Ce menu du souper du 13 décembre 1758 a été photographié dans une vitrine du Musée Condé de Chantilly. Lavieb-aile.
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Je vous propose à souper :
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PREMIER SERVICE
2 : OILLES.
Une aux oignons d'Espagne
Une Faubonne.
2 : GRANDES ENTRÉES.
Un aloyau dans son jus
Un rost de bif
8 : HORS D'OEUVRES.
D'aislerons de dindons en haricot et au bleds
De semelles de campines au soleil
De pluviers au vin de Bourgogne
Une poularde entière à la tartare
De foyes gras en cotelettes
De petits patés à l'espagnole
D'issue (?) d'agneau
De costelettes de mouton.
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Lexique.
— OILLE. féminin. Vieilli. Plat d'origine espagnole, fait de divers légumes et viandes très assaisonnés, servi en potage ou en ragoût. Oille en potage à l'ancienne mode, oille à la française (Dumas 1873). On servit une excellente oille (Ac. 1798-1878). Synon. olla-podrida. Etym. 1673 «ragoût fait avec divers légumes et viandes très assaisonnés» (Mmede Sévigné, Lettre du 2 nov. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t.1, p.610). https://www.cnrtl.fr/definition/oille
— FAUBONNE, féminin : Variété de potage au haricots blancs, à l'ail et à la crème fraîche. « Faubonne » est, en cuisine classique, le nom donné à un potage lié, préparé avec une purée de haricots blancs (ou de pois cassés, ou de petits pois), détendue soit avec du fond de veau blanc, soit avec du consommé, auquel on ajoute une julienne de légumes (carotte, céleri, navet, poireau) fondue au beurre, un bouquet de persil et, pour finir, des pluches de cerfeuil.
Autrefois, le potage Faubonne était également garni de chair de faisan rôti ou braisé, taillée en minces languettes.
Le mot est ignoré des dictionnaires, sauf le Complément du Dictionnaire de l'Académie Française de 1856. On en ignore l'étymologie, sans doute du nom de son inventeur puisque Faubonne est un patronyme, notamment attesté en Bourgogne à Poilly-su-Thoiron (geneanet). On peut citer l'abbé Jacques Chabert de Faubonne, ou Faubonne, dit Boisenval.
— ALOYAU . Pièce de bœuf coupée le long du dos entre la dernière côte et le sacrum, et comprenant le filet, le faux-filet et le romsteck. Synon. râble, travers . (CNRTL). Le mot, d'abord alloyaux à la fin du XIVe siècle, pourrait venir de l'ancien français aloe, alouette, ou "petits morceaux cuits à la broche, comme l'alouette". Ou bien proviendrait du verbe d'ancien français aloier et des mots allier, aloi . Les alloyaux (v.1395) sont d'abord une préparation de rognons, avec leur graisse, et de moelle de bœuf entourés de tranche de bœuf, avant de désigner ces tranches elle-même, puis (1611) la partie charnue d'une côte de bœuf, et enfin en 1680 le morceau formé par la suite du filet de bœuf qui sera nommé plus tard contrefilet et rumsteck. (Alain Rey, DHLF)
— ROST DE BIF. masculin. Voir RÔT-DE-BIF. s.m. "La partie de derrière d' un mouton, d' un agneau, d' un chevreuil, &c. qu' on sert rôtie." Dict Acad. Fr. 4è éd. de 1762. Ou RÔT DE BIFFE "Morceau du mouton ou du chevreuil qui se prépare comme le gigot.". Manière de couper le mouton. Le rôt de biffe & le gigot se coupent en travers jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de filet (1787)
— CAMPINES : « poularde fine ». De Campine, nom d'une région de la Belgique d'où cette race de poules est originaire. Située au nord-est de la Belgique entre la rivière Dyle et le début du Brabant oriental néerlandais, la Campine s’étend sur la plus grande partie des provinces d’Anvers et du Limbourg. Voir aussi "campines à la bigarure", "campines à la Muette", Menon 1755.
— AU SOLEIL. "Pané" ?. Voir Menon 1755 Queues d'agneau au soleil, pigeons au soleil, ailerons de poulardes au soleil.
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Ce menu du souper du 13 décembre 1758 a été photographié dans une vitrine du Musée Condé de Chantilly. Lavieb-aile.
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4 RELEVÉS.
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De poulles de Caux aux truffes
Deux terrines :
une fricassée de poulets
de tendrons en hoche
Un jambon
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Lexique.
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— RELEVÉ . "Relevé (de potage)/(plat de) relevé. Plat servi entre le potage et les entrées."
— TENDRON. Se dit des Cartilages tendres qui sont à l'extrémité des os de la poitrine de quelques animaux (1680). Manger une fricassée de tendrons de veau.
C'est « une réfection à la fin du XIVe siècle par changement de suffixe de tendrun (1213), tenrun (fin Xie), formes issues du latin populaire °tenerumen, dérivé du classique tener (tendre), auquel remonte aussi l'italien tenerume, « cartilage ». (Alain Rey, DHLF)
— HOCHE : "petite entaille".
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Ce menu du souper du 13 décembre 1758 a été photographié dans une vitrine du Musée Condé de Chantilly. Lavieb-aile.
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3è.
8 plats de rost :
De petits poulets à la Reine
De bécassines
De campines
De pluviers dorés
De rouges
De poulles de Caux
De perdreaux rouges
4 salades.
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Lexique
— POULET À LA REINE. C'est, parmi les quatre catégories de poulets, la plus petite mais la plus estimée, avant les « poulets gras », « poulets aux œufs » et « poulets communs ». Né au début du printemps, il est « d'un tiers moins gros que les poulets gras ; la chair en est très délicate, surtout depuis le mois de juin jusqu'au mois d'octobre. Trois petits poulets à la reine forment une entrée plus élégante que deux gros poulets. » La Cuisine française par Antoine Gogué ou lire ici, Dictionnaire universel d'agriculture et de jardinage de 1751. Ce serait une Race dite de Courte-Patte, précoce et élevée dans l'Orne. « Le coq pèse 1 kil. 1/2, la poule 1 kil.; l’un et l’autre sont si courts et si bas de pattes, qu’ils marchent comme le canard et que les plumes du cul-d’artichaut posent et traînent à terre malgré tous les efforts qu’ils font pour s’élever sur leurs jambes. La crête du coq double (2 crêtes) est accompagnée d’une demi-huppe en arrière; le plumage est caillouté blanc et noir foncé d’un bout à l’autre, à l’exception de la queue, qui est noir bronzé. Les faucilles sont longues et fournies, la patte est noire »…
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Ce menu du souper du 13 décembre 1758 a été photographié dans une vitrine du Musée Condé de Chantilly. Lavieb-aile.
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4è.
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8 Entremets chauds.
De Pattes d'oyes à l'espagnole
De Foyes gras en porc Epique
De Cretes à la cavallière
D'asperges de Choisy
De Cardes à la moelle
De Patés en croustade
De Cresson ? en épinard
D'Artichaud frit
4 froids
Une Tourte de blanc de chapon
De Langues à l'Ecarlatte
Un Gâteau de Lièvre
Un Gâteau au lard
8 assiettes
4 de begnets à l'ancienne ?
2 de patisseries
2 de crèmes.
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Lexique.
— EN PORC EPIQUE. On trouve dans les ouvrages culinaires des pigeons, des cochons de lait, des dindons "en porc-épic", ou des quenelles "frites en porc-épic".
— A LA CAVALIÈRE Je trouve des chapons à la cavalière "Videz , parez , bridez un chapon , mettez - le au feu avec bouillon , oignons , carottes , céleri et bouquet d'herbes ; laissez cuire une heure , égouttez et servez dans une purée d'écrevisses , ou purée de tomates."
— TOURTE DE BLANC DE CHAPON : "Hachez un blanc de chapon tout cru, avec autant de moëlle ou graisse de boeuf, faites tourte avec paste brisée, garnisez de champignons, troudes, crestes, ris de veau assaisonés d'un pacquet, sel, poivre, muscade , un peu de lard pillé,& couvrez de la mesme paste , dorez, & la faites cuire une heure & demye, mettez pistaches, jus de citron & de mouton en servant." Le Nouveau cuisinier, 1660.
— LANGUE À L'ECARLATTE. "La langue ayant passé 12 jours à la saumure, la faire tremper 24 heures à l'eau courante. La cuire à pleine eau jusqu'à ce qu'elle puisse être aisément traversée par une aiguille. L'égoutter et la faire refroidir sous poids lourd. L'envelopper entièrement de minces bardes de lard gras et l'introduire dans une baudruche achetée chez le charcutier. La ficeler par les deux bouts et la plonger 10 minutes dans l'eau bouillante. La retirer et piquer la baudruche pour en faire sortir l'air. C'est à ce moment que l'on colore la langue soir avec du carmin, soit avec du caramel. Passer ensuite de l'huile dessus et la suspendre au frais pour la conserver. Éviter un air trop vif qui la dessécherait et de préférence en faire plusieurs à la fois.
La langue écarlate peut se garder six mois. Elle se colore simplement au pinceau trempé dans le carmin." (https://jna.pagesperso-orange.fr/langue_boeuf_ecarlate.html)
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Ce menu du souper du 13 décembre 1758 a été photographié dans une vitrine du Musée Condé de Chantilly. Lavieb-aile.
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Bon appétit aux gourmets du vocabulaire !
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SOURCES.
—BRIAND, 1750, Dictionnaire des alimens, vins et liqueurs: leurs qualités, leurs effets, relativement aux différens âges, & aux différens tempéramens : avec la maniere de les apprêter, ancienne et moderne, suivant la méthode des plus habiles chefs-d'office & chefs de cuisine, de la cour, & de la ville. Ouvrage très-utile dans toutes les familles, Volume 1 Gissey, 1750 - 559 pages
https://books.google.fr/books?id=qv09xMgGhSsC&dq=%22Faubonne%22+dictionnaire&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
https://archive.org/stream/dictionnairedes01briagoog/dictionnairedes01briagoog_djvu.txt
— MENON, 1755, Les soupers de la Cour, ou L'art de travailler toutes sortes d'alimens, pour servir les meilleures tables, suivant les quatre saisons. 4 vol. ; in-12 Tome 2 BnF département Littérature et art, V-26993 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64685943/texteBrut
Tome 3
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6463215w.texteImage
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