Les églises des îles du Ponant I.
Île de Groix, l'église Saint-Tudy au bourg.
I. Présentation.
L'église paroissiale Saint-Tudy est célèbre pour sa girouette en forme de thon, affirmant de loin que l'île doit son développement à la pêche du thon germon (thon blanc) de 1870 à 1940 en devenant le premier port français d'armement de thonier. Le sanctuaire initial a été reconstruit entièrement en 1850 par le recteur Lagueux, lui donnant sa forme de croix latine. Cette réussite explique que nous entrions ici dans une riche et grande église du style néo-xxl en vigueur au XIXe, aux murs traités en faux-marbre ou peint en blanc cassé, aux statues sulpiciennes, qui feraient oublier le charme des petits ports bretons si certains détails ne rappelaient la vocation maritime et les traits insulaires de cette église. Ce sont eux que j'ai recherchés.
II. Les maquettes de procession.
Rien n'indique qu'il s'agisse d'ex-voto proprement dit (des oeuvres réalisées après la réalisation d'un voeu, ou par les rescapés d'un naufrage), et les deux maquettes de thoniers ont plutôt été données à la paroisse pour être portées en procession lors des fêtes religieuses ou du pardon pour honorer le passé maritime de l'île et pour protéger les marins et leur flottille.
1. Le Stiren ar Mor Gx 3287 (Étoile de la Mer)
Dundee thonier de 45,95 Tx construit aux Sables d'Olonnes en 1927 pour Groix. Première immatriculation G 1631 puis LGX 3287. Fin de carrière en 1943, Concarneau 2987. Il n'a donc pas pu, sauf erreur, naviguer sous les lettres GX instituées en 1946. Maquette de Mr Louis Charles Gueran en 1991, don à la paroisse.
La réalisation est soigneuse, comme on pouvait s'y attendre, et on remarque des détails comme les deux bandes de ris de la trinquette et de la voile de tapecul. Les voiles de tissu rouge rappellent que les marins passaient leur voile de travail au tan, poudre d'écorce de chêne, pour leur conférer une meilleure résistance ; souvent, seules les voiles de régate étaient blanches.
Ce type de voilier de travail est nommé dundee (prononcer dindé) non en raison du port d'Ecosse, mais par francisation d'un terme anglais assez flatteur, dandy (élégant) par lequel les britanniques désignaient ce nouveau gréement apparu vers 1860. Ce sont des cotres à tapecul, mais dont la voile du mât arrière (d'artimon, de tapecul) voit son écoute renvoyée non pas à l'extrémité d'une bôme articulée sur le mât, comme sur d'autres yawls, mais à celle d'une "queue de malet", espar fixe dépassant à l'arrière du navire. Cette queue de malet, qui se retrouve aussi sur les lougres qui ont précédés les dundees, est donc caractéristique. Pour les profanes, c'est le bout de bois qui dépasse tout en arrière, sous la voile.
2. Dundee thonier :
Sans matricule, mais d'allure plus ancienne. On note trois voiles d'avant.
III. Les statues.
Je me contenterai de montrer celle de sainte Bernadette.
IV. Les vitraux.
On trouve deux ensembles de vitraux : ceux réalisés en 1976 par Pierre du Vorsent, maître-verrier de Lorient qui a réalisé aussi, entre-autres, ceux de la chapelle St-Léonard à Ploemeur en 1980 ou ceux de Locmiquelic en 1970, et d'autres, plus anciens, assez typiques de la première moitié du XXe siècle, dont j'ignore l'auteur.
Vitrail de l'apparition de la Vierge à Bernadette Soubirou en 1858 dans la grotte de Massabielle à Lourdes :
La Vierge prononce la phrase Je suis l'immaculée-Conception,mais c'est en réalité en patois qu'elle s'est adressée à Bernadette en disant "Que soy era Immaculata Councepciou".
Le culte rendu à Groix à la Vierge de Lourdes est manifeste, puisque la chapelle sud lui est consacrée (voir "statues").
Vitrail de la pêche miraculeuse.
qui a tout-à-fait sa place dans cette paroisse de marins-pêcheurs qui , avec une flottille de près de 300 thoniers en 1914, a connu un développement économique exceptionnel grâce à la pêche du thon et de la sardine.
V. Les autres éléments remarquables.
1. Réuni dans la chapelle des fonds baptismaux désormais vitrée, un "trésor de sacristie" est constitué d'éléments d'orfèvrerie, de paramentique et d'objets du culte.
Moule à hostie (ou "fer à hostie"):
On distingue les motifs gravées sur le pain azyme , dont le Christ en croix entouré du monogramme IHS. Après cuisson sur un feu clair, on les découpait au rondeau. Elles étaient fabriquées par les Clarisses et les Carmélites, mais le presbytère disposait peut-être d'un fer?
Vitrine avec la barrette du recteur.
Ostensoir à six médaillons et encensoirs:
Burettes :
présentées par l'enfant de choeur, elles serviront à trois reprises lors de l'office, notamment pour que le prêtre se lave les mains lors du "lavabo", du nom de l'extrait du psaume 25 qu'il prononce alors (lavabo inter innocentes manus meas et circumdabo altare tuum domine, "je laverai mes mains en signe d'innocence pour approcher de ton autel Seigneur").
Bannières :
Bannière de la paroisse, ou envers d'une bannière de Jeanne d'Arc, puisque la formule "De par le Roy du ciel" est la devise de Jeanne d'Arc, et que les motifs de l'épée, de la couronne et des rameaux de chêne (et d'olivier ?) lui sont propres.
"Hatoup" terme nautique breton signifiant "tout-dessus", "toutes voiles dehors", est la devise de l'Île de Groix témoignant de sa détermination courageuse. Elle est placée sous les armoiries de la commune :
- " Parti : au un d'argent à cinq moucheture d'hermine de sable posées en sautoir.
- ...Au deux d'azur à un bateau de pêche aussi d'argent équipé de gueules, accompagné à senestre d'une falaise de sinople issante du flanc et surmontée d'un phare d'argent allumé de gueules ; à la bordure aussi d'argent.
- ...Une ancre de sable brochante sur la partition et la bordure, l'organeau soutenu à dextre par un lion de mer et à senestre par un requin, les deux aussi d'argent."
La brodreie montre un thonier en pêche, qui a abaissé ses tangons afin de faire travailler six lignes équipées d'hameçon. Il a établi la trinquette mais non le foc, la grand-voile (et la flêche de grand-voile visible sur le deuxième dundée), et la voile de tapecul. Des lettres sont peintes à l'avant : CJQ ??
Bannière de sainte Thérèse.
Bannière de la Vierge au dessus de la carte de Groix : : Guerhiez vari steren er mor goarnet enezenn, Vierge Marie étoile de la mer protégez l'île
Chasuble-violon pour la couleur liturgique rouge.
Chape de couleur verte pour les temps ordinaires de la liturgie.
2. Maître-autel contemporain.
3. Tabernacle "marin".
Le tabernacle décoré d'un poisson est placé dans un encadrement constitué d'une ancre avec son jas et d'un fragment de mât gréé d'une poulie ; l'ancienne poulie profite ici d'une pieuse retraite, mais ses réas et ses joues de bois rêvent encore des garants et des dormants dont elle composait moults palans et cartahus simples ou doubles, forces itagues ou caliornes, sans parler des bredindins, où les dormants des poulies se rejoignent tendrement sur le même crochet. Ah, où sont passées les bredindins de jadis ?
C'est un fanal babord qui fait office de veilleuse de Saint-Sacrement.
Tout cela rappelle combien l'accastillage et le gréement d'un navire, comme le navire lui-même, et le poisson qu'il pêche ont alimenté la symbolique religieuse.
4. Confessionnal "M. le recteur" et escalier hélicoïdal.