Un grand naturaliste brestois* :
le pharmacien de marine Arthur Bavay
(1840-1923).
* (d'adoption)
Arthur-René Jean-Baptiste Bavay est né à Lamballe le 28 avril 1840 de François-Isidore Bavay (Lamballe 1798-Landevennec,1873) médecin à Lamballe, et de Marguerite-Rose Mouésan.
84 ans plus tard, après avoir enthousiasmé sa vie à chercher les petites bêtes, il n'avait trouvé meilleur passe-temps que d'en chercher de plus petites encore, dans le sable des plages, scrutant les coquillages minuscules et les animalcules dans les sables coquilliers que ses élèves lui faisaient parvenir, du monde entier au Muséum, et s'exclamant devant une coquillette enfouie dans le sable de Ternate (Îles Moluques) "une Carditella pusilla !".
Plus près de nous, parmi la centaine d'articles qu'il écrivit, je citerai celui-ci, par lequel je l'imagine arpentant, nez sur le sable, les plages si familières du littoral brestois :
— 1889. "Addition à la faune malacologique terrestre et marine de la rade et des environs de Brest (Finistère)". Journal de Conchyliologie, XXXVII, p. 363.
Mais on pourrait l'imaginer aussi "dans le ruisseau de Saint-Adrien, au fond de la baie de Lauberlach (Plougastel), près du moulin", où il découvre un Pisidium casertanum, ou à Morgat et à Douarnenez prélevant sous les pierres un Kellia Mac-Andrewi fixé par un bissus.
Vous souhaitez le suivre sur la plage ? C'est par ici :
1. Le pharmacien botaniste.
J'avais cru d'abord qu'Arthur Bavay était essentiellement, comme la plupart des pharmaciens de la marine, un fameux botaniste spécialisé dans la flore de Nouvelle-Calédonie, puisque Auguste Dizerbo le présentait comme "le découvreur de l'essence de Niaouli", et que sa publication de thèse sur deux plantes de Nouvelle-Calédonie, l'anacardier Anacardium occidentale (vous connaissez son fruit, c'est la noix de cajou), et le Niaouli (vous connaissez son huile, c'est le Goménol) était bien connue. C'est en effet à partir des travaux de Bavay, alors pharmacien de 1ère classe que l'on s'intéressa au Niaouli, plante de la famille des myrtacées, et du genre Melaleuca, actuel Melaleuca quinquenervia aux feuilles odorantes et à l'écorce s'exfoliant comme du papier. Il avait conclut son étude ainsi : « Je ne sais si, comme on le suppose, l’essence de Niaouli est appelée à un avenir quelconque, soit médical, soit industriel ; mais à coup sûr, si cet arbre ne devient pas une source d’aisance pour la Nouvelle-Calédonie, cela ne l’empêchera pas d’avoir été une précieuse ressource pour ses premiers habitants » Soixante ans plus tard, la production du niaouli, commercialisé par les laboratoire du Goménol de la famille Prevet,était l’une des plus anciennes industries de transformation et d’exportation de la Nouvelle Calédonie avec celle du Santal et de la viande de bœuf, atteignant vers 1920 une véritable production industrielle. Elle augmente fortement avant la 2ème guerre mondiale, atteignant entre 12 et 24 tonnes par an, avant de chuter et de devenir très faible très faible à partir de 1990.
L'usage de l'huile goménolée, appréciée pour ses propriétés antiseptiques, fut si large qu'il occasionna, en lavage nasal chez les enfants, des pneumopathies huileuses.
Pourtant, je devais découvrir que la réputation d'A. Bavay était en relation avec beaucoup d'autres compétences encore :
2. L'officier de santé brestois.
En 1864, il aurait été pharmacien à l'hôpital naval de Port-Louis
Pharmacien rattaché à l'École de médecine navale de Brest, il occupa des fonctions de Professeur d'Histoire naturelle, et, comme tel, il fut directeur du jardin botanique de l'hôpital maritime. Il avait précedemment exercé les mêmes fonctions à Toulon (nommé Professeur en 1875).
Il eut alors comme collègues-enseignants sous la direction de Charles Barthélemy puis de Jean-Marie Lucas : le médecin principal Adolphe Duchâteau en Clinique médicale, pathologie interne, pathologie exotique ; le médecin principal Albert Galliot en Clinique médicale, thérapeutique :les médecin en chef Charles Cras, puis Charles Auffret en Clinique chirurgicale, pathologie externe, chirurgie d’armée ; Charles Auffret en Clinique chirurgicale, médecine opératoire, physiologie ; le médecin principal Francisque Guyot en Anatomie et histologie ; le médecin de 1re classe Adrien Brediam en Hygiène et médecine légale ; le pharmacien de 1re classe Frédéric Bourdon en Physique et pharmacie ; le pharmacien principal Nicolas Chalmé en Chimie, chimie médicale ; et le médecin de 1re classe Louis Vergniaud en Accouchement, maladies des femmes et des enfants.
En 1871, il fut désigné pour se rendre en Guadeloupe, "en remplacement de M. le pharmacien de 1ère classe Chaze, qui, à son retour en France, servira au port de Brest." Il publie alors des Notes sur l'Hylodes martinicensis et ses métamorphoses Basse-Terre (Guadeloupe), Imp. du Gouvernement, in 8°, 14 pages et pl. 1872. Il s'agit d'une petite grenouille actuellement nommée Eleutherodactylus martinicensis Tschudi, 1838.
Il est nommé Pharmacien en chef en 1883.
Il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur le 7 août 1877, officier le 3 mai 1889 (dossier archives).
3. Le collectionneur d'insectes.
C'est en consultant la liste des membres de la Société Entomologique de France que nous y découvrons Arthur Bavay, avec une indication: "collection de coléoptères". En 1901, il figure dans la liste de ceux qui ont procuré des photographies au Bulletin de la Société. En 1904, le bulletin signale à propos de Macrogyrus elongatus Regimbart, 1883 que "Le Muséum de Paris possède une belle femelle très métallique et très irisée, étiquetée « Yahoué (Bavay), 1904."
4. Le parasitologue.
En 1877, il a décrit le parasite Strongyloïdes stercoralis (Bav.) ou anguillule, nématode responsable d'une parasitose nommée anguillulose ou strongyloïdose que l'on retrouve chez l'homme ou chez d'autres espèces animales. L'anguillule (Strongyloïdes stercoralis) est un ver rond minuscule dont les femelles parthénogénétiques parasites, sont profondément fixées dans la muqueuse duodénale.
5. Le malacologue ou conchyliologue.
Je savais qu'Arthur Bavay avait une belle collection de coquillages, dont il avait fait don au Musée d'histoire naturelle de Brest. C'était là seulement un fait-divers, car c'est bien comme spécialiste des coquillages qu'Artur Bavay donna la pleine mesure de ses qualités scientifiques.
Il suffirait pour s'en convaincre de lire la note biographique que rédigea son collègue Ed. Lamy en guise de notice nécrologique dans le Journal de conchyliologie (Paris) Volume 68 - Page 172-182, 1923/04 (SER4,T22,VOL68)-1923/06 :
« Ce regretté savant avait accompli une brillante carrière dans le corps des Pharmaciens de la marine et son mérite lui avait permis d'y accéder aux grades les plus élevés. Après avoir fait de longs séjours à la Guadeloupe, puis en Nouvelle-Calédonie et avoir ensuite enseigné l'Histoire naturelle aux Écoles de Médecine de Toulon et de Brest, il était devenu Pharmacien en chef et, en cette qualité, fut appelé en 1896 à Paris aux hautes fonctions de Membre du Conseil supérieur de santé.
Malgré ses absorbantes obligations professionnelles, il s'était toujours vivement intéressé à la Science pure. Véritable naturaliste, il avait su faire, au cours de ses lointains voyages, de nombreuses et sagaces observations et recueillir de précieux documents qu'il avait utilisés pour d'intéressants travaux dans différentes branches de la Zoologie : la Parasitologie (1) l' Erpétologie, la Conchyliologie.
Mais après sa retraite prise en 1904, il se consacra entièrement à cette dernière science.
Son œuvre malacologique peut être divisée en plusieurs chapitres.
Par la description de nombreuses formes nouvelles il a contribué, soit seul, soit en collaboration avec M. Ph. Dautzenberg, à augmenter nos connaissances sur les coquilles terrestres et fluviatiles de l'Extrême-Orient.
Dans les faunes marines, il s'est tout particulièrement occupé, avec M. L. Tillier, de la question des migrations des Mollusques à travers le canal de Suez.
Parmi les Lamellibranches, il s'est spécialisé dans l'étude des Pecten, dont il avait réuni une fort belle collection, en même temps qu'il avait consenti à déterminer et à classer les espèces de ce genre possédées par le Muséum national de Paris.
Dans les Gastéropodes, ce sont les Marginella qui furent d'abord son groupe de prédilection.
Mais dans ces dernières années, il s'était pris d'une véritable passion pour les formes minuscules que l'on trouve dans les sables coquilliers littoraux et même il avait bien voulu rédiger, pour leur récolte, des instructions à l'usage des Voyageurs-Naturalistes du Muséum.
A la suite de cette publication, il se chargea d'étudier tous les sables qui, recherchés d'après ses indications, arrivaient au Laboratoire de Malacologie.
Les initiés seuls peuvent se rendre compte du temps et de la peine qu'il consacra ainsi au travail long et difficile nécessité par l'étude consciencieuse des coquilles microscopiques. Il devait d'abord les trier avec soin à la loupe, puis, après cette besogne patiente, il les examinait minutieusement au microscope et les dessinait scrupuleusement à la chambre claire. Malgré son grand âge, son œil exercé savait découvrir les détails de sculpture les plus infimes et lui permettait d'assumer une tâche de nature à effrayer de plus jeunes.
Son ardeur au travail ne s'est jamais ralentie et elle semblait défier les atteintes de la vieillesse. Trois jours avant sa mort il était encore venu occuper sa place accoutumée au Laboratoire.
Il s'est brusquement éteint,le 13 juillet 1923 dans sa 84ème année, pouvant se rendre ce témoignage qu'il avait terminé une longue vie consacrée toute entière à un labeur incessant.
Sa valeur scientifique et l'aménité de son caractère l'avaient fait élire, pour l'année 1902, prèsident de la Société Zoologique de France, dont il faisait partie depuis 1879. Il avait été nommé en 1909 Correspondant du Muséum. Il était Officier de la Légion d'Honneur et de l'Instruction publique.
Sa perte provoquera d'unanimes regrets : ils seront d'autant plus grands que, s'il laisse une œuvre inachevée, il faut en rendre responsable les scrupules d'une haute probité scientifique qui, seule, l'a arrêté au moment d'entreprendre des travaux d'ensemble sur les groupes sur lesquels il avait acquis une maîtrise incontestée.
[…]
Ed. Lamy. »
Suit la Liste des publications Malacologique d'A. Bavay de 1873 à 1922 soit 69 références bibliographiques. Je ne citerai que :
Description de coquilles nouvelles de l'Indo-Chine Arthur Bavay, Philippe Dautzenberg - 1909
Récolte des mollusques: conseils aux voyageurs 1895
Pectinidés Philippe Dautzenberg, Arthur Bavay - 1912
Note sur l'hylodes martinicensis et ses métamorphoses, Arthur Bavay, Impr. du Gouvernement, 1872 - 14 pages
Les lacs des hauts plateaux de l'Amérique du Sud par Maurice Neveu-Lemaire
Description de coquilles nouvelles de l'Indo-Chine ( 1899 )
Les Lamellibranches de l'expédition du Siboga : partie systématique. 1. Pectinidés par Ph Dautzenberg (1912)
Papiers réunis par Arthur Bavay
Mollusques terrestres et fluviatiles récoltés par le Dr Neveu-Lemaire (Mission de Créqui-Montfort et Sénéchal de la Grange en Amérique du Sud), A. Bavay 1904
Coquilles nouvelles provenant des récoltes de M. L. Levay: dans les rapides du Haut-Mékong, pendant la campagne du Massie, 1893-1894-1895 , 1895, 15 p.
Descriptions de quelques nouvelles espèces du Genre Pecten et rectifications 1904, 10 p.
Voir : http://coldb.mnhn.fr/ScientificName/Helix/duportioir
6. le spécialiste des reptiles ou Herpétologue.
Il a décrit les reptiles suivants :
— le Gecko géant de Bavay Platydactylus chahoua Bavay, 1869 ; synonyme : Rhacodactylus chahoua (Bavay, 1869) : c'est un gecko de Nouvelle-Calédonie, que Bavay affirme avoir avait déposé au Musée d'Histoire naturelle de Brest, alors que Roux ne l'y a pas retrouvé en 1913 (Voir, pour l'holotype, Aaron M. Bauer).
— Le Gecko de Bavay Eurydactylodes vieillardi Bavay, 1869 [Alt. Vieillard's Chameleon Gecko] , c'est un autre gecko de Nouvelle-Calédonie.
— Le Shink de Bavay Ligosoma arborum Bavay, 1869 (Syn. Lioscincus nigrofasciolatum Peters, 1869)
— le genre de Gecko de Nouvelle-Californie Bavayia Roux, 1913. honore Bavay, le premier auteur traitant des reptiles de Nouvelle-Calédonie.
— Par contre, le scincidé du Vietnam, Tropidophorus baviensis Bourret, 1939 qui est nommé Bavay's killed Scink, ne porte pas le nom d'Arthur Bavay, mais celui du mont BA VI.
Publications :
Catalogue des reptiles de la Nouvelle-Calédonie et description d'espèces nouvelles. (Extrait du tome XV. de Mémoires de la Société Linnéenne de Normandie.) Arthur BAVAY 1872
Catalogue des reptiles de la Nouvelle-Calédonie et description d'espèces nouvelles, par A. Bavay,..F. Le Blanc-Hardel, 1872 - 37 pages
Quelques publications :
Etude sur deux plantes de la Nouvelle-Calédonie, Le Niaouli et son huile essentielle, l'anacardier (Thèse de pharmacie) 1869, in 4°, 30 pages.
Sources et liens:
KERVILER (René) Répertoire général de bio-bibliographie bretonne. Livre premier, Les bretons. 2,BEC-BER / , page 219.
LAMY (Ed), Notice nécrologique, Journal de conchyliologie (Paris) Volume 68 - Page 172-182, 1923/04 (SER4,T22,VOL68)-1923/06