La statue de saint Matthieu (kersantite, vers 1630) par Roland Doré dans l'église Saint-Houardon de Landerneau.
PRÉSENTATION.
La statue de l'apôtre et évangéliste Matthieu qui a été sculptée par Roland Doré (1618-1663), notre meilleur sculpteur de kersanton en son atelier de Landerneau, est certes connue, puisqu'elle figure sur l'inventaire réalisé par Yves-Pascal Castel, et sur le catalogue raisonné du sculpteur par Emmanuelle Le Seac'h.
Elle est connue, mais elle n'est pas bien connue ; et je n'en découvre qu'une photo en ligne, publiée par Y.-P. Castel (ici, statue n°15, p.42).
Pourtant, moi qui me plait à vagabonder sur les routes de Bretagne à la recherche des œuvres doréennes (ses calvaires notamment), qui n'aime rien tant que de partager mes découvertes (cf liens infra), et qui ait été enfin plusieurs fois visiter l'église Saint-Houardon de Landerneau, (en particulier son porche), j'ai dû constater, hier, que je n'avais pas encore rendu visite à cette statue de l'église de Saint-Houardon, dont j'avais pourtant mentionné l'existence
Roland Doré a sculpté 52 apôtres pour les diocèses de Léon et de Tréguier, et seules deux séries sont complètes, celles de Pleyber-Christ et celle de Plestin-les-Grèves.
Roland Doré a d'abord travaillé , sans doute comme compagnon de l'atelier du Maître de Plougastel (1570-1621), en 1622 à Saint-Thégonnec pour la croix de Coslen, puis, reprenant un chantier du Maître de Plougastel, il prend le titre de maître à Hanvec en 1621-1622 dans un acte de réparation de la croix du cimetière. Il atteint la maturité de son style lorsqu'il réalise le porche de Guimilau en 1624 (le chantier avait été débuté en 1606 par le Maître de Plougastel). Sous le porche de Guimiliau, les statues de Pierre et de Jean sont de ce dernier, Roland Doré exécute celles de Philippe, Barthélémy, Matthieu, Simon, Jude et Thomas (quatre autres staues en bois datent du XVIIIe).
Les autres statues, dont on peut penser qu'elles sont plus tardives, se trouvent à :
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Pleyber-Christ : 12 statues de 0,98 à 1 m de haut, 27 cm de large et 23 cm de profondeur. Roland Doré a aussi réalisé une décollation de saint Pierre au fronton intérieur du porche.
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Plestin-les-Grèves : 12 statues de 1,18 à 1,22 m de haut, (et les statues de l'extérieur, un saint Yves et une Marie-Madeleine)
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Trémaouézan : 11 statues de 1,60 m de haut. Celles de saint Pierre a été réalisée par le Maître de Plougastel en 1633 sous le rectorat d'Hervé Fily qui signe de ses initiales séparées par un calice sur un blason. Roland Doré a aussi réalisé une Vierge à l'Enfant pour une niche centrale du porche.
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Le Tréhou : 4 statues de 0,80 cm, des apôtres Pierre, Jean, André et Thomas, ainsi qu'une statue du Christ Sauveur.
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Saint-Thégonnec (1625, 1632 et 1635) : 3 apôtres Jean, Jacques le Majeur et Thomas (Pierre par le Maître de Plougastel). Roland Doré a aussi réalisé une Annonciation et Jean l'évangéliste à l'extérieur du porche.
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Pleyben (Vers 1642) : Jean et Jacques le Majeur.
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Plougourvest : Jacques le Majeur. Roland Doré a aussi réalisé un Christ Sauveur au dessus de la porte d'entrée et une Vierge à l'Enfant à l'extérieur du porche.
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Landerneau église Saint-Houardon : saint Matthieu.
DESCRIPTION.
La statue mesure 140 cm.
Le saint est indubitablement un apôtre car il tient un livre et qu'il est pieds nus. Il tient également une lance (brisée) dans la main droite, et c'est cet attribut qui a conduit l'abbé Castel à l'identifier comme saint Matthieu (la lance est parfois aussi, chez d'autres artistes, l'attribut de Thomas). La statue en kersanton provient vraisemblablement d'un porche (celui de Saint-Houardon, dont les niches sont vides ?) et appartient tout aussi vraisemblablement à une série des 12 apôtres du Credo, comme peut en témoigner un phylactère (qui portait l'article du Credo) passant en diagonale au dessus de la lance.
La statue est facile à attribuer à Roland Doré, ne serait-ce que par les pupilles creusées caractéristiques.
Comme d'autres statues de l'église, elle a été scellée sur un dais gothique, récupéré quelque part, mais c'est un usage paradoxal puisque ces dais servaient, comme leur nom l'indique, à coiffer le haut des statues pour les honorer.
(*) Parmi les statues sculptées par Roland Doré à Plestin-les Grèves, si on accepte les déterminations d'E. Le Seac'h, saint Thomas tient une équerre et saint Matthieu une hallebarde, alors que c'est Mathias qui tient une lance.
Il existe deux autres statues en kersanton d'apotres dans l'église, celle de saint Jean (XVIe siècle) et celle, attribuée au Maître de Plougastel, de saint Jacques le Majeur (vers 1600). Une autre statue en kersanton du XVIe siècle, de 90 cm, posée sur un dais, représente un personnage barbu qui tient un cœur dans une couronne d'épines avec l'inscription PVLSATE ET APERIETVR (frappez et on vous ouvrira) : un Christ ?
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Saint Matthieu (Kersanton, Roland Doré) de l'église Saint-Houardon, Landerneau. Photo lavieb-aile 2024.
Saint Matthieu (Kersanton, Roland Doré) de l'église Saint-Houardon, Landerneau. Photo lavieb-aile 2024.
Saint Matthieu (Kersanton, Roland Doré) de l'église Saint-Houardon, Landerneau. Photo lavieb-aile 2024.
Voir les œuvres de Roland Doré dans ce blog :
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Le calvaire démantelé (kersanton, Roland Doré, vers 1630) de Plourin-lès-Morlaix.
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Calvaire de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic.
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Les calvaires de Dirinon II. Le calvaire de la Croix-Rouge ou Beg-ar-Groaz (vers 1640).
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Le calvaire (Roland Doré, 1630) de la chapelle Saint-Claude à Plougastel.
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Saint-Ségal : le calvaire du bourg (vers 1550 et 1630, kersanton, atelier Prigent et Roland Doré).
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Le calvaire (Roland Doré, 1655) de la chapelle Saint-Vendal de Douarnenez (quartier de Pouldavid).
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Le calvaire (Roland Doré, 1655 ?) de la chapelle Saint-Vendal de Douarnenez : de nouvelles photos.
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Le calvaire (kersantite et granite, v. 1630-1650, Roland Doré) de Senven-Léhart.
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La Déploration (kersanton, Roland Doré, milieu XVIIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Châteaulin.
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Les sculptures de l'église de Bodilis : les Fonts baptismaux.
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La tendre main de l'ange et le sommeil éternel : les treize gisants du cloître de la cathédrale de Tréguier. (dont 3 gisants de Roland Doré)
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Le gisant de Jacques Barbier (kersanton, Roland Doré, 1638) au Musée du Léon de Lesneven .
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Le gisant (kersanton, 1638, Roland Doré) d'Auffray du Chastel en l'église de Landeleau.
SOURCES ET LIENS.
— CASTEL (Yves-Pascal), TUGORES (M.M), 1984, Landerneau, patrimoine artistique et culturel. Edité par la municipalité de Landerneau
https://bibliotheque.idbe.bzh/data/cle_190/landerneau__patrimoine__artistique__et__culturel.pdf
— CASTEL (Yves-Pascal), 1985, Roland Doré, sculpteur du roi en Bretagne et architecte (première moitié du XVIIè siècle) , Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Pages 97 à 156.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1996, Du nouveau sur Roland Doré
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/52e804fd7d01573ff17156ea10bcef19.jpg
— CASTEL in DANIEL, (Françoise), 1988, Roland Doré et les enclos paroissiaux : [exposition, Morlaix, Musée des Jacobins, juillet 1988] / [exposition conçue et réalisée par Françoise Daniel] Jacobins, juillet 1988] 1 vol. (56 p.) : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 30 cm D'après les travaux d'Yves-Pascal CASTEL .
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_233/roland__dore__et__les_enclos__paroissiaux.pdf
"Doré s'est forgé un style si reconnaissable que certains amateurs se refusent à y déceler ces variations, subtiles mais réelles, qui font d'un simple praticien un artiste véritable qui s'attache à renouveler sa manière.
Les anatomies des personnages se cachent sous des étoffes lourdes, les mains sont stylisées, les pieds nus dépassant la tombée des plis des tuniques se réduisent à un rang de billes inégales... Tout cela pourrait faire illusion sur le talent de l'artiste encore que nous le verrons, on repère des exceptions.
Mais il y a les visages !
Fronts bombés, lisses ou creusés de rides, selon l'âge ou le sexe des personnages, ligne des arcades sourcilières larges et franches, pommettes pleines et arrondies, un visage de Doré se reconnaît presque toujours.
Les yeux, où se réfugient la manière et les intentions de l'artiste, tout comme ses manies et ses tics, sont particulièrement typés. Les paupières en amande ont le sillon palpébral toujours indiqué. En ceci, Doré se démarque franchement du maître du calvaire de Plougastel-Daoulas, qui , supprimant tout sillon, donne toute l'importance au globe oculaire. Au contraire, dans une option naturaliste
, Doré concentre l'intérêt sur l'iris. Il marque la pupille d'un creux expressif, dont la direction invite le regard de l'observateur à une mobilité qui participe à la vie de ces faces minérales.
Le sillon naso-labial est creusé, plus ou moins, s'articulant sur des lèvres relativement fines.
L'étonnant, dans ce traitement des visages, est qu'il contraste, mis à part les traits incisifs des chevelures et des barbes, avec l'agencement des drapés des vêtements et de leurs plis.
Des étoffes opaques qui masquent les corps, nous l'avons dit, dissimulant les anatomies, en quoi Doré s'engage dans un hiératisme qui l'éloigne du style de l'époque dans laquelle il s'insère. Encore que certaines grandes pièces, telle la Vierge de l'Annonciation de Saint-Thégonnec, invitent à tempérer ce jugement.
Les drapés, calmes et amples, se déploient en pans sculpturaux soulignant la majesté des volumes, tels ceux de la Madeleine du groupe de Notre-Dame-de Pitié si fascinant de Senven-Lehart.
Si les drapés sont stylisés, l'origine de leurs plis n'en demeure pas moins naturelle, structurant, en les animant tout à la fois, les silhouettes. Les plis, formés sur des étoffes épaisses et fermes, captent avec vigueur les ombres d'une sculpture destinée à vivre en plein vent, plus qu'à habiller des corps qui se font oublier.
Plis en becs caractéristiques sur les flancs des blocs sculptés. Plis en volutes, simples ou composés, aux lisières latérales. Plis en volutes simples à queue d'aronde, à étages et bouillonnants dans les pans des manteaux rebrassés. Plis couchés et repassés se chevauchant les uns les autres. Plis en accordéon, sur les manches ajustées. Plis en éventail sur les bras qui portent le manteau."
— COUFFON, René, 1961, L'évolution de la statuaire en Bretagne après la guerre de succession du Duché - In: Mémoires. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord vol. 97 (1961) p. 1-16
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne : les ateliers du XVe au XVIIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.