Les églises des îles du Ponant III.
Belle-île-en-mer, bourg de Locmaria.
I. Présentation.
J'avais fait connaissance "sur le continent" avec saint Gurloës, premier abbé de l'Abbaye Sainte-Croix de Quimperlé ( cf. sa statue à la chapelle Saint-Albin en Plogonnec), puis à Groix avec les possessions (prieuré St Gunthiern) que cette abbaye avait reçue en 1029 d'Alain Canhiart, Comte de Cornouailles, faisant de celle-ci la troisième en importance en Bretagne. Les moines de Sainte-Croix de Quimperlé avaient aussi des biens à Belle-Île, et ce sont eux qui fondèrent, en 1070, un premiere chapelle à Locmaria (ou "lieu consacré à Marie").
J'imaginais une chapelle romane, mais les apports des époques suivantes l'ont fort remanié, notamment en 1714 pour le clocher-porche qui fut coiffé en 1808 d'un dôme ("en poivrière" pour les uns, "à l'impériale" pour les autres), et en 1868 pour la chapelle nord.
Elle porte le nom de Notre-Dame de l'Assomption, mais on la surnomme "Notre-Dame-de-Bois-Tors" , non pas pour quelque maîtresse-poutre de guingois, mais à cause d'une légende qui veut qu'un navire hollandais ( l'église a été dévastée par les Hollandais en 1674) ayant brisé son mât, son équipage ait décidé d'abattre l'orme de la place de l'église pour le remplacer. La Vierge furieuse que l'on s'en prenne à l'ormeau de son placître vrilla le tronc d'arbre sitôt abattu. Bonne leçon pour le charpentier du bord, qui choisira la prochaine fois du chêne ou du pin d'Orégon.
La nef et le chœur.
Dans le cœur est suspendu un tableau de l'Assomption : réalisé ainsi qu'une Vierge à l'enfant par un disciple de Murillo, Il a été apporté, en 1802, par un prêtre vicaire de Locmaria réfugié en Espagne sous la Restauration, l'abbé Marchand.
II. Les ex-voto et maquettes de procession.
1. Maquette de procession:
- le "Pie IX", maquette de procession portée jusqu'en 1939-1945. La maquette a été réalisée à Locmaria ; c'est un trois-mâts carré dont les soixante canons de sabord sont répartis sur deux ponts. Sa figure de proue est un ange.
Il est à noter qu'une maquette portant le même nom est suspendu dans l'église de Trescalan à La Turballe : c'est un trois-mâts barque de 76 canons, dont la figure de proue est un buste du pape.
Ex-voto :
1. La Léonie-Céline de Honfleur.
Reproduction d'une peinture sur verre
La peinture sur verre inversé ou "fixé sur verre" est une technique exigeante souvent utilisée en peinture traditionnelle : allégories en Allemagne, scènes bucoliques. Aux Pays-bas et en Flandres, cette technique a été utilisée pour des marines, des vues de port, des batailles navales et des naufrages; ce n'est donc pas un hasard si cet ex-voto était signé par Schoduyn, un nom de Dunkerque.
Julien Schoduyn figure dans un inventaire des artistes de peinture sous verre. En effet, avec d'autres peintres d'Ostende comme Meseure, Nefors ou Weyts, il a appartenu à un groupe qui s'est développé localement après avoir découvert l'art du fixé sous verre auprès de Wieden Wenzeslans, marchand, originaire de Skalice, une ville tchèque, connu pour son travail du verre. . On peut trouver les oeuvres des ces "portraitistes de navires" aux musées d'Anvers (pour une grande part, de fixés sous verre), d'Ostende, des Beaux-Arts de Dunkerque et au Musée portuaire de cette même ville. (Source Afjet)
Le titre "Situation de la Léonie-Céline Honfleur Captne Conan devant la barre de Bayonne dans la nuit du 18 décembre à onze heures du soir en 1857 J. Schoduin" décrit suffisament son sujet. Au premier plan apparaît le brig du marin bellilois, un trois-mâts figurant en arrière plan, devant le port dont on aperçoit la tour à feu en signalant l'entrée. Il s'agit sans doute de la tour de la "Haille" qui fut détruite par les Allemands en 1943.
(Onomastique nautique : Léonie et Céline sont les deux soeurs de Thérèse de Lisieux, et Thérèse se rendit en 1887 dans la chapelle Notre-Dame de Grâces de Honfleur pour y demander d'être admise au Carmel. Cette coincidence est troublante puisque le Léonie-Céline de Honfleur est antérieur de plus de trente ans à ce voeu.)
Il semble s'agir du même navire qui fit naufrage le 4 juin 1884 à Baubigny près de Carteret, et dont une partie de l'épave a été retrouvée en 1990 du coté de Barneville-Carteret puis présentée au musée maritime de Régneville-sur-Mer :
Cette goélette de cabotage de 76,24 tonneaux avait été lancée en 1854 pour un armateur de Belle-Île. Vendue en 1864 à l'armement Ruellan de Paimpol et rejaugée 69,32 tonneaux, elle navigue à la pêche morutière sur les Grands Bancs de Terre-Neuve jusqu'en 1868, où elle est réarmée au cabotage. Le 20 juin 1874, elle est achetée par Postel et Fils de Cherbourg mais le 2 avril 1881, elle vient s'échouer par gros temps sur les enrochements de Cherbourg. L'équipage est sauvé à marée basse. Achetée en 1883 par M. Mauger de Courseulles, elle fait naufrage à son quatrième trajet de retour de Swansea, à Baubigny.
Le brion, la contre-étrave, une partie de la quille et des bordés ont été récupérés : bordés de 7 cm, coque doublée de zinc. Les membrures de forte section sont caractéristiques des navires pratiquant l'échouage. Ses dimensions sont 20,43m de long, 6,51m de large.
Comme toutes les goélettes (voir la Belle-Poule, construite sur les plans d'une goelette islandaise), elle dispose d'une voilure composée d'une grand-voile et d'une misaine, de trois voiles d'avant (trinquette, petit-foc et grand-foc) et d'un petit hunier, d'un petit perroquet, d'une flèche et d'une voile d'étai. Elle était menée par un équipage de quatre hommes.
Sources :
http://www.archeosousmarine.net/bdd/fichetech.php?id=11406
http://patrimoine.manche.fr/fours-chaux-regneville-objets-details-N-B.asp?card=2664789
2. L'Anastasie.
Gouache (copie de l'originale, volée).
Inscription : "Offert à Ste Anne Locmaria Belle Ile. L'Anastasie capt Loréal doubland les Casquets au nord à un mille avec un ouragan de Nord Après un voeu sur moment à St Anne gagnait Aurigny à corps perdu quelques temps après sains et saufs le 19 février 1876".
Le navire — un brig — est en fuite, toutes voiles ferlées sauf le petit-foc et un hunier. On distingue 5 hommes sur le pont.
Le style de cette gouache évoque un peu les peintures de Paul-Émile Pajot, marin-pêcheur et peintre naïf des Sables, avec l'ourlet aligné blanc des vagues qui déferlent.
III. Les statues.
La Vierge et l'Enfant.
Vêtue de blanc et de bleu, couleurs mariales par excellence, le manteau revenant en voile sur sa tête selon la coutume de Judée, elle tenait de la main droite le lys de sa virginité, tandis que son fils, joli poupon blond, tend la main vers l'Humanité.
Saint Joseph.
C'est Pie IX (cf maquette suspendue) qui institua en 1870 saint Joseph patron de l'0201glise Universelle et fit de sa fête du 19 mars une fête solennelle.
Il a revêtu les mêmes couleurs que son Épouse. Sa statue a perdu aussi le lys, attribut qui attestait de la pureté de son comportement de tuteur de la jeune Marie de Nazareth pendant qu'elle demeurait chez lui et qu'elle reçut la visite de l'Ange Gabriel, puis/et de l'esprit Saint. Il n'a pas non plus son équerre ou ses outils de menuisier. La perte de ses attributs teinte son regard d'un voile de mélancolie.
IV. Les vitraux.
Consacrés à des scènes de la vie de Marie, ils sont l'œuvre, en 1989, de F. Le Nezet. Ce peintre-verrier de Vannes a réalisé aussi des verrières de la chapelle Saint-Cado à Belz, ou, en 2005, de l'église de l'île de Batz.
Si mes renseignements sont exacts, Francis et Danielle Le Nezet, couple de peintres verriers, voient aujourd'hui leur vocation poursuivie par leur fils Maëlgad, qui exerce aussi en vitrail d'art à Vannes.
L'Assomption.
"Marie nous offre son fils".
"Sainte Anne enseigne à Marie."
Détail : Signature : F. Le Nezet, Troguern 1989.
Six sanctuaires et l'église de Locmaria vue de l'Ouest.
On lit le nom des chapelles : Kerdonis, Pouldon , Magourig, Arnaud, Kerouarh, Kerdavid, Douar er Huerhies. Cela correspond aux sites des hameaux correspondant. Douar er huerhies traduit litteralement en breton loc-maria par "le lieu de la Vierge".
Vierge de l'Immaculée-Conception
au dessus d'une scène que je ne sais déchiffrer, mais où on reconnaît le mouillage de Locmaria, un bateau-pilote (reconnaissable à l'ancre dans la voilure), un navire de guerre au loin, et au premeir plan deux hommes en discussion : l'un est un marin-pêcheur et tient un aviron alors que l'autre est un paysan, tenant le collier de trait de l'un des trois chevaux qui sont dans le pré voisin. L'entrée du mouillage de Port Maria est bien représentée.
V. Les autres éléments remarquables.
"Ce tableau a été réalisé vers 1910 par un peintre de l'île résidant au Bugull , à la demande de l'abbé Baron, recteur de Locmaria. Il est très significatif et apporte un témoignage émouvant et réel de l'angoisse et de l'inquiétude des familles de marins face à la tempête. L'on aperçoit donc un brick dans une mer démontée. Sur la côte, au pied des rochers où viennent s'écraser les paquets de mer en furie, quatre femmes de Locmaria portant l'habit breton et la coiffe, dont l'une tient un enfant par la main, prient pour la sauvegarde des marins dans la tourmente, alors que des nuages leur sourit la Vierge Marie."
Sources : http://www.petit-patrimoine.com/fiche-petit-patrimoine.php?id_pp=56114_1