seine-et-Oise), et plus récemment en  2012 ; elle mesure 1,90 m (ou 2,10 m selon H. Amemiya). Je décrirai d'abord la Vierge, et ensuite les volets avec leurs quatre panneaux.

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    Situation.

    Comme de très nombreuses églises et chapelles bretonnes, l'église Notre-Dame de Brennillis  honore la sainte patronne éponyme par une statue placée à droite de l'autel du chevet, dans une niche à volet. 

     L'église de Brennilis est construite sur un plan associant une nef à quatre travées et bas-cotés avec un chevet plat, très en faveur en Basse-Bretagne. Le mur du pignon est percé d'une baie ogivale à quatre lancettes (8 panneaux de la Vie de la Vierge) qui éclaire le chœur et son autel. Ce dernier est encadré par deux niches en bois, abritant à droite la Vierge à l'Enfant, et à gauche sainte Anne éduquant Marie. Tout cet ensemble est donc consacré à la Vierge, mais nous verrons qu'il s'agit d'un culte d'apparition récente, marqué par l'insistance sur la notion de la conception — sans péché — de Marie par sa mère Anne. 

    Cette insistance est loin d'être isolée puisque cette statue n'est que l'une des "Vierge à l'Enfant foulant une représentation semi-humaine" de Bretagne, et dont Hiroko Amemiya a recensé 52 exemples encore conservés, dont 13 dans des Arbres de Jessé, 4 dans des niches à volets, et 15 sur un croissant de lune. 

     

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    Chœur de l'église de Brennilis, photographie lavieb-aile.

    Chœur de l'église de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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    Description de la statue.

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    On remarque d'abord la fraicheur des couleurs de la niche sculptée, le caractère juvénile de Marie, et l' élégance de son maintien, légèrement cambré et discrètement hanché. La Vierge est couronnée, ses cheveux longs et blonds encadrent le fin visage au front épilé, aux sourcils affinés,  aux pommettes rosies, et aux yeux songeurs. Le manteau bleu retenu par un fermail doré s'évase à sa droite en une large courbe, alors que le pan de gauche est gracieusement retenu entre l'annulaire et l'auriculaire gauche, selon un schéma souvent retrouvé (par ex : Notre-Dame de Quillidoaré ; chapelle de Lannelec à Pleyben). 

    La robe est dorée, unie, mais la peinture porte des marques circulaires autour de la poitrine, limitant le contour d'une sorte de bustier ou signalant quelques fronces. L'encolure est d'un tissu bleu ciel qui se retrouve sur les avant-bras, mais la manche droite est exubérante, ou bien supporte un linge de la même couleur qui sert d'appui au pied droit de l'enfant. L'Enfant-Jésus figure comme Sauveur du Monde, bénissant et tenant le globe. Il porte une robe bleue à motif floral et revers doré au poignets. Comme sa Mère, il regarde au loin.

    La Vierge est debout, ses pieds chaussés de souliers bruns posés sur un croissant de lune couleur argent. Par ce détail, elle est assimilée à la Femme de l'Apocalypse ou Mulier Amicta Sole (Femme vêtue de soleil) Ap. 12:1-17, celle qui donne naissance à un enfant mâle qui doit "mener toutes les nations avec un sceptre de fer" et qu'un dragon tente d'avaler. Cette assimilation a été développée par le théologien rhénan Rupert de Deutz et par saint Bernard de Clairvaux dans son Sermon pour l'octave de l'Assomption  :  

    "N'est-elle pas la femme de l'Apocalypse qu'enveloppe le soleil ? Je veux bien que la suite de cette vision prophétique prouve qu'il s'agit là de l'Église actuelle ; mais on peut sans inconvénient l'appliquer à Marie. Elle est éminemment celle qui s'est revêtue d'un autre soleil. De même que l'astre de notre monde créé se lève également sur les bons et les méchants, Marie, sans peser nos mérites antérieurs, se montre à tous pareillement accessible, clémente, infiniment tendre et prête à prendre en pitié toutes les misères humaines. Tout ce qui est imparfait est au-dessous d'elle ; elle surpasse de très loin tout ce qui est entaché de faiblesse ou de corruption, et sa supériorité infinie domine à une très grande distance toutes les autres créatures; on peut donc dire d'elle aussi qu’elle a la lune sous ses pieds. Sinon, ce ne serait pas un très grand éloge à faire à celle qui surpasse incontestablement les choeurs des Anges, des Chérubins et des Séraphins." Bernard de Clairvaux, Sermo in Domnica infra octavam Assumptionis BVM,PL 183, col. 430d-sq Trad. Michel Perrin 

    http://multimedia.opusdei.org/pdf/fr/les_12_pr_e9rogatives_de_la_vierge_marie.pdf

    Pour saint Bernard (qui s'oppose à la notion de conception immaculée de la Vierge), la lune représente l'Église dont la Vierge et la médiatice : "Et maintenant, Mère de miséricorde, par cette même compassion de ton âme si pure, la Lune (c'est l'Église, je l'ai dit) se prosterne à tes pieds et t'adresse de pieuses supplications, parce que tu es devenue sa médiatrice auprès du Soleil de justice." (idem) .

    Les statues de Vierge à l'Enfant foulant une créature semi-humaine, et dont les pieds sont posés sur un croissant de lune se trouvent aussi  en Bretagne à :

    • Landudal (29) église Notre-Dame de Populo
    • Kergloff (29), chapelle de la Trinité
    • Le Folgoët (29) église Notre-Dame 
    • Plouider (29) chapelle Saint-Fiacre
    • Plabennec (29) chapelle de Locmaria Lann
    • Saint-Yvi (29), église Saint-Yvi.
    • Plourin-les-Morlaix (29) : église Notre-Dame
      • Trébeurden (22), chapelle de Citeaux-Penvern
      • Loc-Envel (22), église Saint-Envel
      • Trédrez (22), église Notre-Dame
      • Ploubezre  (22), chapelle de Kerfons
    • Cléguerec (56), chapelle de la Trinité.
    • Ploërdut (56), chapelle Notre-Dame de Crénénan.

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    Enfin, la Vierge domine et foule, mais seulement par l'intermédiaire du croissant de lune, une créature mi-femme mi-serpent que j'étudierai plus loin.

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    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    La créature semi-humaine ou "démone".

    Elle est décrite ainsi par Hiroko Mamemiya :

     

    " Représentation semi-humaine : couchée sur le ventre au-dessous du croissant, tête à gauche. Buste redressé, bas du corps incurvé en forme de croissant. Visage rond aux sourcils fins. La bouche fermée, soulignée d'un trait noir au milieu, lui donne une expression dure. Deux petites cornes rouges (émergent de sa longue chevelure brune. Une pomme rouge dans chaque main. Seins nus en relief aux mamelons marqués. La partie inférieure du corps, peinte en vert, a la forme d'une queue de serpent squameuse. Elle épouse la courbe du croissant et remonte derrière le pan droit du manteau de la Vierge. L'extrémité effilée est nouée. "

     

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    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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     Cette créature a particulièrement intéressé Louis Le Thomas, en 1961-1962, puis  Hiroko Amemiya, qui lui  a consacrée sa thèse de 1996 . Cette auteure  a dénombré 52 exemples de "Vierge à l'Enfant foulant une représentation semi-humaine" en Bretagne, dont 28 en Finistère, 10 en Côtes d'Armor, 11 en Morbihan et seulement 3 en Ille-et-Vilaine. 

    Parmi ces 52 groupes, où la Vierge à l'Enfant est debout (sauf 2 fois)  9 sont abrités dans une niche, 12 sont des arbres de Jessé, et 15 comportent un croissant lunaire. 

    J'ai  rédigé des articles de ce blog pour une quinzaine d'entre elles, et les liens sont données en tête de cet article. J'en redonne la liste, complétée de quelques autres.

     

    • Guimaec (29), presbytère, Finistère, fragment

    • Locquirec (29), église Saint-Jacques,  XVIIe. Jessé.

    • Plounevezel (29), Chapelle Sainte-Catherine, XVIe-XVIIe

    • Plourin-Morlaix (29), église Notre-Dame, XVI, Jessé.

    • Saint-Thégonnec (29) , église Notre-Dame et Saint-Thégonnec, 1610. Jessé. Niche. 

    • Saint-Yvi (29)  église Saint-Yvi. Jessé. Croissant

    • Ergué-Gabéric (29), Chapelle de Kerdévot, 

    • Saint-Hernin (29) Sainte Anne trinitaire .

    • Landudal (29), Notre-Dame de Populo. Jessé 

    • Plougastel (29), chapelle Saint-Trémeur. 

    • Plogonnec (29) Chapelle Saint-Pierre Mari, conçevet hep pec'het. 2ème moitié XVIe 

    • Saint-Tugdual (56) , Chapelle Saint-Guen (ou Saint-Guénaël),  XVIe (1540). Jessé

    • Saint-Aignan (56) , église Saint-Aignan,  XVIe. Jessé

    • Ploerdut (56) , Chapelle Notre-Dame à Crénénan,  XVIe siècle

    • Cléguerec (56) , Chapelle de la Trinité. 1594. Jessé.

    •  Trédrez (22), Chapelle de Locquémeau,  (1520) . Jessé

    • Loc-Envel (22), église Saint-Envel,  XVIe. 

    • Duault (22) , Chapelle Saint-Jean de Landugen,, XVIe

    • Paule (22) chapelle de Lannsalaün. Vitrail de l'Arbre de Jessé.

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    Cette représentation de la démone, mélant à des traits chtoniens (divinité souterraine ou infernale) et reptiliens des traits de séduction féminine et tenant la pomme, se rapporte à l'évidence aux versets de la Genèse Gn 3  relatant la tentation d'Éve par le serpent, et la faute d'Adam et Éve qui a entrainé la condition mortelle et  le Péché Originel transmis à toute la descendance du premier couple. La démone mi-femme mi-serpent serait une fusion de Satan et d'Ève, une diabolisation de la féminité.

    Mais l'image rappelle aussi les versets 14 et 15 de Genèse 3 :

     L'Éternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

    C'est un "objet-valise", formé par la fusion de plusieurs objets ou personnages métaphoriques et dont le sens n'est pas la somme des significations, mais qui va, par la puissance de la figure, dire autre chose de plus complexe, et, en réalité, d'informulable sur le plan théologique. S'adressant à l'imaginaire qui y trouve parfaitement son compte, il fait miroité l'entre-deux de la mystique mariale, avec, en arrière-fond tacite, le légendaire breton.

    La Vierge foule de son talon (c'est dire l'importance de la chaussure bien visible émergeant des replis de la robe) l'Ève ancienne qu'elle abolie, et l'Ève ou le serpent de la Genèse deviennent implicitement le dragon de l'Apocalypse. 

    L'ambivalence concerne aussi la pomme : cette dernière n'est jamais croquée par la démone, mais elle est brandie avec vigueur vers le haut, comme si la féminité diabolique continuait à  proposer activement à l'humanité la tentation de la concupiscence et , quoique asservie désormais, qu'elle ne renonçait pas à redresser la tête et à poursuivre son œuvre. Enfin cette pomme adopte la forme d'un sein (ceux de la serpente sont toujours généreux, mais ceux de la Vierge ne se font pas oublier dans le cas des Vierges allaitantes), mais aussi la forme du globe terrestre, le globus cruciger tenu par l'Enfant. Une rhétorique de l'anaphore se plaît à jouer avec ce rappel, avec ces citations internes à l'œuvre.

    De même, les sinuosités de la queue, qui se dresse verticalement, viennent citer en les singeant celles des plis de la robe, des boursouflures des manches, et, surtout, celles de la chevelure. C'est ici si vrai que la queue du serpent et les cheveux de la Vierge se rejoignent (cf cliché infra). Le nœud qui affecte la queue du reptile (comme celle du dragon de sainte Marguerite) est une allégorie du Mal, comme tout ce qui est torve, gauche, désuni, tâché, rayé, incomplet.


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    En Bretagne, les arbres de Jessé en vitrail comportent en majorité Jessé assis ou plus rarement debout, alors que Jessé est couché dans l'ensemble des haut-reliefs. Parmi les quinze haut-reliefs bretons d'Arbre de Jessé, treize introduisent la figure d'une démone, cornue, à la poitrine dénudée, tenant une pomme, et allongée. Ce sont ceux de Cléguerec, Duault, Guimaëc, Loc-Envel, Locquirec, Ploerdut, Plounevezel, Plourin-Morlaix, St-Aignan, St-Thégonnec (niche), Saint-Guen à St-Tugdual, St-Yvi et Tredrez. La totalité de ces arbres bretons sont du XVIe siécle, hormis 5 arbres datant du XVIIe.

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    Cette créature a particulièrement intéressé Louis Le Thomas, en 1961-1962, puis  Hiroko Amemiya, qui lui  a consacré sa thèse de 1996 

     

    Comparaison avec les autres groupes sculptés de Bretagne. 

    .Cléguerec, Duault, Guimaëc, Loc-Envel, Locquirec, Ploerdut, Plounevezel, Plourin-Morlaix, St-Aignan, St-Thégonnec (niche), Saint-Guen à St-Tugdual, St-Yvi et Tredrez.

     

     Voici la liste de ces 21 Arbres de Jessé sculptés :

    • Cléguerec, Chapelle de la Trinité, Morbihan. XVIIe 

    • Confort-Berhet, église N-D. de Confort, Côtes d'Armor, XVIe

    • Duault, Chapelle Saint-Jean de Landugen, Côtes d'Armor, XVIe

    • Guimaec, presbytère, Finistère, fragment

    • Loc-Envel, église Saint-Envel, Côtes d'Armor, XVIe

    • Locquirec, église Saint-Jacques, XVIIe

    • Ploerdut, Chapelle Notre-Dame à Crénénan, Morbihan, XVIe siècle

    • Plouegat-Moysan, presbytère, Côtes d'Armor, XVIe, fragment

    • Plounevezel, Chapelle Sainte-Catherine, Finistère, XVIe-XVIIe

    • Plourin-Morlaix, église Notre-Dame, Finistère, XVI

    • Plouzévédé, Chapelle Notre-Dame de Berven, Finistère, XVIe

    • Priziac, Chapelle Saint-Nicolas, Morbihan, XVIe

    • Saint-Aignan, église Saint-Aignan, Morbihan, XVIe

    • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame et Saint-Thégonnec, Finistère, XVIe

    • Saint-Tugdual, Chapelle Saint-Guen (ou Saint-Guénaël), Morbihan, XVIe

    • Saint-Yvi, église Saint-Yvi, Finistère,

    • Trédrez, Chapelle de Locquémeau, Côtes d'Armor, XVIe

    • Tréverec, église Saint-Véran, Côtes d'Armor, XVIIe

    • Trinité-Porhoet, église de la Trinité, Morbihan, XVIe ?

    • Plouegat-Moysan, ancienne église, fragment au Musée départemental de Quimper.

    • Plouharnel, Chapelle Notre-Dame des Fleurs, bas-relief en albâtre, XVIe

     On remarque que les paroisses de Cléguérec, Saint-Tugdual, Ploerdut et Priziac  appartenaient autrefois  au même doyenné, celui de Kemenet-Guégant ou Guéméné-Guingant, présidé par Guéméné-sur-Scorff, et que les verrières de l'Arbre de Jessé sont présentes dans d'autres paroisses du même doyenné, à Melrand, et Guern.

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    J'ai étudié, avant de rendre visite à l'église de Brennilis,, huit de ces sculptures. 

    Il s'agit de trois œuvres du Finistère et trois du Morbihan, placées dans tous les cas dans des niches en bois, plus ou moins bien conservées. Les compositions elle-mêmes ont perdu certains de leurs éléments (perte, vol), ce qui affaiblit la valeur de l'analyse comparative, d'autant que les altérations puis les restaurations  réalisées dans le passé ont pu faire disparaître de précieux indices.

    Ces  hauts-reliefs bretons sont tous du modèle "en chandelier" avec Vierge au centre encadrée par  deux groupes de rois. David tient sa harpe dans tous les cas.  Jessé est constamment allongé, soit en décubitus droit, soit en décubitus gauche, tête soutenue par la main, mais les yeux sont soit ouvert, soit fermés. 

    La Démone est présente dans cinq cas sur six, toujours à demi-allongée et redressant la tête, et brandissant la pomme dorée. Ses traits de monstruosité animale, reptiliens ou de serpents, sont plus ou moins marqués, et c'est en elle que l'imagination propre  de l'artiste s'est le plus affirmée. 

    La Vierge est installée sur un croissant de lune dans trois cas, selon le type de la Vierge de l'Apocalypse en relation avec le dogme, alors discuté, de l'Immaculée Conception. Elle est couronnée par les anges à Saint-Aignan, Priziac, Cléguérec et Trédrez. Le ou les prophètes ne sont présents qu'à Saint-Aignan.

    Chapelle Saint-Guen, saint Tugdual (56) : 1540.

     

     

    • Cléguerec, Chapelle de la Trinité, Morbihan. 1594. Jessé. 

    • Duault, Chapelle Saint-Jean de Landugen, Côtes d'Armor, XVIe

    • Guimaec (29), presbytère, Finistère, fragment

    • Loc-Envel, église Saint-Envel, Côtes d'Armor, XVIe

    • Locquirec, église Saint-Jacques, Finistère nord XVIIe. Jessé.

    • Ploerdut, Chapelle Notre-Dame à Crénénan, Morbihan, XVIe siècle

    • Plounevezel, Chapelle Sainte-Catherine, Finistère nord, XVIe-XVIIe

    • Plourin-Morlaix, église Notre-Dame, Finistère nord, XVI

    • Saint-Aignan, église Saint-Aignan, Morbihan, XVIe

    • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame et Saint-Thégonnec, Finistère nord, 1610. Jessé.

    • Saint-Tugdual (56) , Chapelle Saint-Guen (ou Saint-Guénaël), Morbihan, XVIe (1540). Jessé

    • Saint-Yvi, église Saint-Yvi, Finistère sud,

    • Trédrez (22), Chapelle de Locquémeau, (22)  (1520) . Jessé

    • Chapelle de Kerdévot, Ergué-Gabéric (Finistère sud)

    • Sainte Anne trinitaire, ossuaire de Saint-Hernin.

    • Landudal, Notre-Dame de Populo.(Jessé) 

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    II. LA NICHE ET SES 2 VOLETS.

    Niche en bois polychrome (bleu, rouge brique, jaune-ocre, noir)   à cuve polyédrique, à fronton et socle  triangulaire, et à deux volets à charnières. Chaque volet de couleur bleu clair mesure 190 cm sur 57 cm et est divisé en deux registres de panneaux sculptés en bas-relief et peints.

    Sur le socle se lit l'inscription NOSTRE DAME DE Breac ELLIS. Une photographie plus ancienne montre que les panneaux en bois se trouvaient alors au sommet de la niche. 

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    http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=AP54P01544

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    Cette dénomination est commentée ainsi par Bernard Tanguy, toponymiste de renom, dans son Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses du Finistère  page 44  :

    "Même si dans ... (cette chapelle) une statue ancienne de la Vierge  porte l'inscription Notre Dame de Breac Ellis, altération probable de Breac'h-Elez "bras de l'Elez", du nom de la rivière qui sort du marais de Yenn-Elez, le toponyme [ Brennilis, en breton Brenniliz] semble bien être formé du vieux-breton bren "colline" et du breton iliz, "église". "

    Nostre Dame de Breac Ellis signifierait donc Notre-Dame du marais du Yeun Elez, breac provenant d'une racine indo-européenne *Bhrw-c qui signifie précisément terrain humide, terrain marécageux, cf l'anglais brook = ruisseau, le jute du Kent *brook : terrain humide, le germanique *bruoch = vallon humide. Cité par http://marikavel.com/bretagne/brennilis/accueil.htm

    Il faut préciser, pour saisir non seulement le sel de cette dénomination, mais aussi ses résonances avec le légendaire breton et ses rapports avec la créature chtonienne s'agitant sous les pieds de la Vierge, que le Yeun Elez porte aussi le surnom de Youdig, "la petite bouillie", comme le raconte Anatole Le Braz dans la Légende de la mort  :

    « On dirait, en été, une steppe sans limites, aux nuances aussi changeantes que celles de la mer. On y marche sur un terrain élastique, tressé d’herbes, de bruyères, de jonc. À mesure qu’on avance, le terrain se fait de moins en moins solide sous les pieds : bientôt on enfonce dans l’eau jusqu’à mi-jambes et, lorsqu’on arrive au cœur du Yeun, on se trouve devant une plaque verdâtre, d’un abord dangereux et de mine traîtresse, dont les gens du pays prétendent qu’on n’a jamais pu sonder la profondeur. C’est la porte des ténèbres, le vestibule sinistre de l’inconnu, le trou béant par lequel on précipite les « conjurés ». Cette flaque est appelée le Youdig (la petite bouillie) : parfois son eau se met à bouillir. Malheur à qui s’y pencherait à cet instant : il serait saisi, entraîné, englouti par les puissances invisibles" 

    A la puissance maléfique du marais, des loups noirs ou des créatures aquatiques qui peuvent vous emporter, et donc de la démone, s'oppose celle de saint Michel, bien présent dans l'église de Brennilis sur le vitrail sud. :

     

        "De même, si en traversant le Yeun, vous voyez « bouillir » l’eau du Youdic, hâtez-vous de fuir, sans chercher ce que cela peut être. Les imprudents qui se sont laissés aller à un mouvement de curiosité en ont été cruellement punis ; on n’a plus entendu parler d’eux. Il n’est pas rare que le silence de la nuit soit troublé par des abois furieux, comme des chiens qui s’entre-déchirent. C’est la meute des conjurés qui « fait des siennes ». Mais alors, au-dessus de la chapelle Saint-Michel qui couronne le mont, une lumière subite resplendit, et l’on voit apparaître dans cette auréole la forme gigantesque de l’Archange exterminateur. Il abaisse son glaive vers le Yeun, et tout rentre dans l’ordre. Sant Mikêl vraz a oar an tu d’ampich ioual ar bleizi-du  (« Le grand saint Michel sait la manière d’empêcher de hurler les loups noirs ») "  Anatole Le Braz, Les saints bretons - 1893

     

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    Inscription Nostre Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Inscription Nostre Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Les deux panneaux supérieurs se répondent et composent une Annonciation, assez comparable avec celle du volet de niche de la Vierge de la chapelle de Lannelec en Pleyben.

     Je les décrirai en premier.  

    1. Panneau supérieur gauche. Ange Gabriel.

    L'ange de l'Annonciation porte une aube et un surplis serré par une ceinture d'or à nœud frontal ; il fait le geste de bénédiction et tient un lys . Au dessus de lui, une banderole contient les paroles AVE MARIA GRATIA PLENA.

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    Panneau supérieur du volet gauche, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Panneau supérieur du volet gauche, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    2. Panneau supérieur du volet droit. Vierge de l'Annonciation.

    C'est la représentation habituelle de la Vierge surprise dans sa lecture par l'arrivée de l'ange ; de la colombe du Saint-Esprit ; et du lys dans un vase. La banderole indique §VEA ANCILLEA DOMINI (au lieu de "Ecce Ancilla Domini"). J'ignore si cette double faute date d'une restauration récente, ou de la nuit des temps. Elle a déjà été relevée ainsi en 1986.

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    Panneau supérieur du volet droit, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Panneau supérieur du volet droit, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau inférieur du volet gauche. Sainte Geneviève.

    Une carte-postale ancienne (1950) montre que le panneau portait l'inscription Ste GENEVIEEVE. On lit maintenant "Ste GENIEVRE".

    La sainte, voilée,  vêtue d'une robe dorée et d'un manteau pourpre, tient en main un cierge. 

    Ce nom de "Genièvre" inciterait à la distinguer de sainte Geneviève de Paris, d'autant que l'encyclopédie Wikipédia indique l'existence d'une sainte "Geneviève de Loqueffret" qui serait  la sœur de saint Edern, et la fondatrice du monastère de Loqueffret. Par ailleurs, "Genièvre" est le nom d'une héroïne du roman breton Enec et Eride de Chrétien de Troyes, et "Guenièvre" est le nom de l'épouse du roi Arthur...dont saint Edern fut l'amant. 

    Genova, sœur de saint Edern, apparaît aussi à Lannedern sur un panneau sculpté. 

     

    Néanmoins, rien ne permet d'affirmer que l'église Sainte Geneviève de Loqueffret construite au XVIe siècle et donc postérieure à l'église de Brennilis, ne soit pas dédiée à sainte Geneviève de Paris : ni sa statue de la sainte, couronnée, portant un cierge  et un livre, ni l'inscription du bénitier portatif de bronze "POVR. LA. PARROISSE. DE. LOQVEFFRET. SANCTA. GENOVEFA.1617"  puisque Sancta Genovefa [parisiorum] est le nom latin de la sainte (Cf Toponymie générale de la France III p. 1587) . Elle est fêtée le 3 janvier, et la translation de ses reliques le 28 octobre.

    H. Amemiya s'étonne également dans son ouvrage de cette graphie récente : "S'agit-il d'une erreur d'inscription ? D'après la photo prise en 1951 par Louis Le Thomas l'inscription était Sainte GENEVIEEVE. Cf Cliché Le Thomas n°3596 , conservé à la DRAC."

    D'ailleurs, le chanoine Abgrall n'a vu là en 1904 à Brennilis qu'une sainte "Geneviève" ; d'autre part, il est bien difficile de valider les informations sur cette Geneviève de Loqueffret, malgré les indications du site grandterrier.net . Surtout, la sainte est représentée ici exactement selon l'iconographie de sainte Geneviève de Paris, tenant un cierge qu'un démon veut éteindre au moyen d'un grand soufflet et qu'un ange rallume avec une bougie.

    "Le premier type iconographique de sainte Geneviève, où un ange et un démon s’affrontent autour d’un cierge, a prévalu tout au long du Moyen Age ; il s’inspire d’un miracle relaté dans l’hagiographie rédigée au VIe siècle à la demande de Clotilde.

    Geneviève se rendait avant l’aube à Saint-Denis (Catheuil à l’époque), accompagnée de jeunes filles, pour assister à un office nocturne à la basilique qu’elle venait de faire édifier à l’emplacement de la sépulture du premier évêque de Lutèce. Sur le chemin, une tempête se leva et des bourrasques de vent éteignirent les torches de ses compagnes, les plongeant dans la nuit. Geneviève saisit alors un cierge, qui se serait immédiatement rallumé sous l’effet de ses prières.

    Pour traduire visuellement ce prodige et marquer les esprits, les enlumineurs et sculpteurs médiévaux ont illustré une version postérieure, où, remplaçant le vent, c’est un diable, armé d’un soufflet ou d’un éteignoir, qui s’efforce d’éteindre le flambeau, qu’un ange rallume aussitôt à l’aide d’un petit cierge ; ce combat symbolise pour les fidèles la victoire du jour sur la nuit, de la lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal, de la foi sur la barbarie.

    Cette représentation médiévale de sainte Geneviève, entre ange et démon, fit fortune dans les enluminures jusqu’à la fin du Moyen Age, et se retrouve encore dans les estampes, plus particulièrement au XVIIe siècle."

    Sa vie (Vita Sanctae Genovefae) est reprise au XIIIe siècle par Vincent de Beauvais (Speculum historiale livre XXI, ch. 8 et 46-48), texte qui fut traduit par Jean de Vignay vers 1370-1380 (Miroir Historial, Livre XXI, ch. 8 et 46-48).  Renaut le clerc a composé vers 1310 une Vie versifiée Bnf Lat. 13508 et Bibl. Sainte Geneviève Ms 704/1. 

     

    Le site Enluminures.culture.fr propose 16 exemples d'enluminures médiévales représentant le miracle du cierge de sainte Geneviève. 

    L'église de Sizun, à 30 km de Brennilis, possède un panneau de bois représentant "Ste GENIEVRE" tenant son cierge allumé par l'ange malgré les tentatives du diable et de son soufflet (image infra). Il provient de la chapelle Saint-Ildut, en Sizun, construite entre 1633 et 1677.

     

    En conclusion, je vois ici une Sainte Geneviève (de Paris), sans-doute assimilable à celle qui est honorée à Loqueffret et à Sizun et qui n'a aucun caractère distinctif permettant d'en faire la sœur de saint Edern. Mais comme le culte de cette sainte est rare ailleurs en Bretagne, cet exemple iconographique est précieux. Le motif du cierge qui résiste aux tentatives d'extinction devait être vu comme une admirable image de la vigilance de la Foi. Enfin, les Finistériens des Monts d'Arrée semblent avoir eu, comme ailleurs en France,  des difficultés avec la graphie de la sainte, qu'ils ont décliné selon divers modes.

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    Sainte Geneviève, Panneau inférieur du volet droit, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Sainte Geneviève, Panneau inférieur du volet droit, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Le démon et l'ange s'opposant autour du cierge de sainte Geneviève, Panneau inférieur du volet droit, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Le démon et l'ange s'opposant autour du cierge de sainte Geneviève, Panneau inférieur du volet droit, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau de "Ste GENIEVRE", église Saint-Suliau, Sizun. Photographie lavieb-aile.
    Panneau de "Ste GENIEVRE", église Saint-Suliau, Sizun. Photographie lavieb-aile.
    Panneau de "Ste GENIEVRE", église Saint-Suliau, Sizun. Photographie lavieb-aile.

    Panneau de "Ste GENIEVRE", église Saint-Suliau, Sizun. Photographie lavieb-aile.

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    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr
    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr

    Quelques enluminures du miracle du cierge de sainte Geneviève sur le site www.enluminures.culture.fr

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    Panneau inférieur du volet gauche, Sainte Apolline.

    Sainte Apolline ou Apollonie est invoquée  contre le mal de dents, tant dans les livres d'Heures que par l'intermédiaire de statues dont aucune paroisse ne peut manquer de disposer. Que feraient alors les pauvres paroissiens ? 

    Marie-Thérèse Klaus ne manque jamais de le souligner : si vous aviez mal aux dents, vous alliez vous agenouiller devant sa statue (ou son panneau sculpté) "et, rien qu'à voir sa paire de tenailles, vous n'aviez plus mal du tout !".

    Ce remède radical ne dispense pas d'adresser quelque oraison à la vierge et martyr à laquelle les bourreaux arrachèrent les molaires :

    Donc de bon cœur je te requier

    que veulles exsausser ma priere

    et des dents le mal appaiser

    ou souvent j'ay douleur amere.

    Virge benigne, virge clere

    ut dolorem eripias

    tien moy a jamais ta chambeliere,

    et sanam me efficias. ("afin de prendre ma douleur et de réussir à me soigner"). Livre d'heures à l'usage de Bayeux.

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    Panneau inférieur du volet gauche, Sainte Apolline, Panneau inférieur du volet gauche, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Panneau inférieur du volet gauche, Sainte Apolline, Panneau inférieur du volet gauche, niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

     

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    La sainte est représenté ici vêtu d'or et de pourpre, et brandissant sur l'épaule gauche sa dent de sagesse entre les machoires de ses tenailles.  On trouve le même dessin dans divers livres d'Heures du site enluminure.culture.fr, comme ceux-ci, daté de 1505 et de 1490 :

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    Le foulard de saine Apolline.

     

    Mais le détail qui m'intéresse dans cette sainte Apolline de Brennilis, c'est sa coiffure : à vrai dire, c'est la même que celle que porte la Vierge dans le panneau de l'Annonciation : un voile ou tissu blanc (souvent rayé de bleu) qui resserre les cheveux en passant entre la nuque et la chevelure, et qui peut si besoin être rabattu vers le front si nécessaire. 

    S'il m'intéresse, c'est que ce bandeau en "chouchou, ce voile rayé  est presque pathognomonique de la sculpture mariale bretonne  du XVIe siècle, témoignant d'une mode vestimentaire dont on  pourrait, si on y consacrait le soin nécessaire, tracer les limites temporelles et spatiales. C'est l'un des nombreux points communs avec la Vierge de Lannelec en Pleyben (1578), mais on trouve aussi cet accessoire sur la Vierge de l'Annonciation de l'église Saint-Germain de Pleyben (1588) et sur  de nombreuses Vierges allaitantes examinées dans ce blog:

     

    • Notre-Dame de Tréguron, chapelle de Tréguron, Gouézec

    • Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou.

    • La Vierge à l'Enfant de l'église Saint-Julien de Châteauneuf du Faou (16e siècle)

    • Vierge allaitante Mamm al leiz de la fontaine de Tréguron

    • Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Quillidoaré, Cast

    • Vierge allaitante de la chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéménéven

    • Notre-Dame de Tréguron, église Saint-Germain, Kerlaz 

    • Vierge allaitante de la Chapelle de Kerluan, Chateaulin :

    • Vierge de l'ossuaire de Pleyben  troisième quart du XVIe siècle

    • Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Bonne-Nouvelle, Locronan

    • Notre-Dame de Tréguron (?), chapelle Saint-Denis à Seznec, Plogonnec.

    • Vierge allaitante de la Chapelle Sainte-Marine à Combrit

    • "Sainte" (Vierge) de l'ossuaire de Saint-Hernin.

    • Vierge de l'Arbre de Jessé de Plourin-les-Morlaix

    • Vierge à la démone de l'église de Poullaouen

    • Chapelle Sainte-Anne de Carhaix 

    ...et en réalité sur un nombre sans cesse grandissant d'exemples où ce simple mais coquet auxiliaire ne manque pas de me faire un signe de reconnaissance.

    Certes je m'irrite de constater que Notre-Dame de Breac Ellis a oublié de le porter, mais je suspecte quelque tour joué par un restaurateur malin qui l'aurait ôté. De même que je suis prêt à croire que la poitrine de la Dame était jadis plus dénudée qu'aujourd'hui. Mes désirs pour des réalités.

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    Volet droit de la niche  de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
    Volet droit de la niche  de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

    Volet droit de la niche de Notre-Dame de Breac-Ellis, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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    DISCUSSION.

    Depuis que j'ai commencé à photographier ces Vierges à la démone, mon interprétation s'est modifiée. Et, parallélement, des travaux d'iconographie ont été publiés, mettant l'accent sur l'importance du culte de l'Immaculée Conception en Normandie.

    La conception sans tâche de Marie : une valeur identitaire en Normandie.

    Pour résumer très succintement ce qu'expose en détail l'ouvrage collectif de La Fête aux Normands (2011), le culte de la conception sans tâche de la Vierge Marie est passé d'Angleterre à la Normandie au XIe siècle, et y a été honoré par une fête le 8 décembre, dite "la fête aux Normands" . Cette fête de la conception de Marie s'est diffusée dans toute la France, et en tout cas dans la région lyonnaise puisqu'au XIIe siècle saint Bernard, dans une lettre aux chanoines de Lyon  vers 1139, exprime son désaccord à la célébrer. Saint Thomas d'Acquin s'y opposera aussi au XIIIe siècle, mais le culte perdurera, pour trouver une grande vigueur en Normandie à la fin du XVe siècle et au début du XVIe. Une Fête du Puy des Palinods est instituée à Rouen par l'élite de la bourgoisie locale, couronnant de prix les meilleurs poèmes (notamment les chants royaux) faisant l'éloge de la conception sans pareille de Marie  et élisant un Prince du Puy. Ces poèmes font appel à un riche argumentaire comportant :

    • Le culte de sainte Anne et le baiser de la Porte Dorée.
    • L'Annonciation et le verset Ave Gratia plena
    • Le salut AVE comme inversion du nom ÈVE
    • L'Assomption de la Vierge.
    • La Vierge aux symboles bibliques reprenant à divers textes vétéro-testamentaire (Cantique des cantiques, Genèse,) des préfigurations de la Vierge, notamment celui de "miroir sans tâche", Speculum sine macula.
    • Le Triomphe de la Vierge sur le Péché, représenté par un serpent.  

     

        A Saint-Vincent de Rouen  et à  Conches-en-Ouches(1540-1555) cette croyance et ses développements poétiques sont exposés dans des vitraux à visée apologétique. A Rouen (1522-1524) sont représentés la Rencontre de la Porte Dorée, la Vierge aux symboles bibliques et le Triomphe de la Vierge sur son char.  Vingt ans après, en 1540-1555, le vitraux de Conches montrent une Vierge aux symboles bibliques, le Triomphe de la Vierge sur le serpent (et une Vierge à l'Enfant en Femme de l'Apocalypse face à saint Michel dans le tympan).

     

    a) Il s'agit de soutenir que Marie, non seulement est  restée Vierge en concevant et en accouchant de son Fils, mais aussi qu'elle a été conçue par sa mère Anne sans péché. Puisque le Péché Originel est lié, depuis saint Augustin, à la relation sexuelle "concupiscence ou libido", il est important de montrer que non seulement sainte Anne est devenue miraculeusement enceinte alors qu'elle était stérile et âgée, mais aussi que Marie est née sans qu'Anne et son mari Joachim n'aient de relation sexuelle. C'est toute l'importance de la scène du baiser devant la Porte Dorée, car ce baiser passe alors pour l'acte fécondant. 

    b) D'autre part, l'Annonciation devient aussi un argument de la thèse immaculiste, par les mots prononcés par l'ange : Ave  gratia plena. Cette salutation est considérée comme l'affirmation de la plénitude de grâce dont Marie est bénéficiaire depuis sa conception, pour n'avoir jamais été soumise à la malédiction du péché. Pour Laurence Riviale, l'Annonciation du vitrail de Conches doit etre considérée comme une preuve apportée à l'Immaculée Conception.

    c) Enfin le Triomphe de Marie est mis en scène comme un triomphe à l'antique où le char de la Vierge écrase de ses roues le serpent du Péché. 

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    Ce détour normand permet de réinterpréter le programme iconographique de Brennilis qui apparaît alors très proche des réalisations normandes tant par les dates que par les thèmes choisis :

    1. vers 1495 : La baie n°1 est consacrée à Sainte Anne portant en son sein la Vierge immaculée (de couleur or) alors que l'inscription Castae Connubiae (Chaste mariage) au dessus d'un panneau perdu qui devait être le Baiser de la Porte Dorée témoigne du caractère non sexuel, et donc no peccamineux, de l'union de Joachim et d'Anne.

    2. vers 1500-1515 : la baie 0 est consacrée à la Vie de la Vierge.

    3. Les deux niches d'autel montrent à gauche sainte Anne éducatrice, et à droite la Vierge à l'Enfant foulant la démone (1575). Dans les volets, l'Ange de l'Annonciation met en évidence les mots Ave gratia plena.  Les volets inférieurs sont des figures de la vigilance de la Foi et de la résistance aux persécutions.

    Les Vierges à la démone bretonne peuvent être considérées comme la forme équivalente des Triomphes normands. La femme-serpent n'est qu'une représentation du Péché Originel vaincu par la Vierge qui a échappé par sa conception sans tâche à son emprise.

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    A Brennilis comme ailleurs, il ne suffit pas de dire que cette Vierge foule la Démone et qu'elle est posée sur un croissant de lune pour affirmer que cet ensemble plaide la thèse de la conception immaculée de Marie. Il faut la situer dans le programme iconographique complet, avec les panneaux des volets (Annonciation), la niche de sainte Anne éducatrice du coté nord du chœur, le vitrail de sainte Anne portant la Vierge radieuse en son sein (baie 1), et le vitrail  de la Vie de la Vierge (baie 0). Il faudrait y associer  les cantiques qui resonnaient dans la chapelle, les bannières ou la paramentique, la liturgie (celle de la Nativité de la Vierge), les lectures de l'Office de la Vierge dans les Livres d'Heures, les images pieuses, les prédications, et surtout peut-être le rôle des ateliers de sculpture  (à Quimper ? à Morlaix ?) et de vitraux qui diffusaient ces thématiques. Il faudrait (je tente de le faire) restituer ce tissu de relations réciproques entre les grands chantiers des cathédrales et des commandes ducales ou royales, et le réseau des chapelles et églises édifiées au XVe et XVIe siècle, qui faisaient apparaître là un Arbre de Jessé, là un groupe d'Anne trinitaire, là une Vierge à la démone, là une Sainte Parenté, là un cycle de la Vie de la Vierge, là une Vierge allaitante, pour participer à la nouvelle dévotion envers la Maternité et la Conception. Et il faudrait tenter de comprendre si la base de cette dévotion était d'abord théologique (face à la contestation de la Réforme), ou d'abord liée au Pouvoir soucieuse de s'approprier la religion comme propagande (et à l'opposition entre confesseurs dominicains et franciscains), ou d'abord liée à la démographie, aux troubles sanitaires, aux conflits armés, dans un souci de procréation et de fécondité des familles nobles et des familles paysannes. Il faudrait aussi étudier par quelles voies les poètes dévots de Rouen, les confréries de Notre-Dame-de-la-Conception normandes et les nouveaux vitraux de Normandie ont influencé les artisans verriers et sculpteurs bretons. 

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    La Vierge aux symboles bibliques, Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

    La Vierge aux symboles bibliques, Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

     

     

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    SOURCES ET LIENS.

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    Sur l'église de Brennilis :

     

    — Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :

    http://www.infobretagne.com/brennilis.htm

    — Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf

    — ABGRALL, (Jean-Marie) 1904 Notice sur Brennilis, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 :

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf

    — ABGRALL (Jean-Marie), 1904, Architecture bretonne, Ar. de kerangal, Quimper pages 283-284.

    https://archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n317/mode/2up/search/brennilis

     

    — COMBOT (recteur de Brennilis), 1856, Note sur l'église de Brennilis,  cité dans BDHA 1904.

    — COUFFON , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988 

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf

    — GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum vol. VII, Presses Universitaires de Rennes page 118.

    PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.

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    Sur les Vierges à démone et les arbres de Jessé, témoins du culte de l'Immaculée Conception :

     

     

    AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

    — AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au Japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'epouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse representant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siecles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'epanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux facons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'etudier leur compatibilite dans leur contexte socioculturel. Les recits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une societé. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet à la societé de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du Japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en Bretagne, la destruction de la cité légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au Japon, ii. Recits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxieme volume est un inventaire des différents types de representation semi-humaine en Bretagne.

    — BATAILLON (Lionel), 1923, Les symboles des litanies et l'iconographie de la Vierge en Normandie au XVIe siècle, Revue Archéologique Cinquième Série, T. 18 (Juillet-décembre 1923), pp. 261-288

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203691j/f266.double

    — LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

    — LE THOMAS (Louis) 1963 "Les Arbres de Jessé bretons", première partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196.

     — LE THOMAS (Louis) 1963, "Les Arbres de Jessé bretons", troisième partie, Bulletin de lasociété Archéologique du Finistère pp. 35-72.

    En 1961, Louis Le Thomas décrivait 34 Arbres de Jessé bretons, dont 13 verrières et 21 arbres sculptés (haut-reliefs, niches à volets et bas-reliefs).

    — FOURNIÉ (Eléonore), LEPAPE (Séverine), 2012,« Dévotions et représentations de l’Immaculée Conception dans les cours royales et princières du Nord de l’Europe (1380-1420) », L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 11 mai 2012, consulté le 24 septembre 2015. URL : http://acrh.revues.org/4259 ; DOI : 10.4000/acrh.4259 

    —  LEPAPE (Séverine), 2009,  « L’Arbre de Jessé: une image de l’Immaculée Conception? » ,Médiévales [En ligne], 57 | automne 2009, mis en ligne le 18 janvier 2012, consulté le 22 septembre 2015. URL : http://medievales.revues.org/5833 

    — LEPAPE (Séverine),   2011, "L'Arbre de Jessé normand et la question de l'Immaculée Conception",  in Françoise Thélamon, Marie et la "Fête aux Normands", publication Université Rouen-Le Havre, 352 pages, pages 195-209

    https://books.google.fr/books?id=hwA9AgAAQBAJ&dq=seule+sans+en+sa+conception+conches&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

    — LEPAPE (Séverine) 2004 Étude iconographique de l’Arbre de Jessé en France du Nord du xive siècle au xviie siècle Thèse Ecole des Charteshttp://theses.enc.sorbonne.fr/2004/lepape

    — PRIGENT (Christiane) 1982, Les statues des Vierges à l’Enfant de tradition médiévale (XVe -XVIe siècle) dans l’ancien diocèse de Cornouaille, thèse de doctorat de 3ème cycle, dir. A. Mussat, Université de Haute-Bretagne, 1982, dactyl.. 

    — RIVIALE (Laurence), 2011, "L'Immaculée Conception dans les vitraux normands", in Françoise Thélamon, Marie et la "Fête aux Normands", publication Université Rouen-Le Havre, 352 pages, pages 179-194.

    https://books.google.fr/books/about/Marie_et_la_F%C3%AAte_aux_Normands.html?id=hwA9AgAAQBAJ&redir_esc=y

    — Colloque 2009 L'Immaculée Conception de la Vierge : histoire et représentations figurées du Moyen Âge à la Contre-RéformeJean-Claude Schmitt (Directeur d'études, GAHOM - Groupe d'Anthropologie Historique de l'Occident Médiéval (EHESS)), Séverine Lepape, Eléonore Fournié - EHESS - Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris,  

    http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?id=2150&ress=7107&video=140631&format=68

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