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10 mai 2015 7 10 /05 /mai /2015 20:53

Autoportrait de Hans Mielich et portrait de Roland de Lassus : le Mus. Ms. A. I et II.

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Source des images :

Par copie d'écran de :

Roland de Lassus / Orlando di Lasso , Les sept psaumes pénitentiels de David avec le motet Laudes Domini : Livre de chœur volume I Mus.ms. A I(1), Bibliothèque Nationale de Bavière Bayerrische Staat Bibliothek BBS , Munich, 1565

https://opacplus.bsb-muenchen.de/metaopac/search?View=default&db=100&id=BV035322074

— Microformes (noir et blanc, tout le manuscrit) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035007/images/

— Couleur (une sélection d' enluminures) dernière page (p. 222) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html

— Volume de commentaire (Erläuterungen) de Samuel Quickelberg (1569) : Mus. Ms AI(2) Cim 207

Vol. I : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=18&seite=294

Vol. II : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035013/images/index.html?id=00035013&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=1&seite=3

— Portrait du Livre de chœur II (Mus. Ms. AII) dernière page :

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00035009&pimage=188&v=150&nav=&l=de

http://imslp.org/wiki/Choirbook,_D-Mbs_Mus._MS_A_%28Lassus,_Orlande_de%29

http://petrucci.mus.auth.gr/imglnks/usimg/8/85/IMSLP368403-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_2.pdf

N.B. Les couleurs ont été parfois fortement ravivées et la netteté rehaussée, le but étant ici la lisibilité des documents et non la fidélité de reproduction.

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Dans un premier article, j'ai présenté l'autoportrait de Hans Mielich figurant à la fin du manuscrit Mus. Ms. B des Motets de Cipriano de Rore, accompagné d'une inscription et d'une devise Ne Sutor Ultram Crepidam. Ce manuscrit enluminé par le peintre munichois Mielich datait de 1559.

Autoportrait de Hans Mielich : Ne Sutor Ultra Crepidam.

Voir aussi : 

Mirabar solito dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich.

 

Présentation.

Le duc Albert V de Bavière dut être satisfait de ce précieux volume de partitions musicales, puisqu'il fit réaliser un recueil identique par le même copiste Jean Pollet et par le même miniaturiste, cette-fois pour les Psaumes pénitentiels de son Maître des chœurs de sa cour, Roland de Lassus. Il fallut ici le partager en deux volumes, intitulés aujourd'hui Mus. Ms A.I et Mus. Ms. A.II, contenant respectivement 222 et 189 folios sur vélin, de 60 cm sur 40 cm.. Le premier volume se conclue, page 222 donc, par les portraits du peintre et du compositeur, en deux médaillons placés autour d'une inscription dédicatoire. En outre, chaque volume est accompagné par les commentaires descriptifs du médecin et bibliothécaire Samuel Quickelberg, ce qui fait du Mus. Ms. A un ensemble de quatre volumes, chacun assemblé dans une reliure de maroquin rouge enrichie de coins, d'armoiries et de serrures d'orfèvrerie.

 

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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I. L'inscription à la postérité.

La partie principale de cette page est occupée par une longue inscription centrale, imitant une épigraphie romaine, et que l'on n'a pas très envie de lire, d'une part parce qu'elle est longue, d'autre part parce qu'elle est en latin. J'ai pris la peine pourtant de la recopier. 

D.O.M.S
AETERNEQVE MEMORIAE ILLVSTISS : PRIN/CIPIS ALBERTI BAVARIAE DVCIS. QVI DVM A GVBERNANDA  AMPLISSIMA REGIONE SVA , ET SACRO IMPERIO CONSILIIS INDEFESSE IVVANDO INTERDVM RESPIRARET QVO ERAT OMNIA LIBERALISSIMA STVDIA , TVm VERO MAXIME ERGA MVSICAM ET PICTVRAM ANIMO, BENIGNE ADMODVM APVD SE FOVEBAT AVDIEBATQVE , CELEBERRIMVS PER EVROPAM MVSICVM ORLANDVS DE LASSVS,  MVLTORUM IBI CANTIONVS ET HORUM QUOQUE PSALMORVM COMPOSITOREM. ET IOHANNIS MVELICHII MONACHIENSIS PICTORIS BIBLICARVM IMAGVM PRAESENTIVM VNICI COLLECTORIS ARCHITECTI ET INVENTOR  IS OPERIBVS CONTEMPLANDIS, MEMORANDISQUE SACRIS HISTORIIS , TV[-] HIS, TU[S] ALIIS OMNIBVS, ILLVSTRISSIMO EXEMPLO DIVINE PENITVS VACABAT .
TOMVS PRIMVS HOC LOCO ABSLOVITVR.

Soit :

Deo Optimo Maximo Sacrum, Aeternaeque memoriae illustrissimi principis Alberti Bavariae ducis, qui dum a gubernanda amplissima regione sua, et sacro imperio consiliis indefesse iuvando interdum respiraret, quo erat erga omnia liberalissima studia tum vero maxime erga musicam et picturam animo, benigne admodum apud se fovebat audiebatque, celeberrimum per Europam musicum Orlandum de Lassus, multorum ibi cantionum et horum quoque psalmorum compositorem. Et Iohannis Muelchichi Monachiensis pictoris biblicarum imaginum praesentium unici collectoris architecti et inventor operibus contemplandis, memorandisque sacris historiis, tum his, tum aliis omnibus, illustrissimo exemplo divine penitus vacabat. Tomus primus hoc loco absolvitur.

Fut-elle jamais traduite entièrement ? Un auteur aussi consciencieux  que Zimmermann, qui donne les mesure des médaillons au demi-centimètre près (10,5 cm x 8,5) fait l'impasse sur cette version latine, et Bradley, qui dépasse son collègue en matière de description pointilleuse, se contente de dire qu'il s'agit de vers (?) faisant la louange du duc et de son amour des arts. Henri Florent Delmotte y remarque ce passage : "Quoique le duc soit un grand protecteur de tous les arts et de toutes les sciences en général, cependant la peinture et la musique lui doivent un hommage particulier". Ma traduction est très hasardeuse :

"A la mémoire éternelle  du très illustre prince le duc Albert de Bavière, qui, tout en (pour se délasser de ) gouvernant sa vaste région, et en aidant par ses conseils inlassables  , a soutenu très généreusement tous les arts et les sciences mais tout particulierement la musique et la peinture , écoutant et favorisant  Orlando de Lassus, célèbrissime dans l'Europe de la Musique comme compositeur de nombreux  chants,  parmi lesquels ces psaumes . Et Hans Muelich de Munich, peintre et architecte et inventeur des images bibliques présentées à la contemplation dans ce livre  ...

Ce premier volume se termine ici."

Les commentaires de Quickelberg vont-ils nous aider ? Les voici :

Inscriptio est ad posteritatem, in qua quicquid hic est artis, atque imaginum, totum Deo optimo maximo aeternaque memoriae Alberti principis sacrum esse iubetur indicanturque simul sub hoc principe, qui praeter ipsum summum autorem ac liberalissimum libri patronum artifices reliqui accesserunt aliquii enim ipsi nusquam in tam ingenti volumine nominantur. Sed hic utriusque tam Orlandi de Lassus musici, quam Ioannis Müelichii pictoris effigies adiiciuntur, ut iam erit infra de iisdem statim dicendum.

L'inscription s'adresse à la postérité ...

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A défaut de comprendre les inscriptions, nous pouvons observer l'image, avec les deux statues en grisaille bleutée, deux femmes sans attribut d'identification mais que l'on peut considérer comme représentant la Musique et la Peinture. Le montant du cadre du coté du musicien présente des instruments de musique (trombone, cornemuse et violon ?).

 

D.O.M.S
AETERNEQVE MEMORIAE ILLVSTISS : PRIN/CIPIS ALBERTI BAVARIAE DVCIS. QVI DVM A GVBERNANDA  AMPLISSIMA REGIONE SVA , ET SACRO IMPERIO CONSILIIS INDEFESSE IVVANDO INTERDVM RESPIRARET QVO ERAT OMNIA LIBERALISSIMA STVDIA , Tvus VERO MAXIME ERGA MVSICAM ET PICTVRAM ANIMO, BENIGNE ADMODVM APVD SE FOVEBAT AVDIEBATQVE , CELEBERRIMVS PER EVROPAM MVSICVM ORLANDVS DE LASSVS,  MVLTORUM IBI CANTIONVS ET HORUM QUOQUE PSALMORVM COMPOSITOREM . ET IOHANNIS MVELICHII MONACHIENSIS PICTORIS BIBLICARVM IMAGVM PRAESENTIVM VNICI COLLECTORIS ARCHITECTI ET INVENTOR  IS OPERIBVS CONTEMPLANDIS, MEMORANDISQUE SACRIS HISTORIIS , TV[-] HIS, TU[S] ALIIS OMNIBVS, ILLVSTRISSIMO EXEMPLO DIVINE PENITVS VACABAT .
TOMVS PRIMVS HOC LOCO ABSLOVITVR 

A la mémoire éternelle  du très illustre prince le duc Albert de Bavière, qui, tout en gouvernant sa vaste région, et en aidant inlassablement par ses conseils inlassables  le Saint-Empire et  parfois toutes les  très libérales études  en particulier vers la musique et la peinture de votre esprit, très généreux avec son oncle écoutait, très souvent en Europe Musique Orlando de Lassus, de beaucoup de ces chants, et, là aussi, des psaumes de choses composites. Et Hans Muelich de Munich peintre des images du livre  un architecte collecteur unique et inventeur est l'opéra observation, mémoires et l'histoire sacrée, Tus ces Tus autres choses, l'exemple le plus illustre de la divine est complètement vide. Ce premier volume se termine ici.

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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II. Le portrait de Roland de Lassus.

 

a) Roland de Lassus et les Psaumes pénitentiels ( Psalmi poenitentiales).

Les sept  Bußpsaum  ou psaumes de la pénitence (lat. de poenitentiales Psalmi ) sont une série de psaumes qui ont  comme thème l'aveu de culpabilité, et la tristesse du péché.

Ce sont les psaumes suivants (dans la numérotation gréco-latine, celle de la Vulgate) :

Dans le Volume I :

  • Psaume 6  : Domine, ne in furore...miserere ; 5 voix, en 12 parties.

  • Psaume 31  : Beati quorum remissae sunt ;  Page 42, pour 5 voix, 16 parties.

  • Psaume 37  : Domine, ne in furore...quoniam ; Page 98,  5 voix, en 25 parties.

  • Psaume 50 : Miserere mei, Deus ; (le Miserere est, dans la tradition de l'Église, le psaume pénitentiel par excellence). Page 172, pour 5 voix, en 22 parties.

Dans le Volume II :

  • Psaume 101  : Domine, exaudi, orationem meam et clamor; en 31 parties

  • Psaume 129  : De Profundis clamavit ; en 10 parties

  • Psaume 142 : Domine, exaudi orationem meam auribus; en 16 parties

La compilation du groupe remonte  à Augustin d'Hippone, au début du Ve siècle . Ils ont été mis en musique par Roland de Lassus pour l'usage privé du duc Albert V et de sa cour, le musicien de cour ayant interdiction de copier et de diffuser la musique qu'il composait. 

​A ces sept psaumes s'ajoutent, dans le volume II, le psaume-motet Laudate Dominum de caelis, en quatre parties, tiré des psaumes 148 (trois parties) et 150 (une partie) . Très différents, ils sont aussi jubilatoires que les premiers sont sombres. Ils appartiennent néanmoins intégralement au cycle conçu par le musicien, car chacun des sept psaumes pénitentiels prenant son "mode musical" (ou tonalité) à partir de l'un des huit modes ecclésiastiques, le huitième mode trouve ainsi son attribution.

 

Les  Psalmi poenitentiales Davidis ne seront publiés qu'en 1584, à Munich, chez Adam Berg. Dans la préface que de Lassus rédige alors, il écrit Anni sunt, plus minus, viginti quinque, cum septem Psalmos Poenitentiales Musicis modis redidi, " Il y a 25 ans, plus ou moins, que j'ai écrit les sept Psaumes Pénitentiels dans les modes musicaux". Peter Berquist estime donc que cette composition date de 1559 et suit celle des Prophetiae Sibyllarum et des Lectiones (dont la copie par Jean Pollet compose le manuscrit Vienna Mus. Hs. 18744). Le musicien a donc composé la musique en 1559, date à laquelle le copiste Iohannes Pollet et le peintre Hans Mielich venaient de copier et d' illustrer les 26 Motets de Cipriano de Rore du Mus. Ms. A. Ce manuscrit de 304 pages et 82 enluminures leur avait demandé deux ans environ. Les 222 pages du premier volume du Mus. Ms. A.I, dont presque chaque page est enluminée, débutèrent en 1563 (P. Berquist) et furent terminées en 1565. Le volume A.II ayant été achevé en 1570, on voit qu'il fallut environ 7 ans pour réaliser ce qui fut l'un des plus coûteux manuscrits jamais commandé.. 

La version de Roland de Lassus des Psaumes de pénitence de David  est l'une des plus célèbres de toute la Renaissance. Le contrepoint est libre, en évitant l'imitation généralisée des franco-flamands. Comme ailleurs, Lassus s'efforce de mettre en valeur l'impact émotionnel. L'avant-dernière pièce, De profundis (Psaume 130, ici sixième Psaume), est considérée par de nombreux spécialistes comme l'un des sommets de la polyphonie de la Renaissance, à l'égal de Josquin des Prés.

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b) la Musica reservata.

Cette œuvre relève par excellence de la musica reservata, (ou musica secreta) style ou pratique musicale maniériste propre à la musique vocale de la seconde moitié du 16ème siècle, principalement en Italie et le sud de l'Allemagne , impliquant le raffinement (recherche de performance ornementale), l'exclusivité (elle est conçue pour être réalisée et appréciée par des groupes très restreints  de connaisseurs), l'expression émotionnelle (musique émotive traduisant les états d'âme), la littéralité ( "peinture musicale des mots"  par des figures musicales spécifiques et reconnaissables pour éclairer des mots spécifiques dans le texte) et l'usage de  progressions chromatiques.  

C'est à l'époque une notion suffisament importante pour que Samuel Quickelberg en fasse état dès l'introduction de ses Commentaires du manuscrit, aux pages 4-5:

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=18&seite=12

Ad imaginum inspectores et explicationum lectores.

[...] Mandavit itaque princeps illustrissimus (Albertus) excellentissimo suo Orlando de Lassus musico, quo praestantiorem ac suaviorem nullum nostra saecula tulere, hoc psalmos quinque potissimum vocibus componendos, qui quidem adeo apposito lamentabili et querula voce, ubi opus fuit, ad res et verba accomodando, singulorum affectuum vim exprimendo rem quasi actam ante oculos ponendo, expressit, ut ignorari possit : suavitasne affectuum, lamentabiles voces, suavitatem affectuum plus decorarint. Hoc quidem musicae genus MUSICAM RESERVATAM vocant : in qua ipse Orlandus mirifice, ut quidem in aliis carminibus, quae sunt fere innumerabilia, sic etiam in his ingenii sui praestabilitatem posteris declaravit. Erläuterungen Vol.I folio 4

" Le très illustre duc Albert a expressement demandé à son excellent Roland de Lassus, musicien inégalé de ce siècle pour la suavité expressive de sa musique, de composer ces psaumes principalement pour cinq voix, pour offrir le cas échéant en effet une telle palette de voix plaintives et de lamentations, en s'adaptant aux mots et aux choses,  en exprimant la force des sentiments comme si elle était exposée devant les yeux (quasi actam ante oculos ponendo),  l'embellissant de voix suaves et de lamentations, d'affections tristes et douces. Ce type de musique se nomme MUSIQUE RESERVÉE ; Roland de Lassus lui-même y excelle, ici comme d'ailleurs dans ses autres motets, qui sont presque innombrables."

— Ou encore par Florian Weininger : "Le duc ordonna à son excellent musicien Roland de Lassus de composer ces psaumes à 5 voix. Celui-ci adapta sa composition là où cela était nécessaire au sujet et aux paroles, lui donna une expression si plaintive et touchante, rendit la chose elle-même á ce point concrète pour l‘auditeur par la belle peinture des sentiments qu‘il n‘est pas facile de démêler si la beauté de l‘expression musicale confère un plus grand charme aux mots touchants ou l‘inverse. Dans ce genre de musique appelée MUSICA RESERVATA, Roland a donné la preuve de son talent sublime à la postérité. Samuel van Quickelberg : tome de commentaire au codex (d‘après la traduction de Siegfried Wilhelm Dehn, 1837)" 

 

-- traduction en anglais par Albert Dunning, in « Musica reservata » : 

"Lasso expressed these psalms so appropriately in accomadating, according to necessity, thoughts and words with lamenting and plaintive tones, in expressing the force of the individual affections, and in placing the object almost alive before the eyes, that one is at loss to say whether the sweetness of the affections enhanced the lamenting tones more greatly, or whether the lamenting tones brought greater ornement to the sweetness of the affections. This genre of music they call musica reservata. In it, whether in other songs, which are virtually innumerable, or in these, orlando has wonderfully demonstrated to posterity the outstanding quality of his genius."

"Lasso a exprimé ces psaumes de manière si appropriée dans leur arrangement , en accordant, selon le cas, des pensées et des mots avec des sons gémissants et plaintifs, en exprimant  la force des sentiments individuels, et en placer l'objet presque vivant sous les yeux, que l'on est en peine de dire si la douceur des affections rend le ton de lamentations plus grand encore, , ou si les tons de lamentations apportent un ornement supplémentaire à la douceur des affections. Ils appellent ce genre de musique la musica reservata . Dans celle-ci, soit dans d'autres chants, qui sont pratiquement innombrables, soit dans ceux-ci, Orlando a merveilleusement démontré à la postérité la qualité exceptionnelle de son génie.".

En bref, cette musique relève de l'illustration musicale : c'est ce qui donne du sens à la mise en parallèle des portraits du musicien et du peintre et à leur association dans l'inscription dédicatoire. E. Closson dit de Lassus : "Il suit le texte pas à pas. Dans un même morceau, il est tour à tour menaçant, courroucé, implorant, miséricordieux, tendre. Cette qualité dans le sentiment religieux est la qualité qui signale les célèbres Psaumes de la Pénitence". De la peinture avec des sons, pour peindre les états d'âme.

 

 

 

 

 

c) Portrait de Roland de Lassus.

Son portrait porte les inscriptions suivantes :

ORLANDVS DE LASSO

IN CORDE PRVDENTIS REQVIESCIT SAPIENTA ET INDOCTOS QVOQVE ERVDIET.

Prov. XIV. D

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=20&seite=296

La citation In corde prudentis requiescit sapienta et indoctos quoque erudiet est tirée du Livre des Proverbes Prov,14:33 . La Bible du Semeur donne comme traduction : "La sagesse repose dans un esprit intelligent : elle sera reconnue même parmi les sots [Selon le texte hébreu traditionnel. L'ancienne version grecque et la version syriaque ont: mais le cœur des sots ne la connaît pas.]"

L'interprétation du sens de ce proverbe dépend donc de sa traduction. Amputée de sa chute, l'imprese In corde prudentis requiescit sapienta  a servi de marque d'imprimeur à Galliot et à Gilles Corrozet, mais sa finale peut donner à la citation un sens élitiste parfaitement en accord avec l'esprit de la musica reservata, et parfaitement en accord aussi avec la devise Ne Sutor Ultra Crepidam du peintre Mielich : l'affirmation de l'exigence de l'art (expression ultime de la Sagesse, puisque les Muses sont conduites ici par Minerve) : seuls les esprits les plus élevés et les mieux éduqués peuvent pénétrer les arcanes d'une composition musicale très élaborée, ou d'une peinture remplie de références religieuses, mais surtout philosophique voire ésotérique.

Roland de Lassus est né à Mons en 1532 : en 1565, il est donc âgé de 33 ans. Il est représenté en buste, de 3/4. Son front est dégarni, il porte un collier de barbe, et une médaille au bout d'un ruban noir.

 



 

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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II. Portrait de Hans Mielich.

Ce médaillon porte l'inscription :

E. IOANNIS MVELICHI PICTORIS.

SOLI DEO HONOR, GLORIA, CVIVS BONITATI HAEC QVAE RECTA A ME INVENTA SVNT ADSCRIBO OMNIA. SI QVID ERRATVM INVENITVR, ERROR MEVS FIT NON ALIORVM. JVDICIVM SALVVM MANEAT ECCLESIAE.

Hans Mielich peintre.

Soli Deo honor, gloria cuius bonitati haec quae recta a me inventa sunt adscribo omnia si quid erratum invenitur, error meus fit non aliorum judicium salvum maneat Ecclesiae

En 1565,  Mielich a 49 ans ; par rapport au portrait de 1559, sa calvitie s'est accentuée mais surtout sa barbe a pris une taille considérable et fait concurrence avec celle du duc. Comme Roland de Lassus, il porte attaché à un ruban une médaille en or. Comme dans tout autoportrait, son corps est tourné devant son chevalet mais son visage fait face au spectateur qu'il fixe dans les yeux. 

Les rémunérations.

Mielich reçut 10 florins pour chacune des 414 pages enluminées, soit 4140 florins en plus de ses honoraires de 3800 florins. (Son successeur Hoefnagel recevait, au service de l'archiduc Ferdinand de Tyrol, 800 florins par an, et son Missale Romanum fut payé 2000 couronnes d'or, plus une chaine en or de même valeur).

[Florin = Gulden ; Couronne = Kreutzer.  1 Florin = 60 Couronnes ???]

 Roland de Lassus acheta à Munich une maison de 1535 florins, et à cette fin Albert V lui fit remettre 1000 florins. En 1571, l'empereur Maximilien II lui paya une Messe 150 florins. En 1574, il percevait 400 florins/an. Ses fils furent engagés comme chanteur de chœur et comme organiste pour 200 florins/an (et, en 1614, Anton Holzner, également chanteur de cour fut engagé à 200 florins/an, puis perçut 400 florins comme organiste). Les archives bavaroises  BayHStA HZA révèlent que les dépenses effectuées pour la Cantorei s'élèvaient à 4150 florins  y compris les salaires du Kapellmeister et des chanteurs, puis chûtèrent à 2024 florins en 1594, année du décès de Roland de Lassus.

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Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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IV. Le cartouche inférieur : Le peintre Apelle et la devise "Ne Sutor apud Crepidam".

Comme dans son autoportrait du Mus. Ms. B des Motets de Ciriano de Rore, Hans Mielich fait figurer une illustration de l'anecdote rapportée par Pline au sujet du peintre grec Apelle, selon laquelle il s'en prend à un cordonnier qui, examinant l'une de ses peintures, commence par critiquer un détail d'une sandale (crepida), puis exerce son esprit critique sur les autres parties du tableau : Apelle s'écrit alors Ne Sutor Ultram Crepidam, "Pas au dessus de la sandale, cordonnier". La façon de Mielich pour traiter ce sujet est presque la même que dans le Mus. Ms. A, mais le sujet du tableau peint par Apelle n'est plus Hercule et le Lion (allusion au duc Albert). On ne reconnaît que cinq personnes autour d'une table à nappe blanche, le premier d'entre eux étendant la jambe. C'est cette jambe vers laquelle se penche le cordonnier (identifiable à son tablier de cuir), devant une réunion de six personnes qu'il prend à témoin. Mais parmi eux, un homme barbu et imposant, qui n'est pas sans ressembler au duc Albert, semble dubitatif. Apelle semble bondir de derrière la toile pour protester et lancer sa célèbre sentence.

Voici le commentaire de Samuel Quickelberg :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=18&seite=296

Apellis quandam tabulam, a se palam propositam, contemplantur homines diversae et aetatis et conditionis : ubi inter religuos valde criticus adest sutor : qui cum ulterius insolenter, quam de calceis vellet indicare, ab Apelle admonetur bis verbis : Ne sutor ultra crepidam. Ita quidem pictor quoque noster Muelichius quosdam salutatos voluit, (qui praeter eos, quorum erit sacras indicare historias, quibus se quantum ad accomodationem singulorum libenter subiicit) de subtiliore ambigent imaginum illustratione : ut prius intelligant, quanto temporis spacio iussu Illustrissimi principis primi autoris et fundatoris fuerint haec absoluenda : quantisque iterum annis opus fuisset ad eiusmodi volumen, per se laboriosissimum, et amplissimum pluribus minutiis exornandum, et ad finem usque perducendum.

Ainsi que vous le constatez, Quickelberg semble ne pas faire allusion à un détail, d'ailleurs insignifiant en apparence. Dans le cartouche de Mus. Ms. A, Mielich avait peint Apelle à demi-allongé en dessous de deux petits cadres, dont l'un ressemblait à un blason à trois taches triangulaires blanches sur fond rouge. Or, ici, c'est un atelier de peintre avec divers palettes et pots  qui remplace les deux cadres. Mais, au dessus du cartouche lui-même, inséré dans l'encadrement de l'inscription, on retrouve ce cuir, avec une tête de bovin (ou de daim) couronné de laurier au centre et une tenture rouge ourlée d'or portant, de chaque coté, les trois objets blancs.

Quickelberg décrit in ornamentis ce décor :

Supra Apellis tabulam sunt insignia pictorum, in pelle vitilina infixa, in quo etsi tacite alludere, voluit ad Lucam evangelistam, etiam pictorem, bovi seu iuvenco in sacris literis comparatum, tamen ideo potissimum exhibuit, quod gesfite adhuc et exilire vitulorum instat non desinant pictores, opere aligno gravi absoluto. Sed et floribus et frondibus triumphalibus ornatae sunt reliquae partes ; ut voti usque, et usque non videatur immemor fuisse pictor, quo homines quam plurimos, eosque maximos cupiat, tanquam odoratis floribus et suavissimis fructibus harum terum inspectione, cantu, et lectione ac salutari meditatione invari, et ad optimam frugem excitari.

"Au dessus du tableau d'Apelle sont les insignes du peintre, insérés dans une peau de veau (vélin) faisant allusion tacitement  à l'évangéliste Saint Luc, qui traditionnellement était un peintre, comparé dans les Saintes Écritures à un bœuf ou jeune bovin. [... ] Mais les autres parties sont ornées de fleurs, de guirlandes de triomphes, ...

 

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Devise de Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ.

Devise de Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ.

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V. Le cartouche supérieur : Minerve prenant la Musique et la Peinture sous sa protection.
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 Le cartouche supérieur reprend le thème que le poète Stopio, le peintre Mielich et le musicien Cipriano de Rore avaient traité dans le motet Mirabar solito du Mus. Ms. A et qui s'affirme encore une fois comme central pour le duc de Bavière, en allusion à son statut d'Apollon mécène des Muses. 

C'est un fronton en demi-cercle, couronné par ce qui ressemble à une louve ailée mais qui est le cheval Pégase, celui qui ouvrit de son sabot la source Hippocrène sur le mont Hélicon. Cette source est l'image poétique de l'inspiration créatrice des artistes. Tout ici se réfère au Livre V des Métamorphoses d'Ovide, qui s'est trouvé déjà au cœur de l'interprétation du Mirabar solitoà laquelle je renvoie le lecteur.

Au centre, Minerve, armée de sa lance, casquée, tenant l'égide à tête de Méduse. (Pégase est né du sang de la tête de Méduse, tranchée par Persée).  A l'arrière-plan, un arbe (l'olivier ?) et les sommets de l'Hélicon. De chaque coté, les neuf Muses, dont Uranie, debout, identifiable au globe qu'elle tient (?). Ces dames offrent à la déesse un concert.

Cela offre une occasion de découvrir un témoignage des instruments de musique de la Renaissance, et, a priori, des instruments en usage à la Hofkapelle de Munich. De gauche à droite, nous trouvons :

  • une flûte traversière

  • un triangle

  • un luth (cordes pincées)

  • une viole (cordes frottées) dont on note les ouïes en f très fendu.

  • un fifre

  • deux tambourins

  • un hautbois ou une chalémie.

La muse agenouillée joue peut-être aussi d'un instrument que je ne discerne pas.

Minerve a les pieds posés sur une tête mi-animale et mi-grotesque évoquant peut-être celle d'un bouc. Faisant saillie sur le cadre de l'inscription centrale, elle répond à la tête inférieure (bovine?) selon une intention qui m'échappe.

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Les commentaires de Quickelberg. (je ne traduis pas, car il a recopié ma description).

Pallas, quae et sapientiae et armorus dea est, consistit media inter novem Musas : ad quas venerat, ut fontem caballinum Pegasi ungulis excitatum (tem sane novam). Videret. Circumsident ergo singulae musicis et diversarum artium instrumentis insignitae, quibus earum inventa celebrantur. Imo et aliis quoque rebus artificiosis omnibus idoneae as fenduntur. Servit huic historiae Pegasus equus alatus, in coronide appictus et Caput Medusae in clypeo Minervae efficttus, quia equus ille e sanguine colli Medusa ortus erat. De hoc adventu Palladis ad Mussas, sic est apud Ovidium lib. V Metamorph.

 

Fama novi fontis nostras pervenit ad aures, / Dura Medusaei quem proepetis ungola rupit.

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Ce cartouche est enrichi de volutes typique du style Floris, avec ses C et ses Contre C barrés d'une tige en T. En haut, deux putti y sont installés, tandis que sur le coté ils servent de siège à deux musiciennes et à deux pies. Celles-ci nous indiquent que nous n'en n'avons pas fini avec le thème du Mirabar solito et du livre V des Métamorphoses, puisque les Piérides, filles du roi Pierus, ont été transformées en pies par Minerve après s'être impudemment comparées aux Muses. Dans le siège de gauche, la belle Piéride tient en main une crécelle, instrument déplaisant qui la déprécie immédiatement. Mais à droite, sa consœur joue, si je ne m'abuse, de la cornemuse, l'embouchure au bec, deux bourdons (ténor et basse) sur l'épaule gauche, pressant le sac entre son ventre et son coude, et pianotant sur les trous du chalumeau. Or, quoique cet instrument soit déconsidéré par des connotations diaboliques (corne-muse) ou érotiques, il a néanmoins toute sa place dans la musique de cour , notamment à la hofkapelle de Roland de Lassus. Qu'en dit Quickelberg ? 

 

Superius ad latera inter ornamenta

Duae picae, et duae Musae adulterineae : illa in propria forma : hae quasi numellis inclusae : sed rusticis instrumentis et crepitaculis in signitae : quarum duae hic appictae, reliquum numerum, et fabulam subinditant. Quia cum essent quaedam sorores musicae Pieri ex Evippa uxorre filiae, pulchritudine et clamasitate nimis superbientes, adeo ut cum Musis Castaliis arroganter certare auderent, ob stoliditatem in picas mutatae sunt. De quibus Ovidius lib. V.

Ales erat, numeroque novem sua fata querentes, / Institerant ramis imitantes omnia picae.

"Au-dessus et à  côté du cartouche.  Deux pies, et deux fausses Muses, sous la forme appropriée : enfermées dans une sorte de carcan elles se reconnaissent par leurs instruments rustiques et leurs crécelles , dont deux sont peints ici, les autres étant sous-entendues. Parce que ces sœurs musiciennes,  filles de Pierus et d'Evippe,  trop fières de leur beauté et de leurs clameurs, clamasitate , firent tant et si bien que, lorsque les Muses de Castalie furent lasses de leur  arrogance grossière, elles furent changées en pies. De cela voir Ovide livre V."

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En conclusion, cette page 222 , qui clôt le volume I du deuxième manuscrit de partitions de musique commandé par le duc Albert, est une citation auto-réferentielle au premier manuscrit composé par le même copiste de musique Jean Pollet et par le même peintre. On y retrouve la confrontation des deux portraits du musicien et du peintre, qui est une façon de souligner une caractéristique capitale de la musica reservata, sa volonté de peindre par les notes et les rythmes ce qu'exprime le texte. Inversement, le peintre affirme aussi son statut supérieur d'artiste à part entière, qui revendique le raffinement et la complexité technique propre à la poésie, selon le poncif de l'époque, "ut pictura poesis" inspiré d'Horace.

On y retrouve  la volonté de passer à la postérité en associant leur gloire à celle de leur mécène Albert V, qui, à l'époque, est engagé dans une concurrence acharnée avec les cours des duchés italiens pour réunir autour de lui les meilleurs artistes des différents arts, et les plus belles collections de monnaies, de statues, de peintures, de partitions, et, bien-sûr, de livres.

On y retrouve aussi la devise de Hans Mielich, s'assimilant à Apelle pour affirmer que sa peinture est une invention, qu'elle est cosa mentale, une chose intellectuelle saturée de références littéraires et emblématiques, et qu'elle n'est accessible qu'aux connaisseurs.

Enfin, on retrouve, comme un condensé de tout le Mus. Ms. A, voire même du thème principal de décoration des palais que le duc est en train d'aménager ou de concevoir à Munich et à Landshut, la reprise du thème du Mirabar solito, où Albert V était comparé, avantageusement, à Apollon, patron des Muses.

Dans ce premier volume (1565), la place de l'Antiquité grecque romaine (Minerve, Apelle, Ovide, les grotesques des villa romaines)  est encore prépondérante. Cela pouvait se comprendre pour les Motets de Cipriano de Rore, dont seuls 20 sur 26 étaient de la musique sacrée. C'est plus étonnant pour les Psaumes pénitentiels de David, entièrement voués à l'histoire biblique et, sur la figure de David coupable d'adultère par sa concupiscence envers Bethsabée, et de meurtre de son mari Uri le Hittite, entièrement voué au thème de la faute, de la pénitence (mort de son premier fils), du repentir et du pardon.  

Cela changera dans le volume II. La Contre-Réforme sera plus présente, le rôle des Jésuites plus important.

 

 

 

 

 Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ.

Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ.

Minerve et  les Muses, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Minerve et les Muses, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

 

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LES PORTRAITS DU VOLUME II (1570) du Mus. Ms. A. 

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I.  Portrait de Roland de Lassus (1570).

A.II page 188.

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00035009&pimage=187&v=150&nav=&l=de

C'est un portrait en pied, de trois-quart, avec ombre portée (éclairage venant de la droite) sur un fond bleu saphir intense, dont les trois tons évoquent en partie une encoignure. Le musicien, par rapport à son portrait de 1565, a pris de l'importance et de l'embonpoint. Il tient un placet dans la main droite, ses gants chamois et sa coiffe de la main gauche. Sa robe de cérémonie, en velours moiré noir, gaufré aux emmanchures, vient, autour du cou, enserrer une haute fraise. Un ruban retient une médaille d'or (qui se retrouve sur un  portrait fait à 39 ans). Il est entouré latéralement par deux cariatides, puis par deux putti porteurs de guirlandes de fruits.

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés BBS MDZ

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Le cadre aux volutes Renaissance est surmonté d'un cartouche portant les mots

                                LEAL IVSQUE A LA MORT.

soit "Loyal jusqu'à la mort".

Leal est un mot de l'ancien français, leial, dérivé du latin legalis, "relatif aux lois", puis "usuel, courant, normal"et qui a donné loyal.

Roland de Lassus l'utilise couramment dans ses courriers dans la formule "trèshumble et leal seruiteur orlando ": 

On peut s'étonner de trouver cette devise (ou simple proclamation de fidélité) écrite en français ancien. Une lettre transcrite par Ernest Closson montre que Roland de Lassus parlait lui-même une sorte de sabir mêlant l'italien, le français (ou le patois montois) et le latin, y compris pour s'adresser au prince Guillaume.

Lettre de Roland de Lassus au duc Guillaume de Bavère (écrite à Munich le 11 septembre 1573).

Très illustre Prince, mon Souverain Seigneur et Maistre.

Je me retreuve avecq la gracieuse letterine que il placuit à Vr~e. Exce mihy scribere. Après menger opportet bibere, je veux dire, in meo sermonibus, que le rens grosse et grasse grâce à Vr~e bonté et Exce, qui se dègne recorder du moibndre de ses petiz serviteurs, de son retour sano et gagliardo et légier d'argento. Dieu face que le mente, ma pur l'aqua corr' al mare. Enquant à la musique que Vr~e Exce m'escrit qu'elle va petit à petit, cela va fort bien, S[en]or, si perche si dice in italiano, pian piano, si va luntano ; librum mutetarum erit completorium, sed nunquam potuerunt habere nec invenire la impresa di Vrã Extia, quale va stampato sotte la Sua imagine, si che l'Adam Berg se donne au cuisiniers d'enfer, et moi je le donne au diable. Quant à la partita d'Anthonia violista, j'ai parlé ad longum con il signor Jacobo Fucarj, e spero que fara bono uffitio per ipsum, si autem veritatem mihj dixit ; quant aux nouvelles de nre Court, elle ne sont oujes d'un sourt . Monsr le duc Albert se treuve pour adesso à Staremberg, et demourera là jusque qui s'en parte ; il ia beacoup d'autre chose à dire, mais je ne les veux escrire. […]

De Monaco, le 11 de settembre 1573,

De V~re Excse,

Très humble et léal serviteur,

 

Orlando Lasso Col...

On se régalera à en lire l'inégralité truculente ici :

https://archive.org/stream/rolanddelassus00clos#page/26/mode/2up/search/leal.

Ce ton familier et enjoué viendra atténuer l'aspect sévère du portrait.

Un autre portrait gravé l'année de son décès est accompagné de la devise, également en français POVR REPOS, TRAVAIL (Jan Sadeler I, 1594)

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http://www.bibliotecamusica.it/cmbm/scripts/quadri/scheda.asp?id=1847,%201848,%20137,

 

 

Le titulus inférieur contient, sur fond de faux marbre vert, les mots suivants :

IMAGO EXCELLENTISSIMI MVSICI

ORLANDI DI LASSVS .SUAE

AETATIS . 40 ANNO.

"Portrait de l'excellentissime musicien Orlando de Lassus à l'âge de 40 ans."

Si cet âge a été calculée sur l'année de naissance de 1532 que nous connaissons aujourd'hui, cela correspond donc à un portrait de 1572. 

 

 

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés BBS MDZ

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II. Portrait de Hans Mielich.

Ce portrait est plus petit que celui du musicien, il se réduit à un médaillon placé, comme pour un monument funéraire, en bas d'un médaillon principal à thème religieux, lui-même placé sur un piétement portant une longue inscription. 

 

 

a) l'inscription.

D.O.M.S. 

AETERNAEQVE MEMORIAE ILLVSTRISS : PRINCIPIS ALBERTI BAVARIAE DVCIS . QVI DVM A GVBERNANDA AMPLISSIMA REGIONE SVA, ET SACRO IMPERIO CONSILIIS INDEFESSE IVVANDO INTERDVM RESPIRATET . QVO ERAT OMNIA LIBERALISSIMA STVDIA. TVM VERO MAXIME ERGA MVSICAM ET PICTVRAM ANIMO, BENINGNE ADMODVM APVD SE FOVEBAT AVDIBATQUE CELEBERRIMVM PER EVROPAM MVSICVM ORLANDVM DE LASSUS, MVLTORUM IBI CANTORVM ET HORVM MUQVOQVE PSALMORVM COMPOSITORES . ET IOHANNIS MVELICHII MONACHENSIS PICTORIS BIBLIACARVM IMAGINUM PRAESENTIVM VNICI COLLECTORIS ARCHITECTI ET INVENTORIS OPERIBVS CONTEMPLANDIS, MEMORANDISQUE SACRIS HISTORIS, TVM HIS .TVM ALIIS OMNIBVS, ILLUSTRISSIMO EXEMPLO DIVINE PENITUS VACABAT.

TOMVS SECVNDNS HOC LOCO ABSOLVITVR.

C'est la même inscription que pour le premier volume, vouant à la mémoire de la postérité le duc Albert protecteur des arts, son musicien Orlando de Lassus et son peintre Hans Mielich, ... mais qui se termine avec la mention "Ici s'achève le second tome". Je tente une nouvelle traduction : le peintre est décrit comme "Ioannis Muelich de Munich, peintre, collectionneur, architecte et inventeur des images bibliques ainsi que des autres histoires  observées et retenues de l'Histoire Sainte, de ce livre entièrement consacré à l'illustrissime enseignement divin."

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b) les tituli des télamons.

Oui, ce lourd panneau est encadré par deux couples (de face et de profil) de télamons, et j'adore utiliser ce synonyme d'atalante pour placer ces mots savants. Celui de gauche est un bel éphèbe glabre, alors que son ascèle acolyte de droite est barbu, cavalièrement accoudé à son cartel, et comme un garde du corps surpris à abandonner la pose pour un brin de causette avec son stagiaire.

Que disent les pancartes ?

 

La résolution de l'image photographique ne me permet pas de lire autre chose que des bribes incertaines incluant le mot dies. Dommage.

c) Le cartouche.

HVNC QVI TAM VARIA DEPINXIT IMAGINE LIBRVM,

AVTORIS VERAM CONSPICIS EFFIGIEM.

IS . SI OPERE EX TANTO (CEU DIGNUS EST) GLORIA SVRGIT,

LAVDEM NON SIBI VVLT, SED TRIBVISSE DEO.

SI QVIS AB INCANTO COMMISSVS CERNITVR ERROR,

ERROREM PROPRIVM VENDICAT IPSE SIBI.

 

Hunc qui tam varia depinxit imagine librum  autoris veram conspicis effigiem. Is, si opere ex tanto (ceu dignus est) gloria surgit, laudem non sibi vult, sed tribuisse Deo.  Si quis ab incauto* commissus cernitur error, errorem proprium vendicat ipse sibi.

*incanto corrigé en incauto dans la transcription de Quickelberg.

"Voici le portrait véritable de l'auteur qui a peint les images si variées de ce livre. Si cette œuvre mérite (si elle en est digne) quelque gloire, il ne veut pas les louanges pour lui-même, mais pour Dieu. Si quelqu'un trouve une erreur commise par imprudence , il la revendique comme sa propre erreur."

 

 

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII. folio 189. Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII. folio 189. Droits réservés BBS MDZ

d) Le "retable" recevant le portrait de Mielich.

L'ovale centrale est comme adossé à une façade traitée à l'antique, et il est présenté par deux femmes POLYPONIA et EVSEBIA. C'est pour moi une nouvelle énigme. Polyponia tient un piquet et un compas, alrs qu'Eusébia tient contre sa hanche un objet indistinct, un livre peut-être. Elles sont toutes les deux coiffées d'un voile, et portent une longue tunique bandée sous la poitrine par une large ceinture. Elles ont, à leur pieds, les débris de colonnes  grecques et de temples, et, à leur coté, un angelot tenant l'un un chardon, l'autre une ronce, deux plantes à connotation péjorative. 

Mes recherches restent vaines. En 2002, Kurt Léocher écrivait :Die allegorischen Frauengestalten sind als Polyponia - die Polyphonie (Mehrstimmigkeit) - und Eusebia - die Frömmigkeit - ausgewiesen." . "Les Allégories féminines sont Polyponia –la Polyphonie, et Eusebia — la Piété  expulsées."  Je retrouve bien, dans la religion nomme héllenisme, Eusebia définit comme l'allégorie de la Piété, mais je ne trouve aucune Polyponia, hormis sous la forme d'un genre de lépidoptères. En outre, on ne voit pas pourquoi la Polyphonie (donc la musique de de Lassus) serait mise au rebus, et pourquoi elle aurait en main les instruments d'un géomètre. Chez Socrate, polyponia correspond à la pratique de plusieurs exercices athlétiques. Quant à Eusebia (Eusebeia), cette notion de la philosophie grecque du respect des choses sacrées a été reprise dans le Nouveau Testament, et sa disqualification paraît étonnante. 

Quoiqu'il en soit de cette scène, son entablement porte l'inscription SOLI DEO HONOR ET GLORIA, "A Dieu seul (revient) l'Honneur et la Gloire". Un chérubin couronne le tout. 

Les dames de l'Ancienne Grèce entourent un grand médaillon de fond bleu représentant l'Annonciation (Gabriel à gauche, la Vierge prononçant tacitement le Fiat à droite) sous le regard de Dieu le Père, bénissant et tenant le globe terrestre parmi douze angelots, sans oublier la colombe fécondatrice au dessus de la tête de Marie.

Enfin, tout autour, on lit l'inscription :

 ECCE VIRGO CONCIPIET ET PARIET FILIVM ET VOCABITVR NOMEN EMANVEL. BVTRVM ET MEL COMEDET VT SCIAT REPROBARE MALVM ET ELIGERE BONVS. ESAIA VII.

Ecce Virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen Emanuel. Butrum et mel comedet ut sciat reprobare malum et eligere bonusEsaia VII.

La première phrase est bien connue, puisqu'il s'agit d'une citation du verset d'Isaïe 7:14 qui est systématiquement associé au thème de l'Arbre de Jessé puis dans la théologie de l'Immaculée Conception pour témoigner du fait que l'Incarnation a été annoncée dans l'Ancien Testament : "[Aussi bien le Seigneur vous donnera-t-il lui-même un signe :]  Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel." 

La seconde phrase, débutant dans sa version exacte par  Butyrum (la lettre I oubliée par le peintre a été suscrite), est le verset suivant Isaïe 7:15, moins souvent cité : "De crème et de miel il se nourrira, sachant rejeter le mal et choisir le bien."

C'est donc une présentation typologique de l'Incarnation et, indirectement, une affirmation de l'Immaculée Conception de Marie, à la dernière page d'un corpus tout entier consacré à l'Ancien Testament, et, dans celui-ci, au thème de la faute commise par David.  Cette faute sexuelle par l'adultère avec Bethsabée, ce crime de sang par le meurtre de Urie, le mari, sont au cœur de la culpabilité du roi David, fils de Jessé, et ces péchés  vont conduire à la punition ( Bethsabée perd son premier enfant), puis au repentir sous la conduite du prophète Nathan, puis au pardon avec la naissance de Salomon. C'est l'origine de la lignée des rois de Juda, et cet élément figure dès les premières lignes de l'évangile de Matthieu énumérant les ancêtres du Christ :Mat. 1:6 "Le roi David engendra Salomon de la femme d'Urie ; 1:7 Salomon engendra Roboam." . Les tout premiers mots de l'évangile (son Incipit) sont  Liber generationis Iesu Christi filii David "Généalogie de Jésus-Christ, fils de David."

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e) le portrait de Hans Mielich.

Inclus dans cette mandorle sacrée et cette scène originelle du Christianisme, le portrait du peintre prend la place reservée, dans les rétables, aux Donataires : dans l'espace sacré et au contact de la Divinité.

L'inscription indique :

EFFIGIES IOANNIS MIELICHII PICTORIS MONACENSIS AETATIS SUAE ANNO LV -1570-

"Portrait de Hans Mielich peintre de Munich à l'âge de 50 ans ; 1570." . La naissance du peintre est donc placée en 1520, ce qui le rajeunit de 4 ans par rapport à ce que nous considérons aujourd'hui.

Il est richement vêtu d'un manteau d'étoffe noire, au col très haut, recouvrant une autre pièce (veste ? Robe ?) de même couleur, et dont la coupe est la même que sur le portrait précédent. Sa barbe a considérablement blanchi.

f) Discussion.

Si on compare ce portrait du volume II de 1570 avec celui du volume I de 1565, le changement ne tient pas tellement au vieillissement des traits qu'au bouleversement radical de la mise en scène. Toute référence aux Muses, à Minerve, et aux Métamorphoses d'Ovide à disparu, de même que la devise Ne Sutor Ultra Crepidam qui renvoyait au peintre de l'Antiquité Apelle. Le culte humaniste de l'Antiquité grecque et romaine  se trouve aboli au profit du culte chrétien. Marie prend la place de Minerve.  Barbara Eichner (Oxford Brookes University) a  présenté un exposé intitulé Protecting the Muses, promoting the Church: Lassus’ Patrocinium musices reconsidered. Les deux termes placés ici en gras me semblent résumer le basculement entre 1565 et 1570.

Le premier volume rendait hommage au duc Albert V comme Protecteur des Arts (dans l'impulsion du poème de Stopio Mirabar solito mis en musique par Cipriano de Rore dans le manuscrit Mus.MS B). Ce second volume rompt avec cette métaphore et honore Albert V comme Promoteur de l'Église et du catholicisme tridentin. Il s'ouvre par une présentation de la Chapelle de cour où est suspendue la statue grandeur nature de la Vierge de l'Apocalypse, dans le concept théologique du Péché, de l'Incarnation, de l'Immaculée Conception et de la Vierge médiatrice de la Rédemption. 

Je vais donc consacrer mon prochain article à l'analyse des enluminures de Mielich donnant à voir la formation musicale de Roland de Lassus jouant dans cette chapelle et sous cette statue.

 

 

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII . Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII . Droits réservés BBS MDZ

Nous disposons donc de trois autoportraits de Mielich, datant de <1559 (Mus. Ms. B), 1565 (Mus. Ms. AI) et 1570 (Mus. Ms. AII). Je replace ici le premier : 

 

 

 

 

Hans Mielich portrait, 1565, Mus. Ms. B, droits reservés MDZ BBS.

Hans Mielich portrait, 1565, Mus. Ms. B, droits reservés MDZ BBS.

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III. L'équipe artistique et rédactionnelle du manuscrit des Psalmi pœnitentialis.
Quickelberg conclue son deuxième volume de commentaires par cette phrase :

Ancre Et sic cum laude dei omnipotentis hic secundus Tomus absolvitur die vigesima mensis Junii Anno Millensimo quingentesimo Septuagesimo.

"Ainsi le second tome se termine par la louange du Dieu Tout-puissant, le vingtième jour du mois de Juin 1570."

Lorsque nous tournons la page, nous trouvons quatre médaillons dont la légende est circonscrite et qu'il nous reste à déchiffrer. Mais, pour que la photo de groupe soit complète, rendons-nous d'abord au premier volume des Commentaires de Quickelberg, celui correspondant au Mus. Ms AI. Avec la formule finale Anno Domini MDLXV Mense septembri absoluta (terminé au mois de septembre de l'année de Dieu 1565) , il nous donne deux portraits, le sien, et celui son associé Frieshamer.

 Portrait de Samuel Quickelberg et de Mathias Frieshamer :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=11&seite=301

a) Portrait de Samuel Quickelberg

Inscription : SAMVEL A QVICCHELBERG BELGA HANC PSALMORUM DECLARATIONEM FECIT 

"Samuel Quickelberg, Belge, a fait ces commentaites des Psaumes.'

 

Il porte le manteau à col montant et au revers doublé de soie, un gilet à passement en brandebourg sur le plastron, la fraise blanche et haute , trois tours de chaîne d'or et une médaille d'or (qui, puisque nous l'observons régulièrement ici, semble récompenser les membres de la cour bavaroise). Ici, on y distingue un profil. Enfin, il porte, et c'est aussi une constante, la barbe, aux reflets châtain clair sur les joues roses.

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Né en 1529 à Anvers dans une famille de marchands, Samuel Quickelberg dut émigrer avec son père pour des raisons confessionnelles en 1539 à Gand puis à Nuremberg ; Entre 1548 et 1549 il est inscrit à l'Université de Bâle, puis se déplace à Ingolstadt en 1550, où il est précepteur des enfants de Jacob Fugger. Outre les Arts, il étudie la médecine. En 1553 il entreprend à Nuremberg aupès du pharmacien Georg Öllinger (1487-1557) un vaste Herbier. En 1555, il devient le médecin personnel d'Anton Fugger, avant de rentrer au service de Hans Jacob Fugger qui lui confie la charge de sa bibliothèque et de ses autres collections. En raison des liens de H.J. Fugger avec le duc Albert V, il joue un rôle de plus en plus important à la cour de Bavière, de sorte que ses dernières années sont entièrement occupées à des taches confiées par le duc. La supervision, et la rédaction de ses Commentaires de la luxueuse copie enluminée des 23 Motets de Cipriano de Rore (Mus. Ms. B) s'étend de 1557 à 1559, celle des Psaumes pénitentiels de de Lassus (Mus. Ms. A) de 1563 à 1568, date de son décès, deux ans avant la fin du travail en 1570. 

En 1563, il voyage en Italie, où il visite des collections célèbres, comme celle du médecin Ulysse Aldrovandi à Bologne ou du juriste Marc Mantova Benavides à Padoue, et procède à des achats pour les collections ducales.

En outre Quickelberg avait commencé plus tôt une biographie de Roland de Lassus. Cependant l'œuvre à laquelle Quickelberg doit sa réputation est l' Inscriptiones vel tituli theatri amplissimi (1565), qui conçoit l'organisation d'un musée idéal et de sa bibliothèque, en se basant sur la préparation  de la Kunstkammer de Munich, et qui donne, dans sa dernière partie,  un aperçu des collections existantes qu'il avait examiné en Italie. Bien qu'il ait reçu des suggestions  de Giulio Camillo ou de Conrad Gesner, présente son livre est le premier traité  traité théorique de la pratique des collections, qui fait de lui  le premier muséologue d'Allemagne. Ses Inscriptiones eurent un  impact durable sur la présentation des Musées d'art et Cabinets de curiosités comme celui de le Ferdinand II au château d' Ambras ou de Rodolphe II à Prague.

Outre ce portrait, Quickelber est représenté, de profil, sur une médaille de 1563 :

 

Biographie d'après Dur (Helmut), 2003 "Quicchelberg, Samuel" dans: Nouvelle Biographie allemande 21 , pp 44-45 [version en ligne]; URL: http://www.deutsche-biographie.de/ppn119331535.html

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b) Portrait de Mathias Frieshamer .

MATHIAS FRIESHAMER MONACHIENSIS HAEC OMNIA HUC TRANSCRIPSIT

 

A la mort de Quickelberg, Mathias Frieshamer, de Munich, a poursuivi le travail de rédaction de ces commentaires. Mais puisqu'il figure déjà sur le premier volume de commentaire, il était peut-être déjà le collaborateur de Quickelberg. Emile Naumann (1886) le donne page 389 comme le calligraphiste chargé des lettrines en or et couleurs. Selon J.W. Bradley, c'est le copiste qui écrivit le volume de Commentaires sous la dictée de Quickelberg, ce qui me semble plausible. Je découvrirai plus tard qu'il est secrétaire de chancellerie.

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Portraits de Samuel Quickelberg et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS AI

Portraits de Samuel Quickelberg et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS AI

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Retour aux Commentaires du Mus. Ms. AII : c'est cette fois-ci quatre médaillons qui nous sont offerts.

 

Portraits, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

Portraits, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

c) Portraits de Caspar Lindel et de Mathias Frieshamer. Erläuterung 1570, folio 158v.

c1) Caspar Lindel 

Inscription : 

 

CASPARVS LINDELIVS  I.V . DOCTOR SVAE CELST  CONCILIIS ET SECRETIS ---

H.F Delmotte lit Casparus Lindelius Jus Utrq. Doctor suae Celsitudinis a conciliis et secretis. Bradley lit Casparus Lindelius Juris Utriusque Doctor suae Celsitudinis a conciliis et secretis

Faut-il traduire Doctor Celstitudinis par "Médecin de son Altesse (le duc) ? L'expression concilii a secretis désigne un secrétaire de Concile (pour des évêques) et, sans-doute, ici, un secrétaire de Conseil, dans les deux cas un poste éminent.

 

Bardley écrit "He was the coadjutor of Hans Mielich in the invention and application of the allegorical designs". Selon H.F. Delmotte, "C'est lui qui a supervisé la réalisation de l'ouvrage tout entier" Il est représenté (comme Frieshamer) avec une médaille d'or, en sautoir, suspendue à un ruban blanc.

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c2) Mathias Frieshamer.

Inscription : MATHIAS FRIESHAMER MONACEN IN MEM-ANIS   HOC OPVS PROPRIA MANV EXSUTESIT

Lecture de H.F. Delmotte et de Bradley : Mathias Frieshamer monacensis in membranis totum hoc opus propria manu exipsit (sans-doute pour exscripsit). Nous verrons qu'il apparaît dans les registres de comptablilité de la cour comme  secrétaire de la chancellerie de cour  :Mathias Frißhamer Hofkanzlei schreiber, ou Matheisen Frißhamer

 

 

 

  

 

Portraits de Casparus Lindelius et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

Portraits de Casparus Lindelius et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

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d) Portraits de Georgius Seghkein et Casparus Ritter.

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d1) Georgius Seghkein.

Inscription : GEORGIVS SEGHKEIN VNGARVS AURIFABER CLAVSTRIS EXORNAVIT.

"Georges Seghkein orfèvre a réalisé les fermoirs."

Georgius Seghkein est l'orfèvre hongrois qui a ciselé les garnitures en vermeil et en argent des quatre volumes. Il reçut 1138 florins et 11 kr pour son travail et les matières premières. Il employa 15 livres d'argent, 15 Pfund Silbers  pour les pièces de métal des quatre volumes. 

 Le livre des comptes de la cour mentionne une somme de 983 florins pour l'année 1565 (219 pour la matière première, 764 pour le travail), et 1138 florins en 1572, soit 2121 florins au total.  

d2) Casparus Ritter.

 

Inscription CASPARVS RITTER HOC OPVS ILLIGAVIT.

"Casparus Ritter a relié cette ouvrage."

 

 

Portraits de l'orfèvre Georgius  Seghkein et du relieur Casparus Ritter, in Quickelberg, Erläuterungen folio 158v, Mus. MS A II.

Portraits de l'orfèvre Georgius Seghkein et du relieur Casparus Ritter, in Quickelberg, Erläuterungen folio 158v, Mus. MS A II.

 

 Les volumes sont décrits ainsi : Quatre volumes in-folio, reliés en maroquin rouge et garnis en vermeil ciselé et émaillé ; le poids de la garniture en métal d'un volume équivaut à six livres. Chacun des coins du plat figure une tête de lion ; au milieu du plat se trouvent les anciennes armoiries de Bavière. Chaque volume est fermé par quatre serrures à clef, dont deux en argent et deux en vermeil. Les volumes sont d'inégale grandeur ; les tomes 1 et 2 renferment les psaumes mis en musique ; ils sont hauts de trois palmes et larges de deux palmes et plus (ou 60 x 44 c). Les deux autres, plus petits (39 x 27 c), contiennent les commentaires de Quickelberg.

Le lion est l'animal emblématique du duc (et la lionne, celui de la duchesse).

 

 

 

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur,Armoiries ducale, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur,Armoiries ducale, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

.

Les comptes. 

Après avoir passé mon après-midi d'un jeudi de l'Ascension à chercher vainement des informations sur les artisans et artistes figurés en portrait, je trouve dans la publication suivante Taschenbuch für die vaterländische Geschichte. Hrsg. v. Hormayr ..., Volume 33 Par Joseph Freiherr von Hormayr,Alois Freiherr von Mednyanszky, à la page 244, un chapitre V intitulé Orlando di Lasso, oberster Kapellmeister der banerischen Herzog Albrecht V. und Wilhem V., qui me donne des micro-informations, notammentà la page 273 avec l'Aufzüge aus den Hofkammer Rechnungen 1558-1574, c'est-à-dire un relevé des factures de la chambre des comptes du duché, trié pour ne conserver que ce qui intéresse Roland de Lassus et sa musique.

Ainsi :

1564 ;

  •  Hans Mielich pour un livre : 1000 florins.
  • Math. Fritzhamer Hofkanzleyschreiber umb ein Viertl Bigment zu Dr Quichelpergers ....8 florins 1 b 22 dl 1t

1565:

 

  • Samuel Quichelberg .........100 florins

  • Dem hundertpfund Kunzmaister [Georgius Seghkein] umb Silber so er dem Unger Goldschmid wegen Beschlagung eines Buechs geantwort ......219 florins, 6..12...1....

  • Dem Unger Goldschmid  [Georgius Seghkein] um arbeit wegen Beschlagung eines Buechs .......764 florins.

  • Matheisen Fritzhamer kanzleischreiber aus Gnaden, umb das er mit schreiben in sachen fo Quichelpergers under handen, gebraucht worden......32 florins

  • Mielich Malers Gefellen Drinkgelt oder Vererung.........12 florins 

1566

 

  • Auf Sonnderm Befelch eines genedogen Fürften und Herrn ist Hannsen Muelich Malern allhie auf Arbait und zu Malung aines Gefang Buechs vermög übergebener Bekhanntnus auf vorige empfangene 1000 Gulden bezalt worden : …...............800 florins.
  • Wegen der jungen Fûrsten, als mein gnedig Herrn bei dem Orlando und dann bei Sand Peter in Dechantshof geessen …................5 florins.
  • Dem Samuel Quichelberg aus Gnaden …........200 florins

.

1567

1572

  • Nachdem Georg Sockhein, Unnger, Goldschmidt, meinem genedigen fürsten und Herrn drei grosse gefang Büecher mit seinem Silber beschlagen und Geschmelz ; auch solche Buecher Irn fstl Gnaden Anno 66.71. und 72. überanthwort, haben die beschlecht zu gemelten drei Buechern gewogen 41 Mark 12 Lot 2 Quint ; die Mark per 29 fl. Geraitt, thuet an gelkt 1211 fl. 391/2 kr. – daran wirdet abgezogen 73 fl. 281/2 kr. Von wegen 6 Mark 3 quint (?) Silber, se Im aus fstl. Müntz ist geben worden, Rest Roch 1138 fl. 11 kr. Die ich Zallmaister gedachtem Unnger bezalt uundt vermig aines beilingenden underschriebenen Zelt hiemit in ausgab einpring  :1138 Florins 1b 81/2 dl.​Etc...

(On pardonnera mes erreurs de copie et on se rapportera au document indiqué)

 

https://books.google.fr/books?id=Pn9UAAAAcAAJ&pg=PA274&dq=seghkein&hl=fr&sa=X&ei=vANVVdKFOYP8ULS3geAC&ved=0CCUQ6AEwATgK#v=onepage&q=seghkein&f=false

SOURCES ET LIENS :

— Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, Volume 7 :page 191

https://books.google.fr/books?id=624TAAAAQAAJ&pg=PA192&dq=%22In+corde+prudentis+requiescit+sapientia%22+lassus&hl=fr&sa=X&ei=aBFRVf2lGe3fsATc1oDABg&ved=0CCUQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false

— BARNES (Molly),2011,The Notion and Practice of Musica Reservata   and the Motets of Adrian Willaert’s Musica Novahttps://www.academia.edu/5518341/The_Notion_and_Practice_of_Musica_Reservata_and_the_Motets_of_Adrian_Willaerts_Musica_Nova

— BERGQUIST (Peter) 2006,   Orlando Di Lasso Studies page 165   Google

BERQUIST (Peter), éditeur, 19901,The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis Par Orlando di Lassus

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=Seghkein&source=bl&ots=OMXz8sby0r&sig=eTNBm7zMdg3I8N5AQTwYOIREJqg&hl=fr&sa=X&ei=eRJSVcCcJ4KBU9fxgdgN&ved=0CEIQ6AEwBw#v=onepage&q=Seghkein&f=false

— BERQUIST (Peter), éditeur, The Complete Motets 9: Patrocinium musices, prima pars (Munich, 1573) Par Orlande de Lassus   :https://books.google.fr/books?id=TJrSKKuGV6kC&printsec=frontcover&dq=Patrocinium+musices&hl=fr&sa=X&ei=L_VRVZ3eOsfwUOufgKgB&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=Patrocinium%20musices&f=false
 BRADLEY ( John William) , 1888 A Dictionary of Miniaturists, Illuminators, Calligraphers and Copyists,...

https://archive.org/stream/adictionarymini02bradgoog#page/n342/mode/2up/search/lindelius

—  BOSSUYT (Ignace) « The copyist Jan Pollet and the theft in 1563 of Orlandus Lassus « Sercret »  Penitential Psalms » From Ciconia to Sweelinck: Donum Natalicium Willem Elders Par Albert Clement,Eric Jas page 262

https://books.google.fr/books?id=OW0ktdIxMoIC&pg=PA262&lpg=PA262&dq=lindel+mielich&source=bl&ots=xyuNPQpN8x&sig=2lfFoBPITIPcndpKiCuNqF0AC3I&hl=fr&sa=X&ei=_MdPVYmTM8zvUo3agLgK&ved=0CEYQ6AEwBQ#v=onepage&q=lindel%20mielich&f=false

CLOSSON (Ernest), 1919, Roland de Lassus, Burnhout, Ets Brépols, Serié Les Grands Belges,  36 pages. Ernest Closson (1870_1950) est un musicologue belge. 

https://archive.org/stream/rolanddelassus00clos#page/n7/mode/2up

DECLÉVE, (Jules) 1894, Roland de Lassus, Sa vie, son œuvre, Mons.

https://archive.org/stream/rolanddeslassuss00decl#page/n5/mode/2up

— DELMOTTE (Henri Florent), 1836, Notice biographique sur Roland Delattre: connu sous le nom d'Orlando de Lassus, A. Prignet, 176 pages. pages 132-139.

https://books.google.fr/books?id=XmVDAAAAcAAJ

—  EICHNER (Barbara), 2012, Protecting the Muses, promoting the Church: Lassus’ "Patrocinium musices" reconsidered. (Oxford Brookes University)

— GUTKNECHT (Dieter), 2009,  Musik als Sammlungsgegenstand Die Kunstkammer Albrechts V (1528-1579) in München Wiener Musikgeschichte: Annäherungen - Analysen - Ausblicke ; Festschrift ... publié par Julia Bungardt,Maria Helfgott,Eike Rathgeber,Nikolaus Urbanek, pages 43-66.

https://books.google.fr/books?id=sh3X7YoDq2wC&pg=PA54&lpg=PA54&dq=%22johannes+milichius%22+mielich&source=bl&ots=vfaECHachT&sig=fN9eHzcVeZzB1AckNDKXukn9sU8&hl=fr&sa=X&ei=pzBPVauZL8bbU9bdgagE&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=%22johannes%20milichius%22%20mielich&f=false

 LÖCHER (Kurt), 2002  Hans Mielich, 1516-1573: Bildnismaler in München Deutscher Kunstverlag,- 279 pages

NAUMANN (Emil), 1886, History of Music I .

https://archive.org/stream/historyofmusic01naum#page/380/mode/2up

— RAINER (Bernhard), 2012, La distribution originale des psaumes de pénitence, in  commentaires du disque "Musica reservata, Secret music for Albert V" par Profetti della Quinta, Dolce risonanza :

file:///C:/Users/jean-yves/Pictures/H,ans%20Mielich/Orlando%20de%20Lassus/PN+0323.pdf

 — SANDBERGER (Adolf), 1864-1943 Ausgewählte Aufsätze zur Musikgeschichte, https://archive.org/details/ausgewhlteaufs00sand

— SMITH (Charlotte) 1983, Orlando di Lasso 7 penitential Psalms with 2 laudate Psalms : An Ddition of Munich, bayerische Staatsbibliothek Mus. MS. A, I and II

https://books.google.fr/books?id=qSu6r2byCTkC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

SCHMIDT-BESTE (Thomas), 2008, "Dedicating music manuscripts"  in "Cui Dono Lepidum Novum Libellum?" Par Ignace Bossuyt , Leuwen University Press page 98-99

https://books.google.fr/books?isbn=9058676692 

SCHÜTZ (Lieselotte) 1966 Hans Mielichs Illustrationen zu den Busspsalmen des Orlando di Lasso

Munich., 1966 - 147 pages. Thèse soutenue en 1967. Non consulté.

— WEININGER (Florian), 2012, Un tableau illustre mis en musique, in commentaires du disque "Musica reservata, Secret music for Albert V" par Profetti della Quinta, Dolce risonanza :

file:///C:/Users/jean-yves/Pictures/H,ans%20Mielich/Orlando%20de%20Lassus/PN+0323.pdf

— ZIMMERMANN (Max Georg),1895, Die bildenden künste am hof herzog Albrecht's V. von Bayern J. H. E. Heitz,  - 132 pages page 98-99 et page 108:

https://archive.org/stream/diebildendenknst00zimm#page/98/mode/2up

— Sur la musique baroque et ses instruments : http://classic-intro.net/introductionalamusique/baroque3.html

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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