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3 août 2020 1 03 /08 /août /2020 20:18

 Zoonymie du papillon Le Soufré Colias hyale (Linnaeus, 1758).

 

   La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, "animal" et ónomaὄνομα, "nom") est la science diachronique  qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leurs significations, leurs étymologies, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

Voir aussi :

.

 

Résumé.

 

 — Colias (Fabricius, 1807) : épithète de Vénus, lié au nom d'un cap de la côte orientale de l'Attique (Grèce), où était édifié un temple et une statue dédiés à Vénus. 

— hyale : nom d'une des cinquante Danaïdes, selon une convention choisie par Linné pour sa "phalange" des Danaii candidi. Hyale est, dans la liste donnée par Hyginus, l'épouse de Perius, dont elle transpercera le cœur de son épingle à cheveu le soir des noces pour prévenir une malédiction annoncée en oracle à son père.

— "Le Soufré" est le nom vernaculaire choisi par G.C. Luquet en 1986. Il fait suite aux noms "Le Soufre" d'Engramelle (1779), "La Coliade Hyale" de Latreille et Godart (1819), la "Coliade Soufre" de Godart (1821) et des auteurs du XIXe siècle, et à "La Coliade Soufrée" utilisée par Oberthür et Houlbert (1912-21). Le Jaune soufre est une couleur plus pâle que le Jaune Citron, de même que cette espèce (The Pale Clouded Yellow en anglais) est plus pâle que le Citron (The Clouded Yellow).

 

 

 

 

               I. Nom scientifique.

 

1. Famille et sous-famille.

a) Famille des Pieridae, Swainson, 1820, ou Piérides.

Je n'ai pas trouvé la publication originale ; sans-doute The Zoological Illustrations

(BHL libr)

Elle comporte, en France, les sous-familles

  • des  Dismorphiinae Schatz, 1888, ou Dismorphiines (avec le genre Leptidea)
  • des Coliadinae Swainson, 1827 ou Coliadines (rassemblant les Coliades et les Citrons) 
  • et celle des Pierinae Duponchel, 1835, ou Piérines.

 

b) Sous-famille : Coliadinae, Swainson 1827. Elle réunit les Coliadini, les Goniopterygini et les Euremini : en anglais, The Yellows, Sulphurs, and the Emigrants.  En France, cette sous-famille ne rassemble que deux genres, Gonepteryx et Colias. 

 

 

 

2. Nom de genre : Colias, Fabricius, 1807.

 a) publication originale.

   Le genre Colias a été créé par Johan Christian Fabricius en 1807 dans l'article suivant : "Die Neueste Gattungs-Eintheilung der Schmetterlinge aus den Linneischen Gattungen Papilio und Sphinges""Nach Fabricii systema glossatorum Tom 1" , in Johann Karl Wilhelm Illiger*, Magazin für Insektenkunde, Karl Reichard Braunschweig [Brunswick] (6) page 284. n° 24..

*Illiger a publié dans sa revue les prémisses d'un livre de Fabricius sur sa classification des lépidoptères, son Systema glossata. Il se contente d'y indiquer l'organisation en genres, laquelle était une nouveauté. Le livre lui-même ne parut jamais, en raison de la faillite de l'éditeur, et du décès de Fabricius en mars 1808. Voir le récit détaillé ici : Zoonymie du papillon la Belle Dame, Vanessa Cardui (Linné, 1758).

 

 Dans la note préliminaire d'Illiger, Fabricius divisait l'ensemble de ses Papilio (papillons "de jour") en 49 "genres", dans lesquels il englobait les Sphinx (n°43), les Sesia (n°44) les Zygaena (n°47), sans distinction, alors que Latreille (dont la classification de 1804 est présentée dans la partie B du même article page 90) crée des Sections (Diurnes-Crépusculaires-) divisées en familles (Papillionides et Sphingides), elles-mêmes divisées en quatre sous-groupes.

 

b) caractéristiques.

Le genre fut repris par Latreille en 1810 sous le nom de "Coliade". Les anglais les désignent sous le nom de "Clouded Yellows".

Type spécifique :  L'espèce-type, celle sur laquelle se base la description, est Papilio hyale.

 

Il comporte en France 7 espèces :

Colias palaeno (Linnaeus, 1761), le Solitaire.

L'espèce est décrite par Linné dans son Fauna suecica (Faune de Suède) de 1761 parmi ses Heliconii n°1041 page 272 ainsi :

https://www.biodiversitylibrary.org/item/100333#page/330/mode/1up

alis intergerrimis rotundatis flavis apice nigris margineque fulvis ; posticis subtus puncto argenteo. Uddm.diff. 56. Papilio hexapus, alis rotundatis albis ocello parvo fusco oblongo ; apicibus fuscis. Habitat in Pteride rarissime Upsaliae, frequentior in Finlandia.

DESCR. Antennae & Pedes rubro. Alae flavescentes aut albae marginibus exterioribus rubris. Primores apice late nigrae, disco utrinque puncto nigro. Posticae subtus cinerescentes, in medio puncto argenteo lunato, imprimis in superioribus ; basis alatum inferiorum subtus rubra.

 

Dans cette description Linné fait référence sous l'abréviation Uddm.diff à l'espèce 56 de Johan Leche (1753) page 23. L'insistance sur la petite ocelle brune oblongue  de l'aile antérieure (ocello parvo fusco oblongo) pouvait laisser penser que l'épithète palaeno dérivait  du latin palea, "balle du blé, paillette" , également à l'origine de l'épithète paleana (Totricidae Clepsis paleana Hübner, 1819), qu'Emmet commente ainsi : "chaff. From the whitish ochreous forewing". L'ocelle  non pas ronde, mais fusiforme pouvait être à l'origine de paleano "en forme de balle de blé "(enveloppe du grain de blé).

Mais pas du tout. Palaeno est le nom de l'une des 50 Danaïdes de l'Antiquité, fiancée par contrainte à Aristonus. L'espèce Papilio Palaeno suit directement, dans le Fauna suecica, Papilio Hyale , Hyale étant une autre Danaïde. (voir infra)

Nom vernaculaire:

-Le nom est créé en 1779 par Engramell : Engramelle Papillons d'Europe tome I page 328 pl. VI, 3eme supplément fig. III quart. "Ce papillon est de la même famille que ceux représentés sous les numéros 111 et 112, Pl. LIV, LXXVIII et LXXIX, mais il ne se trouve jamais avec eux. C'est une espèce qui n'habite que les lieux solitaires ; de là vient sans doute qu'il est peu connu."

https://books.google.fr/books?id=_2hTAAAAcAAJ&pg=PA101&dq=colias+solitaire&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwj666HAif_qAhXID2MBHXcMAWoQ6AEwAHoECAEQAg#v=onepage&q=colias%20solitaire&f=false

-Il est cité en 1819 par Latreille qui se réfère à Engramelle, en  1823 par Von Waldheim

-En 1836, Boisduval emploie le nom Le Solitaire en référence à Ernst.

-Paul-A. Robert 1934 : "en français, cet insecte s'appelle "Le Solitaire" précisément parce qu'il est rare et généralement isolé"

Colias palaeno europome (Esper, 1778).

Colias palaeno europomene Ochsenheimer, 1816. (Alpes)

Colias phicomone (Esper, 1780), le Candide.

Colias hyale (Linnaeus, 1758), le Soufré.

Colias alfacariensis Ribbe, 1905 le Fluoré.

Colias crocea (Geoffroy in Fourcroy, 1785), le Souci. 

Synonymes ou sous-genres*:

  • Eurymus Horsfield, [1829]

  • Ganura Zetterstedt, [1839]

  • Scalidoneura Butler, 1871

  • Eriocolias Watson, 1895

  • Coliastes Hemming, 1931

  • Protocolias* Petersen, 1963 [2]

  • Mesocolias* Petersen, 1963

  • Neocolias* Berger, 1986 [3]

  • Palaeocolias* Berger, 1986

  • Eucolias* Berger, 1986

  • Similicolias* Berger, 1986

  • Paracolias* Berger, 1986

Voir :Josef GRIESHUBER & Gerardo LAMAS "A Synonymic List of the Genus Colias FABRICIUS, 1807 (Lepidoptera: Pieridae)" Mitt. Münch. Ent. Ges. 97 131-171 München, 31. 10.2007 en ligne

 

Synonymes faux-ami : Colias, Hübner, 1819 ou Phoebis, Hübner, 1819 (Hübner, [1819]; Verz. bek. Schmett.(7): 98).

 

Le genre se caractérise par :

  • Ses couleurs principales jaune, orangé, parfois blanc-verdâtre, plus ou moins tachées de noir, le bord de l'aile étant souligné ou encadré de noir (Yellow Clouded), de façon plus marquée chez les femelles.
  • Une  taille généralement moyenne.
  • L'apex des ailes antérieurs est arrondi
  • un vol rapide, puissant et infatigable qui font des espèces du genre de puissants migrateurs.
  • chez les mâles de nombreuses espèces, une tache androconiale sur le bord antérieur de la face supérieure de l'aile postérieure : formée d'écailles épaisses "crayeuses", elle est nommée Mehlflekt ("tache-farine") par les auteurs allemands.
  • une nervuration typique : nervure sous-costale avec 4 rameaux, naissant loin avant l'extrémité de la cellule. Absence de nervure disco-cellulaire antérieure, la nervure radiale antérieure  étant anastomosée à la nervure costale 4.
  • des antennes courtes à massue en cône renversé (Godart).
  • des chenilles, de couleur verte avec rayures, qui se nourrissent de légumineuses (fabacées)
  • l'absence en général d'aposématisme et de fabrication à partir des plantes-hôtes de composés toxiques pour les prédateurs, ce qui fait d'eux une proie appréciée (à la différences des Piérides/Piérines).

 

 

c) étymologie.

 Kôlias Κωλιάς «De Kolias» : épithète de Vénus/Aphrodite.  Nom d'un cap de la côte orientale de l'Attique (Grèce), proche de Phalère, l'un des ports d'Athènes. Il y était édifié un temple et une statue dédiés à Aphrodite (Vénus pour les grecs)  selon Strabon (Livre IX page 612) et Pausanias (Description de l'Attique ou Livre I, chapitre 1 page 5). Les anciens prenaient plaisir à rapprocher le nom grec de celui de Kolios, "membre" ; plus précisément, Hesychius compare la forme du promontoire "au pied de devant d'une victime, kólos κωλος ", ce jeu de mot sur Kôlias (Colias) et kôlê ("pénis") se retrouvant chez qu'Aristophane (Nuées, v.49-52). D'autres, plus respectueux, disait que l'endroit avait pris ce nom  "de la cuisse (kôlê) de la victime sacrificielle volée par un corbeau et déposée en l'endroit nommé cap Kôlias".

  Se rendre au sanctuaire de Vénus à Kolias tenait plus de l'Embarquement pour Cythère que du pèlerinage de Lourdes. On connaît peut-être la pièce d'Aristophane, Lysistrata, où les femmes font la grève du sexe pour obliger leurs maris à renoncer aux guerres. La pièce commence par une déclaration furieuse de Lysistrate contre les Athéniennes qu'elle a convoquées pour réfléchir à un moyen d'obtenir la paix : il n'y a personne !

 LYSISTRATA, d'abord seule. - Voyez pourtant ! si on les avait convoquées au temple de Bacchus, ou de Pan, ou de Vénus Coliale, ou de Génétyllide, la foule des tambourins ne permettrait pas même de passer

   "Toutes les divinités citées par Lysistrate étaient favorables à la débauche", indique en note le traducteur Georges G. Toudouze. La déesse de Kolias y était vénérée comme présidant (comme Bacchus et Pan) aux plaisirs de l'amour, mais aussi à l'union conjuguale, alors qu'un culte voisin était rendu à une déesse Génétyllide protectrice des engendrements. (Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio en ligne). Les femmes athéniennes se rendaient au cap Kolias le deuxième jour des Thesmophories, ce qui laisse soupçonner une fusion du culte de Déméter (fécondité) avec les deux cultes précédents. La prêtrise du temple était exercée par une femme. 

 Fabricius s'était donné la règle d'attribuer aux genres qu'il créait pour son Systema glossata(Système des lépidoptères) des épithètes de Vénus (épiclèses pour l'épithète grec) aux papillons diurnes, et inversement, des épithètes de la déesse lunaire Diane/Artémis aux genres de papillons de nuit. le genre Colias rentre dans cette série, en numéro 24, après les genres Doritis (Vénus bienfaitrice) et Pontia (protectrice de la mer profonde). A.M. Emmet 1991, qui ignorait manifestement cette convention de Fabricius, attribue ce choix de nom Colias et Pontias liés à la déesse de la beauté "peut-être simplement parce que les papillons eux-mêmes étaient beaux". Pour la même raison, et parce qu'il suspecte toujours Fabricius d'être un joyeux farceur ("his fondness for punning names and word play"), Emmet rapproche Colias du grec κολιας, kolias, un poisson de la famille des thons décrit par Aristote, avec un jeu de mot avec khole, kholos, "bile" (cf notre mélancolie, bile noire"), en raison de leur couleur jaune. Cette étymologie liée au poisson d'Aristote et de Pline avait été dénichée chez Ramann, 1870 p. 18, qui comparait le vol rapide de ce papillon très coloré aux mouvements ondulatoires de la nage des thons. Le même rapprochement est aussi cité par Spannert. Ah, si non e vero... mais Glaser 1887 a souligné la différence entre les noms grecs Κωλιάς  et κολιας

 Dans ce genre où il plaçait 35 espèces aux ailes jaunes , Fabricius distingue deux types : ceux aux ailes arrondies (Papilio palaeno, hyale, glaucippe) et ceux aux ailes anguleuses (Papilio rhamni, cleopatra) qui rentreront plus tard parmi les Gonepteryx. Les autres Pieridae blancs se trouvaient dans le genre Pontia (94 espèces, dont P. crataegi, rapae, daplidice, elathea, belia).

 

 

 

3. Nom d'espèce :  Colias hyale (Linnaeus, 1758)

 

a) la publication originale.

       Protonyme :P[apilio] D[anaus] hyale n° 71 , Linnaeus, C. 1758. Systema naturæ per regna tria naturæ, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Holmiæ. (Salvius). Tomus I: 824 pp. page 469 . 

— Localité-type: Bocking, Essex, Angleterre, lectotype désigné par Verity & Querci (1923). Cette désignation est contestée par Honey & Scoble (2001)]

Cette espèce migratrice possède une répartition eurasiatique. Elle est observée dans toute la France. Les chenilles se nourrissent sur diverses Fabaceae, principalement Trifolium repens L. et Medicago sativa L.  

 —Habitat in Europa, Africa

— Description : P.D. alis integerrimis rotundatis flavis ; posticis macula fulva, subtus puncto sesqualtero argenteo. " Papillon Danaus, ailes jaunes arrondies, les ailes postérieures tachées de fauve, avec un point sesqualtier [une fois et demi plus grande que la tache des ailes antérieures] argenté en dessous".

 

 — Références (mentions bibliogr. complétées si besoin ) :

- John Ray, Historia insectorum I page 112 n° 6. Papilio mediae magnitudinis...

- James Petiver gazophylacii, page 22 t.14 f.11 : papilio croceus, apicibus nigrantibus. Papilio 5 Moffet 100...The Saffron butterfly

- Roesel  Ins. III. t. 46

- Uddm. ins. 56

      Voir aussi Fauna suecica édition 2 page 272 n°1040.

J'ai mis un certain temps à découvrir la signification de l'abréviation Uddm, mais l'Histoire des Insectes de Geoffroy m'a donné la solution  de cette référence à Johan Leche   Novae insectorum species, quas dissertationis Academicae loco, praeside Joanne Leche, proponit Isaacus Uddman. Alboe, Jakob Merckel 1753, in-4°. 

Jacob Uddman (1731-1781) avait publié en 1765 avec Linné une thèse (14 pages) sur la Lèpre. Linné lui a dédié un Tortrix, l'actuelle notocelia ou epiblema Uddmanniana voir  Zoonymie de deux microlépidoptères très communs : Tortrix viridana et Epiblema uddmanniana. où je donne les renseignements sur ce médecin.

Le suédois Johan Leche (1704-1764), (biographie) docteur en médecine en 1740, fut nommé médecin de la Compagnie des Indes Orientales de Suède à Göteborg, et a été élu en tant que membre de l'Académie royale suédoise des sciences en 1748 puis promu professeur de médecine à Turku . C'était un naturaliste très  apprécié de Linné, qui a souvent  profité de ses données, en particulier dans l'étude des oiseaux, et qui a nommé en son honneur le genre botanique  Lechea (cf. Lechea maritime)  et, parmi ses Tortrix,  Phalæna Lecheana (Fauna suecica page 345 n°1318). Polyvalent, il s'est aussi occupé de météorologie, de rassembler une collection de minéralogie, de créer un laboratoire de chimie ou de pratiquer des travaux d'anatomie, quand il ne s'impliquait pas dans la création du jardin botanique de Turku. En tant que médecin, il a fait porté son effort sur la promotion de l'hygiène . Le reste du temps, il parlait hébreu, latin ou grec, s'entretenait en français en anglais ou en allemand. Il est l'auteur de Flora Fennica (1827) et surtout de Dissertatio sistens primitias Floræ Scaniæ

La correspondance échangée entre Leche et Linné entre 1738 et 1763 est conservée par la Linnean Society.

 

 

 

 

 

c) étymologie.

     Avant de rechercher l'étymologie du nom du papilio hyale de Linné, il faut d'une part rappeler que il appartient à ses Danaii ; et il faut rappeler la note que Linné a donné dans sa publication :   Danaorum candidorum nomina a filiabus Danai aegypti ; Festivorum a filiis mutuatus sum. "Je donne aux Danaii blancs —les candidi— le nom d'une des filles du roi Danaos ; et aux bariolés — les festivii— le nom d'un des fils d'Aegyptos".

En effet, si on écarte la possibilité de voir en -hyale- un qualificatif dérivé du grec ὕαλοςhyalos, "verre" qui a donné notre "hyalin", Linné n'étant pas enclin à quitter la mythologie pour créer des noms descriptifs, nous nous trouvons, avec les auteurs qui nous ont précédé, devant deux possibilités.

1. Hyale ou Hyalé, nymphe de Diane.

Dans le Livre III de ses Métamorphoses, Ovide décrit le bain de la déesse Diane/Artémis (vers 163-172)


Hic dea siluarum uenatu fessa solebat

uirgineos artus liquido perfundere rore   

 

Quo postquam subiit, nympharum tradidit uni 

armigerae iaculum pharetramque arcusque retentos,

altera depositae subiecit bracchia pallae,

uincla duae pedibus demunt; nam doctior illis

Ismenis Crocale sparsos per colla capillos 

colligit in nodum,quamuis erat ipsa solutis. 

excipiunt laticem Nepheleque Hyaleque Rhanisque

et Psecas et Phiale funduntque capacibus urnis.

 

 

"La déesse des forêts, fatiguée de la chasse, venait ici

Baigner de rosée son corps de vierge.

Elle descend, remet à une des nymphes

Chargées des armes sa lance, son carquois et son arc détendu.

Une autre reçoit sur les bras le manteau,

Deux encore détachent les chaussures de ses pieds ; et la plus douée

Crocale, fille d’Ismenos, noue les cheveux qui flottaient

Sur le cou ; elle garde les siens libres.

Elles recueillent l’eau de source, Nephélé, Hyalé, Rhanis,

 

Psecas et Phialé, la versent dans d’amples vases."

 C'est justement le moment que choisit le chasseur Actéon pour sortir du bois, ce qui lui vaut d'être maudit par la prude déesse rétive à l'amour et aux hommes : elle le transforma, on le sait, en un cerf, une proie pour ses propres chiens.

 

2. Hyale, l'une des cinquante Danaïdes selon Hyginus.

Dans la Fable 170 d'Hyginus, Hyale figure dans la liste des cinquante filles du roi Danaos, qui vont épouser chacune l'un des cinquante fils de leur oncle Egyptos afin de les tuer le soir même. Hyale est mariée avec Perius. Comme ses sœurs, elle a caché une grande épingle dans ses cheveux...

 En raison des arguments que j'ai donné, il est évident que Hyale est, dans le Systema naturae de Linné, le nom de cette funeste Danaïde, et cela est d'autant plus évident que son nom est accompagné de celui de Daplidice, Euippe, Glaucippe, Pyranthe, Arsalte, Hyparete, Damone, Trite, Hecabe, alors que les maris Niavius, Enceladus, Obrinus, Perius ( n° 79,) Plexippus, Chrysipus, Mineus, Hyperantus, Pamphilus, Xanthus, les attendent dans la liste des festivi ... et que dans l'édition suivante, ils seront rejoint par Palaeno, Hero, Arcania, etc...

voir  Zoonymie du papillon Céphale.

 

 3. Le choix des auteurs :

— Arnold Spuler 1 (1908) page 9 : "Une nymphe des bois grecque"

—Janssen (1980) page 38 : " "un des noms de Diane (Ovide)".

— Ramann : "nom d'une de celles qui accompagnent/ de la suite de Diane".

— Glaser, page 116 :"Nymphe de Diane, signifiant 'verre' ".

— G. Spannert (1888) page 21 : "Hyale, une nymphe de Diane".

— W. Dale 1890) : "Hyale : a nymph in the train for Diana (Ovid Met. III, 470)"

— H.A. Hürter (1988): "Parce que Linné n'a pas précisé son intention, il est impossible de dire si il s'agit ici du nom d'une nymphe de Diane ou de celui d'une Danaïde".

— Doux et Gibeaux (2007) : "Hyale : le nom de l'une des cinquante (!) fille de Danaus".

— Perrein et al. 2012 : "De Hyalé, l'une des cinquante filles de Danaos, roi d'Argos, selon Emmet (1991), du grec hualos, "verre" ?. "

 

 

 

                II. Noms vernaculaires.

 

 

 

0. Avant l'Âge des Noms Français : les auteurs étrangers .

Le premier nom scientifique de 1758 donné par Linné n'avait été précédé par aucun nom propre spécifique.

 Le seul auteur étranger qui a précédé Engramelle 1779 et qui a créé un nom propre différent de celui de Linné est :

— Harris 1775 : "The Pale Clouded Yellow."

Puis en 1779, on trouve le nom de Hübner "Kornwickenfalter".

 La spécification du papillon n'est pas encore pleinement établie : si Linné a décrit en 1758 le hyale, il l'a fait en renvoyant à des références (Petiver, Ray, Roesel) dans lesquels on ne reconnaît pas actuellement notre Colias hyale. D'autre part, il ne décrit qu'une seule espèce, qui recouvre notre Colias crocea et C. palaeno.

   Ce n'est qu'en 1761 qu'il décrivit son Papilio palaeno dans la Fauna suecica page 272. Les auteurs qui se réfèrent à ses publications n'ont alors le choix qu'entre deux espèces,  P. palaeno et P. hyale donné comme semblable au palaeno, mais "aux ailes plus jaunes", ou "avec plus de jaune sur les ailes", alae magis flavae".

 En 1767, dans la 12eme édition de Systema Naturae, Linné continue à proposer Hyale, avec les références à Petiver et Ray, Schaeffer, Roesel, Scopoli, mais aussi au Souci de Geoffroy (sans préciser la variété), alors que le Palaeno renvoie à la référence de Uddmann et Leche. 

 Ce n'est qu'en 1785 (Geoffroy in Fourcroy) avec le papilio crocea, ou en 1787 après que Fabricius (ici) ait établi une troisième espèce edusa (edusa = crocea), que les entomologistes purent, comme Godart en 1819, distinguer le Souci de Geoffroy var A, —edusa ou crocea—, le Soufre d'Engramelle, —hyale—, et le Solitaire d'Engramelle, —palaeno—. 

 

 

[Auteurs plus tardifs : 

—Fabricius, 1775 , Hyale, Systema Entomol; p. 477 n° 148. "Der Linneische Character"

—Fabricius, Species Ins., II, page 48, 211

—Fabricius 1787  Mantissa Insectorum II page 23 n°243
—Fabricius 1793 Entomologia Systema emendata tome III pars 1, page 207 n° 649

—Hübner 1779 : "Kornwickenfalter" Papilio hyaleSammlung Europaïscher Schmetterlinge page 67 n° 19 fig. 438-439. 

—Esper, (de 1776 à 1807, [1829]) I, page 68 tab.IV fig. 2 palaeno "Die Schwefelgelbe Heuvogel". Esper se livre à une belle analyse comparative des  descriptions des différents auteurs.

—Schaeffer (Jacob-Christian) 1766, Icones Insectorum circa Ratisbonam indigenorum, Ratisbonne 1766, 5 tomes in-4° avec 220 planches coloriées . Tab. 149 fig. 4-5. Papilio hexapus alis integris decimum tertius.

—Jean Gaspard Fuesli ou Füslli), 1775, Verzeichnis der ihm bekannten Schweitzerischen Inseckten  p.29 Palaeno n° 553 "der Silverpunkt", Hyale der Pomeranzenvogel* n°554.

* Pomeranzenvogel est aussi le nom du Pluvier doré. Pomerans = Orange bigaradier, orange amère.

—Ochsenheimer 1808 in  Die Schmetterlinge page 181

— Müller : "der Silverpunkt".

 Les autres auteurs sont Hüfnagel, Panzer, Borckhausen, Brahm, Illiger, Schneider, Rossi, Lang, Ochsenheimer.

  Cette espèce est très rare en Angleterre ; la première description a été donnée par Harris, 1775 mais la première observation serait due à  Lewin, 1795. Les autres auteurs sont : Jermyn, 1824 ; Coleman, 1860; Rennie, 1832, Haworth, 1836. William Dale (page 33) décrit toutes les années où, lors de flux migratoires, elle fut observée, avec la grande année de 1868.

 

Lewin The papilios of Great-Brittain 1795 page 33   Hayale (sic) Le Jaune Pâle Nébuleux. (fig. 3 et 4)  (BHL)

            n138_w441

 

 

 

 1. Le Souci variété C, Geoffroy, 1762.

 Le Souci variété C   Étienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, Volume 2  page 75 n°48.

      Variété C: Papilio alis sulphureis, primariis limbo nigro fascia flava maculato, maculaque nigra, secundariis fulvâ. 

 

 2. Le Soufre, Engramelle 1779.

  Jacques Louis Engramelle Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 1 page 228 planche 54 fig. 112 a-b  par J.J. Ernst,  1779. 

Dans cette description, Engramelle renvoie au Papilio palaeno de Linné S.N. 1767; Geoffroy (Souci, C) ; Fuessli ; Schaeffer ; Esper ; Müller ; Fabricius Ent. . et Uddman, soit un joyeux mélange de palaeno et de hyale.

  "Ce papillon a longtemps été regardé comme une variété du précédent (le Souci). Les caractères de ressemblance qu'il a avec lui ont naturellement établi cette opinion ; mais les naturalistes modernes qui l'ont examinés avec plus d'attention se sont convaincus qu'il formait une espèce particulière. Linnaeus est de ce sentiment. [...]Le mâle a le fond des ailes en dessus couleur de soufre. Celui de la femelle est plus pâle. La bordure noire qui entoure leurs ailes n'a pas, vers le bas des ailes supérieures et dans tout le contour des inférieures, autant de largeur que celle du Souci, et surtout au mâle. Elle est, dans les deux sexes de cette espèce, chargée de taches de la couleur du fond des ailes, c'est à dire soufre dans le mâle et blanchâtre dans la femelle."

      Alors que nous sommes — par habitude ?— tenté de lire Le Soufré, Engramelle, et plus tard Godart, baptise bien son espèce Le Soufre. Geoffroy avait largement puisé dans le vocabulaire des couleurs pour nommer ses papillons, illustrant comment les noms de couleur prenaient le nom de la matière elle-même, et nom d'un adjectif dérivé : le Citron, l'Aurore, le Souci. C'est aussi le cas de [la couleur] soufre, que j'imaginais plus foncée et intense alors qu'elle est, dans la gamme des jaunes, plus pâle que le Jaune. Dans la littérature du XVIIIe, on emploie souvent "jaune soufre", "jaune-soufre" ou "jaune soufré" plutôt que "soufre". Dans le vocabulaire des couleur, le rapprochement avec un métal ("bleu acier", "blond platine") ou un métalloïde ("gris ardoise", "bleu outremer" (lazulite)) est moins fréquent que celui avec un élément de la flore ; il semble également moins flatteur, et moins utilisé pour qualifier le vêtement.

 Le soufre se nommait en pharmacopée Sulphur, et évoque ainsi les différents papillons nommés par les anglais et américains "Sulphurs", comme Colias pholidice, the Common Sulphur ou Clouded Sulphur.

 

   3. P[apillon] Souci (P. hyale) Walckenaer 1802.

Walckenaer Faune parisienne 1802 page 268

 

 4. Coliade Hyale, Latreille et Godart 1819.

   Latreille (P.A) Godart (J.B), Encyclopédie méthodique. Histoire Naturelle. Entomologie, ou histoire naturelle des crustacés, des arachnides et des insectes. Vol. 9. Paris : Vve Agasse,1819 828 pp,  page 87  et page 99 n°33.

 Latreille a formé son groupe Coliade en le calquant sur le genre Colias de Fabricius ; Godart donnera en 1823 la précision "Partie des Danaïdes blanches (Linné)" pour rappeler la classification initiale où Linné (1758) avait séparé ses Danaïdes (Papilio Danaus) en Candidi ("blanches" mais aussi jaunes) et en Phalerati (bariolées). Ces Candidi sont désormais réparties en Piérides (blanches...) et en Coliades (jaunes). 

5.  Coliade Soufre Godart 1821.

Jean Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons de France Paris : Crevot 1821/1823 Tableau Méthodique page 14 ; page 46 n°4 planche IIsecond.  peinte par C. Vauthier et gravée par Lanvin.

 Comme il le fait parfois, Godart abandonne le nom utilisé en 1819 avec Latreille —Coliade Hyale— pour un nom français, et se place sous le drapeau d'Engramelle en reprenant son nom de Soufre   ; mais, comme toujours, il respecte sa règle d'une structure binominale avec le genre Coliade de Latreille en premier. 

Il justifie le nom dans sa description : "Le dessus du mâle est d'un jaune soufre, le dessus de la femelle d'un blanc-verdâtre, avec un point très noir vers le milieu de la côte des premières ailes, et une tache orangée pâle au centre des secondes".

 

    Ce nom a été repris par J.V. Audouin 1823 ; Bory de Saint-Vincent 1823 ; Boisduval, Rambur et Graslin 1832 ; Hippolyte Lucas 1834 ; P.A. Duponchel en 1849 ; A. Dupuis 1863 

 

Le Borgne de Kermorvan, dans Le Tableau Systématique des lépidoptères du Finistère (Souvestre, 1836) page 165, n'utilise que les noms de Coliaves (sic) edusa et hyale.

 

 La Chenille.

 

 La Coliade soufre (Duponchel, 1849).

  Philogène Auguste Joseph Duponchel,  Iconographie et histoire naturelle des chenilles pour servir de complément à l'Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons de MM. Godart et Duponchel Paris :1849 page 58 n° 13 Planche IV par Dumenil. BHL

 

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6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986.

       Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet propose "Le Soufré" comme nom principal, et cite "La Piéride soufrée" qu'un auteur* avait utilisé en 1965. Il bannit "Le Soufre" comme appartenant aux  "noms incorrectement orthographiés, mal transcrits". Un auteur belge** avait utilisé le nom "Le Faux soufré", rejeté par Luquet car "employé à tort ou à mauvais escient".

 Curieusement, il omet "La Coliade soufre" de Godart.

D'autre part, la "Piéride soufrée" qu'il tolère ne va pas sans ambiguïté, puisque Tolman & Lewington adaptés par Leraut (p. 60) nomment de ce nom Euchloe charlonia, alors que Euchloe penia porte le nom de "Piéride soufrée des steppes".

* Jean-Pierre Vanden Eeckhoudt 1965, Papillons de jour, L'école des loisirs éditeur : Paris.

** Eric Verbist, 1982, Les noms vernaculaires des Lépidoptères de Belgique et de France, / De inheemse namen van de Lepidoptera van België en frankrijk (Lexique français-néerlandais-anglais) Institut Libre Marie Haps éditeur : Bruxelles.

7. Noms vernaculaires contemporains :

— Oberthür et Houlbert dans la Faune armoricaine (1912-21) utilise le nom scientifique Colias hyale, mais emploient une fois (page 72) le nom de Coliade soufrée

— Bellmann / Luquet 2008 : " Le Soufré ". 

— Blab / Luquet 1988 : " La Soufré ".

— Chinery / Luquet  2012 : non cité

— Doux & Gibeaux 2007 : " Le Soufré" .

— Higgins & Riley /Luquet 1988 : " Le Soufré ".

— Lafranchis, 2000 : "Le Soufré" .

— Perrein, 1012 : " le Soufré".

— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : "Soufré" .

— Wikipédia : " Le Soufré ".

 

 

 

 

III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.

 

  • "Gele luzernevlinder" en néerlandais ("le papillon jaune de la luzerne")
  • "Žluťásek čičorečkový" en tchèque 
  • "Szlaczkoń siarecznik" en polonais
  • "Gul høsommerfugl" en danois ("jaune opacifié" ?)
  • "Fakó kéneslepke" en hongrois 
  • "Žltáčik ranostajový " en slovaque
  • "Niidu-võiliblikas"  en estonien ("du soufre..")
  • "Ljusgul höfjäril"en suèdois ( "le papillon ...jaune clair")
  • "Vaaleakeltaperhonen" en finois ("papillon jaune clair")
  • "Dirvinis gelsvys" en lithuanien ("le soufré des fourrages")
  • "Orman Azameti" en turc.
  • "Желтушка луговая" en russe. ("oriole des près" ?)

 

Les noms en allemands.

 a) "Goldene Acht"  : "Le Huit doré". Ce nom est-il lié aux deux ocelles mitoyens des ailes postérieures ?

b) "Posthörnchen, Kleines Posthörnchen" : j'ai déjà étudié ce nom qui qualifie le Souci: Le Postillon, et, ici, le Petit Postillon, dont le nom allemand vient du cor de postillon. Zoonymie du papillon Le Souci, Colias crocea (Geoffroy in Fourcroy, 1785).

 c) "Weißklee-Gelbling", , faut-il traduire par "le papillon jaune du trèfle blanc", qui est l'une des plantes hôtes?

d) "Gemeiner Gelbling" : le Jaune commun.

 e) "Gelber Heufalter" ou "Gemeiner Heufalter" : "le jaune des foins", "le papillon commun des foins".

f) cf Hübner "Kornwickenfalter" : "le papillon de la vesce". 

g) Esper :"Die Schwefelgelbe Heuvogel" : "le papillon soufré du foin".

h) Fuessli :  "der Pomeranzenvogel" est aussi le nom du Pluvier doré. Pomerans = Orange bigaradier, orange amère.

i) Müller : "Silverpunkt" : "le Point d'argent".

 

Hübner : "Posthörnchen", 1-2 page 28 (Hübner nomme Colias edusa "Le Postillon").

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Les noms en langues celtiques.

1. langues gaéliques :  irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg :île de Man).

  • en irlandais

  • en mannois.
  •  en gaélique écossais*

2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welshcymraeg).

  •  pas de nom en breton avant 2014 ; 

  •  Llwydfelyn gwelw en gallois. 

 *Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources.   http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html

 

 

 Voir aussi : http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

 

IV. Zoonymie vernaculaire anglo-saxonne ( M.A Salmon, 2000). 

 

  • "The Pale Clouded Yellow" : Harris, 1775 ; Lewin, 1795 ; Jermyn, 1824 ; Coleman, 1860 ; W.F. Kirby, 1896 ; W.E. Kirby, 1901 ; South, 1906, et la plupart des auteurs suivants.
  • "The Clouded Yellow" : Lewin, 1795 ; Rennie, 1832
  • "The Clouded Sulphur" : Haworth, 1836 ; Coleman, 1860.

Le nom principal "The Pale Clouded Yellow" se réfère à l'espèce proche "The Clouded Yellow", le Jaune assombri ou jaune encadré de sombre, ou pour Lewin, le "jaune nébuleux"" (C. crocea) dont il apparaît comme une version plus pâle : de ce fait, il peut être confondu, selon Dale, avec la variété plus blanche de C. crocea, helice.

 

 

John Curtis 

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      Bibliographie, liens et Sources.

Funet : Colias .

Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : Le Soufré

Images : voir les superbes dessins de Hübner :http://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Jacob_H%C3%BCbner 

HÜBNER, Jacob, 1761-1826 Das kleine Schmetterlingsbuch : die Tagfalter : kolorierte Stiche,  Insel-Bücherei ; Nr. 213 http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/69604#/summary 

 

— UK Butterflies : colias hyale

— lepiforum : colias hyale.

 —Images : voir les superbes dessins de Hübner .

HÜBNER, Jacob, 1761-1826 Das kleine Schmetterlingsbuch : die Tagfalter : kolorierte Stiche,  Insel-Bücherei ;http://www.biodiversitylibrary.org/item/138312#page/35/mode/1u

 

                 I.  Étymologie des lépidoptères :

 

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— GLASER L, 1887 Catalogus etymologicus Coleoperum et Lepidopterum. Erklärendes und verdeutschendes namensverzeichnis der Käfer und Schmetterlinge fûr Liebhaber und wissenschaftliche Sammler, R. Friehändler : Berlin 1887, 396 pages. BHL Openlibrary.

— GLASER, L, 1882 "Zur Nomenklatur des deutschen Tagfalter, in Entomologischen Nachrichten, Stettin 1882  pages 303-317,

  https://archive.org/stream/entomologischena81882berl#page/310/mode/2up/search/lycaena)

— Gozmány, László: Vocabularium nominum animalium Europae septem linguis redactum2 vols. Budapest: Akadémiai Kiadó, 1979. 

—HÜRTER Hans-Arnold 1988 Die wissenschaftlichen Schmetterlingsnamen, Herleitung und Deutung, Bottrop ; Essen : Pomp, 492 pages.

— ISAAK (Mark) Curiosities of the biological nomenclatureen ligne.

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        II. Bibliographie entomologique : Rhopalocères.

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 BOISDUVAL Histoire naturelle des insectes Roret 1836 books.google.fr/books?id=2Kgi4FH6kj0C

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—  BOISDUVAL (Jean-Alphonse) Essai sur une monographie des zygénides : suivi du Tableau méthodique des lépidoptères d'Europe Paris : Méquignon-Marvis 1829 Gallica

— BOITARD (Pierre ) Manuel d'entomologie ou Histoire naturelle de insectes: contenant la synonymie de la plus grande partie des espèces d'Europe et des espèces exotiques les plus remarquables, Tome second, Paris : Roret, 1828,  Gallica

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— DALE (Charles William) 1890 The history of our British butterflies containing - a full bibliographical note of each species, with copious extracts from the old authors; and full descriptions of all the British species, their eggs, caterpillars, chrysalides and varieties, with a notice of their habits, localities, frequency,  J. Kempster : London 1890 Archiv.org.

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— ENGRAMELLE (R.P. Jacques Louis Florentin), 1779, Papillons d'Europe peints d'après nature par M; Ernst et gravés et coloriés sous sa direction. Première partie. Chenilles, Crysalides et Papillons de jour décrits par le R.P. Engramelle, Religi[eux] Augustin, Q[uartier] S[aint-] G[ermain] Se vend à Paris chez M. Ernst, auteur ; Bazan ; P.M. Delaguette, imprimeur ;  Basan & Poignant marchands d'Estampes rue et et Hôtel Serpente. Paris : Delaguette/Basan & Poignant 1779. Tome II . (i-ii), pp 207-229, espèces n° 102-112, puis suppléments pp; 230-333 puis Table. Books-Google.

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— LUCAS ([Pierre-] Hippolyte)  Histoire naturelle des lépidoptères d'Europe Paris : Pauquet  1834 ouvrage orné nature de près de 400 figures peintes d'apres, par A. Noel, et gravées sur acier.http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4416154.r=lucas+papillons.langFR 

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— LUQUET (Gérard Chr.) 1986 "Les noms vernaculaires français des Rhopalocères d'Europe", Alexanor, Revue des Lépidoptéristes français, tome 14, juillet-septembre 1986, suppl.)

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— MERIAN (Maria-Sibylla) Histoire générale des insectes de Surinam et de toute l'Europe contenant leur description, leurs figures, leur différentes métamorphoses..., par Mademoiselle Marie-Sybille de Mérian, en deux parties in-folio. Troisième édition, revue, corrigée & considérablement augmentée par M. Buch'oz, ... A laquelle on a joint une troisième partie qui traite des plus belles fleurs, telles que des plantes bulbeuses, liliacées, caryophillées... Tome premier [-troisième] traduit par Jean Marret Paris : Desnos, 1771. PDF Bibliothèque de Toulouse, 3 volumes http://tolosana.univ-toulouse.fr/notice/07558171x

— MERIAN (Maria-Sibylla) Der Raupen wunderbare Verwandelung, und sonderbare Blumen-nahrung: worinnen, durch eine gantz-neue Erfindung, Der Raupen, Würmer, Sommer-vögelein, Motten, Fliegen, und anderer dergleichen Thierlein, Ursprung, Speisen, und Veränderungen, samt ihrer Zeit, Ort und Eigenschaften (Band 2) Nürnberg , Frankfurt , Leipzig, 1683 Volume 2 (insectes d'Europe) digitalisé par  Universitätsbibliothek Heidelberg;

 — MERRET (Christopher) 1667  Pinax Rerum Naturalium Britannicarum. 1667. Google Books

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— MOORE (Frederic) 1890-1913 Lepidoptera indica, L. Reeve : London, 1890-1913. BHL

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— PETIVER (James), 1702-1706? Gazophylacii naturae & artis, : decas prima-[decima]. In quaÌ‚ animalia, quadrupeda, aves, pisces, reptilia, insecta, vegetabilia; item fossilia, corpora marina & stirpes minerales eÌ€ terra eruta, lapides figuraÌ‚ insignes &c. Descriptionibus brevibus & iconibus illustrantur. Hisce annexa erit supellex antiquaria, numismata, gemmae excisae, & sculpturae, opera figulina, lucernae, urnae, instrumenta varia, inscriptiones, busta, reliquaque ad rem priscam spectantia: item machinæ, effigies clarorum virorum, omniaque arte producta... / Jacobus Petiver Londini: : Ex OfficinaÌ‚ Christ. Bateman ad insignia Bibliae & Coronae, vico vulgo dict. Pater-Noster-Row., MDCCII. [1702-1706?]. Version Google books de 1702 ou mieux GDZ Göttingen (Planches).

— PETIVER (James) 1695-1703 Musei Petiveriani centuria prima-decima, rariora naturae continens: viz. animalia, fossilia, plantas, ex variis mundi plagis advecta, ordine digesta et nominibus propriis signata, London, 1695-1703 Version Books-Google.

— PETIVER (James) 1767 Jacobi Petiveri Opera, historiam naturalem spectantia containing several thousand figures of birds, beats, fifh, reptiles, insects shells, corals, and fossils; also of trees, shrubs, herbs, fruits, fungus's, mosses, sea-weeds, &c. from all parts, adapted to Ray's History of plants on above three hundred copper-plates, with English and Latin names, London, James Empson (éditeur), 1767  Version Books.Google 

— PETIVER (James) 1717 Papilionum Brittaniae Icones (1717)  

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 ROBERT (Paul A.)  1934 — Les Papillons dans la nature, Delachaux et Niestlé : Neufchâtel et Paris,  405 p., 64 pl. couleurs books.google.fr/books?id=jSFDAAAAYAAJ

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 — SALMON (Michael A.) 2000, The Aurelian legacy, British butterflies and their collectors, University of California Press, 2000.

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SCOPOLI (Jean-Antoine) Ioannis Antonii Scopoli Med. Doct. S.C.R. ... Entomologia Carniolica exhibens insecta Carnioliae indigena et distributa in ordines, genera, species, varietates : methodo Linnaeana. Vindobonae :Typis Ioannis Thomae Trattner ...,1763. En ligne BHL.

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— WALCKENAER (C.A.) 1802,  Faune parisienne, insectes, ou, Histoire abrégée des insectes des environs de Paris classés d'après le système de Fabricius; précédée d'un discours sur les insectes en général, pour servir d'introduction à l'étude de l'entomologie accompagnée de sept planches gravées Paris : Dentu 1802 en ligne BHL.  

 

— WESTWOOD (J O) & HUMPHREYS (Henry Noël), British butterflies and their transformations, William Smith : London 1841. BHL

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— ZIMMER, (Dieter E., rédacteur du mensuel Der Zeit) A guide to Nabokov's Butterflies and Moths et Butterflies and Moths in Nabokov's Published Writings , Web version 2012.


 

                           III. Boite à liens. 

      Liste des références d' auteurs avec les liens vers leurs publications:  http://www.ukbutterflies.co.uk/references.php

Les papillons du Systema Naturae de 1758  :   http://en.wikipedia.org/wiki/Lepidoptera_in_the_10th_edition_of_Systema_Naturae

Albin :http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN477852769

Boisduval chenille 1832 :   http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/51588#/summary

Boisduval Tableau meth. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97190k/f1.image.pagination.r=Boisduval.langFR

Boitard, 1828. : http://books.google.fr/books?id=K3ShlXhmFsEC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

Dale https://archive.org/stream/historyofourbrit00dalerich#page/n5/mode/2up

Duponchel, chenilles 1849 : BHL :  

 http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/9410#/summary

Engramelle :    http://books.google.fr/books?id=em0FAAAAQAAJ

et https://archive.org/stream/papillonsdeurop00ernsgoog#page/n159/mode/2up

Engramelle vol. 2 : http://books.google.fr/books/about/Papillons_d_Europe_peints_d_apr%C3%A8s_natur.html?id=jbS5ocRuGsYC&redir_esc=y

Engramelle vol. 3 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84701433

Esper : http://www.biodiversitylibrary.org/item/53441#page/9/mode/1up

Fabricius :1775  http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/36510#/summary

Fabricius 1787 :

http://www.animalbase.uni-goettingen.de/zooweb/servlet/AnimalBase/home/speciestaxon?id=25707

Fabricius 1807 :  https://archive.org/stream/magazinfrinsek06illi#page/280/mode/2up

Fuessli    http://www.biodiversitylibrary.org/item/78769#page/11/mode/1up

 Geoffroy  :    http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/51067#page/9/mode/1up

De Geer :  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97151p/f1.image.r=.langFR

Goedart par Lister 1685 : http://docnum.unistra.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/64604/rec/1

Godart 1821 BHL :  http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38004#page/256/mode/1up

Godart latreille 1819 :   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58338273/f334.image.r=Godart.langFR

 https://archive.org/stream/encyclopdiem09metc#page/n3/mode/2up

Harris M. 1766 http://archive.org/stream/Aurelian00Harr#page/n7/mode/2up

1840 : http://www.biodiversitylibrary.org/item/120628#page/9/mode/1up

Hübner 1779 http://www.biodiversitylibrary.org/item/89180#page/1/mode/1up

Kirby  1871: http://www.biodiversitylibrary.org/item/64906#page/9/mode/1up

Latreille 1804 :           http://books.google.fr/books?id=xBsOAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

Latreille 1810 :  http://www.biodiversitylibrary.org/item/47766#page/358/mode/1up

Leach : http://biodiversitylibrary.org/page/17493618#page/136/mode/1up

Linné   http://www.biodiversitylibrary.org/item/10277#page/3/mode/1up

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Linné, Mantissa plantarum   http://bibdigital.rjb.csic.es/spa/Libro.php?Libro=947&Pagina=545

Linné fauna suecica 1746 :http://biodiversitylibrary.org/bibliography/63899#/summary

Linné fauna suecica 1761 : http://biodiversitylibrary.org/bibliography/46380#/summary

Linné S.N. 1767 :http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN362053723&DMDID=DMDLOG_0001&LOGID=LOG_0001&PHYSID=PHYS_0002

Merian, Insectes d'Europe : http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/merian1683bd2

Moffet :    http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/60501#/summary

Moore, Lep. indic http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/8763#/summary

Ochsenheimer 1808 http://archive.org/stream/dieschmetterling12ochs?ui=embed#page/180/mode/1up

Petiver James, Musei petiveriani centura prima 1695 digitalisé par Google  (accès partiel)

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Petiver, Gazophylacii :books.google.fr/books?id=sp05AAAAcAAJ

Petiver, Papilionum brittaniae 1717  in Opera Books .google  

Ray  : https://archive.org/stream/historiainsector00rayj#page/n11/mode/2up

Réaumur : http://www.biodiversitylibrary.org/item/50298#page/11/mode/1up

Rösel : http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/7362#/summary

http://www.biodiversitylibrary.org/item/31182#page/138/mode/1up

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/roesel1746ga

Rottemburg : 

http://www.animalbase.uni-goettingen.de/zooweb/servlet/AnimalBase/home/speciestaxon?id=8326

Scopoli Entomologia carniolica 1763

   http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/34434#/summary

Soddoffsky :http://www.archive.org/stream/bulletindelas10183768mosk#page/n82/mode/1up

Spuler : http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/9477#/summary

 De Villers 1789 :  https://archive.org/stream/carolilinnaeient02linn#page/n11/mode/2up

Walckenaer : http://www.biodiversitylibrary.org/item/79375#page/289/mode/1up

Westwood et Humphreys 1841 : http://biodiversitylibrary.org/bibliography/12483#/summary

Wilkes, english moths and butterflies http://books.google.fr/books?id=x1xnr4VCDe0C&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false 

Goettingen animalbase : base de donnée : http://www.animalbase.uni-goettingen.de/zooweb/servlet/AnimalBase/search

Butterflies of America : http://butterfliesofamerica.com/polyommatus_icarus.htm

 Bestimmungshilfe für die in Europa nachgewiesenen Schmetterlingsarten :http://www.lepiforum.de/

— Un beau plaidoyer sur les noms de papillons :

 http://excerpts.numilog.com/books/9782759217045.pdf 

— Articles biographiques sur les taxonomistes entomologistes http://gap.entclub.org/taxonomists/index.html 

  — http://www.reserves-naturelles.org/sites/default/files/fichiers/protocole-rhopalo-liste-especes.pdf

 

— site d'identification ;http://r.a.r.e.free.fr/interactif/photos%20nymphalidae/index.htm

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 11:32

À la chasse aux papillons sur la tenture des Mois Lucas du château de Chenonceau.

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Résumé :

Parmi les trois pièces de la tenture dite des "Mois Lucas" exposées au château de Chenonceau, et exécutées pour le Roi aux Gobelins en 1712-1714, celle du mois de Juillet présente, dans les médaillons de la bordure de pied, deux scènes de chasse ou de jeux avec des papillons : dans l'un des médaillons, un enfant a capturé un papillon, et dans l'autre, son camarade tient par un fil un papillon très coloré. Ces motifs iconographiques sont des témoignages rares des relations entre humains et rhopalocères (papillons diurnes) au XVIe siècle (les cartons de la tenture bruxelloise qui sert de modèle datent de 1530 environ).

Bien-sûr, ces détails, pour intéressants qu'ils soient pour l'histoire de l'entomologie, ne nous laisserons pas passer à coté de l'occasion de faire connaissance avec l'ensemble des tentures des Mois Lucas.

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INTRODUCTION.

La tenture des Douze mois  porte  l’appellation de Mois Lucas car elle était attribuée depuis le XVIIe au flamand Lucas de Leyde(1494-1533). L'ensemble des douze pièces originales a bien été exécuté à Bruxelles au XVIe siècle, mais des recherches récentes tendent en  attribuer la paternité à un artiste (le "Maître des Mois Lucas") de l’entourage de Barend (ou Bernard) Van Orley, lui-même créateur des modèles des Chasses de Maximilien (Louvre). Edith A. Standen (1971) a proposé de voir dans ce "Maître des Mois Lucas"  Jan Vermeyen, ou Luca Fiammingho, ou encore Lucas Van Nevele.  Tissée à Bruxelles vers 1530, cette œuvre a été redessinée et retissée à Bruges (G. Delmarcel, 1999) et pourvue d'une riche bordure florale. La série complète, conservée actuellement à Vienne (Kunsthistorisches museum KKTXXXVIII), fut livrée à l'occasion de mariage de Léopold Ier de Habsbourg  et de Marguerite-Thérèse en 1666.

 Les Mois Lucas connurent en France, auprès de l'aristocratie et du pouvoir royal un grand succès et aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Gobelins ne produisirent pas moins de douze tentures d’après les Douze Mois originaux.

Rappel : on nomme "tenture" un ensemble de tapisseries (ou "pièces") constituant une série. 

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Les douze tentures des Mois Lucas tissées aux Gobelins.

a) Je n'ai pas trouvé facilement d'article de fond sur ces tentures, et la source principale d'information et d'images en ligne est provenue d'abord de la base Joconde et des tapisseries réunies au musée national du château de Pau. On  trouve à Pau  des pièces appartenant à trois de ces tentures des Gobelins : la deuxième (1688-1689) destinée à Louis XIV, la sixième (années 1730) à la princesse de Conti et la septième (1731-1735) au roi de Pologne, Stanislas Leczinski, dont les armes et le chiffre furent tissés dans la bordure. Seules les pièces des deux premières sont exposées, avec une prédominance d'images en ligne concernant la 2e tenture.

 La première tenture commandée par Colbert a été perdue. La "deuxième tenture sans or ", commencée en 1688 et achevée en 1689,  a été exécutée pour le Roi par la manufacture des Gobelins dans l'atelier de Jean-Baptiste Mozin. Elle a été livrée en 1690 au Mobilier de la Couronne. Elle s'inspire de la tenture originale tissée vers 1540-1550 à Bruxelles dans la manufacture de Guillaume de Pannemaker dont elle reproduit la bordure (fleurs, fruits, oiseaux avec médaillons) avec des interventions du peintre François Bonnemer.

b) J'ai trouvé plus tard la description complète datant de 1903-1923 par Maurice Fenaille et Fernand Calmettes dans leur Etat général des tapisseries de la Manufacture des Gobelins. C'est bien-sûr la publication de référence. Elle offre le tableau suivant :

Première tenture, haute lisse. 12 pièces et 4 entre-fenêtres. Avant 1682. Exécutée pour Colbert. Brûlée par ordre du 22 avril 1797 pour en récupérer l'or et l'argent.
– Deuxième tenture, basse lisse sans or. 12 pièces ; première bordure. 1688 à 1689. Tenture exécutée en contre-partie des tapisseries de Bruxelles, du Mobilier de la Couronne. Livrée en 1690 . Inventaire n°160 du Mobilier de la Couronne. 37 Aunes ¾.  Ateliers de Jean de la Croix et Jean-Baptiste Mozin. Conservée  à Pau (dix pièces)  et à Saint-Petersbourg 

– Troisième et quatrième tentures, basse lisse. Avant 1696. Atelier Lefebre. Deux tentures exécutées en dehors du travail officiel des Gobelins. 

 – Cinquième tenture, basse lisse, sans or.  12 pièces. 1712-1715. Atelier Jean Souet. 12 Mois. 36 Aunes 7.1. Données par ordre du roi Louis XV au baron Eric de Sparre, ambassadeur de Suède, en 1717.
– Sixième tenture, basse lisse, sans or. 3 pièces (Avril, Mai, Juin),  Aux armes de la princesse de Conti. 
Mme Marie-Anne de Bourbon-Conti, fille de Mlle de La Vallière, sous le nom de Mlle de Blois, veuve de Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti, mourut le 

3 mai 1789 sans laisser d'héritiers. Deuxième bordure . Cette tenture a la même origine que les tentures des Enfants Jardiniers, des Mois arabesques et des Chasses de Maximilien, qui décoraient le château de Choisy-le-Roi. Le château de Choisy-le-Roi, qui lui appartenait, revint au duc de La Vallière, puis fit. retour à la Couronne. Château de Choisy-le-Roi puis Château de Pau. Inventaire de la Couronne n°62

– Septième tenture, haute lisse, sans or. 12 pièces. 1731-1735. Atelier Lefebvre. Inventaire n°255. A Pau et au Garde-Meuble, moins les mois de Juillet et Octobre. Nouvelle Bordure. Vendue en 1787 au roi Stanislas de Pologne et ayant fait retour à la Couronne en 1752.
– Huitième tenture, haute lisse, 12 pièces. Nouvelle (troisième) bordure. 1733 à 1743. Atelier Michel Audran (succcesseur de Jean-Jacques Jans décédé le 17 mars 1731). Inventaire Mob. Cour. N°243. Aux armes du Roi et avec la signature Audran.  
 3 pièces au Garde- Meuble en 1900, Juin, Novembre, Décembre.

– Neuvième tenture, haute lisse, sans or. 12 pièces ; quatrième bordure. 1737 à 1740. Atelier Audran et Monmerqué. Cette tenture, exécutée en remplacement de la tenture vendue au roi Stanislas, ne figure pas sur les états de fabrication des Gobelins.  Donnée en 1746 au Comte de Brühl, premier ministre à la cour du roi de Pologne électeur de Saxe à Dresde. Tenture achetée en 1768 par le domaine royal de Saxe au prix de 8,000 thalers. En 1909 était conservée complète (sauf Avril) au château royal de Dresde. Bordure de Dresde.

– Dixième tenture, haute lisse, sans or. 7 pièces.  Bordure de Dresde. 1747-1751.
 Décembre) . Atelier de Monmerqué et de Cozelle. Janvier Février Mars achetées par les Affaires Étrangères .  Quatre pièces données au cardinal des Lances en 1771. En 1909, figuraient dans les collections du Ministère des Affaires Étrangères à Paris.

 – Onzième tenture, haute lisse, sans or. 4 pièces. (Mai Juin Novembre Décembre). Bordure de Dresde. 1767 à 1770. Atelier Cozelle. pour remplacer les quatre pièces des Mois Lucas, données en présent au cardinal des Lances, grand aumônier du roi de Sardaigne, à l'occasion du mariage du comte de Provence.   Donnée en 1773 par l'archevêque de Turin aux Affaires Étrangères. En 1909, figuraient dans les collections du Ministère des Affaires Étrangères à Paris. 

– Douzième tenture, haute lisse, sans or. 3 pièces, Février, Juin, Octobre. Aux armes du comte de Toulouse.  Vers 1725 : atelier Audran. Dix pièces appartenant aujourd'hui  aux collections du Metropolitan Museum of Art, ont été décrites en 1985 par E. A  Standen en 1985 dans European Post-edieval tapestries page 331. 

 

Description des douze tapisseries des Mois Lucas :

—  Verseau - Janvier - Le Jour de l'An : Un cortège de trois couples, les hommes portant des torches et les dames tenant chacune une flèche, vient de la gauche. Au fond de la salle, sous un dais, un personnage à deux visages tient de la main droite un serpent se mordant la queue, symbole de l'Eternité; à sa droite, une femme endormie (l'année qui finit); à sa gauche, une femme apporte une corne d'abondance;

—   Poissons - Février - Le Jeu : A gauche, des personnages revêtus de lourds manteaux fourrés se chauffent à une grande cheminée richement ornée. Au fond, une femme apporte du bois. Un seigneur et une dame jouent au tric-trac sur la table; au premier plan à droite, une jeune femme assise à terre et un jeune homme assis sur un banc jouent aux cartes; 

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-fevrier-les-jeux_soie-textile_basse-lisse_laine-textile

—   Bélier - Mars - Pêche et jardinage  : A gauche, au barrage d'un cours d'eau, deux hommes vident dans un grand baquet les poissons qu'ils pêchent dans un filet; à droite, dans un jardin, une dame assise fait ratisser les plates-bandes. Plus loin, un homme aide une femme à décharger le panier plein de pots de fleurs qu'elle porte sur la tête, au fond, cours d'eau, paysage et maisons.

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-mars-peche-et-jardinage_soie-textile_laine-textile_basse-lisse

—   Taureau - Avril - Le Concert :   Une dame -richement vêtue- est assise sur l'herbe et tient une couronne, à côté d'elle, une autre femme joue de la cithare; derrière elle, un homme chante. Appuyée à un arbre, une femme joue de la mandoline. Au fond sur une pièce d'eau, un bateau transporte deux musiciens, un batelier et une femme.(6e tenture) Une femme adossée à un arbre joue de la cithare, elle est entourée de plusieurs femmes dont une agenouillée cueille des fleurs. au second plan, des personnages dans un bateau devant un grand bâtiment ; La bordure est composée de fleurs, fruits et instruments de musique, aux armes de la Princesse de Conti.

—  Gémeaux-Mai- le tir-à-l'arc : 

http://www.photo.rmn.fr/archive/07-504511-2C6NU0C0QSRF.html

 —   Cancer - Juin - La tonte des moutons :  Au premier plan, à droite, une femme tient un mouton sur ses genoux et met la laine dans un panier. Plus loin sur la gauche, une femme s'apprête à tondre un mouton. Au premier plan, à gauche, une homme tenant une cruche, une femme portant un panier. A l'arrière plan, des chars attelés de chevaux transportent la laine.

 —   Lion - Juillet - La chasse au faucon : Une dame vue de face à califourchon sur un cheval blanc tient un faucon; elle est acompagnée d'un cavalier et d'un écuyer à pied qui porte plusieurs oiseaux. Plus loin, des enfants se baignent (sur la droite) tandis que des paysans fauchent le foin

— La Vierge - Août- La paye des moissonneurs :  On achève au fond de rentrer les récoltes entassées sur des charrettes ; au premier plan, une vieille femme, installée sous un arbre, compte de l'argent aux moissonneurs ; à ses côtés, un homme inscrit les sommes sur un tableau. A gauche, un vieillard et une femme font leurs comptes sur un tronc d'arbre. 

—    Balance - Septembre - Le Bat l'eau : A gauche, une dame sur un cheval accompagnée d'un cavalier assiste à la capture du cerf dans un étang ; un veneur se tient près d'elle, tournant le dos. A droite, un valet de chiens tient deux chiens. Dans le fond, un château au bord de l'eau.

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-septembre-le-bat-l-eau_basse-lisse_soie-textile_laine-textile

—   Scorpion - Octobre - Les vendanges :  Au premier plan à gauche, un seigneur- assis sur l'herbe en compagnie d'une dame- tient un pot d'étain sur le genou; derrière eux, une tête d'enfant (supprimée dans les modèles du XVIIIème siècle) et une servante apportant un plat de fruits./ Au premier plan, deux enfants mangent des raisins qu'ils prennent dans une corbeille ; au second plan, des vendangeurs versent des corbeilles de raisin dans une cuve où deux hommes foulent la vendange. Plus loin, une ronde de danseurs.

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0329/m501703_03-007327_p.jpg

—  Sagittaire - Novembre - Les semailles : Au premier plan au pied d'un arbre, une femme prend du grain dans un sac pour en remplir la besace d'un semeur; à droite: un homme est assis au pied d'un arbre, une femme lui donne à manger.

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0329/m501703_94-052023_p.jpg

—  Capricorne - Décembre - Patinage : Au premier plan à gauche, un personnage, l'épée au côté, se penche et met la main sur le corsage d'une jeune femme assise à terre avec un enfant, à ses côtés, un panier rempli de patins. Un peu plus loin, un jeune homme est assis à côté d'une jeune femme et d'une enfant. Au second plan, des patineurs glissent devant un grand bâtiment.

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0329/m501703_03-007327_p.jpg

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Description des bordures.

Fenaille et Calmettes 1923 décrivent cinq bordures différentes : 

1. La première bordure, copiée sur la tenture originale de Bruxelles, est formée  de fleurs, fruits et oiseaux entre deux moulures, avec des médaillons au milieu des 
traverses et des montants et quatre médaillons aux angles. Le médaillon du milieu 
de la bordure du haut représente le signe du zodiaque du Mois; les autres médaillons 
représentent des têtes de femmes, de guerriers et, en bas, des scènes d'enfants. 

2. La deuxième bordure à fleurs et à fruits, exécutée pour la princesse de Conti, 
ne porte de médaillons qu'aux quatre angles, avec des jeux d'enfants. Au milieu de la 
bordure du haut, deux écussons aux armes de

 Bourbon-Conti. Au milieu de la bordure du bas, un écusson avec le  chiffre A. M. d'Anne-Marie de Bourbon, Au milieu des bordures latérales, des instruments de musique champêtre. 

3. La troisième bordure composée par Blain de Fontenay et Perrot, en 1780, est formée d'un quadrillé jaune sur fond bleu, interrompu aux angles par des écoinçons 
entourés de fleurs et, au milieu des bordures horizontales, en haut, par un écusson aux armes de France, et, en bas, parmi médaillon avec le signe du zodiaque. 

4. Une quatrième bordure similaire, avec quadrillé et écoinçons, porte au milieu 
de la bordure du haut un écusson entre deux grandes ailes et,au milieu des bordures 
latérales, un médaillon avec une tête entourée de rayons. Les écoinçons sont accompagnés de cornes d'abondance d'où sortent des fleurs et des fruits. 

5. La dernière bordure, semblable à la deuxième bordure des Sujets de la Fable, 
représente un cadre en bois sculpté doré, avec les écoinçons et médaillons du haut 
et du bas encadrés de fleurs peintes au naturel, 

Nous verrons que les bordures des tapisseries de Chenonceau appartiennent au premier type. Le fait qu'elles soient "copiées sur la tenture originale" indique donc que les jeux d'enfants avec les papillons, qui nous intéressent,  datent donc du XVIe siècle. La base Joconde décrit ainsi la bordure de la tapisserie de la Vierge conservée à Pau : "Bordure à fond rouge orangé, à guirlandes de fleurs et de fruits sur un bandeau accroché à des mufles de lion. Huit médaillons en camaïeu gris, trois en haut, deux sur le côté, trois en bas. Ceux du bas contiennent des sujets à personnages ; les deux des côtés et ceux des extrémités du haut, des têtes d'hommes casqués ou de femmes ; celui du milieu, le signe du zodiaque, avec le nom du mois écrit dessous en latin."  

 

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LES TAPISSERIES DU CHÂTEAU DE CHENONCEAU.

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Au deuxième étage du château de Chenonceau, trois pièces de tapisseries sont exposées dans la Chambre de Gabrielle d'Estrées, celles des mois de  juin, (le signe du Cancer et  la tonte des moutons), de juillet, (le signe du Lion et la chasse au faucon), et d'août, (le signe de la Vierge et la paie des moissonneurs),. Protégées au tiers inférieur par un panneau plastique, occupant les coins de la pièce, elles ne sont pas faciles à photographier dans leur intégralité. Je présenterai surtout le mois de Juillet avec les médaillons aux papillons. Ma curiosité se portera aussi sur la technique de la chasse au faucon.

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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A laquelle des douze tentures des Gobelins appartiennent-elles ?

Si on les compare aux tapisseries du château de Pau photographiées par la Réunion des Musées Nationaux et présentées comme appartenant à la Deuxième tenture, on constate qu'elles ont une disposition inverse.  Concentrons-nous sur le mois de Juillet : à Pau, le cavalier porte l'épée à droite (alors qu'elle est portée  à gauche "dans la vraie vie"), et la cavalière monte "en amazone" sur le coté droit du cheval, alors que dans la monte en amazone les jambes prennent appui en réalité sur un seul étrier du coté gauche. La tenture de Pau a été copiée "en contre-partie", en inversion des Mois originaux.

 

 

 

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Château de Pau, 2e tenture des mois Lucas : le lion, juillet, la chasse au faucon, Dimensions : Hauteur: 3.03 m Largeur: 3.20 m. Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Pau) / René-Gabriel Ojéda: http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-le-lion-juillet-la-chasse-au-faucon_laine-textile_basse-lisse_soie-textile

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 Les tapisseries de Chenonceau appartiennent (c'est du moins ma déduction) à la  Cinquième Tenture des Gobelins, exécutée pour le Roi Louis XIV en 1712-1714 dans l'atelier  de Souet. Les pièces sont bien dans le sens des descriptions et dans le sens des originaux. 
Les personnages portent l'épée à gauche et les dames à cheval sont assises du côté 
montoir.  En effet, alors que la Deuxième tenture était tissée en contre-partie de la tenture originale, cette Cinquième tenture copiée sur la première tenture du Roi se trouve dans le sens  des originaux.

Elle fut donnée  par ordre de Louis XV du 4 mars 1717, au baron puis comte Eric-Magnus de Sparre de Sundby (1665-1726)  en échange de la tenture Triomphe des Dieux  des Arabesques qu'il avait rendu.  

 Le comte de Sparre a servi dans l'armée du roi de France depuis 1683 (ou 1688) et, en 1694, le roi l'a nommé colonel d'un régiment d'infanterie regroupant des fantassins allemands. En raison de ses liens étroits avec la maison royale française, il a été nommé ambassadeur en 1715, mais a été rappelé en 1717 en Suède. Il a alors été nommé chancelier en 1718 par la reine Ulrique-Éléonore, qui a gouverné la Suède trois mois entre décembre 1719 et février 1720 avant d'épouser le roi Frédéric Ier et d'abdiquer en sa faveur. Le comte de Sparre a ensuite offert la tenture à la reine. Les Mois Lucas sont restés dans la collection royale jusque (??)  1900, date à laquelle la tenture a été mise en vente. Certaines pièces ont été acquises à un particulier par Carl Robert Lamm (mort en 1938), membre d'une dynastie d'industriels suédois. Lamm était un collectionneur passionné et logeait ses vastes propriétés au château de Näsby, construit au 14ème siècle, et qu'il avait acquis en 1902 et reconstruit après un incendie de 1897. Une grande partie de sa collection a été vendue à New York en 1923 malgré les protestations des médias suédois. La pièce d'Octobre a été vendue  100000  dollards par Christie's le 20 mai 2014 au Nationalmuseum de Stockholm.

 

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 Selon M. Fenaille , en 1900, "plusieurs pièces des Mois Lucas, paraissant provenir de cette tenture [la cinquième],  et de la fabrication des Gobelins, existent dans des collections particulières (collection Gaston Menier pour Mai, Juin, Juillet et Août et Achille Leclercq pour Novembre) ". Or, Gaston Menier (1855-1934), frère d'Henri Menier et issu de la famille des Chocolats Menier,  est l'héritier du château de Chenonceau en 1913. J'ai donc la preuve définitive que les pièces exposées à Chenonceau appartiennent à la Cinquième tenture, et qu'elles sont entrées au château de Chenonceau entre 1913 et 1923 par acquisition de la famille Menier. Selon E.A. Standen 1985 p.344, la pièce de Mai a été vendue par la Galerie Jean Carpentier à Paris le 24 novembre 1936 (n°107, illust.).

Aujourd'hui, 7 des pièces de la Cinquième tenture sont connues (Standen 1985, pp. 333 ) : Janvier était la propriété en 1928 de la comtesse  Eva Trolle-Bonde. Mai, Juin, Juillet et Août appartenaient à Charles Menier, et ont été vendues à la  Galerie Jean Charpentier, Paris, en 1936 ; Juin, juillet et Août sont aujurd'hui à Chenonceau. Octobre appartient au Musée National de Stockholm. Novembre était la propriété d' Achille Leclerq à Paris. Décembre, a été exposé à San Francisco en 1922, puis détenu par  Wildenstein & Co.  

La bordure est la bordure flamande semblable à celle de la deuxième  tenture (n°160 du Mobilier de la Couronne), mais en contre-partie. 

Cette précision est utile car elle permet de dater ces pièces de Chenonceau, et d'affirmer que les scènes de genre aux papillons de la bordure ont été dessinées par le Maître des Mois Lucas : les petits patrons datent du XVIe siècle (1535) et sont d'origine flamande.

Fenaille et Calmettes 1923 donnent en illustration le mois de Juillet de cette 5e tenture : elle correspond bien à celle que j'ai photographiée à Chenonceau : 

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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55299316/f535.item.r=maurice+fenaille.langFR

 

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LES MÉDAILLONS AUX PAPILLONS DU JUILLET DES MOIS LUCAS.

 

Après ces longues présentations, il est temps de décrire les scènes des médaillons du coin inférieur de Juillet.

La première, dans le coin inférieur gauche, montre quatre enfants nus en train de jouer ; deux sont penchés vers le sol et tiennent chacun un insecte (criquet ?) pour les fiare se battre. Les deux autres s'amusent avec un papillon attaché par un fil.

Les ailes antérieures sont blanches, peut-être ponctuées de noir, et les ailes postérieures sont rouges, ponctuées et frangées de noir avec une marge blanche. Le corps de couleur crème porte trois points noirs. Il est illusoire de vouloir identifier une espèce, et il s'agit sans-doute, comme cela est habituel à l'époque, d'une papillon stylisé et fantaisiste. Ce n'est donc pas cette identification qui est intéressante pour l'histoire de l'entomologie, mais c'est le fait que, jusqu'à l'éveil de l'entomologie comme science (Joris Hoefnagel dans le dernier quart du XVIe siècle, Conrad Gessner,  Aldrovandi 1604, Theatrum insectorum de Moffet écrit vers 1590 et publié en 1634), les papillons sont plus souvent capturés par les enfants pour des jeux plus ou moins cruels, que collectionnés par les adultes.

L'artiste qui a créé les cartons s'est sans-doute inspiré des marges des enluminures des manuscrits médiévaux, dans lesquels les papillons sont nombreux, parfois visés par l'arc d'un chasseur. Ou plutôt (mais il faudrait procéder à un examen des 12 x 2 médaillons de la tenture), il s'est donné comme thème des coins de la bordure inférieure les Jeux d'Enfants.

— C'est le poète Jean Froissart qui a donné vers 1369 la première liste (vers 185-248) de 51 jeux d'enfants joués dans son Hainaut natal dans son Epinette amoureuse.  On y trouve la mention du papillon attaché par un fil : 

 Et pour chasser les papillons

Me voulais bien distingué

Et quand attraper les pouvais

D’un petit fil je les liais.

Et puis je les laissais aller

Ou je les faisais voler. 

— Les Jeux d'Enfants de Pieter Brueghel l'Ancien est un tableau qui date de 1560. On y trouve 91 jeux différents joués par 200 enfants, dont le jeu d'attraper des mouches, mais je n'y ai pas trouvé de papillons.

— La célèbre liste de Rabelais du chapitre XXII de Gargantua énumère 217 jeux : le jeune géant "couroyt voulontiers après les parpaillons" mais ne se préoccupe pas de les attacher.

— Au XIXe siècle, je trouve, en ligne, trois témoignages de cette pratique.

a) Dans le Journal des enfants: rédigé par toutes les sommités littéraires , Volume 1 de 1832, le fait y est donné comme un exemple de cruauté des enfants ; le fil est fixé à une épingle qui traverse le corps du papillon sans le tuer. 

b) Dansla Bibliographie de la France vol. 33 de 1845, page 481, on trouve la description d'une Estampe, gravure ou lithographie, sans date : "Le Papillon : un petit garçon, appuyé sur les genoux de sa mère pendant qu'il fait voler un papillon attaché à un fil." 

c) dans le catalogue du Musée Fol de 1856 est décrit un glyptique (ancien ?) :  "Amour adossé à une colonnette, il tient d'une main un papillon attaché à un fil. Le papillon en grec ψυχη (Psyché), a donné, par son double sens de papillon et d'âme, naissance à une foule de représentations allégoriques charmantes où le papillon représente l'âme de celle ou de celui que l'Amour a su toucher de ses flèches; le papillon lié au bout d'un fil est ainsi une sorte de gracieux rébus qui indique une âme prisonnière. Nicolo. L. 9. H. 10. Style romain. Intaille. Pâte."

— Au XXe siècle, l'écrivain et lépidoptérologiste Vladimir Nabokov rapporte ce jeu dans le dernier chapitre de son livre de Mémoires Speak, Memory : à Paris, en 1938 ou 1939, il est frappé par la rencontre d'une fillette d'une dizaine d'années qui tient par un fil un papillon vivant, un Vulcain (Vanessa atalanta):

 "Likewise, I can name a blooming garden in Paris as the place where I noticed, in 1938 or 1939, a quiet girl of ten or so, with a deadpan white face, looking, in her dark, shabby, unseasonable clothes, as if she had escaped from an orphanage (congruously, I was granted a later glimpse of her being swept away by two flowing nuns), who had deftly tied a live butterfly to a thread and was promenading the pretty, weakly fluttering, slightly crippled insect on that elfish leash (the by-product, perhaps, of a good deal of dainty needlework in that orphanage). You have often accused me of unnecessary callousness in my matter-of-fact entomological investigations on our trips to the Pyrenees or the Alps; so, if I diverted our child’s attention from that would-be Titania, it was not because I pitied her Red Admirable (Admiral, in vulgar parlance) but because there was some vaguely repulsive symbolism about her sullen sport." (Speak, Memory, chapitre XV)

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Le médaillon du coin inférieur droit montre deux enfants. L'un est  penché à quatre pattes vers un insecte (un criquet ?) qu'il observe. Le second tient un rateau de la main droite, et semble en train de poser sur le dos de son camarade un papillon aux ailes blanches marquées de deux points bleus. Là encore, toute identification est illusoire, d'autant que la face dorsale de l'aile (antérieure) de droite est reprise à l'identique pour la face dorsale de l'aile de gauche. Un rateau de fenaison est posé sur le sol.

 

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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On peut conclure de ces deux médaillons, confrontés à mes autres études de l'iconographie des Lépidoptères,  qu'au début du XVIe siècle, les papillons ne sont pas considérés comme des sujets d'étude et d'identification, voire de collection, mais, sans distinction d'espèces et de genres, comme des insectes colorés faisant l'objet, pour les enfants, de jeux parfois cruels, alors qu'ils sont, pour les adultes, le support de considération allégoriques ou religieuses en relation soit avec la libération de l'âme hors du corps après la mort, soit le thème de l'inconstance, de la futilité, de l'inconscience des dangers (phalènes se brûlant à la flamme) ou des inquiétantes et suspectes métamorphoses.

Voir ici mes articles sur les papillons dans l'art et la littérature :

liste de mes articles sur les papillons. 

Les bordures à médaillons des Mois Lucas.

L'examen des autres pièces des tentures des Mois Lucas fidèles au premier modèle bruxellois montre que les médaillons à grisaille des bordures obéissent à une répartition constante : en haut et au centre, le signe du zodiaque et le nom du mois. Aux coins supérieurs et au milieu des bordures latérales, des profils à l'antique au style Renaissance. Dans la bordure inférieure, des jeux d'enfants (parfois, ces enfants portent des ailes) à chaque coin, et une scène un peu différente et fabuleuse au centre (pour Juillet, le médaillon du centre inférieur montre un lion portant sur son dos un homme (ou enfant) nu). Les images en ligne disponibles ne permettent pas de préciser quels sont les jeux d' enfants pour les autres mois ; pour le mois d'août, je présenterai plus bas les images prises à Chenonceau.

Auparavant, examinons la chasse au faucon du mois de Juillet. J'emprunte la photographie de la pièce du château de Pau (inversée par raport à la Cinquième tenture).

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La chasse au faucon.

 

http://www.photo.rmn.fr/archive/06-528307-2C6NU0PTIE4Z.html

 

notice : http://www.photo.rmn.fr/archive/06-528307-2C6NU0PTIE4Z.html

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Le personnage de premier plan est présenté par Fenaille comme un écuyer. Il porte l'épée, il est richement habillé avec des culottes et un pourpoint à crevé, un bonnet à plume, et des bas rouges. Il tient une longue baguette posée sur l'épaule gauche  et trois oiseaux, peut-être des perdrix . J'en ferai volontiers le fauconnier, tenant la hampe servant de perchoir aux faucons, portant la trompe de chasse, et guidant les deux chiens qui vont devant lui. Les deux liens qui se croisent sur sa ceinture sont-ils des lacs destinés aux faucons ? [Le roi dispose, au sein de sa Maison, d'un Fauconnier maître, puis en 1406 du Grand Fauconnier de France, mais à partir du règne de Louis XIV et de l'usage des armes à feu, la charge tend à devenir purement honorifique, les rois ayant cessé de chasser au vol. Les ducs emploient aussi un fauconnier ducal, et sans-doute les grands seigneurs en font-ils autant.]

 

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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La cavalière tient le faucon sur un gant épais (dont la manche est dotée d'un contrepoids) ; l'oiseau ne porte pas de chaperon, et on ne voit aucun des lacs qui pourraient le retenir. Il s'agit peut-être alors d'un autour, un oiseau de bas vol, plutôt qu'un oiseau de haut vol comme un faucon pèlerin ou émerillon, un lanier, un sacre, ou un gerfaut, dont la tête est encapuchonnée.  (Cosmovisions)

C'est le cavalier en pourpoint de soie rouge et bonnet à plume qui m'intéresse le plus : je ne comprenais pas ce qu'il faisait. Il vient de lancer en l'air le leurre, fait d' ailes d'oiseaux ficelées,  enveloppées dans l'étui rouge et blanc. Il s'agit peut-être d'un gibier vivant.  On le voit (sur la photo générale) dans le ciel. Notez que l'usage du leurre est propre aux oiseaux de haut vol. Est-ce là la dernière phase de dressage avant la chasse ? Non, puisque le fauconnier porte les perdrix déjà chassées. Le leurre est (?) plutôt destiné à déclencher l'envol du faucon, afin qu'il se saisisse d'une proie visible entre les deux branches des deux arbres. C'est le "vol à vue". La proie a pu être levée par les chiens juste auparavant. Sur un site, je lis que le leurre est utilisé en le faisant tournoyer pour rappeler le faucon qui s'est éloigné. Cela ne correspond pas à notre image.

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Le choix de la chasse au faucon pour illustrer le mois de juillet et le signe du Lion est surprenant. Sur le zodiaque de la cathédrale de Chartres, cette chasse correspond au signe du Taureau et aux mois d'avril-mai. A Notre-Dame de Paris, elle est liée au signe des Gémeaux. A la cathédrale d'Amiens, c'est le mois d'avril. Dans les Très Riches Heures du Duc de Berry, elle correspond au mois d'août. Dans la tenture des Chasses de Maximilien, dont les cartons sont dues à Barend Van Orley, ce sont les mois de mars et avril qui présentent cette chasse, alors que la chasse au cerf occupe les mois de mai à octobre. En effet, la chasse au cerf est considérée comme la plus noble de toute, mais n'est possible que lorsque les animaux ont reconstitués, vers la mi-juin, leur ramure. La chasse au faucon est envisagée comme une activité de substitution. Inversement, on ne peut chasser au faucon au moment de leur mue, en mai. 

Voir : 

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Comparaison avec les Chasses de Maximilien, mois de Mars et Avril.

On remarque, derrière la femme tenant le faucon, son fauconnier tenant la hampe. La chasse au faucon était-elle préferenciellement l' activité des épouses des grands seigneurs ? 

 

Les chasses de Maximilien 1530 : Avril

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0199/m503501_d0110330-000_p.jpg

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Le mois d'Août : a Vierge, la Paye des Moissonneurs. Cinquième tenture.

Notice et image de la base  Joconde pour la 2e tenture : http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0468/m505886_gmtt-46-002-3204_p.jpg

Le Mois d'Août représente, sur le devant, des fermiers qui payent des ouvriers; dans le lointain, 
plusieurs figures qui scient des bleds, d'autres qui le ramassent, et qui le chargent dans des 
charrettes, de 10 pieds de long sur 10 pieds de haut. 

La Paye des moissonneurs: — Au pied, d'un arbre qui occupe le milieu de la composition, une femme assise, tenant une bourse, paye de la.main droite un homme 
debout devant elle, du. côté gauche. A. côté de la femme, à droite, un jeune homme 
assis écrit sur un registre. Debout, à côté de la femme, un vieillard s'appuie sur 
un bâton. A droite, au premier plan, un homme compte sur un tronc d'arbre des 
pièces de monnaie qu'une femme prend dans un sac. A gauche, une femme assise, 
tenant un panier de la main droite, écarte de la main gauche un homme qui lui met 
la main sur l'épaule. Au fond, à gauche, moissonneurs; à droite, char chargé de 
gerbes et bâtiments d'une ferme.

 

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Médaillon de bordure, coin inférieur gauche. Les enfants dénicheurs et oiseleurs .

Trois enfants sont penchés ou accroupis devant des arbres en pots et tiennent l'un un oiseau, l'autre un nid avec trois poussins, le troisième des œufs.

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Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Médaillon de bordure, coin inférieur droit. Jeux d'enfants.

Quatre enfants dont deux se disputent un objet : paire de ciseaux ? lame ou fer ?

 

 

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Le mois de Juin. Cancer. Tonte des moutons.

Carton ca 1535 : http://metmuseum.org/art/collection/search/347667

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fimages.metmuseum.org%2FCRDImages%2Fes%2Fweb-large%2FDT4739.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fwww.metmuseum.org%2Fart%2Fcollection%2Fsearch%2F227027&h=459&w=600&tbnid=Q5a9_bx2eq05sM%3A&docid=IycQWqiovpAkRM&ei=W7tFV7-9G8G4abObtdAO&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=526&page=1&start=0&ndsp=35&ved=0ahUKEwj_1uCwvPXMAhVBXBoKHbNNDeoQMwgfKAEwAQ&bih=775&biw=1600

Description.

Le Mois de Juin représente, sur le devant, plusieurs figures qui tondent des moutons; dans le 
lointain, plusieurs petites figures qui lavent la laine, d'autres qui étendent pour la faire sécher 
et qui la chargent dans des charrettes, de 10 pieds 1/2 de long sur 10 pieds de haut. 

La Tonte des moutons. — Au premier plan, à droite, une femme tient un mouton 
sur les genoux et met la laine dans un panier; deux enfants sont auprès d'elle Plus 
loin, une femme tenant des ciseaux s'apprête à tondre un mouton qu'un homme, au 
milieu, lui apporte. Au premier plan, à gauche, un homme tenant une cruche et une 
femme tenant un panier dans le bras et une corbeille sur la tête se dirigent vers les 
travailleurs. Au fond, de nombreux personnages, des femmes au milieu de la rivière 
lavant la laine, des chars attelés de chevaux et portant de la laine. Au fond à droite, 
plusieurs bâtiments. 

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0330/m501703_03-007320_p.jpg

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Coin inférieur. Quatre enfants jouant avec de la paille.

L'un est allongé , un autre semble faucher du foin, un troisième tient de la paille ou de l'herbe (ou plutôt un écheveau de laine) au dessus de son camarade, et le dernier, à gauche, tient d'une main un pot et de l'autre une brosse (un goupillon ?). 

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Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons.  tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons. tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

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Coin inférieur de la bordure. Enfants à la balançoire.

Un enfant est installé sur une balançoire (ou "escarpolette")  suspendue à un arbre ; il est poussé par deux camarades. Deux moutons paissent à leurs pieds.

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Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons.  tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons. tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

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SOURCES ET LIENS.

—FENAILLE (Maurice), CALMETTES ( Fernand )  1903-1923 État général des tapisseries de la manufacture des Gobelins depuis son origine jusqu'à nos jours, 1600-1900. Hachette (Paris)  2. page 337

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55299316/f521.image.r=maurice+fenaille.langFR

description des bordures page 344 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55299316/f530.item.r=maurice+fenaille.langFR.zoom

— Art Bulletin of Nationalmuseum Volume 21, 2014 

http://nationalmuseum.diva-portal.org/smash/get/diva2:875648/FULLTEXT01.pdf

— Au château de Pau :

http://chateau-pau.fr/objet/les-mois-lucas-le-jeu-de-cartes-mois-de-fevrier

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_3=AUTR&VALUE_3=CORNELIS%20Lucas%20&DOM=All&REL_SPECIFIC=3

— La tapisserie flamande du XVe au XVIIIe siècle Par Guy Delmarcel Lannoo Uitgeverij, 1999 - 384 pages

https://books.google.fr/books?id=e5o8L-ckh_QC&dq=Guillaume+de+Pannemaker&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— Met museum : Months of Lucas :

http://www.metmuseum.org/art/collection/search/227024

http://metmuseum.org/art/collection/search/227023

— Drawings for the "Months of Lucas" Tapestry Series Edith A. Standen Master Drawings Vol. 9, No. 1 (Spring, 1971), pp. 3-14+73-80 Published by: Master Drawings Association Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1553120 Page Count: 20

— Jerzy Wojciechowski : "May" and "August": Two Drawings by the Master of the Months of Lucas

Master Drawings Vol. 33, No. 4 (Winter, 1995), pp. 410-413 Published by: Master Drawings Association

Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1554242 Page Count: 4

https://www.jstor.org/stable/1554242?seq=1#page_scan_tab_contents

— PLANCHE (Alice), 1980, Culture et contre-culture dans l'epinette amoureuse de Jean Froissart : les écoles et les jeux, Presses Universitaires de Provence. p. 389 à 403 http://books.openedition.org/pup/2730?lang=fr

— POMEL Fabienne), 2015, « Jean Froissart, L’Épinette amoureuse », Perspectives médiévales [En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 19 mai 2016. URL : http://peme.revues.org/9376 ; DOI : 10.4000/peme.9376 

— FROISSART (Jean) , L’Épinette amoureuse, édition de Nathalie Bragantini-Maillard, « Moyen Âge en traduction » 5, Classiques Garnier, Paris, 2014, 192 p.

— Idem, Bnf Ms fr. 830 et 831

— Tapestry in the Baroque: Threads of Splendor Par Thomas P. Campbell,Pascal-François Bertrand,Jeri Bapasola,Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.) Thomas P. Campbell, Pascal-François Bertrand, Jeri Bapasola, Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.) Metropolitan Museum of Art, 2007 - 563 pages page 206

https://books.google.fr/books?id=PmgcggIXlX8C&dq=the+lucas+months+tapestry&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

https://books.google.fr/books?id=PmgcggIXlX8C&pg=PA206&lpg=PA206&dq=the+lucas+months+tapestry&source=bl&ots=G10J8CNfh6&sig=BvyQ35_N8XKhYQ_YBUX_D2DSSgk&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjVu5D_zdLMAhXF0xoKHZgwAxIQ6AEIYzAO#v=onepage&q=the%20lucas%20months%20tapestry&f=false

Philadelphia Museum of Art : http://www.philamuseum.org/collections/permanent/50566.html?mulR=23872

— The Comte de Toulouse's "Months of Lucas" Gobelins Tapestries: Sixteenth-Century Designs with Eighteenth-Century Additions Edith A. Standen, and Janet Arnold 1996 Metropolitan Museum Journal, Volume 31 | 1996

— WIKIPEDIA he Months of Lucas, March', Flemish (Bruges) wool and silk tapestry, c. 1650, Dayton Art Institute: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%27The_Months_of_Lucas,_March%27,_Flemish_wool_and_silk_tapestry,_c._1650,_Dayton_Art_Institute.JPG

—  European Post-medieval Tapestries and Related Hangings in the ..., Metropolitan Museum of Art, 1 janv. 1985 - 848 pages Volume 2 page 45 Par Edith Appleton Standen 

 https://books.google.fr/books?id=GbW18KCGWgEC&dq=the+lucas+months+tapestry&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 
— Liste des jeux de la toile de Brueghel : http://kartavoir.blogspot.fr/2015/01/n133-les-jeux-denfants-1560-pieter.html

— 1845 Le Papillon : un petit garçon, appuyé sur les genoux de sa mère pendant qu'il fait voler un papillon attaché à un fil. Estampe, gravure ou lithographie, sans date mais signalé dns un catalogue de 1845 in Bibliographie de la France vol. 33 page 481 : 

https://books.google.fr/books?id=DrtZAAAAcAAJ&pg=PA481-IA7&lpg=PA481-IA7&dq=enfant+tenant+un+papillon+attach%C3%A9&source=bl&ots=Cc9pSMYAgd&sig=UGVe0EGurvEqhrFN3UbZnI1UzEc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjRnbWzyeDMAhVDOhoKHZwhC_QQ6AEIHDAA#v=onepage&q=enfant%20tenant%20un%20papillon%20attach%C3%A9&f=false

— 1856.  Catalogue du Musée Fol  : Glyptique  "Amour adossé à une colonnette, il tient d'une main un papillon attaché à un fil. Le papillon en grec ψυχη (Psyché), a donné, par son double sens de papillon et d'âme, naissance à une foule de représentations allégoriques char mantes où le papillon représente l'âme de celle ou de celui que l'Amour a su toucher de ses flèches; le papillon lié au bout d'un fil est ainsi une sorte de gracieux rébus qui indique une âme prisonnière. Nicolo. L. 9. H. 10. Style romain. Intaille. Pâte."

 

https://doc.rero.ch/record/12413/files/mf2.pdf

de W Fol - ‎1874 - ‎Cité 7 fois  - ‎Autres articles 

https://doc.rero.ch/record/12413/files/mf2.pdf

— Journal des enfants: rédigé par toutes les sommités littéraires et ..., Volume 1 1832

https://books.google.fr/books?id=Zw5MAAAAcAAJ&pg=PA75&dq=papillon+attach%C3%A9+fil+enfant&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiZwPaM0ODMAhWGORoKHXSwBSsQ6AEISzAE#v=onepage&q=papillon%20attach%C3%A9%20fil%20enfant&f=false

 

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 16:12

Le Machaon Papilio machaon Linnaeus, 1758 ( (Papilionidae, Papilioninae/Papilionini ) de 1304 dans le Bréviaire à l'usage de Verdun, BM Verdun Ms 107.

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A Madame Colette Bitsch, avec toute ma gratitude.

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Voir :

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Les artistes rivalisent depuis longtemps pour représenter l'un de nos plus beaux papillons, le Machaon. Par exemple l'illustrateur allemand  Jacob Hübner (1761-1815), Das Kleine Schmetterlingsbuch, planche 17 n°3 et 4, ou Sammlung europäischer Schmetterling n°390-391:

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Quelles sont les premières représentations exactes (fidèles au modèle naturel) du Machaon ? Depuis juillet 2013, lorsque j'écrivais mon article de zoonymie (ou "origine du nom"), et où je découvrais les illustrations de Réaumur (1734), je n'ai cessé de repousser la date de cette première image. Je crus que c'était celle de Claude Aubriet, (1715-1735)

http://www.lavieb-aile.com/2015/11/claude-aubriet-et-les-papillons-les-velins-du-roy-museum-d-histoire-naturelle-1710-1735.html

 

 

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Claude Aubriet, Collection des Velins Volume 86 folio 2

Claude Aubriet, Collection des Velins Volume 86 folio 2

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Ou bien celle de Joris Hoefnagel, autre enlumineur (1575-1582) ?

 

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Ou bien Thomas Moffet, dans son Theatrum insectorum publié en 1634, mais dont les aquarelles du manuscrit original préparé sur les travaux de Thomas Penny et sur la collection de Gessner étaient réalisées une cinquantaine d'années auparavant :

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Ou bien la médiocre gravure publiée dans De Animalibus insectis d'Aldrovandi, le premier livre imprimé d'entomologie, en 1602 ?

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Bien-sûr, il y avait cette peinture de Jan Sanders dans laquelle les ailes de l'archange Saint Michel étaient celles d'un Machaon. Elle datait de 1535.

Était-ce là  l'exemple le plus ancien de ma collection ? 

Je me suis intéressé, à la suite de Vazrick Nazari, à explorer les pages des manuscrits médiévaux. Ce dernier auteur a interrogé les principales bibliothèques européennes à la recherche de papillons sur les manuscrits et il a obtenu 32 manuscrits , dont le plus ancien, le Bréviaire de Belleville, date de 1323-1326.   J'ai exploré pour ma part le site Mandragore de la Bnf, qui m'a sélectionné (Classement thématique/Zoologie/ autre insecte/ papillon) 767 légendes soit 681 images numérisées. Ah, j'avais le choix ! Je n'ai pas ouvert les 681 liens, car la très grande majorité des papillons des manuscrits ornaient des marges ("encadrements" et "décors marginaux"), ou des lettrines sous formes de papillons stylisés, imaginaires et stéréotypés. On reconnait parfois la Petite Tortue Aglais urticae.  

J'ai ensuite interrogé la base de données  Enluminure regroupant les manuscrits de Bibliothèques Municipales françaises. Là encore, je fus comblé, mais de même, parmi les 400 réponses (ce qui ne veut pas dire 400 manuscrits ou 400 images de papillons) d'Aix-en-Provence à Verdun,  je voyais se succéder des lépidoptères d'ornement, non identifiables, mais qui animaient souvent des drôleries, ou que des manants tentaient d'attraper. Après plusieurs heures passées à cliquer sur les images pour les copier, je me suis arrêté bien avant d'avoir atteint Paris, vers Clermont-Ferrand (Missel à l'usage de Clermont), à la 102ème image. On va bientôt comprendre que j'ai eu tort.

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J'ai longtemps pensé (et je le crois encore confusément) que nos semblables, pendant la période médiévale, ne VOYAIENT pas les différentes espèces de papillons, car ils ne disposaient pas de moyens pour les NOMMER (le premier à nommer le Machaon est James Petiver en 1699 avec Royal William, puis vient  Maria Sybilla Merian avec le Papillon Basse la Reine de 1730, et Réaumur avec son "papillon à queüe de la belle chenille du fenouil" de 1734). Linné ne donnera le nom de Machaon qu'en 1758 , mais en 1746, dans Fauna suecica page 240  il le désignait encore à l'aide d'une longue formule latine, la diagnose : papilio hexapus alis flavo nicroque variegatis : secundariis angulo subulato maculaque fulva. !

J'ai aussi pensé que nos ancêtres médiévaux étaient aveuglés, dans leur esprit si moyenâgeux, par les présupposés qui associaient les papillons soit avec les âmes qui s'échappent du corps lors de la mort, soit avec les miasmes, les pestes qui abimaient les vêtements et les biens. Ces animaux étaient trop suspects pour devenir objet de curiosité.

Mais il y a des exceptions à toute généralisation, c'est heureux. Madame Colette Bitsch, l'auteure de l'étude sur le Manuscrit Cocharelli ,  vient de m'en adresser la preuve, en m'offrant un superbe cadeau : la découverte du Bréviaire à l'usage de Verdun. Un manuscrit de 1304 conservé à la Bibliothèque Municipale de Verdun sous la cote Ms 107... C'est exactement la dernière des 400 images dont j'avais débuté la consultation !

Ai-je jamais lu le bréviaire avec un tel plaisir gourmand ? 

Un indiscutable Papilio machaon m'attendait au folio 18. (ou folio 1)

Il occupait le bas de la page, enchâssé dans l'orbe d'un rinceau, et un lièvre coiffé d'un bonnet doré et vêtu d'une cape rouge lui donnait lecture d'un ouvrage savant, comme dans un épisode d'Alice au pays des merveilles.

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Papilio machaon,  dans le Bréviaire à l'usage de Verdun, 1304,  BM Verdun Ms 107 . folio 1

Papilio machaon, dans le Bréviaire à l'usage de Verdun, 1304, BM Verdun Ms 107 . folio 1

Papilio machaon,  dans le Bréviaire à l'usage de Verdun, 1304,  BM Verdun Ms 107 folio 1.

Papilio machaon, dans le Bréviaire à l'usage de Verdun, 1304, BM Verdun Ms 107 folio 1.

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Le  Ms 107 de la BM de Verdun est le tome II d'un Bréviaire d'été,  fut enluminé à Metz vers 1302-1305 sur l'ordre de Marguerite de Bar pour son frère  Renaud de Bar, haut personnage allié à plusieurs grandes familles d'Europe. Il fut nommé chanoine à Reims, Laon, Verdun et Cambrai, puis, avant 1298, archidiacre à Bruxelles, puis archidiacre à Besançon en 1299. En 1301 il fut nommé chanoine et princier de Metz, puis en 1302 prévôt de la Madeleine à Verdun. Le folio 1 (ou folio 18) qui nous intéresse est précédé d'un calendrier de 12 pages paginées A à F. Le Bréviaire débute donc par notre folio 1 et porte en rubrique (c'est à dire à l'encre rouge) et en incipit le mot INVITATORIUML’invitatoire est l’exhortation à la louange et à la prière, généralement chantée, qui ouvre la première ‘heure’ de l’office divin de la journée.

Le texte est disposé en deux colonnes de 28 lignes : nous lisons ensuite Adoremus Dominum qui fecit nos ("Adorons Dieu qui nous fit"), puis Venite Servite. Vient ensuite la lettrine, ou lettre ornée, qui est le B majuscule initiant la phrase Beatus vir qui no[n] abiit  i[n] consilio impiorum et in via peccatorum non stetit et in via peccatoru[m] non stetit et in cathedra pestilentie non sedit. C'est le premier verset du psaume 1 : "Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs". Un vermisseau bicéphale sert de bout-de-ligne . 

 

 

L'enluminure de la lettrine montre David jouant de la harpe à la Vierge, tandis que Renaud de Bar se tient agenouillé devant elle en position de donateur. Il est vêtu d'une tunique de clerc à capuche à ses couleurs et à ses armes, "'d'azur semé de croisettes au pied fiché d'or, à deux bars adossés du même, au lambel à trois pendants de gueules". La présence de David est parfaitement justifiée, puisque ce Bréviaire va largement faire appel à ses psaumes. La Vierge, couronnée, nimbée, cheveux longs, robe d'or et manteau bleu, tient une fleur (celle de la vertu et de la pureté ?) qu'elle tend à Renaud, qui vient peut-être de lui remettre en présent le luxueux manuscrit dont elle tient le codex sous le bras droit. Un ange nimbé, aux ailes vertes, lève les bras d'émerveillement, entre les deux voûtes ogivales.

Le texte du Psaume 1 se poursuit, seulement égayé par les bouts-de-ligne cocasses à hybrides anthropomorphes : 

Sed in lege Domini voluntas eius et in lege eius meditabitur die ac nocte

Et erit ta[m]quam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum q[uo]d fructu[m] suum dabit in tempore suo.

Et folium eius n[on] defluet : / et omnia quecumq[ue] faciet prosperabuntur /

Non sic impii non sic; sed tamquam pulvis quem // proicit ventus a facie terrae.

"Mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel, et qui la médite jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau, qui donne son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se flétrit point : tout ce qu’il fait lui réussit.

Il n’en est pas ainsi des méchants : ils sont comme la paille que le vent dissipe."

En bas de cette colonne de droite, nous trouvons les armoiries de Renaud de Bar, barrée d'une crosse épiscopale. Renaud de Bar fut le 67e évêque de Metz de 1302 à 1316. Il était fils de Thiébaut II, comte de Bar et de Jeanne de Toucy. 

Ideo non resurgent impii in iudicio neque peccatores in consilio iustorum

Quoniam novit Dominus viam iustorum et iter impiorum peribit

C’est pourquoi les méchants ne résistent pas au jour du jugement, ni les pécheurs dans l’assemblée des justes ;

Car l’Éternel connaît la voie des justes, et la voie des pécheurs mène à la ruine. 

 

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Bréviaire à l'usage de Verdun, 1304,  BM Verdun Ms 107 folio 1.

Bréviaire à l'usage de Verdun, 1304, BM Verdun Ms 107 folio 1.

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SOURCES ET LIENS.

— Site Enluminure , interrogé sur "papillon" :

http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=RETROUVER_TITLE&LEVEL=1&GRP=0&REQ=%28%28papillon%29%20%3aTOUT%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=9&FIELD_1=REFD&VALUE_1=&FIELD_2=Caut&VALUE_2=&FIELD_3=TITR&VALUE_3=&FIELD_4=SUJET&VALUE_4=&FIELD_5=DATDEB&VALUE_5=&FIELD_6=DATFIN&VALUE_6=&FIELD_7=ATTRIBUTION&VALUE_7=&FIELD_8=TOUT&VALUE_8=papillon&FIELD_9=DOMN&VALUE_9=%20&SYN=1&IMAGE_ONLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=100&DOM=All

 

http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=POSS&VALUE_98=%20Renaud%20de%20Bar%20&NUMBER=32&GRP=0&REQ=((Renaud%20de%20Bar)%20%3APOSS%20)&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=1&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=100&DOM=All

http://www1.arkhenum.fr/images/dr_lorraine_ms/MS0107/index.html

NAZARI Vazrick, 2014, "Chasing butterflies in medieval Europ", Journal of the Lepidopterists' Society n°68-4

https://www.academia.edu/19623264/Chasing_Butterflies_in_Medieval_Europe, 

STONES Alison, 2010," Les Manuscrits de Renaud de Barpage" in  L'écrit et le livre peint en Lorraine de Saint Mihiel à Verdun  IX- XV e siècles , Actes du colloque de Saint Mihiel 25-26 octobre 2010  Sous la direction d'Anne-Orange Poilpré avec la collaboration de Marianne Besseyre Brepol pages 269-310

https://www.academia.edu/16293275/Les_manuscrits_de_Renaud_de_Bar

 

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 18:29

A la chasse au papillon dans les manuscrits de la Bnf, je découvre ...une Fourmi Allégorique dans le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville (v.1330).

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Les papillons dans les manuscrits ? une place marginale.

La base de données iconographiques du département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France propose un classement thématique. Si ce dernier est consulté pour l'item "papillon" (Zoologie / autres invertébrés / papillons), il propose 767 légendes et 681 images numérisées. Les 200 premières données concernent le fond Français, les données suivantes le fond latin, dans lequel les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (Latin 9474) et les Petites Heures de Jean de Berry (Latin 18014) se taillent une part royale. La quasi-totalité de ces papillons des manuscrits occupent les marges, et sont classées sous les rubriques "encadrement", "décor marginal" et plus rarement "lettrines". Ce sont des papillons idéalisés ou stylisés, sans rapport avec des espèces réelles, figurés parmi des fleurs qui sont, elles le plus souvent identifiables. Ils ont été étudiés, dans les manuscrits des bibliothèques européennes, par Vazrick Nazari dans son article Chasing Butterflies in Medieval Europe en 2014, un article dont j'ai donné ici la traduction.

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Quelques exceptions : des papillons en plein texte.

Les exceptions à cette situation marginale se comptent sur les doigts des mains, mais elles stimulent la curiosité : quel phénomène a pu être assez puissant pour inciter les artistes à arracher les lépidoptères de leur monde des bordures, où ils côtoient les singes et les petits lapins, les fleurs des champs et  les rinceaux, pour mériter de figurer dans l'espace sacré du texte principal ?

La première raison est fort logique : dans trois ou quatre enluminures illustrant la Création du Monde lors de la Genèse, les papillons figurent avec les oiseaux, les reptiles et les mammifères autour du Dieu créateur.

 C'est le cas dans le Fr. 160 ou dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay au XVe siècle 

 

 

 

(Français 308).

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Bnf Français 160 folio 6, source image Mandragore. Domaine public.

Bnf Français 160 folio 6, source image Mandragore. Domaine public.

On trouve encore d'autres exemples ponctuels, comme le Français 185 (une Vie des saints du 2ème quart du XIVe siècle de Jeanne et Richard de Montbaston ), où un papillon stylisé sur un arbre répond à un chardonneret sur un autre arbre pour illustrer  "S. Paul le simple quittant le monde" dans le folio 177v et "Abba jean et paesius" dans le folio 271. Le papillon et l'oiseau y représentent la Nature, par métonymie.

 

 Français 185 folio 177v et "Abba jean et paesius" folio 271.
 Français 185 folio 177v et "Abba jean et paesius" folio 271.

Français 185 folio 177v et "Abba jean et paesius" folio 271.

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Mais un autre exemple plus singulier retenait mon attention, car il se présentait comme une énigme ou un rébus. Une femme couronnée présentait à un homme une double roue. Au sommet de celle-ci était peint un papillon aux ailes aussi crénelées qu'un Robert-le-Diable ou Polygonia-c-album. Il ne semblait pas réellement posé, mais il frôlait la roue, et peut-être lui donnait-il une impulsion. La base Mandragore indiquait que cette enluminure était le folio 61v du "Français 829" et donnait comme légende : Guillaume de Digulleville devant la roue symbolique.

Mais l'image proposée était de qualité médiocre : les premières heures de mon enquête furent occupées à trouver des informations sur le manuscrit et, surtout, à découvrir sa numérisation accessible en ligne sur Gallica avec un définition satisfaisante. Je me perdais ensuite dans l'abondance arborescente des exemplaires de ce texte dont je découvrais le titre — le Pèlerinage de vie humaine—, dans ses éditions modernes, dans les études de lexicographie, dans les commentaires et autres travaux, et enfin dans les recherches sur la toile des mots "roue" ou "papillon" associés au titre ou à son auteur. Ce papillon posé sur sa roue avait disparu du Net, et après de longues soirées passées à arpenter la campagne numérique, je ne récoltais rien dans mon filet (l'épisode de la Roue symbolique n'appartient pas à la première version, la mieux étudiée, du Pèlerinage de Vie Humaine). Le récit de cette chasse  au papillon, et de ce fructueux pèlerinage dans la littérature en Moyen français va exiger un article particulier (à suivre).

 

 

 

Français 829, Pèlerinage de vie humaine 1400-1410, folio 61v. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84497167/f130.item.zoom

Français 829, Pèlerinage de vie humaine 1400-1410, folio 61v. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84497167/f130.item.zoom

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Je découvris  que l'enluminure illustrait le dialogue d'un pèlerin  et d'une dame nommée Grâce dieu.  Le manuscrit Fr. 829 réunissait deux titres du même auteur, Guillaume de Digulleville, Le Pèlerinage de vie humaine et le  Pèlerinage de l'âme,  et la Notice de la Bnf  était suffisamment complète pour m'apprendre que le manuscrit datait de 1400-1410, qu'il était écrit en batarde, ou que l'enlumineur était désigné sous le nom de Maître du Livre d’heures de Johannette Ravenelle. Il faisait partie des enlumineurs parisiens à la fin du XIVe  et au début du XVe siècles, et avait travaillé sur trois autres exemplaires des  Pèlerinages  de Guillaume de Digulleville, conservés aujourd’hui à la BnF : les mss. Français 377, 1647 et 12468. L'enluminure était qualifiée de "dessin en grisailles rehaussé de couleurs sur fonds peints", numérotée dans la marge, et je découvrais ainsi le chiffre LXVj à sa gauche.   

Avec ses 220 folios à 2 colonnes en vers octosyllabiques, le manuscrit contient la seconde rédaction du Pèlerinage de vie humaine achevée par Guillaume de Digulleville en 1355, et la version longue du Pèlerinage de l’âme composée entre 1355 et 1358. 

L'auteur parlait à la première personne et se désignait comme "le pèlerin". Car la vie humaine était comparable à un pèlerinage, auquel succédait après la mort "le pèlerinage de l'âme". La simple lecture des légendes des illustrations permettait de comprendre ces pérégrinations, qui débutaient par le songe de Guillaume de Digulleville et s'achevaient par son réveil (f.218). Le pèlerin rencontrait Grâce Dieu au folio 4, et j'aurais bien voulu être présenté aussi : elle me faisait rêver, et je lisais  avec ravissement au folio 5 "Guillaume de Digulleville chez Grâce" ;  Au  folio 12 survenait l' excommunication d’un cerisier. Puis la belle dame donnait au pèlerin son équipement: son bourdon, longuement décrit en termes allégoriques, sa besace, ses prières, son armure, son "gambeson" (un vêtement matelassé qui représente la Patience), son "haubergeon" (une armure de maille lui conférant la Force morale), le heaume de la Tempérance, la gorgière de la Sobriété, les gantelets de Continence, l'épée de Justice et son fourreau d'Humilité,  l'écharpe de la Loi aux douze clochettes etc... Il parvenait ensuite devant une Haie (la Pénitence) séparant deux voies : celle du Labeur à droite, et celle de l'Oisiveté à gauche. 

 Au folio 51v, l'enluminure est décrite ainsi : " Grace-dieu lui fait observer une  fourmi ". Selon Mandragore, on ne trouve cette illustration d'une leçon de morale entomologique que dans deux manuscrits, le Fr.829 et le Fr. 377. Je décidais de m'y intéresser, et de remettre à plus tard l'étude du papillon.

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Une fourmi allégorie de la Persévérance chez Guillaume de Digulleville.

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Les fourmis sont beaucoup plus rarement représentées sur les manuscrits médiévaux que les papillons, et la base Mandragore ne totalise, pour le département Estampes de la Bnf, que 54 légendes et 41 images ; si on ne considère que les manuscrits français (et non les 11 documents latins, les œuvres arabes, grecques, mexicaines, persanes et japonaises) il ne reste que 13 manuscrits. La plupart des illustrations sont des ornementations classées "flore, fourmi" , quatre illustrent une fable, l'une est une allégorie de la Prévoyance (Ms Fr. 1877 qui date de 1530) .

Les deux illustrations du Pèlerinage de Vie Humaine de Guillaume de Digulleville sont assez semblables : une femme couronnée, (Grace Dieu), montre de son index à un pèlerin (l'auteur), un monticule. Dans le Fr.829, qui date de 1400-1401,   une fourmi est bien visible en son sommet, et quelques points noirs peuvent témoigner des traces de son parcours. Grace Dieu (nimbée, jeune et belle, aux longs cheveux clairs, le ventre projeté en avant en conformité avec les canons de l'époque ) désigne la fourmi mais regarde son interlocuteur. Celui-ci est tonsuré (Guillaume de Digulleville était moine de l'abbaye cistercienne de Chaalis près de Senlis), il tient le bourdon, et porte la besace de son statut de pèlerin, et discute avec ardeur les propos qui lui sont adressés. Cette posture résume tout l'ouvrage, dans lequel l'auteur argumente sans concession les propositions du messager divin, qui tente de le mener vers la voie de la vie sainte et de le faire renoncer aux tentations et illusions d'une existence mondaine. 

Ici, c'est une leçon de persévérance qui lui est donnée, basée sur l'observation d'un insecte qui s'efforce de gravir un tas de sable. Ce sable s'éboule régulièrement et fait retomber l'insecte en l'aveuglant. Et régulièrement,"le" fourmi (le substantif est masculin en moyen français, jusqu'en 1680 selon CNRTL) repart à la conquête de la pente, jusqu'au moment où il réussit à atteindre le sommet.  

Le manuscrit Fr. 829 a été en possession de Jean de Berry (le commanditaire des Heures du duc de Berry par les frères Limbourg)  et porte l'ex-libris au feuillet de garde 1 : "Ce livre est au duc de Berry. JEHAN" : c'est un objet de grande valeur.  Chaque enluminure est encadrée par un filet bleu ou rouge, alternativement, et ce filet s'inscrit dans un cadre d'or bruni. Le fond est rouge, quadrillé par des traits d'or. Le sol, le tas de sable et son fourmi, le pèlerin et Grace Dieu sont dessinés à l'encre noire sur le velin blanc, mais les volumes sont rendus par des ombres grises selon la technique de la grisaille. La verticalité des personnages est accentuée par l'étroitesse relative de la  largeur des corps par rapport à leur hauteur, et par le rapport <1 de la taille du segment supérieur (tête et tronc) sur le segment inférieur (bassin et jambes). La direction des plis, et le bourdon accentue cette verticalité.

 

Français 829, Pèlerinage de vie humaine 1400-1410, folio 51v.

Français 829, Pèlerinage de vie humaine 1400-1410, folio 51v.

Je fus directement concerné par cet exemple d'opiniâtreté, puisque le texte de la deuxième version du Pèlerinage de Vie Humaine , le Livre du pèlerin de vie humaine (LPV) n'a été édité qu'en août 2015 par Philippe Maupeu aux éditions Lettres Gothiques Livre de Poche : j'ai cru qu'il n'existait aucune transcription en ligne du texte ; toutes les études critiques avaient porté sur la première version (d'abord éditée par Stürzinger en 1893). Comme je n'ai découvert que tardivement l'édition des Lettres Gothiques, j'ai —bêtement, c'est une leçon d'humilité— recopié / transcris le texte à partir des manuscrits en ligne. Au cinquième jour de mon travail, je trouvais...la version en ligne sur Google book du texte que j'avais transcris ! Révélant toutes mes erreurs ! Et l'adaptation en français moderne, me permettant de vérifier ma bonne compréhension du texte. Ah, merci le Fourmi, pour une leçon, c'en est une.

https://books.google.fr/books?id=MkhmCgAAQBAJ&pg=PA536&lpg=PA536&dq=suspediter&source=bl&ots=uwrJdUXWAW&sig=AbG5v9N9zArhEE61ttUOtnT7zug&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjep4XflpjLAhWFQBoKHb5GDxEQ6AEIJjAC#v=onepage&q=suspediter&f=false

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Ma tentative de transcription de l'épisode de la fourmi :

Elle s'appuie sur deux manuscrits, le Fr.829 et le Fr. 377 , et sur une édition imprimée par Antoine Vérard, le Pélerinage de l'Homme Bnf Res. Ye-24. :

—Fr.829 folio 51v :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84497167/f110.image

—Fr. 377 folio 42v

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90596276/f88.item

.

Le folio 42v du Ms Fr. 377 et son enluminure :

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=10528613&E=90&I=35790&M=imageseule

 

.

—Res. Ye-24 folio XL

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k722969/f84.item.zoom

 

.

 

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.

Je débuterai un peu en amont de l'enluminure, pour le plaisir du premier distique 

Chacun est fort sur son fumier

Et en sa terre se fait fier

Non pas que ce a ie te die

Pour toy mettre en fetardie

Quar se tu veulx sus son fumier

Se sien tu soes de leschequier

Tu li feras eschec et mat [eschat et mat Fr. 829]

Il a ni mettra tant de debat

Pou a boire et pou a mengier

Pou reposer bien travailler

Disciplines et battemens

Oroisons et gemissemens

Instrumens de penitance

Si ten feront droit et vengance

Il ten feront estre vinceur

Dueisse et ne veille a grant honneur

 

Et alons voir le sablon

Dont devant tay fait mention

Tu le vois bien, long il n'est pas

 

 

I. Description de la scène.

Grâce montre au  pèlerin une fourmi qui tente de gravir un tas de sable, mais elle retombe et est aveuglée par le sable. A force de répeter son effort, elle parvient au sommet.

 

 

Si parle le pelerin

La alasmes nous pas pour pas

Et me monstra tantost au doit

Un fourmi qui monter vouloit

En haut sur le tas de sablon

mais selon son entention

Et son vouloir pas ne faisoit

Car quant un pou monte estoit

Le sablon qui estoit coulant

Sec et menu et moliant

Sur yeulx et teste lui cheoit

Et ravaler ius le faisoit

Soutenoyes de nen vaincu

Nestoit le fourmi ius cheu

Car a ramper recommencoit

Et plus que devant sefforcoit

Maintes fois le vi cheoir ius

mais tant fist que tout au dessus

En la fin je le vi monter

Et la en droit se reposer

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II. Commentaire par Grâce.

Cette fourmi doit servir d'exemplaire (d'exemple moral) au pèlerin. La simple leçon de persévérance (recommencer plusieurs fois une tentative après un échec sans se décourager) est developpée dans un sens chrétien, dans lequel l'obstacle à vaincre est le corps (ton corps est de sablon un tas), qui n'hesiteras pas à faire chuter le moine . Le sable, en retombant, va aveugler son "entendement", sa volonté morale, car ce corps est "sablonneux et moliant", mou et dépourvu de fermeté. L'homme renversé par sa chute sera la proie des tentations.

 

Grace dieu

Or puez dist grace dieu veoir

La force de ton corps se voir

Et celle de toy tout aussi

A l exemplaire du fourmi

Sa chascune fois quest cheu

Vertueux ne se fust tenu

Enuis peust avoir recouvre

Destre iamais en hault monte

Sur lui fust tant sablon cheu

Quil eust manis de vertu.

Ton corps est de sablon un tas

Qui pour vray ne se faindra pas [[faindre : hésiter]]

Quant tu vouldois en hault monter

De toi faire bas reculer

Sus loeil de ton entendement

Pour toi aveugler prestement

Et toi ravaler au plus bas

Saches que tu le trouveras

Sablonneux et bon moliant

Et temptacions ravalant

Tant que se ne te tiens forment

Et ne resistes prestement

 

 

 

III. Recours à la fourmi biblique.

Pour appuyer son exemple, Grâce reprends à son compte une citation du Livre des Proverbes. Proverbes 6:6 vade ad formicam o piger et considera vias eius et disce sapientiam « Va vers la fourmi, paresseux ; regarde ses voies, et sois sage. Elle qui n'a ni chef, ni surveillant, ni gouverneur, elle prépare en été son pain, elle amasse pendant la moisson sa nourriture. Jusques à quand, paresseux, resteras-tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ? Un peu de sommeil, un peu d'assoupissement, un peu croiser les mains pour dormir… et ta pauvreté viendra comme un voyageur, et ton dénuement comme un homme armé » (Prov. 6 : 6-11). Cette référence est souligné dans l'édition Vérard par une note marginale : Exemplum de formica ascem bente in fabulo

Ce Livre est traditionnellement attribué à Salomon. L'auteur cite le passage (Vas ten paresceux au fourmi Dist le sage et aprens de li Afin que surpris tu ne soyes Sapience et ses voyes) et estime que Salomon avait médité sur le même tas de sable et la même fourmi grimpeuse.

 

Peril est que quant tu voudras

Si de legier ne montes pas

Vas ten paresceux au fourmi

Dist le sage et aprens de li

Afin que surpris tu ne soyes

Sapience et ses voyes

Bien avoit veu salomon 

En son temps ce tas de sablon

Et le fourmi qui y montoit.

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IV. Glose de Grâces.

La sainte femme développe la citation : le pèlerin ne doit lutter contre la paresse. Son corps est son ennemi. Dans le discours qu'elle emploie, elle oppose "toi" et "ton corps" comme deux entités ennemies. L'adepte doit apprendre à "dompter" le corps et le "suppéditer", ce joli mot de moyen français qui signifie aujourd'hui (suppéditer CNRTL)  "procurer, fournir en abondance" mais qui signifiait alors "fouler aux pieds", voire "maltraiter, réduire à l'obéissance, détruire". La violence du dualisme est patente, mais ce qui est remarquable, c'est le recours aux images didactique servant à la mémorisation. Le corps doit être dominé comme l'archange saint Michel terrassant le Malin, saint Georges terrassant le dragon ou la Vierge de l'Apocalypse foulant la Bête, avec ces images de la statuaire montrant le pied du saint personnage posé sur l'animal monstrueux.  

Elle trace un tableau du corps comme un être paresseux, négligen, sommeilleux, cherchant le repos, la fuite face à la difficulté, préoccupé de manger, de rester à table ou allongé, faisant lentement ce qu'il faut faire, et retors avec ça, vicieux, cherchant à flatter et à tromper son propriétaire.

De même que la fourmi cherche à monter et à se placer au dessus du sable, le chrétien doit chercher à s'élever et doit redouter la chute : dans les marges du texte de l'édition Vérard se trouve cette citation de l'épitre de saint Paul aux Corinthiens 10:12 ... si [quis se existimat scire aliquid nondum cognovit quemadmodum oporteat ... itaque] qui se existimat stare videat ne cadat; "Ainsi donc, que celui qui croit être debout fasse attention à ne pas tomber!" (Trad.Louis Segond).

Quant tels parolles il disoit

Si que ainsi gardes toy bien

Que paresceux ne soyes de rien

De ton ennemi corps dompter

Dessous toy et suppediter

de ses sablonneux temptemens

Et ennuyeux empeschemens

Et trespercier pour en hault monter

Et com victeur hault reposer

Et lors bien armer te pourras

Toutes les fois que tu voudras

Toutesfoyes tant ie te di

Que ne te fies point en li

Car souvent lauvas paresceux

Est negligent et someilleux

Longuement vouldra reposer

Et sur laultre coste tourneraient

Au mengier quant lauras assis

Tard se lievera enuis

Tost vouldra faire lentement

Pour toy livrer empeschement

Son point saura bien espier

Quant sera temps de toy flater

Et lors quant garde nen donras

 

V. Les conseils de Grâce.

Rester sur ses gardes, ne pas se fier au corps, car c'est le "mortel ennemi" du pèlerin, considérer l'existence comme un combat livré au corps avec les armes de la Foi et des vertus chrétiennes, tels sont les conseils de Grâce. On lit en marge du Res. Ye-24 : Accessum habemus ad deus per gratiam in qua stamus Romanorum V.Capitulo, "citation de l'épître de saint Paul aux Romains 5:2 ":  per quem et accessum habemus fide in gratiam istam in qua stamus et gloriamur in spe gloriae filiorum Dei "c'est aussi par son intermédiaire que nous avons accès par la foi à cette grâce, dans laquelle nous tenons ferme. " C'est bien-sûr les termes in qua stamus, qui sont requis pour illustrer l'importance de la verticalité, et du maintien d'une statique ferme dans la Foi.

Deceu tu ten trouveras

Si ques ie te lo bonnement

Que sur ta garde fermement

Te tiengnes sans fiance avoir

En lui car quant faiz son vouloir

Ou tout contre toy lenforcis

Et lui ministres les outils

Par lesquelx il te gueroye

Et te destourne de ta voye

Si que se bien mas entendu

Bien te puet estre congneu

Bien puet veoir que cest celui

Quest ton mortel ennemi

Or ten vas car temps est daler

Et de toy quant vouldras armer

Ie tay convoye longuement

Et assez tenu parlement.

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Autres commentaires marginaux  de l'édition de Vérard

— Legitimus formica grana perforat ne germinet. Unde formica non solum dicitur ferens picas sed et ectam forans micas.

Allusion à la tradition selon laquelle les fourmis percent les grains pour les empêcher de germer.

—  Vade ad formicio piger et disce sapientia proverbiorum. VI.ca

Rappel abrégé du verset du Livre des Proverbes 6:6 "Va vers la fourmi toi qui est paresseux et sois sage."

— Nihil ergo nunc damnasionis est his qui sunt in christo iesu qui non secundum carnem ambulent. IC Romanorum VIII. capite.

: Épitre de saint Paul aux Romains 8:1 : "Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ." [2 En effet, la loi de l'esprit de vie en Jésus Christ m'a affranchi de la loi du péché et de la mort.]

—  Maledictus homo qui confidit in homine, et ponit carnem brachium suum et a Domino recedit cor eius Hieremei XVII.ca

Jérémie chapitre 17 : "Maudit est l'homme qui met sa confiance en l'homme, qui se fait un bras de la chair, et dont le cœur se retire du Seigneur."

— Nolite confidere in verbis mendacii Hieremie. VII.ca. 

Jérémie 7:4 :  "Cessez de vous fier à ces paroles trompeuses: " 

— Non secundum carnem ambulamus sed secundum Spiritum /et/ nam prudentia carnis mors prudentia autem Spiritus vita et pax quoniam sapientia carnis inimicitia est in Deo. paulus ad romanos VII.

Romains 7:4-7 [et cela afin que la justice de la loi fût accomplie en nous, qui marchons,] non selon la chair, mais selon l'esprit.[ Ceux, en effet, qui vivent selon la chair, s'affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l'esprit s'affectionnent aux choses de l'esprit.] 6 Et l'affection de la chair, c'est la mort, tandis que l'affection de l'esprit, c'est la vie et la paix; 7 car l'affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle ne le peut même pas.

 

 

 

 

 



 

 

 

DISCUSSION

En 1993, A. de Wolf dénombrait 53 personnifications et 60 réifications dans le pèlerinage de la Vie Humaine, et , pour définir le terme de "personnalification", cite Paul Zumthor : "l'Allégorie transforme un nom commun désignant quelque espèce naturelle ou rationnelle, en un nom autodéterminé qui renvoie, à la manière d'un prénom, au sujet d'actions réelles". Allégories ou personnifications ? L'article Wikipédia tente de distinguer les deux : "La personnification est une figure de style qui consiste à attribuer des propriétés humaines à un animal ou à une chose inanimée (objet concret ou abstraction) que l'on fait vouloir, parler, agir, à qui l'on s'adresse. L'allégorie également, souvent employée en concurrence avec la personnification, procède à partir d'une métaphore. On la distingue néanmoins de cette dernière par la nature du comparé ; dans l'allégorie le comparé est une notion abstraite (la Mort par exemple), prise de manière générale ou universelle. La personnification s'applique elle à donner vie à un animé non humain ou à un objet concret. l'allégorie suppose à la fois la personnification de réalités abstraites et le recours à une métaphore prolongée.". 

On peut simplifier en considérant que l'action de donner des noms propres aux vertus et aux vices est une personnification, comme Grace Dieu, Raison, Nature, Charité ou Pénitence, Mémoire et Rude entendement, Labour et Oiseuse, etc..

 

La réification (du latin res, chose) consiste à transformer ou à transposer une abstraction en un objet concret, à appréhender un concept comme une chose concrète. Le terme est aussi employé à propos des personnes vivantes.

Dans le Pèlerinage de Vie Humaine, la double roue de Sensualité du folio 61v (Fr 829) relève donc de ce procédé, bien que le papillon qui y est posé vienne compliquer les choses.

Mais quel statut donner à la Fourmi de Guillaume de Digulleville ? Elle n'est pas seulement le nom propre donnée à la persévérance, car la vertu qu'elle illustre est liée à l'action qui est mise en scène autour du tas de sable. Elle est l'héroïne d'une petite fable, et, en même temps, elle joue le rôle de le Fourmi de Salomon.

La Fourmi est depuis l'antiquité un exemple de travail, de prévoyance . Il est remarquable de constater que dans le texte du Pèlerinage, où le corps de l'homme est dévalorisé et suspect, l'animal ne partage pas ce sort, mais sert au contraire d'exemple de haute vertu, que ce soit, ici, la fourmi, ou, plus tard, le papillon.

Au  XIIIe siècle voit se multiplier les oeuvres de «vulgarisation", comme les lapidaires  ou les bestiaires, qui  se veulent des ouvrages de «sciences naturelles». En fait, les bestiaires, inspirés du Physiologus, composé en grec au IIe siècle après J. C., comme  De animalibus d'Albert le Grand, Speculum naturale de Vincent de Beauvais, De Bestiis et aliis rebus, attribué à Hugues de Saint-Victor) décrivent la «nature» des animaux réels ou imaginaires (phénix, licorne) en fonction des interprétations morales et religieuses. Le Bestiaire divin (1210), le plus long des bestiaires français en vers, dû à Guillaume le Clerc, atteste par son nom même l'insistance sur le symbolisme religieux. Tous les bestiaires portent la marque d'une vision du monde selon laquelle la nature, «livre de Dieu», peut se lire aussi sur le mode symbolique, et se  fondent  sur un système de «concordances» entre le monde des «semblances» et celui des «senefiances». 

 Guillaume le Clerc  écrit 5 pages à propos de la fourmi (p.219-223); je n'en donnerai que le début  :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8979h/f223.image

 

 

XI. DE FORHI.

Salemon dit au perecous

Que , se il veut estre rescous ,

De mauvestie et de perece ,

Si prenge garde a la proece

Del formi , qui tant est petiz.

Sages et prouz est li formi ;

Si se porveit el tens d'este,

Si qu'en yver a a plente ;

Et nul autre beste nel fet.

Quant il issent de lor recet,

Si vont moult ordeneement

L'un avant l'autre belement ,

Tant qu'il vienent au ble meur ,

La ou il est forme et dur ;

Et quant il sunt venu au grein ,

( De ce seiez trestuit certein ) ,

Par l'oudor del cbaume desoz ,

Savent quenoistre, tant sunt proz,

Se c'est orge , segle ou aveine.

Tôt par lor nature demaine

875 Les guerpissent, et avant vont,

Tant que au forment venu sont. (*)

Donc montent amont a l'espi.

Quant se sunt charchie et garni ,

A lor recet tornent arrière

Par une meisme chariere ;

Trestote jor vienent et vont.

(*) on notera que ce vers est cité presque textuellement par Guillaume de Digulleville dans l'extrait ci-dessus.  

« Les fourmis marchent en ordre; elles distinguent à l'odeur la nature du blé ; elles amassent des provisions pour l'hiver ; toutes, sans exception, travaillent ; elles fendent en deux les grains pour les empêcher de germer. » « Le devoir des chrétiens est de diviser le bon grain que leur offre l'Évangile; qu'ils ne s'attachent pas à la lettre qui tue , mais à l'esprit qui vivifie. » 

C. Hippeau, qui édite ce Bestiaire divin en 1852-1857, fait ces observations :

« Fade ad formicam o piger et meditare eam quae quum sit viribus infirmior, multum per œstatem frumentum reponit » C'est ainsi que Salomon, avant Élien et Horace (« Parvula nam exemplo est magni formica laboris. »), avait proposé à l'homme pour modèle ce petit animal , que l'antiquité tout entière a considéré comme le symbole de l'intelligence et du travail (Il ne faut pas tirer son nom, comme le fait saint Isidore, de ferre micas; mais bien du mot grec altéré par une simple permutation de consonnes. Son nom signifie prévoyance. L'habitude où elle est de partager les grains en deux parties est peut-être la cause de celui de nemalà (du verbe namal. couper) , que lui donnent les Hébreux ; de même que la finesse étonnante de son odorat lui avait fait donner par les Cbaldéens celui de sumsemana ).

Les propriétés dont parle ici Guillaume, sont celles qu'avait déjà notées l'auteur du Physiologus « Quand les fourmis qui sont chargées reviennent vers leurs retraites, dit-il, celles qui les rencontrent ne leur demandent point à partager leurs provisions ; elles vont droit au lieu où elles pourront s'en procurer elles-mêmes. » Et il complète la leçon , comme le fait Guillaume , au moyen de l'apologue des Vierges folles et des Vierges sages ( Saint Mathieu , chap. xx3) . Il veut aussi que le chrétien distingue les bonnes doctrines des mauvaises, à l'exemple de la fourmi qui ne confond point le froment avec l'orge. La précaution que prend la fourmi de diviser en deux les grains qu'elle a entassés dans ses greniers pour les mieux conserver , avait déjà donné lieu aux mêmes observations sur la distinction que le chrétien doit établir entre la lettre et l' esprit des Saintes-Écritures (Saint Augustio, De spiritu atque liiiera , ad Marcellinum ; saint Irénée, liv. IV , chap. 29 ; Tertallien , Contra Marcionem , lib. II.). Les auteurs mystiques ne pouvaient laisser échapper cette occasion de développer leur thèse favorite.

Il nous faudrait citer tous les naturalistes et presque tous les écrivains anciens , si nous voulions recueillir les textes qui ont pu servir d'autorités à nos Bestiaires. Les commentaires sur les paroles de Salomon formeraient un volume. II, n'est pas un seul des orateurs sacrés qui n'ait saisi l'occasion de célébrer la sagesse et l'activité de ce petit peuple, qui, ainsi que le dit l'auteur des Proverbes se livre à ses travaux sans avoir besoin d'être soumis à l'autorité d'un chef (3). Ce n'est pas seulement l'instinct que Cicéron accorde aux fourmis : elles sont douées, selon lui, de mémoire, d'intelligence et de raison. Plutarque trouve en elles toutes les vertus réunies (a Nu'.Ium natara maiimarum pulcherrimarumque reruro tam angustum habet spéculum ; sed , ut in pura gntlula , omnium In iii virtutum est imago. » Plutarc., De instinciu animalium. ). C'était l'opinion des Égyptiens.  Quand ils veulent écrire le mot connaissance, ils dessinent une fourmi, dit Horus. Les fourmis sont douées d'un sens divinatoire, ajoutent les écrivains arabes , qui se plaisent à célébrer les merveilles de leurs demeures souterraines.

Ce n'est qu'avec une sage mesure que nos auteurs ont puisé aux sources orientales. Ils leur ont cependant emprunté le conte narré assez longuement par Guillaume, de fourmis chercheuses d'or, ayant la taille d'un chien, dont avaient parlé déjà Hérodote , Solin , Pline et Strabon , et qui figurent dans les récits merveilleux qu'Arrien avait empruntés à Mégasthènes. "

RETOUR A L'ENLUMINURE.

Les travaux de Philippe Maupeu permettent de comprendre toute l'importance de l'illustration, au delà de sa valeur décorative. Cet auteur souligne sa fonction plastique et rythmique (alternance des couleurs bleu et rouge d'une vignette à l'autre) ; sa fonction structurante permettant de repèrer les récits et épisodes en l'absence de chapitres et de tables de matières ; sa fonction herméneutique modifiant parfois l'interprétation donnée au texte ; sa fonction poétique "donnant corps à l'univers fictionnel, à ses figures et à ses lieux".

Mais c'est surtout la fonction didactique qu'il excelle à argumenter : "l'image, dans la tradition des arts de mémoire antiques et médiévaux, est le support d'une mémorisation efficace de la lettre du texte et de sa signification allégorique".

Cela me paraît parfaitement le cas pour ce qui concerne notre courageuse fourmi. J'ai déjà oublié l'exactitude littérale des lignes que j'ai pourtant soigneusement recopiées, relues, comparées d'un manuscrit à l'autre. Mais le tas de sable, la fourmi qui en a atteint le sommet, et les deux personnages qui l'observent se sont gravés durablement dans ma mémoire, et le pouvoir d'évocation de l'image me fera retrouver le verset de Salomon "Va vers la fourmi, paresseux ; regarde ses voies, et sois sage",  il me fera penser au sable déboulant et aveuglant "les yeux de l'entendement" du pélerin, il me fera peut-être retrouver le mot que j'ai savouré aujourd'hui, ce "suppediter" que je consulte à nouveau avec gourmandise dans le dictionnaire de Godefroy  et dans le DMF de l'ATILF.

Car la fourmi de Digulleville n'est pas seulement une Allégorie de la Persévérance, une statue personnalisée et identifiable d'une Vertu placée dans le Théâtre de la Mémoire, c'est un personnage de ce Théâtre, qui y a tenu son rôle, est tombé vingt fois, a secoué vingt fois le sable de ses yeux, s'est remis vingt fois en route, et a triomphé la vingt-et-unième fois. C'est ce petit film d'animation, figé à sa dernière image, qui aura valeur allégorique, et non les seuls lettres du mot FOURMI. Je l'ai intériorisé , il se déroulera lorsque je verrai une fourmilière, lorsque je découperai un morceau de formica, que j'utiliserai de l'acide formique ou une préparation homéopathique de Formica rufa 5CH pour ma cystite ou mes rhumatismes, ou lorsque, tout bêtement, j'aurai des fourmis dans les jambes. Elle s'est installée, grâce à l'enluminure faite pour Jean de Berry, dans le Bestiaire de mon cœur.

.

 

 

La Fourmi, Bestiaire divin de Guillaume Le Clerc, Bnf Fr. 14970 (XIVe siècle), base Mandragore.

La Fourmi, Bestiaire divin de Guillaume Le Clerc, Bnf Fr. 14970 (XIVe siècle), base Mandragore.

SOURCES ET LIENS.

Guillaume de DIGULLEVILLE.

– Notice du Mss Français 829 : http://www.europeana.eu/portal/record/92099/BibliographicResource_1000157170691.html

--Version imprimée par Vérard :  Le Pélerinage de l'homme, ed. Antoine Vérard, 1511 . Bnf Res Ye-24. L'épisode de la fourmi débute à la page XL (vue 84/217 sur Gallica)

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k722969 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k722969/f84.item.zoom

STÜRZINGER , Jakob J. (ed.) 1893,  Le pèlerinage de la vie humaine; edited by J. J. Stürzinger. London: Printed for the Roxburghe Club [by] Nichols & Sons. 

— A modern prose translation of the ancient poem of Guillaume de Guileville entitled, The pylgrymage of man; 1859 A popular version by "Miss Katherine Isabella Cust" [afterwards Mrs. William Goode?] cf. Brit. mus. Catalogue of romances, v. 2, p. 563; Early Eng. texts soc., extra ser., LXXVII (1899) pt. 1, p. 5Topic: Bunyan, John, 1628-1688 

https://archive.org/details/modernprosetrans00guil

— DELACOTTE (Joseph), 1932 « Guillaume de Digulleville, poète normand. Trois romans-poèmes du xive siècle. Les pèlerinages et la divine comédie », Desclée de Brouwer et Cie, Paris, 1932, 286 pp.

Duval, Frédéric et Pomel, Fabienne (sous la direction de) « Guillaume de Digulleville. Les pèlerinages allégoriques. Actes du colloque international de Cerisy La Salle ». Presses universitaires de Rennes, 2008, 489 pp.

GUILLAUME , Clerc de Normandie Le bestiaire divin de Guillaume Clerc de Normandie,trouvère du XIIIe siècle publié d'après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale (Reprod. en fac-sim.) / avec une introd. sur les bestiaires, volucraires et lapidaires du Moyen-âge considérés dans leurs rapports avec la symbolique chrétienne par C. Hippeau page 110

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8979h/f114.image

https://archive.org/stream/lebestiairedivi00hippgoog/lebestiairedivi00hippgoog_djvu.txt

 

MAUPEU (Philippe) 2009 Pèlerins de vie humaine. Autobiographie et allégorie narrative, de Guillaume de Deguileville à Octovien de Saint-Gelais, Paris, Champion (« Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge » 115), 2009, 696p.

https://crm.revues.org/12772

MAUPEU (Philippe)  Thèse de doctorat, 2005 : Pèlerins de vie humaine. Autobiographie et allégorie, de Guillaume de Digulleville à Octovien de Saint-Gelais, dir. N. Dauvois, Toulouse-le Mirail.

FARAL , Edmond « Guillaume de Digulleville, moine de Chaalis ». Histoire littéraire de la France, Imprimerie nationale, Paris, 1962, tome 39, pp. 1-132.

STUMPF, Béatrice (2006) « Le moyen français clut et ses dérivés dans le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville, un régionalisme? », Revue de Linguistique romane, vol. 70, 2006, pp. 181-208.

STUMPF, Béatrice (2008) « Étude de quelques régionalismes lexicaux dans les Pèlerinages de Guillaume de Digulleville », in Duval & Pomel, eds. (2008), pp. 253-280. Reproduitpp. 1381-1408 in Stumpf (2009).

STUMPF, Béatrice (2009) « Lexicographie et lexicologie historique du Français ». Thèse de doctorat sur travaux présentée par Béatrice Stumpf, Université de Nancy 2, 2009, 1 408 p.

https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/502081/filename/TheseBS.pdf

DOUDET (Estelle) 2008, « Guillaume de Digulleville. Les pèlerinages allégoriques, éd. Frédéric Duval et Fabienne Pomel », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 2008, mis en ligne le 27 janvier 2009, consulté le 27 février 2016. URL : http://crm.revues.org/11353

— DE WOLF ( Anouk), 1993, Pratique de la personnification chez Guillaume de Digulleville et Philippe de MézièresÉcriture et mode de pensée au moyen âge (8e-15e siècle) / Boutet, D. [edit.]Paris : Presses de l'École normale supérieure, 1993 p. 125-147

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 21:19

Les papillons décrits par Aldrovandi en 1602. Étude des noms propres.

Résumé.

Les premiers noms propres scientifiques d'espèces de papillon sont créés en 1602 par Ulysse Aldrovandi  dans De Papilionibus, Livre II chap. 1 de De Animalibus insectis : parmi ces treize noms grecs ou latins, un est encore en usage, l'épithète spécifique polychloros (Nymphalis polychlorosLinnaeus, 1758). C'est l'occasion détudier les onze Planches et leur 118 illustrations décrivant 102 espèces de rhopalocères et d'hétérocères : un ouvrage fondateur de l'Entomologie.

 

Préambule.

Ulysse Aldrovandi (1522-1605) est un naturaliste italien de Bologne qui a été initié à la botanique par Luca Ghini, puis à la zoologie par  Guillaume Rondelet.  Docteur en médecine et en philosophie en 1553, il commence à enseigner  à l'université de Bologne en 1554. En 1556, Aldrovandi commence à développer ses études botaniques sur la base de l'examen des organes reproducteurs, et, cette même année, il commence à enseigner la botanique médicale. En 1559, il devient professeur de philosophie et, en 1561, il devient le premier professeur d'histoire naturelle à Bologne (son cours s'intitule lectura philosophiae naturalis ordinaria de fossilibus, plantis et animalibus). En 1568, il crée le Jardin botanique de Bologne.

Grand collectionneur, il constitue un vaste Cabinet d'histoire naturelle, riche de 18 000 pièces, complété par une bibliothèque de 3600 volumes imprimés et environ 300 manuscrits et d'un  herbier de plus de 7 000 spécimens.

 Il publie de 1559 à 1605 les quatre premiers volumes d'une Histoire naturelle (dont De Animalibus insectis en 1602 qui constitue en fait son Livre sept) qui en comptera quatorze, les autres étant publiés après sa mort (dernier volume paraissant en 1668) par sa veuve et quatre de ses successeurs. Accordant une place capitale à Aristote dans sa classification des animaux, et compilant les auteurs de l'Antiquité comme  Strabon et Pline, il instaure néanmoins comme  règle fondamentale l'observation attentive, des spécimens, leur reproduction fidèle par l'illustration et leur description objective , initiant ainsi une démarche scientifique moderne.

Comme la plupart des philosophes, des médecins et des collectionneurs de naturalia pendant la Renaissance, Ulisse Aldrovandi conçut  son propre Theatrum Naturae à partir de son propre exemplaire de Pline l'Ancien de "Naturalis Historiae" (1553),  sur lequel il annoté chaque ligne avec ses propres observations. Aldrovandi introduit ni une nouvelle Systema Naturae, ni une approche révolutionnaire de la science, mais plutôt il a été le premier professeur d'histoire naturelle de l'Université, et dans une période dans laquelle les Cabinets de curiosités se créaient  dans les toutes les cours européennes, son cabinet de curiosités naturelles a été le premier musée d'histoire naturelle ouvert au public. Il a été largement influencé par ses "collègues" - Guillaume Rondelet, Pierre Belon, Luca Ghini, Conrad Gessner, Pier Andrea Mattioli entre autres - et par la tradition antique et médiévale. Sa riche bibliothèque comprenait des œuvres de Pline, Dioscoride, Theophraste, Galien et tous les livres les plus importants sur l'anatomie et de la médecine, y compris le célèbre livre de Vésale »De humani corporis fabrica" (1543), le premier atlas moderne du corps humain, avec le frontispice dessiné par Titien et les tableaux anatomiques par Jan Stephan Van Calcar. (Delfino et Ceregato, 2007)

Dans De Animalibus insectis, ou Livre 7, le Liber secundus est consacré aux papillons. Surpris de ne trouver aucune étude sur cette publication, j'y consacre cet article. 

 

I. Titre et frontispice.

 https://archive.org/stream/deanimalibusinse00aldr#page/236/mode/2up/search/papilio

Commençons par donner le titre complet du Livre sept : De animalibus insectis libri septem, cum singulorum iconibus ad vivum expressis, Autore Ulysse Aldrovando, in almo Gymnasio Bonon : rerum naturarium professore ordinario. Bonon [Bologne] apud Joan Bapt. Bellagambam an 1602.

Frontispice.

Je donne ici la copie de cet exemplaire, certes abimé mais  en couleur :

                aldrovandi livre 7 frontispice

Je note de haut en bas :

  • un blason couronné central, présenté par quatre putti. Les armoiries sont composées, mi-parti, de celles qui sont représentées en dessous.
  • deux muses ou Allégories dont l'une tient une sphère armillaire et l'autre un miroir.
  • Deux femmes tenant le drap blanc où est inscrit le titre. Les jambes de ces femmes sont singulières, traitées comme des écorces d'arbres, comme s'il s'agissait de Dryades.
  • une épigraphe : semper honos nomenque tuum laudesque manebunt. C'est une citation de Virgile, Énéide Livre 1 vers 609 : Énée s'adressant à Didon. "toujours subsisteront et ta gloire et ton nom et tes louanges". Rappelons que le livre est édité à titre posthume, et que cet éloge est bien légitime de la part de sa veuve.
  • Deux blasons sur les supports latéraux.
  • Sur le panneau du centre,  la déesse Artémis (arc et croissant de lune) entourée de dix nymphes dansant une ronde.
  • une signature : Il Valesio im.

Ulysse Aldrovandi était le fils d'un comte. L'armorial de Rietstap donnent pour son nom les blasons suivants, dont aucun ne correspondent :

  • Aldrovandi Bologne - Écartelé aux 1 et 4 d'azur à une écharpe d'or ployée en cercle les bouts noués en sautoir aux 2 et 3 palé d'argent et de gueules
  • Aldrovandi Bologne - De gueules à trois fasces d'or à la bande d'azur brochant sur le tout
  • Aldrovandi Bologne - D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or
  • Aldrovandini Bologne - D'azur à la bande bretessée de trois pièces chaque brétesse clouée d'une seule pièce de sable à la bande côtoyée de six étoiles le tout d'or.

Comparée au frontispice du volume de l'Ornithologia de 1599, on constate que les références à Pline et à Aristote, dont les noms figuraient sur deux piliers, ont disparu.

Le Portrait d'Aldrovandi.

http://amshistorica.unibo.it/31

                 aldrovandi-livre-7-portrait-copie-1.png

      

On y trouve :

  • des armoiries azur et or en haut à gauche, surmontées d'un griffon. Elles correspondent cette fois à la description D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or

                 

 

  • des armoiries en haut à droite avec la devise Sensibus haec imis res est non parva reponas issue de la Troisième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 54 : Damète à Palémon : "Il ne s'agit pas de peu de choses. Sois attentif à nos chants", traduit aussi ainsi :"La chose est d'importance, laisse-toi pénétrer par ceci". Le blason comporte un coq tenant dans la patte gauche une branche.
  • Dans le cartouche autour de l'ovale, «Ulysse Aldrovandus Bononiensis Anno Aetatis LXXX" ("Ulysse Aldrovandi de Bologne dans l'année de ses 80 ans" ...donc en 1602; 
  • Dans le cadre au pied de l'ovale, les vers composés par Giovanni Cornelio Uterverio*: "Aldrovande tuam tam parvo pictor  aere Effigiem potuit pingere non animi: Dotes  mirificas, namque harmonumenta Loquuntur vestra vir Eolis Cognite et Hesperiis". 

*Johannes Cornelius Uterverius (ou Wterwer ou Wertwer) né à Delft aux Pays-Bas, s'installa à Bologne en 1592, et obtient en  1594 le titre de docteur en médecine, il se consacre à l'étude de le Botanique et de l'histoire naturelle. A la mort d'Aldrovandi, en 1605, il a été nommé par le Sénat de Bologne et son successeur Conservateur du Museum et de la Bibliothèque d'Aldrovandi. C'est lui qui mis en ordre et publia trois volumes d'Aldrovandi à titre posthume, et qui dressa l'inventaire de toutes les plantes du Jardin public. Il mourut à Bologne en 1619 et a été enterré dans l'église de Notre-Dame de Galliera .

 

 L'éditeur.

 Joannes Baptista /Giovan Battista  Bellagamba (1596-1613 ; imprimeur)

 Typographe de Bologne, actif entre la fin des années 1500 et au début des années 1600, aux cotés de  Vittorio et Alexandro Benacci, Domenico Maria Pulzoni, Giovan Paolo Moscatelli, ou Fausto Bonardo. Bellagamba était un imprimeur qui a commencé modestement, mais a réussi à  améliorer rapidement  son équipement technique, de manière à être en mesure de publier des ouvrages de qualité. Ses premiers produits étaient deux compositions ludiques de GC Croce: Diporto piacevole (1597), et en août de la même année , Il solennissimo trionfo dell'abbondanza. En 1599, il a publié Vita della b. Caterina da Bologna de Cristoforo Mansueto; puis en 1600 des œuvres de Ippolito Grossetti,  Nicomaco Filateleo, Joseph Rosaccio, Lodovico Zuccolo et Michele Pancotto.

 Mais il est surtout connus pour l'édition des  différents volumes de la monumentale Naturalis Historiad'Aldrovandi, qui'il  a commencé à imprimer à la suite de De Franceschi en 1590, et qu'il a  poursuivi avec les tomes II (1600), III (1603), IV (1604), V (1605) et VI (1612). Ce n'est pas lui, mais Pas lui, mais le tome VII Benacci qui a publié le tome VII, mais il a imprimé le volume Historia omnium quadrupedum bisulcorum de 1613. Cette année est celle de son décés, ou du moins de la fin de ses activités, et le travail est poursuivi par Il cesse alors ses activités, sans-doute Aldrovandi Ferroni et Tebaldini.

Dans tous ses tirages, même les plus mineurs, il a utilisé de beaux caractères et des ornementations de bon goût, en fonction de la noble tradition de l'édition bolognaise. On lui connaît deux marques de typographe, l'une avec la devise "Non comedetis fruges mendacii" (Sorbelli, n. 41) et l'autre avec : "Omni tempore" (Sorbelli, n. 42).

   Source . A. Sorbelli, Histoire de l'Impression à Bologne, Milan, 1929, pp. 121, 126. 

L'illustrateur.

L'artiste qui a réalisé les planches entomologiques est Cornelius Schwindt (1566-1632), dessinateur et graveur originaire de Francfort. Schwindt était entre 1590 et 1596, l'artiste principal employé par Aldrovandi pour la peinture des spécimens de ses collections et leur copie sur les tablettes de bois.  Celle-ci étaient alors gravées par Cristoforo Coriolano

  "Plus que ses collègues, Aldrovandi a compris la fonction pédagogique des images et l'importance de l'exactitude dans la représentation des choses naturelles afin de les décrire objectivement. Il a créé un petit laboratoire à son domicile où, sous sa supervision, plusieurs artistes reproduisaient sur papier les spécimens qu'il récupérait directement ou qu'il  obtenait de ses collègues. Jacopo Ligozzi, l'artiste préféré d'Aldrovandi qui a travaillé pour le Grand-ducs de Toscane, mais aussi Giovanni Neri, l'auteur de la plupart des dessins zoologiques, Passarotto Passarotti (fils du plus célèbre Bartolomeo), Lorenzo Benini, et Cornelius Schwindt, produirent environ 3000 peintures a tempera. Cornelius Schwindt lui-même et parfois Lorenzo Benini et d'autres, copiaient les peintures sur les blocs de bois de poirier, puis elles étaient gravées par Cristoforo Coriolano et plus tard par Gian Battista Coriolano. Certains des étudiants d'Aldrovandi ont notés tous les noms connus des sujets représentés non seulement à côté de chaque dessin, mais aussi sur le dos des milliers de gravures sur bois gravés pour illustrer l'édition imprimée de son grand "Historia Naturalis". Malheureusement, Aldrovandi est mort après la publication de la quatrième des treize volumes, mais au moins deux des œuvres posthumes, éditées par son élève Jan Cornelis Wterwer, étaient presque prêtes avant 1605. Toute la collection de peintures a temperaproduites sous la direction de Aldrovandi, sont toujours disponibles et conservées dans la bibliothèque de l' Université de Bologne (Biblioteca Universitaria Bolognese). Pour les célébrations du 400e anniversaire de la mort de Aldrovandi, toutes les peintures a tempera ont été numérisées et mises à disposition par l'intermédiaire du World Wide Web (disponible à l'adresse wwwfilosofia.unibo.it/aldrovandi/)." (Delfino & Ceregato, 2008)

 

Le graveur sur bois.

Cristoforo Coriolano est né un graveur allemand en 1540 à Nuremberg. Installé en Italie, il a changé son nom de Lederer à celui de Coriolano. Selon Vasari, après avoir atteint un certain succès à Venise, il aurait gravé sur bois les portraits des peintres, sculpteurs et architectes, d'après les dessins de Vasari, pour ses Vies des Peintres, d'abord publié en 1568. Il a également gravé la plus grande partie des illustrations des volumes de l'Ornithologie d' Aldrovandi. Il est mort à Venise au début du 17ème siècle. Ses fils Giovanni Battista Coriolano et Bartolommeo Coriolano devenus éminents graveurs à l'époque baroque.

 

Le Livre second consacré aux papillons.

 Le Livre second occupe les page 235 à 341. Il est intitulé Ulyssis Aldrovandi Philosophi et medici bononiensis, historiae de insectis liber secundus, qui est de caeteris anelytris quadripennibus, & primum.

Le texte,  en latin avec des inclusions fréquentes de grec, est disposé sur une seule colonne de 58 lignes avec une seule marge latérale où apparaissent les noms des espèces ou autres éléments notables.

 

 

SOMMAIRE du Livre II.

Il permet entre autres de voir l'étendue encyclopédique des données présentées, qui dépassent de loin la description entomologique pour englober les domaines sémantiques, ethnologiques, médicaux (ethno-médecine), psychosociaux et religieux. On constate aussi que les chenilles, puis les chrysalides, sont décrites dans des chapitres distincts des papillons, comme des espèces séparées. Mais la description des spécimens, accompagnée de 11 planches, occupe 18 des 26 pages du chapitre I : cette partie, fondée sur l'observation, dépasse celle qui est (seulement partiellement) fondée sur la compilation livresque.

Cap. I De Papilionibus : page 235-261 : des Papillons (diurnes et nocturnes)

  • Ordinis ratio. Synonyma page 235
  • Differentiae descriptio page 236-253
  • Coitus parto generatio page 253
  • Locus volatus cibus aetas page 256
  • Denominata page 256
  • Praesagia page 257
  • Proverbia page 258 (:"Non credo alla Rondine ne alla farfalla, Ma bene alla Cicala che mas falla").
  • De papilione ad lumina accensa advolitante page 258
  • Synonyma page 258
  • Mores. Ingenium page 259
  • Nocumenta page 260 ("Nuisances").

Cap. III [sic] De Bombylio sive papilione bombycum page 261 : des Bombyx .

  • Synonyma
  • Generatio et tota historia

Cap. IIII De Erucis vulgaribus page 264 : des Chenilles

  • Aequivoca synonyma page 264
  • Genus differentiae forma page 265
  • Generatio mores victus page 274
  • Ut fugentur page 275
  • Usus in medicina page 275
  • Proverbium

Chap. V. De Chrysalide sive aurelia page 277 : De Chrysalides.

  • Forma differentiae

Chap. VI De Bombyce aequivoca

  • Synonyma
  • Genus differentiae forma
  • Bombyces veteribus romanis et graecis fuisse ignotas
  • Generatio
  • Educatio et quaedam rursus de generatione.
  • Denominata
  • Moralia
  • usus page 295

Cap. VII De serico : de la Soie.

  • Synonyma page 295
  • Holosericum differe a serico.
  • Usus page 297
  • Usus in medicina page 298.

Cap. VIII. De Pityocampe page 298 : Chenille processionnaire du Pin

Cap. IX De Curculione page 299 : Curculionidae

  • Ordo aequivoca
  • Synonyma
  • Forma generatioo page 300
  • Ut fugantur page 301
  • Proverbium. Page 302

Cap. X. De Perlis vulgo dictis. Page 302 : Des Perles = Libellules (odonates)

Cap. XI. De Xylophtoro Page 306 : Trichoptère "perce-bois" nommé Xylophtoros par Aristote

Cap. XII. De Orsodacna. Page 307 : nos Criocères

Cap. XIII. De Cicada page 307 : Cicadidae

  • Ordinis ratio
  • Aequivoca
  • Synonyma eorumque etymum page 308
  • Forma descriptio page 308
  • Genus differentiae page 309
  • Hortus generatio
  • Locus
  • Cantus eiusque ratio
  • Aetas temperamentum et capiendi ratio
  • Antipatheia page 321
  • Denominata
  • Praesagia
  • Augura
  • Historica
  • Mystica
  • Moralia page 323
  • Cur Homerus senes cicadis comparaveritpage 326
  • Hieroglyphica page 327
  • Symbola
  • Numismata page 328
  • Aenigmata et apophtegmata page 329
  • Problemata
  • Emblemata page 330
  • Epigrammata
  • Proverbia
  • Epitheta
  • Fabula
  • Apologi
  • Usus in cibis page 340
  • Usus in medicina page 341
  • Usus in variis

 

 

LE CHAPITRE I DE PAPILIONIBUS.

 

 1. Classification.

 A la première page de l'ouvrage lui-même, le Livre 7 , Aldrovandi, qui suit Aristote, donne le Tableau de sa classification générale. des Insectes, lesquels sont divisés en animaux soit terrestres, soit aquatiques. Les espèces terrestres sont réparties en deux nouveaux groupes, celles qui ont des pattes et celles qui n'en n'ont pas. Ont-elles des pattes ? Les voici divisés selon la présence ou l'absence d'ailes. Compte-t-on deux ailes, ou bien quatre ? Si on en compte quatre,  ces ailes sont-elles membraneuses (favifica, qui font des rayons de miel, ou non favifica), ou bien farineuses (poudreuses car formées d'écailles) ? C'est ainsi que nous parvenons au Livre II des Insectes à quatre ailes, sans élytres, c'est à dire des Papillons. L'auteur distingue les papillons Vulgaires, Lucernaires, et Autres (Vulgaris, Lucernarius, & Aliquot). Enfin les chenilles (eruca), au lieu d'être décrites avec les espèces sans ailes mais à 12 ou 14 pattes, sont décrites au Livre II chapitre IV, et les Chysalides ou Aurelia auchapitre V.

2. Dénominations générales et étymologie.

Ces matières sont abordées au paragraphe Synonyma page 235 et Denominata page 256 :

a) Synonyma.

Papiliones "hoc est ventum sive spiritum" : le nom grec pour désigner les papillons est psyché, qui veut dire le souffle ou l'esprit.

Aldrovandi donne le nom vernaculaire de ce groupe d'insectes en différentes langues : en italien Parpaplione, parpaglia, farfalla : espagnol mariposa ; allemand pfeiffholter [cf.falter], Sommervögelin, quasi avicula aestivia, Belgique Capellexen, Vlindere, Boterulieghe (cf. Butterfly), Pellarin : Flandris privatim Boterschyte, Gallis Papillon, Polonais Motil, Ungaris Louoldek, Anglis à Butterflie.

b) Denominata page 256.

Papilio sive tentorium

 A papilionis volantis similitudine tentorium Papilionem vocari nonnulli volunt. Calepino Homil. In Psal. 14.  Graece etiam scribitur papilios, sed eam vocero nullibi reperio. D. Chrysostomus vocem esse tradit Romanam ; apudquem forte cum ille Graece scribi videret, Graecam esse credidit. Chrysostomi verba adiscriberem, sed graeco careo : Latinus factus sic habet : Quemadmodum ergo. Mosis in deserto tabernaculum, erat tigurium in quo congregari poterant, quod Romani vocarunt Papilionem. Italis    Apud Plinium ubi habet, Numidae vero Nomades a permutandis Papilionibus, mapalia sua, hoc est, domus, plaustris circumferentes, castigatoria exemplaria habent, a permutandis pabulis.

Papiliones item nominantur maculae illiae, quibus per pestilentes febres cutis suffunditur variis locis, Pulicum aut Cimicum morsui similes, vario saepe colore, pro veneni feritate, & materiae conditione, modo rubrae, modo flavae, subnigrae, violaceae seu purpureae, caerulee, livide, nigrae, et quia fere purpuri sunt coloris, ideo purpurae nomine Gallis intelliguntur.

 Lenticulae aliis dicuntur, quod saepe lenticulari colore, & effigie visuntur Ambrosius Pareus (Lib.21cap.28) Papiliones ideo nominati vult, quia alatorum Papilionum instar varias subito involent corporis velut regiones, nunc faciem, nunc brachia, nunc crura, nunc totum corpus. Ego potius a maculatiis illis Papilionibus pulcherrimis, qui floribus desides perpetuo insident, propter consimillimas maculas ita vocari arbitror.

 

3. Les onze planches de description des Papillons adultes.

 

Aldrovandi rassemble sa collection en onze planches (plus une figure isolée page 245), soit au total 118 figures et 102 espèces,  classées par taille (Grande-Moyenne-Petite). Les identifications sont sujettes à discussion, car j'en propose certaines de ma seule initiative, et sans compétence entomologique, et d'autres en tenant compte des auteurs comme James Petiver ou Linné lorsqu'ils donnent ces illustrations en référence de leurs descriptions.

 

Aldrovandi a attribué des noms propres à quelques uns de ses papillons, soit en grec, soit en latin. Ces noms sont repris en marge latérale dans le texte. J'en ai dénombré onze. Certaines pages du manuscrit original, conservé à la Bibliothèque Universitaire de Bologne, sont reproduites dans the Insect and the Images de Janice Neri : elles comportent des noms supplémentaires, qui y auraient été inscrits parfratre Gregoria Cappucino en 1592. Le Père capucin Grégoire, de Reggio-Émilie, loin d'être un obscure plumitif, a reçu les louanges des principaux naturalistes pour ses compétences en Histoire naturelle et notamment en botanique, et G. Olmi pense qu'il devait être l'apothicaire de divers couvents dont celui de Bologne. Son nom apparaît page 236 comme l'auteur d'une illustration. Les illustrations de ces planches manuscrites ont été ensuite découpées et réagencées dans un ordre plus élaboré. J'indiquerai ces noms du père Grégoire par les initiales P.G.

Les descriptions sont précédées par cette présentation générale :

Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias.

Aristoteles antennas iis ante oculos praetendi scripsit ; idemque ; ex eo repetiit Plinius, vocans istiusmodi antennas ignava cornicula. Neque aliud quicquam apud ipsos invenire est, quod ad formam corporis extrinsecam Papilionibus pertinet. Sunt autem plerisq ; alae molles, ceu farinae, et fragiles : servantq ; ipsi colorem Erucarum, ex quibus ortum suum duxere. Omnes, quos mihi licuit observare, (observavi autem plurimos), ea quae dixi, communia habebant. Suntque ; aliis diurni, ali nocturni, hoc est tenebrarum amantes. Alii magni, ali parvi, alii mediocres : alii uno tantum praediti colore, alii duobus, alii pluribus, alii maculati, alii sine maculatis. Colorum differentias tetigit Albertus Lib. 26, dum ait. Papiliones sunt Vermes volantes multorum colorum. Quidam enim sunt in alis sicut purpura, quidam albi, quidam hyacinthini, et quibusdam quaedam inest rubedo. Hi sunt qui in autumno coeunt. Sic ille, sed quam diversis aliis coloribus praediti Papiliones reperiantur, ex subsequentibus hic ordine depictis, ac descriptis patebit : inter quos tamen nullus existit aeuleo infestus, quales in India reperiri scribunt, qui Sciscioni vocentur. Qui itaq in priori tabula primo loco sculptus datur, non incongrue ιπποψύχη dicetur. Est enim Papilionum maximus. Vespere potissimum cernitur, interdiu latet. Latus est palmus, et amplius. Alae singule rotundam habent, ac notabilem maculam, oculum diceres, nigrum, sed primo miniaceo, dein candido circulo obductum.

 

Planche 1

= 6 figures, 5 espèces de grande taille, 4 hétérocères, 1 rhopalocère (dorsal et ventral) .

Une description type, celle du Machaon :

Erupisset  Papilio, alis sese fecit conspicuum iis, quos diximus, coloribus prone et supine. Color niger luteus que ; in primis alis intensior est, in supinis remissior. Ale interne, que alias minores esse solent, in hoc animali proceriores sunt, intraque ; serrata serris eisdem coloribus distinctis, ex quibus fere media ceu cauda quedam dependet. Corpus totum pronum atrum est, ad latera, et supinem luteum : eitque pro alarum longitudine admodum exile. Oculi magni nigerrimi. Nigerrime item antenne, que in extremo obtuse sunt, tote subtilissime. In alarum internarum extremis lateribus macula rubra sive rosea conspicitur, rotunda internem semicircularis externem. In summa elegans est Papilio. Conspicitur passim per agros et hortos.

 

Traduction très approximative : Ce Papillon qui surgit  se fait lui-même remarquer, nous l'avons dit, par les couleurs des faces supérieures et inférieures de ses ailes. Ses  couleurs noir et jaune, sont plus intenses aux ailes antérieures et moindres sur les postérieures. Les ailes internes, qui sont d'habitude plus petites, sont chez cet animal plus grandes; scies dentelées de mêmes couleurs, dont près de la moitié dépend comme la queue. Tout le corps est sombre sur la face dorsale et sur les cotés, et jaune en face ventrale : ... De grands yeux noirs. Les antenne noires également, extrêmement éffilés à leur extrémité. . Au bord des faces intérieures des ailes se voient des taches rouges ou roses arrondies en interne et semi-circulaires en externe. En somme, c'est un papillon élégant. On observe ici et là dans les champs et les jardins.

Aldrovandi décrit surtout les couleurs, et plus rarement les formes; Il présente le papillon pronem et supinem, de dessus et de dessous, précisant les couleurs des ailes, du corps, des yeux, des antennes et des pattes. Il conclue par une appréciation globale ("en somme, c'est un papillon élégant") avant de préciser le milieu où vole l'espèce, ici les champs et les jardins. Nous avons déjà ici une description moderne, objective, précise, systématique, qui est articulée avec l'illustration qu'elle commente. En comparaison, voici la phrase spécifique rédigée par Linné en 1758 pour son papilio machaon : alis caudatis concoloribus flavis ; fasciis fuscis ; angulo ani fulvo. "Ailes unies jaunes : bandes fauves ; angle anal fauve". Aldrovandi soutient honorablement la comparaison.

 

— Identifications :

-Fig.1 : Saturnia pyri, femelle (Bodenheimer p.257)

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-Fig. 2 : Daphnis nerii "Sphinx du Laurier-Rose" (Bodenheimer, p.257) : cohérent avec la dénomination Papilio viridis ("papillon vert") d'Aldrovandi.

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-Fig. 3 : Acherontia atropos "Sphinx tête de mort" (Bodenheimer, p.257)

Aldrovandi a obtenu ce spécimen en élevant sa chenille. :

Tertium ex eruca nasci observavi sub finem Augusti anno superiori, eaque caudata, & immensae magnitudinis, suo postmodum loco depingenda. Folliculum non texit, sed in Aureliam mutata Papilionem hunc generavit decem fere dierum intervallo, corpore crasso eiusdem cum alis coloris, nimirum ex luteo, & fusco variantis. In tergore notabilis macula est candicans, humanum quodammodo cranium anterius exprimens. Caput totum nigricat, pedesque & antennae, quae latiusculae sunt. Ale interne tote fere lutescunt

"J'ai observé le troisième qui est né d'une chenille à la fin aooût de l'année dernière. La chenille avait une corne et était immensément grande. Je donnerai son illustration plus tard ailleurs. Elle ne fila pas de cocon, mais se changea en chrysalide qui se transforma en Papillon en l'intervalle de dix jours , au corps épais, aux ailes couleur bien-sûr jaune et de nuances de brun. [...] La tête est toute noirâtre de même que les pattes et les antennes qui sont larges. Les ailes postérieures sont presque toutes jaunes".

Dans ma recherche de l'origine des noms, je remarque surtout la phrase  In tergore notabilis macula est candicans, humanum quodammodo cranium anterius exprimens : "Sur le dos est inscrite une marque blanche, qui a la forme d'un crâne vu de face de quelque humain". On peux dire qu'Aldrovandi est à l'origine indirecte du nom de Sphinx "tête de mort".

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- Fig. 4 = Grand Paon-de-nuit mâle (Saturnia pyri). 

Postremum in hoc ordine depictum prona, & supina parte anno 1592 mense vero Iulio, huiusque die vigesimasexta gigni adverti ex parua quadam Eruca, hirsuta, colore ex rubro, albo & nigro variante....

 

 

 

- Fig. 5 et 6 : le Machaon Papilio machaon L. identifié par James Petiver sous le nom de Royal William (Musei n° 328 page 35) puis par Linné.

— Noms donnés par Aldrovandi :

 La Planche 1 est décrite page 236, sans mentionner de noms propres. On trouve en marge pour la figure n°2 Papilio viridis. 

Sur une aquarelle préparatoire, Papilio machaon porte le "nom" ou la mention Papilio luteis "Papillon jaune"( illustration in Bodenheimer Planche X)

                     

 

                       Aldrovandi-papillons-p.237-copie-1.png

 

Planche 2 page 238.

= 6 figures, 4 espèces de grande taille. 1 hétérocère (ventral et dorsal), 3 rhopalocères.

— Identifications :

-Figure 1 et 2 : Noctua sp.

-Figure 3 : Le Flambé Iphiclides podalirius.

-Figure 5 : Le Morio Nymphalis antiopa. ?

-Figure 6 : Le Tircis Pararge aegeria. ?

— Noms donnés par Aldrovandi :

-  fig. 3 page 239 :  papilio leucomelanos "Papillon blanc et noir" 

-  fig. 6 page 239 :  papilio polyophtalmos.  "Papillon aux nombreux yeux".

-Fig. 2 : Papilio quadruplici colore (?) (P.G.) 

-Fig.3 : papilio leucomelanos ex albo nigra cum appendicibus in alaram extremitatibus longissimis.(P.G)

-Fig.4 : papilio niger cum quatuor oculis nigris, et in medio coeruleis.(P.G)

-Fig. 6 : Papilio polyophtalmos (P.G)

 

                     Aldrovandi papillons p.238

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Planche aquarellée originale, l'espèce n°5 (Nymphalis antiopa):

Aldrovandi-aquarella-Nymphalis-antiopa.png

 

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Planche 3 page 240.

Dix figures = 8 espèces de taille moyenne. 

— Identifications :

-Fig. 2 et 3 : Vanessa cardui ?

-Figure 4 : Vanessa atalanta. Reconnu par Linné qui le donne en référence en 1746 sous le nom de Ammiralis et en 1758 sous le nom de Papilio atalanta.

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :

 - fig. 2 et 3 : vue ventrale et dorsale

-fig. 6 Papiliones habentes promuscides. "Papillon ayant une trompe".

-Fig. 8 et 9 : même espèce "toute jaune" en vue dorsale puis ventrale

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                     Aldrovandi-papillons-p.240-copie-1.png

 

 

Planche 4 page 242.

 =  11 espèces de taille moyenne.

— Identifications :

-Fig.1 =Écaille chinée (Euplagia quadripunctaria).

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :

La planche est décrite dans la seconde moitié de la page 241.

-La figure 1 est comparée à la lettre delta.

-Figure 2 et 3 : même espèce

-fig.4

-Page 241  fig. 10 :  Qui decimus est in hoc ordine propter insolentem vultum, quo Satyrum quam exacte aemulatur σατυρωϰδήσ [Satyroides] dici possit. Corpore toto est flavo, rubro distincto ; alvo bifurcata, alis nigricantibus, & velut stellis candidis elegantissime exornatur.

"Le dixième, parce que son aspect est arrogant (ou Bizarre, inaccoutumé ?), peut être dit littéralement σατυρωκδήσ  ["comme un Satyre"]. Son corps est entièrement jaune séparé de rouge, son ventre est bifide, ses ailes noirâtres, et aussi élégamment ornées d'étoiles jaunes." 

 

[Voir Ici, un Satyre représenté dans le livre d'Aldrovandi sur les Monstres :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b23006724/f17.item.hl.langFR    ]

 

 

 

                     Aldrovandi papillons p.242

 

 

Planche 5 page 243.

= 4  espèces de taille moyenne.

— Identifications :

 

 - 5 : Euplagia quadripunctaria ??

— Noms donnés par Aldrovandi :

- fig.1 et fig. 2 = vue dorsale et ventrale

- fig 3 et fig. 4 = vue dorsale et vue ventrale

- page 244 : fig. 5. λευχόχλωροσ (leucokloros) "Blanc et coloré" ou "Blanc et vert". Papilio λευχόχλωροσ ιεηγς, seu fasciis obliquis insignitus.  (P.G) 

- Page 244 : fig. 5 et 6 :  Papilio cruciger "papillon en forme de croix" Quintum papilionem crucigerumnominavi, quod externis alis complicatis, albis teniis quibus ornatus cernatur, crucem vel potius litteram X exprimat , quanquam id in icone pictor non expressit.

- fig. 7 et 8 : vue dorsale et vue ventrale

 

                              Aldrovandi papillons p.243

 

 

Planche 6 page 244

= 4 figures soit 2 espèces.

— Identifications :

Figure 1 et 2 : Lasiommata megera.  Linné y reconnaît son Papilio maera nommé Satyrus en 1746. (il donne par erreur la référence "page 244 fig. 12" au lieu de fig. 1-2, erreur déjà présente dans sonFauna suecica de 1746). 

Fig. 3 et 4 :

a) Aglais urticae. Linné y reconnaît en 1746 son espèce n° 775 en signalant néanmoins que la figure est mauvaise (mala). Mais il supprime cette référence en 1758. Si on compare cette figure avec celle du manuscrit original, on constate qu'initialement, l'aspect déchiqueté du bord anal des ailes postérieures n'était qu'ébauché, et a été outré dans la figure imprimée. De même, trois taches noires étaient dessinées à l'origine sur le bord interne des ailes antérieures.

b) Polygonia c-album. En 1758, Linné corrige son identification et donne en référence de son papilio c-album le texte et la figure 3-4 page 244. C'est en effet plus en rapport avec l'aspect déchiqueté des ailes, malgré l'exagération de la figure.

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

- Fig. 1 et 2 : Page 245 : en marge : Papilio πολυοφταλμοσ (polyophtalmosalter. "Autre Polyophtalmos", ou "autre papillon aux nombreuses ocelles."

 Papilio πολυοφταλμοσ variegatus proné et supiné (P.G).

Papilionem qui in tabula sexta primo depingitur ordine polyophtalmos nuncupavi, quod in internis alis intus ac extra multis notaretur oculis, qui tamen licet duo tantum in externis exterius, et interius elegantiores sunt. In his enim iris est nigerrima, pupilla alba. Alae supiné ex luteo, et castaneo variant. Internae intus prope corpus primum ceruleae, dein fere amethestinae, in quo colore cernere  erat lineas duas transversales, flexuosas, castanei coloris.

  Traduction très sommaire "Celui qui est dépeint en premier dans la planche six est nommé le "Polyophtalmate" car on remarque à l'intérieur et à l'extérieur des ailes de nombreux yeux, qui cependant bien que les deux à l'intérieur et à l'extérieur, sont élégants. Car l'iris y est du noir le plus intense, et la pupille blanche. Les ailes en dessous, varient du jaunes  au chatain. Le bord interne près du corps est bleu presque violet  , dans lesquelles couleurs on peut voir deux lignes transversales sinueuses couleur marron.

 

- Fig. 3 et 4 : Papilio parte prona subluxeus nigris punctis respersus. / Papilio supina subniger et ad instarfluvii undulatus.(P.G)

Pour cete espèce (considérée comme Polygonia c-album), voila la description de la page 245 :

Sub quarum postrema color subsequitur luteus, deinde rursus amethesthinus, quem lineae percurrunt castaneo colore, atque intra has siti sunt quos dixi, oculi, subcaeruleus cingit circulus. Corpus animantis nigricat. Pedes & antennae lutei. Oculi nigri. Alter alas habet dentatas, rubicundas, ad ferrugineum accedentes, & maculis respersas nigris, in medio rotundis, ad latera oblongis, ac magnis. Alae supine nigricant, & albam fasciam habent, quae vel currentes aemulatur fluminis undas. Corpus supinum cinereum est, pronum nigricat.

Traduction très approximative : Pour ce dernier, couleur jaune-rougeâtre, devenant en arrière  couleur violette, traversé de  lignes de couleur châtain, un endroit sec, et, comme je l'ai dit que je ai dit, les yeux bleutés entourés d'un cercle. Le corps de l'animal est noir. Pieds et antennes jaunes. Des yeux noirs. L'autre aile est dentelée, vermeil, virant au rouge foncé et teinté avec des taches noires, dans le milieu une ronde, oblongue, sur les côtés, et d'une grande. Vu de dessous,  les ailes sont noirâtres avec une bande blanche, semblables à des flammes ou des ondes. Dessous du corps gris cendré, dessus noir.

 

Aldrovandi-papillons-p.244-Planche-6.png

 

 

Planche  7 page 246.

 

= 13 figures soit 10 espèces.

— Identifications :

- Fig. 2-3 : Linné reconnaît dans Fauna suecica son Phalaena bombyx dicta n°832, nommé Phalaena Bombyx mori en 1758 : le Bombyx du mûrier.

-Fig. 6 : identifié par Linné en 1746 comme son Papilio hyemalis n° 796 dans la Fauna suecica  puis en 1758 comme le Papilio crataegi n° 57: Aporia crataegi, "Le Gazé". Linné épingle la figure 6 d'une mention mala (mauvaise) qu'il ne reprend pas en 1758.

-Fig. 7 : Nymphalis polychloros "La Grande Tortue" :  Papilio polychloros pour Linné, qui l'identifie et cite le nom donné par Aldrovandi  dans sa Fauna suecica de 1746 n° 773 , ainsi que dans sonSystema naturae de 1758, ce qui explique le nom attribué par Linné.

- Fig. 8-9 = Grand Nacré (Argynnis aglaja). Identifié par Petiver sous le nom de Greater Silver-spotted Fritillary Musei 1696  n° 320 page 35 , puis par Linné en 1746 sous le nom de Rex et  en 1758 sous le nom de papilio aglaia.

Fig.12 = Pour Linné, les figures 11-12 correspondent à Phalaena Bombyces caja, Écaille martre Arctia caja.

 Un papillon de forme triangulaire, ailes supérieures brunes sillonnées de blanc, ailes inférieures ocres avec des points noir bleuté 

- Fig. 13 identifié par Linné en 1746 comme son Coridon Fauna suecica n°786 qui devint en 1758 sonPapilio jurtina,n° 104 : Maniola jurtina, le Myrtil. 

 

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi page 245 :

- fig. 1 :Quorum primus corpore toto niger est, annulos vero habet luteos. Ale omnes candidant, et venis distinguuntur nigricantibus.

-fig. 2 et 3 : Bombyliis sunt, ex erucis Bombycivomis orri, vulgo noti, undique candidissimi, exceptis antennis, que nigre sunt et hirsute. Invicem coeunt, mas est tenuiori corpore, secundo scilicet loco pictu. Inter utrumque : ova appinximus exigua, coloris fere crocei. Alas habent breves, et ad volandum velut ineptas. Horum post privatim trademus historiam.

- fig. 4. Quartus in hac serie totus quoque candidat per alas ETC...

 -fig.6  : Sextus totus est candidus corpore scilicet, ac alis, que venas habent nigras, nigros item pedes, & antennas.  le sixième a le corps d'un blanc pur, de même que les ailes, qui a des veines noires. Noires aussi sont les pattes, et les antennes.

-fig. 7 Polychloros dici queat propter colorum diversitatem."De plusieurs couleurs" (stricto sensu "de plusieurs verts").

-fig. 8 et 9 : vue dorsale et ventrale.

fig. 11 et 12 : vue dorsale et ventrale

 

                           Aldrovandi papillons p.246

 

 

Planche  8 page 247

 = 14 figures soit 14 espèces.

— Identifications :

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

 

                          Aldrovandi-papillons-p.247-copie-1.png

 

Planche 9 page 249.

      24 illustrations = 24 espèces.

— Identifications :

Fig. 11- 12 reconnue par Linné comme sa Phalaena ursus (Fauna suecica n°820). 

fig. 22 = zygaena sp. Petiver y reconnait (Musei n° 330 page 36) le "Greenish Leopard with 5 scarlet spot" de Thomas Moffet 

— Noms donnés par Aldrovandi :Pages 248 et 250 

-  fig.3 : papilio πολυχλοροσ  polychloros minimus. "De plusieurs couleurs, plus petit"

-  fig. 13 : papilio lucernarius("papillon Porteur de lampe")

 -  fig. 21. papilio argenteus ("papillon argenté").

- fig. 22 : description : Vigesimus secundus toto corpore aterrimo, alas habet nigra colore ruberimi distinctas ; pedes et antennas longiusculos, nigros. "Le 22 a tout le corps très noir, les ailes noires avec des marques rouges distincets, les pattes et les longues antennes, noires."

 

 

                               Aldrovandi papillons p.249

 

 

Planche 10 page 251.

 10 figures = 9 espèces.

— Identifications :

 

— Noms donnés par Aldrovandi Page 250:

 

fig. 11 papilio triticiarius  ("du froment") = ?? Euxoa tricici 

Figure 1 et 2 : Papilio obstreperus cauda lara et pilosa, supinus et pronus (P.G) [obstreperus : "bruyant, qui fait un bruit importun"]

Figure 3 : papilio minor subalbus (P.G)

 

                       Aldrovandi papillons p.251

 

 

 

 

 

Planche 11 page 252.

: 10 espèces.

— Identifications :

 

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

        Aldrovandi-papillons-p.252-planche-11.png

 

 

 

Autres noms cités plus loin.

Hepialos, employé par Aristote, Pyraustae page 259, et  Pyrallis.

Les chenilles.

Page 266 Planche 1 = 9 espèces.

Page 268 Planche 2 = 12 espèces. Linné reconnaît son Sphinx vinula

Page 269 Planche 3 = 19 espèces.

Page 271 Planche 4 = 4 espèces.

Page 272 Planche 5 = 9 espèces.

Page 274 Planche 6 = 15 espèces

Page 278 Planche 7 = 6 espèces.

Chapitre VI De bombyce.

Page 280 Planche 1 = 8 espèces.

Page 281 Planche 2.

page 282 Planche 3 = 15 espèces  

Cum eam aliquo tempore domi aluissem, telam non texuit, aut folliculum, sed in Chrysalidem immutata Papilionem peperit atro luteum, eum quem in prima Papilionum tabula tertium, exhibuimus. Page 267

"Après l'avoir nourri [la chenille  figure 1 Planche 1 page 266] pendant un certain temps chez moi, elle n'a pas formé une toile ou un cocon, mais se transforma plutôt en une chrysalide  qui donna naissance à un papillon jaune et noirâtre, précisément le premier de la Planche 3.

 

Discussion.

      Nous sommes ici devant la première description jamais rédigée dans l'Histoire, d'une collection d'insectes, et, pour ce chapitre 1 du Livre II, d'une collection de papillons. Comme le signale l'auteur, certainement avec étonnement, Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias : "Bien qu'il existe de nombreuses sortes de papillons, on ne retrouve aucune description donnée par les Anciens".

 Explorant depuis trois ans l'histoire des noms de papillons, j'aborde donc ce texte avec l'émotion d'un archéologue, et avec la conviction que des fouilles plus approfondies que ma visite d'amateur s'imposent. Notamment, la traduction du texte latin d'Aldrovandi semble un préalable indispensable.

  L'auteur de cette description est, avec Conrad Gessner, l'un des deux Géants précurseurs de l'Histoire naturelle de l' Europe de la Renaissance, et leurs noms seront, pour les entomologistes des siècles suivants, aussi réputés et aussi fondamentaux que ceux d'Aristote ou de Pline dans l'Antiquité. Mais la consultation exhumée de leurs écrits conserve-t-elle un intérêt ? L'article Wikipédia consacré à Aldrovandi comporte ces lignes : "Son œuvre apparaît aujourd'hui, en regard de nos critères, comme totalement désuète et sans intérêt. Georges Cuvier dira d'elle que c'est «une immense compilation sans goût ni génie» et que si on supprimait tous les passages inutiles, il n'en resterait qu'un dixième."

 Ma conviction, après cette brève consultation de son travail, est bien différente, et je constate la précision objective des descriptions entomologiques, et l'attention avec laquelle Linné les citera en référence de ses propres descriptions.

Dans une démarche analogue à la mienne, mais avec une toute autre compétence et un tout autre niveau, Delfino et Ceregato ont étudié les données publiées par Aldrovandi concernant les Reptiles. Il est intéressant de lire leur opinion et le résultat de leurs recherches :

" La présente contribution à la connaissance de l'iconographie herpétologique du 16e siècle est largement basée sur l'information disponible, en italien, dans ce livre. Parmi les nombreuses planches réalisées sous la direction de Ulisse Aldrovandi environ 50 dépeignent les amphibiens et les reptiles. Leur nombre et leur qualité permettent de considérer cette collection d'images  comme le premier atlas iconographique de l' herpétofaune  italienne et méditerranéenne et, sans aucun doute, la première collection d'images herpétologiques réalisées avec des critères relativement modernes. Amphibiens et reptiles apparaissent avec une certaine fréquence dans l'iconographie scientifique du 16e siècle, mais la qualité des images publiés par des auteurs comme Belon, De Bry, Gessner, Imperato, Mattioli ou Ramusio, est loin d'être aussi précise et agréable que les planches de Aldrovandi, planches qui sont remarquables en raison de la richesse et de l' exactitude des données et, surtout, par la présence de couleurs. Bien qu'une comparaison entre les images produites avec des techniques différentes est, évidemment, dangereuse, les gravures publiées par les auteurs contemporains (xylographies habituellement), ou publiés après quelques décennies par Jonston (1650-1653; gravures sur cuivre dans certains cas explicitement copiés à partir d' Aldrovandi), mais aussi ceux inspirés par les mêmes tableaux édités par Aldrovandi puis publié à titre posthume sous son nom, comme les serpents de la "Serpentum et Draconum Historiae" en 1639, sont fortement touchés par un simplification excessive. Sans même parler de l'absence de couleur, une telle simplification les rend non seulement moins agréable, mais  infidèles [nonnatural] et parfois inutiles pour préciser les caractères distinctifs d'une espèces. Les 47 planches herpétologiques contiennent au total 75 dessins dépeignant au moins 34 taxons (certains figurés selon deux points de vue); dans les 23 dessins concernant les amphibiens et les 52 concernant les reptiles il a été possible d'identifier, à différents niveaux de précision, 28 espèces  (5 amphibiens et 23 reptiles). Vingt et un de ces espèces appartiennent à l'herpétofaune italienne ; les sept autres sont en quelque sorte «exotiques». Dans ces planches contenant plusieurs spécimens, le principe de classification semble être la ressemblance morphologique (comme dans le cas des grenouilles, scinques et les serpents) ou, moins fréquemment, la présence d'anomalies. En fait, bien que dans la plupart des cas, les spécimens représentés ont une morphologie "normale", une attention particulière a été accordée, comme dans toute l'activité de Aldrovandi, aux spécimens «déviants». "

 

1) Les identifications.

Parmi les 118 gravures sur bois des 11 planches de ce chapitre, et 102 espèces,  11 espèces ont pu être identifiées avec précision par James Petiver (1695-1703) et par Linné (1746 et 1758). Je suggère 6 autres identifications, et ce nombre pourrait sans-doute être augmenté par une évaluation proprement entomologique actuelle. En 1602 dans la première description d'une faune régionale de lépidoptères, 17 papillons sont donc reconnaissables, dont  11 rhopalocères. En voici la liste :

Rhopalocères : Papilio machaon ; Iphiclides podalirius ; Nymphalis antiopa ; Pararge aegeria ; Vanessa atalanta ; Lasiommata megera ; Aglais urticae ; Polygonia c-album ; Aporia crataegi ; Nymphalis polychloros ; Argynnis aglaia.

Hétérocères : Saturnia pyri ; Euplagia quadripunctaria ; Phalaena Bombyx mori ; Arctia caja ; Hyphoraia aulica ; Zygaena sp.

Bien-entendu, ces noms sont seulement suggérés à titre indicatif.

2) L'onomastique.

Là encore, l'émotion est grande, puisque jusqu'alors, aucun nom d'espèce n'avait jamais été créé pour désigner un papillon. Ces insectes étaient nommés par Aristote par les termes grecs psyché ("âme, souffle") ou hepalios (pour les espèces qui s'agitent fébrilement devant une flamme), et les noms vernaculaires dérivaient sauf exception du nom latin papiliones. Les papillons de nuit relevaient du nom grec  φ α ́ λ α ι ν α phalaena.

Ce qui n'est pas nommé n'existe pas, et il est ne nous est pas possible de concevoir le monde d'avant les noms. Pas possible d'imaginer qu'un beau papillon noir et rouge vienne se poser, sans pouvoir penser in petto "Tiens, un Vulcain!". Le silence des espaces innominés m'effraient. La Terre et ses habitants au stade de l'infans m'est à peu près aussi inaccessible que la période de ma vie pendant laquelle je n'avais pas acquis la parole. Mais, en 1602, le monde des naturalistes va encore balbutier sans prononcer de vrais Noms Propres pendant encore un siècle et demi. Comme les satellites captant les émissions sonores d'un proto-univers, la lecture d'Aldrovandi nous permet d'assister à la naissance d'un langage archaïque, prémisse de notre Nomenclature Zoologique. 

La récolte est d'une pauvreté attendrissante : treize noms grecs ou latins, dont certains se répètent. Cinq désignent les couleurs des ailes, deux désignent le motif des ailes (à croix ou à ocelles), un signale l'existence d'une trompe, et l'un mentionne une plante nourricière, et un seul, Satyroide, crée une métaphore reliant l'aspect général d'une espèce avec un personnage mythologique. Ce sont , dans leur ordre d'apparition sur scène, :

  • papilio viridis "papillon vert".
  • leucomelanos "le blanc et noir"
  • polyophtalmos "aux nombreux yeux"
  • Papiliones habentes promuscides  "papillon ayant une trompe"
  • satyroide "comme Satyre"
  • leucokloros "blanc et vert"
  • cruciger "en forme de croix"
  • polyophtalmos  alter "autre aux nombreux yeux"
  • ploychloros "de plusieurs couleurs"
  • polychloros minimus "de plusieurs couleurs, mais en plus petit"
  • lucernarius "le porteur de lumière"
  • argenteus "argenté"
  • triticiarius "du froment".

  Parmi ces treize noms, l'Entomologie en conserve encore aujourd'hui directement un seul, créé par Linné : l'épithète spécifique polychloros qui sert à désigner la "Grande Tortue" Nymphalis polychloros.L'héritage est direct puisque Linné donne ce nom à cette espèce parce qu'il en a reconnu la description par Aldrovandi, qui est, en réalité, le véritable auteur du nom de cette espèce.

 

  Un autre nom a été modifié avant d'être repris comme un nom de genre actuel. Polyophtalmos a d'abord été repris par Denis et Schiffermüller en 1775 qui en nomment leur Famille N : Papiliones Polyophtalmi Aldrov. Vieläugichte Falter (Les Argus de Geoffroy) (Wiener Verzeichniss page 281). Mais ce nom sera modifié par Latreille en Polyommatus (même sens) pour désigner en 1804  un vaste genre, actuellement de taille réduite, le Genre Polyommatus de la famille des Lycaenidae. En 1827, Swainson créera la sous-famille des Polyommatinae.

Le nom Satyroide est, bien-sûr, à l'origine du nom Satyrus donné par Linné en 1746 à ce qui allait devenir son Papilio maera (1758) puis le Satyre de Geoffroy (1762). Latreille allait en faire un nom de genre en 1810, qui a donné le Genre Satyrus actuel, parmi les Nymphalidae. Il est peut-être à l'origine de tous les noms apparentés comme le Faunus de Linné, ou parmi nos noms vernaculaires, le Faune de Geoffroy, le Silène, la Bacchante, etc.

Le nom leucomelanos a été utilisé par James Petiver pour désigner en latin son Half-Mourner,Melanargia galathea. Notons que le nom Melanargia créé par Meigen en 1828 est l'inversion du nom leucomelanos dans lequel -argia remplace leuco- pour désigner la couleur blanche.

 

3) les illustrations.  

 Les illustrations jouent un rôle fondamental dans la démarche scientifique d'Aldrovandi car c'est par elles qu'il va réaliser un Théâtre de la Nature incluant non seulement une exposition des objets d'Histoire naturelle, mais aussi une mise en scène, c'est à dire une classification.(Aldrovandi avait réuni au total un ensemble de 10 000 peintures et gravures). La copie par peinture des insectes permet leur reproduction objective attentive au respect de la fidélité au modèle naturel, mais la disposition de ces dessins mis en couleur selon des planches permet une réflexion taxonomique, ici basée sur les critères morphologiques (présence d'ailes, de pattes) puis, au sein du groupe défini comme Papiliones, selon leurs tailles décroissantes. 

  La publication de ces planches permet aussi un partage des collections, au sein de l'Europe des savants, participant à la mise en place d'un Musée virtuel, lorsque d'autres auteurs auront enrichi les rayonnages des bibliothèques de leur propres planches. C'est bien la réunion des éléments de ce Musée virtuel européen qui permettra à Linné d'écrire son Systema Naturae. La réunion des illustrations au sein d'une bibliothèque va réaliser ce dont tout collectionneur peut rêver, posséder touts les spécimens existants de son champ d'investigation.

Ces illustrations sont accouplées avec le texte, qui suit scrupuleusement la Planche, et le numéro d'ordre des espèces dessinées. 

Ces gravures sur bois, malgré tout assez grossières comme l'impose la technique elle-même, ne sont pas les premières illustrations des espèces de papillons, ni les plus belles ou les plus réalistes, et ce n'est pas la qualité iconographique qui est précieuse, mais la démarche de collecte, de regroupement, de description et, si balbutiante soit-elle, de dénomination.

Ainsi, Vanessa atalanta et Aglais urtica peuvent déjà être identifiés sur le Jugement Dernier de Hans Memling (vers 1467), ou dans le Jardin des Délices de Jérôme Bosch (1503). Une Piéride du Chou et une Grande Tortue sont parfaitement peints sur les marges du Livre d'Heures d'Hastings(1470).  Pisanello  a peint entre 1435 et 1449 autour du "Portrait d’une princesse de la Maison d'Este"  des représentations identifiables d'un Flambé (à gauche) (Iphiclides podalirius) à gauche, d'un Vulcain (Vanessa atalanta) en vol et de profil à droite et d'un Souci (Colias crocea). À la gauche de "La Vierge au papillon" (musée du Vatican), Francisco di Gentile (xve siècle) peint également un Flambé. 

130px-Hastings_book_of_the_hours.jpg 130px-Pisanello_016.jpg

 Joris Hoenagel (Anvers, 1542-Vienne, 1600) donne de nombreux exemples de papillons peints avec la plus grande précision, comme ce Melanargia galathea :

220px-Hungarian_-_Mira_calligraphiae_mon

Ou bien celle de Vanessa cardui " Belle Dame" :

                            250px-Joris_Hoefnagel_-_Flower_still_lif

http://www.bio-creation.com/blog/papillons/migration_de_millions_de_papillons_belles_dames : 

belle-dame.jpg

 

13 septembre 1590 :

1280px-Studies_of_Flowers_and_Butterflies,_watercolor_painting_on_parchment_by_Joris_Hoefnagel,_Flanders,_1590,_HAA

https://secretgardening.wordpress.com/tag/joris-hoefnagel/ : 

butterflies-columbine-hoef.jpg?w=470&h=3

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0565JorisHoefnagel.jpg

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0566JorisHoefnagel.jpg

A 19 ans, son fils Jacob Hoefangel (1575-1630) s'est chargé de la gravure des peintures de son père et de leur publication dans  Archetypa studiaque Patris Georgii Hoefnagelii publié en 1592 à Francfort.

Dans Gloria crocodilus, une planche illustre la volonté d'une reproduction exacte de ce que l'œil voit, tel un objectif photographique.

320px-Jacob_Hoefnagel_-_Gloria_Crocodilu

Cette collection de 48 planches  comprend de façon non limitative, et parfois en plusieurs exemples les lépidoptères suivants (entre parenthèse si douteux) :

Rhopalocères :

  • Gonepteryx rhamni
  • Vanessa atalanta
  • Nymphalis polychloros
  • (Plebejus argus)
  • Papilio machaon
  • (Thecla betulae)
  • Aglais io
  • Polygonia c-album
  • Nymphalis antiopa
  • (Antocharis cardamines)
  • (Melitaea cinxia)
  • Lasiommata maera/megera
  • Iphiclides podalirius
  • Quercusia quercus
  • (Erynnis tages)
  • (Aphantopus hyperanthus)

Hétérocères :

  • Macroglossum stellatarum
  • Agrius convolvuli
  • (Zygaena filipendulae)
  • Acheronta atropos (larva)
  • Smerinthus ocellatus
  • Hyles Gallii (larva + nympha + imago)
  • Phalaena 
  • Saturnia pavonia.
  • Arctia caja
  • Noctua pronuba
  • Euclidia glyphica

N.B : j'ai tenu compte des identifications indiquées (fin du XVIIIe ?) sur l'exemplaire conservé à Strasbourg.

En 1630, et donc cette fois-ci après la publication du De animalibus insectis d'Aldrovandi, Jacob Hoefnagel a publié son Diversae Insectarum Volatium icones, l'une des toutes premières œuvres uniquement consacrée aux insectes, et qui comporte 302 insectes dont 72 Lépidoptères, qui viennent du centre et du nord de l'Allemagne.  

Dans le cas des peintures et gravures des Hoefnagel, une influence de leur œuvre sur les gravures publiées par Aldrovandi doit être discutée, d'autant que Cornelius Schwindt, peintre d'Aldrovandi, venait de Franfcfort, lieu d'édition des Archetypa

Mais pour le sujet qui m'occupe, l'histoire des noms, les superbes gravures et les somptueuses peintures des Hoefnagel n'étaient accompagnées d'aucun nom propre ; et, pour l'évaluation de l'aspect novateur du travail d'Aldrovandi, ces dessins n'étaient accompagnées d'aucune description entomologique, et d'aucun souci de systématisation.

 

 

      4) Les peintures originales.

Les plaques d'aquarelle de Ulisse Aldrovandi :  Les 18 volumes de tableaux de plantes, fleurs, fruits, animaux, commandées par Ulisse Aldrovandi dans la seconde moitié du XVIe siècle, sont peut-être la plus vaste galerie d'art de la fin de la Renaissance du monde naturel jamais créé. Composé de plus de 2900 peintures, cette collection était à même de fournir une vue précise du Théâtre de la nature que le naturaliste de Bologne avait soigneusement observé pendant plus de cinq décennies. Planche volume 007

Rhopalocères :

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 13:42

A la chasse aux papillons dans l'Europe médiévale. Une traduction d'un article de Vazrick Nazari (2014).

Une traduction de :

CHASING BUTTERFLIES IN MEDIEVAL EUROPE

VAZRICK NAZARI 3058-C KW Neatby Building, 960 Carling Avenue, Ottawa, ON K1A 0C6 Canada; email: nvazrick@yahoo.com

in Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, 223–231

En ligne sur : https://www.academia.edu/19623264/Chasing_Butterflies_in_Medieval_Europe

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.

Grâce à la numérisation à grande échelle de précieux manuscrits médiévaux enluminés  par les bibliothèques, les musées et autres institutions à travers le monde, une ressource en ligne nouvelle et inattendue  devient rapidement disponible à un public moins habituel : les entomologistes. Bien que la plupart d'entre eux soient de nature religieuse, les manuscrits enluminés produits pendant le Moyen Age (5e-15e siècle) sont richement illustrés avec des scènes de la vie quotidienne des gens ordinaires, des clercs, et de la royauté. Les marges de ces manuscrits sont souvent ornés par des illustrations décoratives élaborées,  connues aussi sous le nom de  comme "marginalia", incorporant une variété d'éléments naturels tels que les fleurs, les oiseaux et d'autres animaux, y compris les insectes. Des études antérieures sur les illustrations d'oiseaux (Yapp 1982), de libellules (Kern, 2005) et d' escargots (Hope 2013) dans les manuscrits médiévaux ont montré qu'outre d'utiles informations taxonomiques historiques, des enseignements peuvent être tirés de ces sources sur l'iconographie et le symbolisme des éléments vivants à l'époque médiévale. Dans cet article je discuterai  de quelques  moyens qui permettent de comprendre  les lépidoptères dans l'iconographie médiévale, et en particulier dans le contexte de la religion et de la guerre. La période prise en compte  pour les manuscrits sélectionnés dans cet article s'étend de 1280 à 1540, et la sélection contient des images provenant de la Belgique, l'Angleterre, la France, l' Italie, les Pays-Bas et l'Espagne actuels. Les manuscrits comprennent des livres d'heures, des bréviaires, pontificaux, ordinaux, décrétales, psautiers, oratoires, graduels, et autres ouvrages de dévotion. Les images de cet article sont tous soit dans le domaine public ou sont reproduits ici avec sa permission.

 

 

 

MATÉRIELS ET MÉTHODES.

En utilisant diverses bases de données en ligne et les sites Web des institutions européennes et nord-américaines, j'ai mené des recherches sur les manuscrits médiévaux numérisés et  mise à la disposition des internautes par la courtoisie des universités, des collèges religieux, les bibliothèques municipales ou nationales, ou d'autres institutions. La qualité des images et les droits de propriété variaient mais toutes les institutions se montrèrent prêtes à fournir l'autorisation d'utiliser et d'obtenir des images de qualité supérieure à des fins de recherche sur demande. Beaucoup de ces institutions ont construit une base de données en ligne complète avec des descriptions d'éléments sur chaque folio (page) des manuscrits dans leur dépôt, ce qui facilite la recherche de mots-clés (par exemple «papillon») et permet de se concentrer uniquement sur les pages où ces images apparaissent. D'autres, cependant, ne disposent pas d'un tel système de catalogage et il faut alors  consulter  le manuscrit  page par page pour découvrir l'imagerie pertinente. Parmi les centaines de manuscrits interrogés, j'en ai trouvé environ 270 qui contenaient une ou des  images de  lépidoptères. Il ne fait aucun doute qu'une recherche plus rigoureuse donnerait plus de matériau. Dans beaucoup de ces manuscrits, les lépidoptères représentés sont très stylisés et il est souvent difficile même de dire si un papillon d'une image est celle d'un papillon diurne ou d'un papillon de nuit.  Parmi ceux que j'ai sélectionné, environ 30 manuscrits incluaient des  scènes où les lépidoptères étaient présentés dans une sorte d'interaction soit avec les humains, soit avec les singes, les putti (les êtres ailés nus et enfantins), des centaures, ou avec d'autres créatures fantastiques. Les lépidoptères dans ces scènes étaient soit poursuivis, soit visés , ou capturés dans un sens ou un autre. La diversité des méthodes décrites par des illustrateurs médiévaux pour capturer les papillons était vraiment surprenante, d'autant plus que la principale motivation de ces activités est restée largement inexpliquée. Je fournirai ici des  exemples d' images de ces méthodes  médiévales de collecte. 

 

RÉSULTATS

 


Bien que les papillons individuels soient communs dans les décorations marginales, ils apparaissent rarement comme éléments de fond dans d'autres scènes. Je n'ai trouvé qu'un  seul exemple dans un livre d' heures  belge (1) du début du 16e siècle, avec les paysans qui travaillent dans un domaine où plusieurs papillons voltigent (Fig. 1). Dans un livre d'heures français (2) (1430), un papillon semble avoir surpris un homme barbu portant une casquette (Fig. 2). Dans un autre livre d'heures anglais  (3) des années 1450, un homme barbu encapuchonné pointe du doigt un grand  Aglais urticae  mal dessiné (Fig. 3). Dans le "Bréviaire à l'usage de Besançon" (4) (avant 1498), un  putti est secoue un arbre où est perché un Aglais urticae  bien représenté (Fig. 4). Dans un Bréviaire de Bourgogne de la fin du 13e bréviaire siècle (5), deux femmes sont représentées à une sortie, dont l'une tient ce qui semble être un filet étonnamment moderne (photo de couverture). Bien que cela puisse être interprété comme un filet de pêche, son véritable objectif reste incertain puisque le texte d'accompagnement  est sans rapport avec cette scène  et qu'il n'y a pas de papillon ou de poisson illustré dans la page.

 

 

 



 

 

.

 Une bonne proportion des images que j'ai réunies dépeignent des  personnes  cherchant, chassant ou ayant capturé  de papillons à mains nues. Le plus ancien d'entre eux se trouve dans le Bréviaire de Belleville (6) (1323-1326, Pays-Bas), où un singe tient dans sa main un  Aglais urticae bien dessinée (Fig. 5). (7) Dans le Pontifical de Guillaume Durand (France, 1390), un garçon nu tente d'attraper un papillon blanc (Fig. 6). Des scènes semblables avec les humains, putti ou d'autres figures célestes apparaissent dans les notes marginales de plusieurs livres d'heures ou ordinales produits en France (8,9) dans les années 1430, 1460, en Italie (10) (1475), et en Espagne  (11) (1482, avec un  Saturnia pyri) ( fig. 7-10). Sur le frontispice d'une reproduction de "La Divine Comédie" de Dante produit en Italie (12) dans les années 1430,  un homme nu est représenté tentant d'atteindre un papillon diurne ou nocturne noir sur un arbre (Fig. 11). Niché dans une large bande marginale, le Golf Book (13) (Pays-Bas, 1540) et le Bréviaire d'Aliénor du Portugal (14) (Belgique, 1510, non représentés), montrent tous les deux  des scènes où des figures humaines mal discernables chassent des papillons à mains nues et aussi avec des chapeaux ou des "clubs de golf" (fig. 12). Dans un Livre d'heures français (18) de 1495 à 1503, un homme nu est représenté essayant d'attraper un papillon avec un objet dans sa main qui pourrait être soit un grand chapeau gris ou un rocher (Fig. 13). J'ai également trouvé deux exemples, dans des manuscrits provenant de France, d'hommes représentés en train de viser des lépidoptères avec des clubs de golf . L'un d'eux est un Bréviaire datant d'après 1481,( 16) (Fig. 14), et l'autre est le fameux "Roman d'Alexandre" (15) (1338-1344) (fig. 15). Dans un manuscrit italien (17) du milieu du 15ème siècle, un putto chevauchant un paon vise de sa lance un papillon très stylisée (Fig. 16).

 


 

 

 Dans les Décrétales  de Grégoire IX (19) (13ème siècle), un homme attaque un papillon avec une grande épée dans sa main droite et un petit bouclier dans la main gauche (fig. 17). 

 

.

 

 

Une image similaire apparaît également dans le "Roman d'Alexandre" 15 (Fig. 18). Mais d' autres armes sont plus communément représentées  contre des papillons dans la période médiévale, ce sont les arcs et des flèches. Des humains (20), des Centaures (7, et 21), des  putti (22), et des singes (7, et 23)  ont été peints avec des arcs et des flèches en train de viser des papillons et des singes, en utilisant différents types de pointes de flèches (fig. 19-24). Dans le  Psautier de la Vierge Marie, (32) (1310-1320), les garçons sont vus jouant avec des papillons attachés à des fils (Fig. 25). Plusieurs manuscrits comprennent des scènes avec des personnes, des putti ou des singes tentant d'attraper des papillons avec des filets allongés (alias Gugels). La plus ancienne de ces images vient d'un livre d'Heures de Belgique  du 14e siècle (24) (Fig. 26). Dans le Roman d'Alexandre (15), les marges de deux pages distinctes sont consacrées à la représentation de scènes élaborées où plusieurs hommes  (Fig. 27) et femmes (Fig. 28) chassent les papillons avec des filets ou à mains nues, et quelques-uns qui tiennent leur filet renversé vers le sol, en ont capturé à l'évidence un.  Dans "La Roman de la Rose" (25) (France, 1390), deux jeunes filles sont représentés dans un jardin, une assise tenant quelque chose dans ses mains, tandis que l'autre est debout, la main  gauche tendue vers le haut, la main droite tenant un filet  derrière elle, cherchant à frapper un papillon qui vole au-dessus de la tête (Fig. 29). Des scènes semblables apparaissent également dans un  Bréviaire français (26) (1350-1374) ainsi que dans le Livre d'Heures  de Charlotte de Savoie (27) (1420 à 1425) (fig. 30, 31). Les filets sont également décrits comme des outils de collecte utilisés par  des singes (15) ou par des putti (28)  (fig. 32, 33). J'ai également constaté deux cas d'hommes nus représentés en train d'essayer d'attraper un papillon avec un article différent, un grand  vêtement blanc, peut-être une cape ou un manteau (29, et 30) (fig. 34, 35). Dans Omne Bonum (31) (1360-1375), les enfants sont représentés jouant avec des jouets et chassant les papillons, avec une pièce de  vêtement  non identifié (Fig. 36).

 

DISCUSSION.

 

 

 

Les lépidoptères sont des éléments très communs dans le symbolisme des sociétés du monde entier. Pour ce qui concerne le cadre limité de l'art occidental, Gagliardi (1976) a décrit 74 contextes  symboliques différents dans lesquelles les papillons peuvent apparaître. Parmi ceux-ci, les plus importants se rapportent à la métamorphose de lépidoptères, un phénomène fascinant qui a captivé l'imagination humaine depuis l'aube des temps. Dans l'antiquité romaine et grecque, le papillon diurne (psyché) était un symbole de l'âme, et de l'immortalité transcendante de la vie  après la mort  ([Blatchford] 1889). Dans l'ancienne histoire de Psyché et de Cupidon (ou Eros  en grec), mieux racontée par l'écrivain romain Apulée (2e siècle de notre ère), Psyché est une femme dont la beauté terrestre menace Vénus, la déesse de l'amour. Venus envoie Cupidon se venger, mais Cupidon tombe amoureux d' elle. Venus bannit  Psyché dans les Enfers mais elle revient victorieusement à la vie, et elle acquiert l'immortalité de la part de  Jupiter pour qu'elle puisse épouser Cupidon en toute égalité de statut. Par conséquent, elle symbolise non seulement l'image de l'âme immortelle, mais l'angoisse puis le triomphe de l'âme. Les Grecs et les Romains ont vu les papillons diurnes comme la personnification du cycle de la mort et de la résurrection  de Psyché. Dans les monuments gréco-romains présentant Cupidon et Psyché s'embrassant, ou occupés à diverses activités amoureuses ou de divertissement, Cupidon est toujours représenté avec des ailes semblables à celles des oiseaux, tandis que Psyché a  des ailes  fragiles, souvent très stylisées comme celles des papillons. Dans les sceaux romains du 1er siècle, Cupidon est parfois représenté brûlant un papillon avec une torche enflammée, un symbole de l'angoisse de l'âme dans l'amour (Platt 2007).

Dans l'art grec datant d'aussi loin que le 3e siècle avant notre ère, Eros est souvent représenté comme un enfant plutôt qu'un adolescent (Stuveras 1969). Beaucoup de scènes des les manuscrits que j'ai étudié  comportent des putti, les petits enfants ailés, tirant ou  capturant autrement les papillons. Ces putti peuvent être légitimement interprété comme une représentation de Cupidon chassant celle qu'il aime, Psyché. L'abondance de ces scènes d'une histoire essentiellement païenne dans les manuscrits religieux chrétiens de l'Europe médiévale  est plutôt intéressant et démontre la continuité  de la représentation symbolique de papillons durant le Moyen-Âge et au-delà.

Les papillons nocturnes  sont mentionnés à plusieurs reprises dans la Bible, à chaque fois  dans un contexte négatif  comme des parasites de marchandises  ou des vêtements stockées (par exemple, Job 13:28; Psaume 39:11; Esaïe 51: 8; Osée 5:12; Matthieu 6:19; Jean 5 2). Bien que certaines des images présentées ici peut être interprété comme la représentation de gens mécontents chassant les mites des vêtements, l'attitude négative envers les lépidoptères semble avoir progressivement changé au fil du temps, en particulier lors de l'introduction de la soie en Europe au début du 12e siècle. En fait, semblable à l'abeille, le «ver à soie" (Bombyx mori) a été reconnu comme un insecte utile et illustré en détail dans les manuscrits ayant trait à la production de soie (Morge, 1973).

 

L'entomologie en tant que science, toutefois, était rudimentaire dans l'Europe médiévale, et les travaux biologiques du philosophe grec Aristote, écrites dans le 3e siècle avant JC, était la seule source de connaissance zoologique durant tout le Moyen-Âge. Aristote a soutenu que les vers trouvaient leur origine dans les bois ou de la viande en décomposition, les chenilles dans les choux, et les mites dans les vêtements. Des observations biologiques précoces au cours du 13e siècle, – tels que les travaux de Thomas Cantiprantanus (Liber de Natura Rerum, 1233-1248), Albertus Magnus (De animalium, 1255-1270) ou Bartholomeus Anglicus (De proprietatibus rerum, milieu du 13e siècle) – ne sont pas dégagés de l'ancien dogme aristotélicien. Ils contenaient des affirmations dramatiquement incorrectes sur les insectes, et  certains traitaient les papillons des "vers volants" ou de "petits oiseaux" (Morge 1973). La théorie désormais obsolète d'Aristote de la génération spontanée (des êtres vivants émergeant de la matière inanimée) était en fait encore  enseignée  en Europe au milieu du XVIIe siècle (Kern 2005).

 L'activité de recherche  et l'intérêt scientifique limités envers les papillons pendant le Moyen Age ne peuvent pas expliquer adéquatement l'abondance de ces scènes dans les manuscrits médiévaux. Les lépidoptères font de  rares apparitions dans les œuvres chrétiennes antérieures au 14siècle, comme des tapisseries ou peintures, mais sont généralement absents des manuscrits. L'un des plus anciens manuscrits enluminés, le "Livre de Kells" écossais des années 800 de notre ère  (Trinity College, Dublin, MS 58, non représenté), comprend deux petits papillons cachés dans la calligraphie gothique de la page Chi-Rho (Spangenberg 2010).

[J'ajoute cette illustration puisée sur le net]

https://www.oneonta.edu/faculty/farberas/arth/Images/109images/Insular/kells/chi_rho_moth.jpg

 

 

A partir de la fin du 13e siècle, les papillons commencent à apparaître plus fréquemment dans les marges de manuscrits européens. Certaines des scènes impliquant des papillons dans cette période peut être expliqué par le symbolisme religieux bien connu au Moyen-Âge (Panofsky 1955). Dans l'iconographie médiévale, les singes représentaient les péchés  (Walker Vadillo 2013), les escargots peuvent avoir représenté l'humilité (Hope 2013) ou la virginité (Ettlinger 1978), les mouches étaient des symboles de la mort, du mal ou de la brièveté de la vie sur la terre, et  les coccinelles les sept douleurs de la Vierge (Yanoviak 2013); les scarabées représentaient les pécheurs, les abeilles ont été associés à la virginité (Berenbaum, 1995) ou à l'organisation et à la hiérarchie (Payne 1990) ; les  poux ou les puces à la peste et aux maladies,  et les criquets à la famine (Morge, 1973). 

Les papillons ont maintenu leur statut de  représentation iconique de l'âme. Il a été avancé que la combinaison des mouches (symbole de la mort), des libellules (symbole de vol et d'ascension) et des papillons (symbole de la résurrection) dans les marges médiévales est une représentation du Christ (Hassig 1995). La majorité de ces livres précieux ont été commandées par la noblesse, ont pris plusieurs années pour être achevé, et ont souvent impliqué plusieurs artistes. Ils ont été des biens fort  prisés  non seulement en raison de leur contenu religieux, mais aussi an tant que magnifiques œuvres d'art. Il est donc intéressant de noter certaines des préoccupations majeures de la noblesse à l'époque médiévale: la chasse et la guerre. Dans  le "Bird Psalter" anglais (1280-1290), on voit un archer visant une bécasse, mais aussi un  papillon blanc du genre des Pieris (Fig. 20). Les scènes de chasse aux oiseaux et autres animaux abondent dans les marges des manuscrits médiévaux, car c'était une activité courante chez les nobles et la royauté. Cependant, les armes sont plus souvent présentées dans le contexte de la guerre plutôt que la chasse, ce qui reflète le contexte violent de l'époquePeu de régions d'Europe ou d'Asie restèrent à l'abri des invasions, des rébellions ou des guerres civiles au cours du 13e et 14e siècle, ce qui entraîne un changement progressif de la manière dont les  armées ont été organisées et  dont les batailles furent menées. Par exemple, en 1337, juste avant le déclenchement de la guerre avec la France, Edouard III d'Angleterre interdit tous les sports sauf le tir à l'arc sous peine de mort (Mortimer, 2012). Sur chaque place du village, les jeunes hommes sont devenus experts dans l'utilisation des "arcs longs" (longbows) , et les normes de tir à l'arc se sont accrues. Il est donc pas exagéré de penser que pour ces guerriers médiévaux (ainsi que les chasseurs) qui aspirent à améliorer leurs compétences en tir à l'arc ou l'escrime, la visée de petits objets en mouvement de façon erratique dans l'air constitue l'objectif ultime, et que  cela peut avoir été une part routinière de la formation de combat au Moyen-Âge. Cette pratique était probablement banale et a persisté, même à l'époque moderne: Laubin & Laubin (1980) mentionnent que les jeunes Indiens d'Amérique modernes s'entraînent à  la visée en tirant des flèches sur les papillons. Que ce soit un symbole religieux ou une représentation de la beauté éphémère de la nature, les papillons diurnes et nocturnes semblent avoir été un objet important de  curiosité et de  contemplation pour les esprits médiévaux. Beaucoup de ces papillons ont été dessinés à partir de modèles réels, qui étaient peut-être capturés par l'illustrateur ou ses collaborateurs d'une façon ou une autre; et on peut supposer que cette activité elle-même a pu trouvé en quelque sorte  sa place dans les marges de certains de ces livres enluminés. L'utilisation prolifique des insectes dans les marges du manuscrit médiéval peut également avoir joué un rôle dans le développement de l'intérêt pour des observations empiriques et changer les attitudes envers la nature, et  former la base sur laquelle les premiers naturalistes scientifiques – comme Thomas Muffet et Maria Sybilla Merian – ont débuté  leur travail dans les siècles suivants.

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ILLUSTRATIONS.

cf.

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.224

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.224

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.225

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.225

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 226

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 226

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 227.

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 227.

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MANUSCRITS EXAMINÉS.

1 Livre d'Heures. 1525-1530, Belgique (Bruges). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.1175. Reproduit ici avec permission écrite.

Livre d'Heures. 1430, France (Rennes). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0173. Reproduit ici avec permission écrite.

Livre d'Heures 1440-1450, England (London?). © Pierpont Morgan Library, New York; MS G.09. Reproduit ici avec permission écrite

4 Bréviaire à l'usage de Besançon. avant 1498, Ouest de la France (Normandie). Cliché IRHT-CNRS © Bibliothèque municipale de Besançon; ms. 69. Reproduit ici avec permission écrite

5 Breviaire (Part I, pour l'usage de Saint-Bénigne, Dijon; diocèse de Langres). Fin 13ème siècle , France (Bourgogne). - The Walters Art Museum, Baltimore; MS W.109. Creative Commons License;Reproduit ici avec permission écrite

6 Bréviaire de Belleville. 1323-1326, Nederland (Gand); Attribué à Jean Pucelle. Enlumineur. Bibliothèque Nationale, Paris; Ms. lat. 10484 (2 volumes). Dans le domaine public. .

7 Pontifical de Guillaume Durand. 1390, France. © Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris; MS. 143. Creative Commons License; Reproduit ici avec permission écrite.

8 Heures à l'usage de Bayeux. 1430-1440, Ouest de la France (Normandie). © Médiathèque du Bassin d’Aurillac, ms. 2. Reproduit ici avec permission écrite.

9 Heures à l'usage de Rouen. 1460-1470, France (Rouen). © Aixen-Provence, Bibliothèque municipale, MS 0022. Reproduit ici avec permission écrite.

10 Bréviaire de Piccolomini . 1475, Italie (Lombardie). ©Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0799. Reproduit ici avec permission écrite.

11  Ordinal de l'Eglise catholique. 1482, Espagne. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 236. Reproduit ici avec permission écrite.

12 La Divine Comédie de Dante. 1430-1435, Italy. © Bibliothèque Nationale, Paris; Ms. Italien 74. Reproduit ici avec permission écrite.

13 Livre d'heures à l'usage de  Rome (the 'Golf Book'). 1540, Netherlands. The British Library Board, Additional MS 24098.  Dans le domaine public.

 

14 Breviaire d'Eléonore du Portugal. 1500-1510, Belgique (Bruges). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0052. Reproduit ici avec permission écrite.

15 Roman d'Alexandre. 1338-1344, France (Flamand). Attribué à divers auteurs y compris Lambert le Tort, Alexandre de Bernai (de Paris), Jehan de Grise et autres . Bodleian Library Oxford, England; MS Bodl. 264, pt. I. Dans le domaine public.

 

16 Bréviaire à l'usage de Langres. After 1481, Est de la France (Bourgogne ?). © Chaumont, Bibliothèque municipales; MS 0033. Reproduit ici avec permission écrite.

17 Livre d'Heures à l'usage des Dominicains. 1458-1465, Italie. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 463. Reproduit ici avec permission écrite.

18 Livre d'Heures. 1495-1503, France (Rouen). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0261. Reproduit ici avec permission écrite.

19 Decretals de Gregorire IX avec glossa ordinaria (the 'Smithfield Decretals'). Dernier quart du 13ème siècle ou 1er quart du 14ème siècle, Sud de la France (Toulouse?). The British Library; Royal MS. 10 E IV. Dans le domaine public..

20 The Bird Psalter. 1280-90, Angleterre. © Fitzwilliam Museum, University of Cambridge, Cambridge England; MS 2-1954. Reproduit ici avec permission écrite.

21 Ormes by Psalter. Milieu 14ème siècle , England (East-Anglia ?). © Bodelian Library, Oxford, England; MS Douce 366. Reproduit ici avec permission écrite.

22 Partitiones oratoriae; Topica, etc. 1425-1430, Italie (Florence). The Beinecke Library, Yale University, New Haven, Connecticut; Marston MS 278.  Dans le domaine public.

 
23 Estoire del Saint Graal, La Queste del Saint Graal, Morte Artu. 1315-1325, France. The British Library Board; Royal MS 14 E III. Dans le domaine public.

24 Horae etc. 13ème siècle , Belgique (Flandres). Trinity Colledge Cambridge, England; MS B.11.22. In public domain; Reproduit ici avec permission écrite.

25 Le roman de la rose. 1390, France. Attribué à  Guillaume de Lorris et Jean de Meung. © Bodleian Library, Oxford, England; MS. e Mus. 65. Reproduit ici avec permission écrite.

26 Breviaire. 1350-1374, France (Paris). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0075. Reproduit ici avec permission écrite.

27 Livre d'Heures de Charlotte de Savoie. 1420-1425, France (Paris). Pierpont Morgan Library, New York; MS M.1004. Reproduit ici avec permission écrite.

28 Livre d'Heures. 1418, France (Paris). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0919. Reproduit ici avec permission écrite.

29 Psautier-Heures de Yolande de Soissons. dernier quart du 13e siècle, France (Amiens). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0729.Reproduit ici avec permission écrite..

30 Gradual. 1350-1400, Italie. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 079. Reproduit ici avec permission écrite