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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 20:39

     Les églises des îles du Ponant II.

       Groix, chapelle St-Léonard à Quelhuit.

I. Présentation.

  Le prieuré St Léonard, chapelle située initialement dans le village de Quelhuit et non sur le tertre qu'elle occupe actuellement, est ancien (présent en 1615 selon Maurice Vincent, Petite Histoire de l'Île de Groix), mais il fut restauré après la Révolution par le recteur Le Livec (Marc de Livec, recteur de 1818 à 1827) puis par le recteur Lagneux ( recteur de 1827 à 1863). Son plan est celui d'une croix latine.

 

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II. Les ex-voto et maquettes de procession.

1. Patronne d'Arvor Gx 3702.

  Cette maquette de petite taille est celle d'un dundee thonier de construction camarétoise, en réalité immatriculé initialement LGX 3702, puis  GX 3702 à partir de 1946. Il figure dans la liste exhaustive des bateaux pontés inscrits à Groix qui figure dans l'ouvrage de Dominique Duviard Groix l'Île des Thoniers (Ed. Quatre Seigneurs 1978), mais sans aucun des renseignements qui accompagnent les autres unités. Mais si on se réfère aux thoniers immatriculés avant et après lui ( 3701 Noëlette-Jean, 3706 Alexandre Etesse, 3707 Nénette, ce sont des navires immatriculés en 1932, de 50 tonneaux environ, qui ont navigué jusqu'en 1953. Le premier fut construit à Camaret, le second, deux fois vainqueur des régates de Groix,  aux Sables d'Olonne, le troisième à Keroman (Lorient).

  La Patronne d'Armor fait donc partie de la dernière génération des dundees, construits alors que le cours du thon se maintenait très haut (l'année 1932 fut l'une des meilleures), ce qui encouragea la construction de voiliers qui ne navigueront que 100 jours par an, au  tonnage élevé (50 à 60 tonneaux), "dotés de grands élancements arrières (et parfois avant), très toilés, le grand-mat étant soutenu par un double capelage ( 4 haubans de chaque bord) ; la grand-voile à chute très verticale étant arisée à l'aide d'un mécanisme à rouleau." (D. Duviard, op. cité)

  Je ne vois sur la maquette que trois haubans, et pas de mécanisme de réduction de voilure à rouleau ; la bordure de grand-voile n'est pas libre, comme celle du Noëlette-Jean. 

  Avec une bonne vue, on distinguera au dessus de la pomme de mât une girouette en forme de thon, identique à celle qui remplace le coq au sommet de l'église de St-Tudy ! 

   "En 1934-35, la flotte de thoniers à voiles atteint son apogée en France. Sur les 774 dundees armant pour cette pêche, Groix se place encore au premier rang, avec 215 bateaux, devant Etel, 200 ; Concarneau, 163 ; Les Sables-d'Olonne, 83 ; Port-Louis, 65 ; l'Île d'Yeu, 62 ; Douarnenez, 41 ; Camaret, 23. Mais bien-vite l'armement groisillon périclite : les vieux bateaux disparaissent et ne sont pas remplacés. En 1938, on ne compte plus à Groix que 133 voiliers ; 83 en 1946 ; 54 en 1950 ; 25 en 1954 ; aucun en 1960." (D. Duviard, op. cité, p. 343).

  Gilbert Duval (voir commentaires ici) m'apprend que "en 1932, il appartenait à Joseph Guillaume, de Clavezic qui en détenait 3/8, Louis Yvon, Guérin Adam, Amélie Alain, Marie-Ange Guillaume et Marie Quéric 1/8 chacun." 

 

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2. Marcel, dundee thonier

 Michelle Bourret  (Le patrimoine des communes du Morbihan, 1, 1996) signale que ce "dundee Marcel fut construit en 1911 à Camaret ; il termina sa carrière en 1934, et son matricule véritable est le G 1434, puis le LGX 3115, et non le G 1913 qui évoque ici la date du don de l'ex-voto".

  L'immatriculation des navires de Groix a été LG  depuis 1856 où le Syndicat de Groix est rattaché à Port-Louis (Lorient), puis G depuis 1883 2 ans après que  Groix soit devenu quartier maritime. La numérotation repart alors à zéro. Elle devient LGX en 1927 où le quartier de Groix est devenu Préposat (ancienne dénomination des sous-quartiers) dépendant du quartier de Lorient, d'où la première lettre L, avec un changement de numéro d'immatriculation. Et enfin GX depuis 1946 après le nouvel essor du port de pêche, sans changement de numéro,  et désormais LO par rattachement à Lorient.

  On trouve aussi sur le site Topic Topos les informations complémentaires suivantes : " Cette grande maquette de dundee est une création de Marcel Le Nahennec, de Kerlo, patron de thonier, né en 1891 à Lorient et noyé lors de la grande tempête de 1930, à bord du dundee groisillon Deux Madeleines. Elle est habituellement portée sur des brancards, au moment du pardon de Quelhuit, par des jeunes de 14 à 15 ans le premier dimanche de septembre". 

  La tempête mentionnée est celle du 19 septembre 1930 où six dundees de Groix disparurent corps et biens, faisant 38 victimes et laissant 22 veuves et 26 orphelins. La plupart des thoniers ont été victimes d'un coup de mer d'arrière disloquant la voûte longue et basse qui était alors caractéristique des dundees thoniers. Un nouvel arrière dit "en cul de poule" ou "en canoë" fut alors adopté pour parer à ce point de vulnérabilité. La maquette montre un navire présentant cette voûte d'avant 1930.

La voilure établie est la même que celle du Patronne d'Arvor, foc, trinquette, grand-voile, flèche de grand-voile, tape-cul ; on note les trois bandes de ris dans la grand-voile. 

  On voit, au centre du navire, les tréteaux blancs sur lesquels seront pendus les thons pêchés.

  L'ouvrage de D. Duviard précise le tonnage du navire ( 41,99 Tx soit huit tonneaux de moins que la Patronne d'Arvor), sa "fin de carrière en 1934 (CC, Ex Cancale 660)". Gilbert Duval, dans son commentaire de cet article, précise qu'il a été vendu en 1934 à Cancale sous l'immatriculation CC660. L'immatriculation de Concarneau est CC et celle de Cancale était CAN.

 

 De 1850 à 1908, aucun voilier ponté de Groix n'avait été construit à Camaret. Depuis 1908, avant la construction du Marcel en 1911, 9 autres dundees venaient de Camaret. Au total, les dundees sortant des chantiers de Camaret et inscrits à Groix sont moins d'une vingtaine. La plupart ont été construits aux Sables d'Olonne.

 


 

 

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III. Les statues.

 Statue de saint Léonard.

 Saint Léonard est un saint légendaire du Ve siècle qui aurait été converti par Saint Rémi, et aurait obtenu de Clovis le droit de visiter, et d'octroyer la liberté à tout prisonnier qu'il déciderait. C'est ainsi le saint patron des prisonniers. Il devint ensuite moine près d'Orléans, puis ermite avant de fonder lui-même une abbaye près de Noblac. Il est donc figuré ici en tenue d'Abbé, avec la mitre à fanons, et la crosse. Cette statue est portée en procession sur un brancard lors des fêtes.

  

 

 

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Sainte Brigitte.

  Au XVIIe siècle, à Groix, une chapelle Sainte-Brigitte existait au Moustero.

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? St Albin ? St Méloir ? 

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 Pietà. 

 

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      Saint Sauveur.

    Au XVIIe siècle, parmi les 17 chapelles de Groix, l'une était vouée à saint Sauveur, entre Loctudy et Kerclazedic.

  La première présence religieuse sur l'île fut celle des moines de l'abbaye Sainte-Croix de Quimperlé qui avait fondé le prieuré de Saint-Guthern. Or, cette abbaye avait été fondée par saint Urlou et douze autres moines venant de l'abbaye de Saint-Sauveur à Redon. 

 

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IV. Les vitraux.

Non remarqués par le photographe...

V. Les autres éléments remarquables.

Le toponyme "Quelhuit".

L'élément le plus remarquable de la chapelle St-Léonard de Quelhuit est certainement ce toponyme, "Quelhuit". On est vite intrigué par la présence, comme l'inclusion d'une fleur connue dans un morceau d'ambre, du chiffre huit qui nous est si familier mais dont la familiarité s'altère et se teinte d'étrangeté au son de cette devinette semblable à un cri de sterne caugek : quelhuit ? quelhuit ? quelhuit ?

  D'une façon générale, l'ïle de Groix est un paradis non seulement pour les géologues, mais aussi pour les amateurs de toponymie ; certes ils n'y trouveront aucun nom en plou- ou en tre-, tous décimés comme par un cataclysme (le passage des vikings ?) pour ne laisser apparaître que les ker- ou les loc-, mais les productions du dialecte groisillon l'enchanteront, à commencer par la partition de l'île en deux secteurs, l'une à l'est, religieuse, civilisée nommée Primiture ou Pimitur, celle des patrons de pêche s'opposant à celle de l'ouest, Piwisi la sauvageonne, au parler rocailleux (gravelleg) où se recrutent les bons matelots. Le village de Quelhuit en fait partie, ainsi que, sur le littoral, la roche affleurante dite Le petit-sec de Kelhuit, bonheur des plongeurs.

  Trop influencé par ma lecture de La Recherche, j'ai d'abord cru à une influence normande et à la découverte ectopique de la racine -thuit ou -huit, du vieux normand tuit, twit,"essart, défrichement", du norrois thveit comme dans Bracquetuit, Vautuit, Bois-Tortuit, Le Thuit-Simier ou dans les nombreux autres exemples que les scandinaves ont laissé derrière eux. 

  On se souvient en effet que dans Sodome et Gomorrhe, Marcel Proust décrit comment, dans le salon estival des Verdurin, à La Raspellière, les convives débattent de toponymie, puis comment Brichot, professeur à la Sorbonne, explique au narrateur combien l'ancien curé de Balbec, dont l'ouvrage est très estimé par Mme de Cambremer, s'était égaré dans son analyse étymologique des noms de lieu : " " Carquethuit et Clitourps, dont vous me parlez, sont, pour le protégé de Mme de Cambremer, l'occasion d'autres erreurs. Sans-doute il voit bien que carque, c'est une église, la kirche des allemands. [...] Mais pour tuit, l'auteur se trompe, il y voit une forme de toft, masure, comme dans Criquetot, Ectot, Yvetot, alors que c'est le thveit, essart, défrichement, comme dans Braquetuit, Le Thuit, Regnetuit, etc..."

  Mais hélas, j'allais devoir renoncer à faire de Quelhuit un cousin du fameux port de Carquethuit, diamant, avec Guermantes et Balbec, de l'onomastique proustienne. 

  Les noms que nous entendons pour la première fois, parce qu'ils sont voilés de mystère, nous séduisent et nous attirent à eux, et tout en cheminant à leur rencontre, nous recueillons la myrrhe, l'encens et le santal, l'indigo ou la cochenille, la turquoise ou le saphir que nous leur apportons pour les parer ; ce ne sera pas toujours aussi pompeux mais jamais, pourtant, nul nom n'aura paru devant nous sans qu'il ne reçoive sa teinte, son parfum et sa flagrance. Puis, certains, très rapidement, se dépouillent de ces emblèmes pour s'habiller civilement du savoir acquis. L"énigme que ces sphinx nous posaient une fois résolue par la compréhension de leur signification, ils sont des exuvies deshabités de leurs charmes, des outils commodes mais vulgaires. Pourtant, lorsque c'est l'étymologie qui en fourni les clefs, ce sont vers d'autres mondes  qu'ils nous mènent. La déception que son déchiffrement suscite se féconde en de nouveaux rêves, se réchauffe à la libido sciendi. L'interprétation étymologique des toponymes vient briser le lien trop bête entre signifiant et signifié, et se met à brouiller la réalité qui éclate dans de nouvelles et secrètes polyphonies des sens. 

L'orthographe elle-même se met à trembler, à perdre sa rigueur dogmatique : on découvre qu'on parle du menhir de Kelhuit, mais du village de Quelhuit, que la carte de Cassini de Thury (levée de 1757 à 1790) écrivait Kerhuit.

  Si j'ai vu s'effondrer les allures scandinaves que j'avais prêté à ce nom et si les deux orbes réunies du chiffre 8 se sont envolées comme deux ailes, c'est que l'origine bretonne en est parfaitement définie : le mot signifie "la coudraie", l'endroit où poussent les coudriers. Il appartient en effet aux "formations végétales en -IT, OUET, issues de la terminaison -ITUM et Etum", selon le titre de l'article de Gildas Bernier (Annales de Bretagne Année 1971, volume 78 n° 78-4 pp.661-678) http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391x_1971_num_78_4_2574

        C'est sur ce procédé de dérivation issu du bas-latin et associant le nom d'un arbre à la terminaison collective -etum, -itum que cet auteur peut retrouver 228 noms bretons de lieux représentant des formations arbustives, des ensembles de hêtres (Faou : Le Faouët ou Hallec : Elléguët, Halgouët, Hallegot), de sureau (Scao : Scaouët), d'épines (Spern : Spernoet, Spernot), de charmes (carpinetum : Carnoët), et enfin, dans notre exemple, de coudriers, Colo.

 Pour cette arbre, outre notre Quelhuit grésillon, parmi 18 exemples, 11 sont  construits sur Colo -itum, comme Bodelhuit à Guern (56), Guellouit à Melrand, Kerguelhouit à Maël-Carhaix (29), Le Nelouit à Missirac (56), ou encore, Quelvy, Quelvik, Roch Quilvit, Quillivit , contre un seul construit avec -etum, Le Nelhouët. D'autres sont formées sur Corylus, coudrier, ou Coryletum, dès 858, comme Colroit, Colroet et Colruit  jusqu'à Courrouet (1438).    

  Le remarquable site d'Enguerrand Gourong sur l'histoire de Groix : link rapproche ce toponyme du vieux breton "coilguid", associant  coll, "coudrier, et guid, "arbres", ou encore de la forme kerwezid, de kelwez, collectif pour coudrier et "id", terminaison collective issue de -etum. Il retrouve les exemples de Quel vide ou Ogée-Quelvide, écart de Gourin (56), de Quelvite, hydronyme de Guiscriff.

 

   On comprendra mieux la fréquence de ces coudraies si on sait que sous le nom de coudrier, Corylus, L. 1753 se cache pour le profane le noisetier de nos campagnes. Le site Wikipédia sur le noisetier signale "Jadis, le noisetier était considéré comme une plante magique associée à la magie blanche./.../ Dans Tristan et Iseut, l'amour n'existe que si le coudrier peut s'enlacer au chèvrefeuille ; dans le cas contraire les deux disparaissaient . Le coudrier a toujours été source d'histoires magiques. Il était utilisé pour des incantations par les druides. Il a été utilisé par les sourciers", et une branche de noisetier taillée en fourche pour détecter l'eau souterraine "remonte à l'époque des Celtes.

   C'est dire, connaissant l'importance du culte des arbres et du rôle des bosquets sacrès chez les celtes, l'intérêt de la constatation de Gildas Bernier 'article cité, p. 676) :

  "Ce toponyme, attesté par 18 exemples dans toute la zone bretonnisée à un moment quelconque, est attaché parfois à des lieux humides où poussait le noisetier, mais le pouvoir quasi-magique de la baguette de coudrier entre les mains du sourcier et les superstitions disparues ou blamâble auquelles cet arbre servait de support (d'après l'Encyclopédie de Diderot) nous montre aussi la vertu particulière attachée à cette essence. Nous avons remarqué la triple coïncidence entre un toponyme se rapportant au coudrier et l'existence d'un édifice chrétien ". Ce sont la chapelle du Guellhouit à Melrand, où se tient un pardon marial chaque année en juillet ; la chapelle-basilique de Notre-Dame de Quelven (56) avec sa statue de Vierge ouvrante et son important pélerinage ; et la chapelle du prieuré St-Léonard à Quelhuit sur l'île de Groix et lieu de culte marial : ce qui amène l'auteur à se demander " s'il n'y a pas eu là christianisation de lieux de culte païens".

 

Au recensement de 1906, le village de Quelhuit comptait 36 maisons, 36 ménages, 163 âmes (contre 836 au bourg).




 

 

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Published by jean-yves cordier

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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