Participation à une biohistoire des papillons dans le Finistère: quel est l'auteur du
"Tableau systématique des Lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère" Émile Souvestre, "Le Finistère en 1836" ?
Recherches sur C.F. Le Borgne de Kermorvan.
Introduction.
La notion même de biohistoire et de biopatrimoine est toute récente, puisqu'on les doit à Christian Perrein et son équipe, qui l'ont appliqué à l'étude des rhopalocères en Loire-Atlantique (Christian Perrein, Biohistoire des Papillons. Diversité et conservation des lépidoptères rhopalocères en Loire-Atlantique et en Vendée, Presses Universitaires de Rennes 2012)
Il s’agit en effet de tracer une nouvelle voie de recherches qui tienne compte de la biologie et de l’évolution de l’Homme, aux cotés de l’archéologie et de l’anthropologie.
Il s'agit aussi d'éviter la dichotomie nature/culture, par le biais, notamment, des collections d'histoire naturelle, qui gardent le témoignage d'un état des lieux de la biodiversité. Ces collections, ou les carnets d'observation des naturalistes, ou encore le cumul de minuscules indices, permettent ou permettraient disposer d'un inventaire des espèces observées, inventaire capable de quantifier l'érosion des richesses spécifiques et de tenter de comprendre les phénomènes d'extinction. Or, ces collections, ces carnets, ces indices, sont fragiles et menacés eux-même d'extinction, comme le démontre de manière hélas spectaculaire la destruction complète des richesses du Musée d'histoire naturelle de Brest en 1944 après 150 ans d'existence.
Cette notion de biohistoire peut-elle encore, après ce désastre brestois, s'appliquer encore au Finistère ? Dans ce département, cette science nouvelle n'est pas balbutiante, elle est infante.
Pour la région Bretagne, un travail princeps a été, en 2012, celui de Maël Garrin dans son mémoire de master 2 d'histoire, Histoire-Société-Culture, Les entomologistes bretons de 1800 à 1939. Après avoir consacré 25 pages (pp 47-72) à Nantes et 10 pages au pôle rennais, l'auteur —universitaire rennais — traite les autres villes bretonnes en 7 pages, Lorient et Brest étant traité en une page avant de parler de Vannes et Morlaix. C'est dire que le Finistère (si on excepte Morlaix) est avec les Côtes d'Armor les parents pauvres de cette étude. Vingt-cinq entomilogistes y sont cités, dont 14 à Brest et 3 à Quimper.
Quoique, de mon point de vue, la zoonymie (ou étude des noms d'animaux) me paraisse digne d'appartenir à ce concept de biohistoire, notamment pour les noms vernaculaires, j'ai délaissé pour un temps mes études de zoonymie des lépidoptères pour tenter d'enrichir la connaissance de l'histoire des zoologistes du Finistère, et, pour le moins, de Brest, ville dont je suis le plus proche, et de Quimper.
C'est ce souci qui m'a amené à découvrir l'existence du Jardin botanique de Brest et de son Musée d'histoire naturelle Le Musée ou Cabinet d'histoire naturelle du jardin botanique de Brest 1800-1944. , avec ses richesses, mais principalement exotiques, collections : il y avait à Brest, autour de ce musée et par l'émulation qu'il créait, des passionnés d'histoire naturelle, notamment parmi les médecins et pharmacien de marine. Les pharmaciens brestois Crouan s'illustrèrent dans l'étude des algues, mais d'autres noms restaient à découvrir. Les noms des directeurs du Musée d'histoire naturelle de Brest sont ceux d'autant de zoologistes, voire d'entomologistes potentiels.
Un autre moyen était de rechercher, parmi les souscripteurs des ouvrages de référence au XIXe siècle pour l'étude des papillons (pour choisir, comme C. Perrein, les lépidoptères comme axe de recherche), quels étaient les souscripteurs bretons. J'obtenais ceci :
Liste des souscripteurs bretons de Papillons d'Europe peints de Jacques-Louis Engramelle, juillet 1782 :
- Mr de la Bove, intendant de Bretagne.
- Mme de Libour à Laval.
- Mme de Luynes à Nantes.
Liste des souscripteurs bretons de Histoire des Lépidoptères ou papillons de France de Jean-Baptiste Godart, Tome I, 1821.
- Auger, libraire à Brest,
- Blutel, libraire à Brest,
- Kermorvan* à Quimper,
- Lemée-de-Boisléard**, professeur au collège royal de Pontivy.
* il s'agit de Le Borgne de Kermorvan : les exemplaires en sont encore conservés par la Médiathèque des Ursulines de Quimper.
** Lemée de Boisléard professeur de troisième, est mentionné "professeur d'histoire naturelle" dans le bulletin de la Société Polymathique du Morbihan.
Souscripteurs bretons du Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle vol.36 1819. (liste incomplète)
- Auger, libraire à Brest.
- Egasse, libraire à Brest,
- Maudhuy, Lieutenant de vaisseau et chevalier de Saint-Louis à Brest [de Mauduit du Plessis ?].
- Lefournier, et Despériers, libraires à Brest
L'étude du Tableau systématique des lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère dans "Le Finistère en 1836" d'Émile Souvestre. Recherche sur l'auteur de ce tableau.
Un autre moyen de découvrir les entomologistes finistériens me sembla être d'exploiter le Tableau systématique des lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère, tel qu'il figure dans Le Finistère en 1836 d'Émile Souvestre. Mais, tout-d'abord, il fallait considérer la liste elle-même : à défaut de retrouver dans notre département une collection de lépidoptère, cette liste était des plus précieuses pour la comparer à l'inventaire actuel, tel qu'il paraîtra dans le futur Atlas des Rhopalocère de Bretagne.
Voici donc cette liste, limitée ici aux rhopalocères.
DIURNI.
Première Tribu : PAPILLIONIDES.
1er Genre : Papillon, Papilio : 1 espèce.
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Papillon machaon.
2ème genre : Piérides, Pieris : 4 espèces.
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Piéride de l'aubépine.
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P. du chou.
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P. de la rave.
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P. du cresson (cardamines).
3ème genre : Coliades : 3 espèces.
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Coliade edusa.
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C. hyale.
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C. du nerprun. (rhamni).
4ème genre : Polyommates : 14 espèces.
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Polyommate du bouleau.
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P. du prunier.
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P. du blanc.
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P. lyncée.
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P. boeticus.
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P. du chêne.
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P. de la ronce.
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P. phlaeas.
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P. xanthé.
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P. amyntas.
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P. argus.
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P. agestis.
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P. alexis.
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P. argiolus.
Deuxième Tribu : NYMPHALIDES.
5ème Genre : Limenetes : 1 espèce.
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L. sybille.
6ème Genre : Argynnes : 7 espèces.
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A. selene.
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A. euphrosyne.
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A. dia.
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A. lathonia.
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A. oedippé.
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A. aglaé.
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A. paphia.
7ème Genre : Mélites, 2 espèces.
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M. artemis.
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M. cinxia.
8ème Genre : Vanesses : 6 espèces.
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V. du chardon.
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V. atalante.
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V. io.
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V. polychlore.
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V. de l'ortie.
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V. c-blanc.
9ème Genre : Satyres : 7 espèces.
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S. semelé.
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S. lithonus.
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S. janira.
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S. maera.
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S. megere.
-
S. égérie.
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S. davus.
Troisième Tribu : HESPÉRIE.
10ème Genre : Hespéries : 7 espèces.
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H. alveolus.
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H. sao.
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H. tages.
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H. sylvain.
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H. linea.
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H. actaeon ?
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H. comma.
Je me permets ces commentaires :
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La classification utilisée, en 3 tribus de Rhopalocères, s'inspire, mais ne correspond pas exactement à celle de Latreille qui établissait deux Tribus (Papillionides et Hespérides).nElle ne suit pas exactement celle de Godart 1821 ?
- On constate un appauvrissement radical de l'onomastique vernaculaire, tous les noms créés par Geoffroy 1762 ou Engramelle v.1780 étant remplacés par des francisations grossières ou des transpositions du nom scientifique latin.
- Curieusement, l'auteur, dans ses notes, signale souvent Lorient et sa région (dans le Morbihan) comme lieu d'observation des espèces mentionnées; il y fréquente la propriété de la famille Guieyesse. Brest est souvent mentionnée aussi (le marché de Brest ; le cours d'Ajot ; la place de la Liberté ; le fort (du) Bouguen). Il s'agit vraisemblablement du même auteur que celui des autres tableaux zoologiques (Mammifères; Oiseaux ; Reptiles ; Testacés) au sujet desquels la même familiarité avec la région de Lorient est observée dans les notes. Cet auteur est chasseur, il parle ou comprend le breton, il connaît les îles bretonnes et les ilôts (Glénans, Beniguet, Tas de Pois).
- Les autres Tableaux ne couvrent pas le champ de la zoologie, avec deux absences de taille, celle des Insectes (excepté les lépidoptères) et celle des Poissons, alors que la liste des mammifères est très réduite.
Qui a composé le tableau des lépidoptères ?
Cette liste n'a pas été dressé par Émile Souvestre, qui était un homme de plume ou d'idées, mais ne collectionnait ni n'étudiait les papillons. Or, Souvestre n'indique pas quel en est l'auteur, et ce n'est qu'indirectement que nous trouvons des informations dans sa Conclusion. En effet, il écrit (Voyage dans le Finistère Par Jacques Cambry, Émile Souvestre, 1835 page 251, Conclusion) "Nous avons eu recours successivement aux livres de M. de Fréminville, de M. Kerdanet, à la collection du Lycée Armoricain, à la statistique de M. Duchatellier, mais surtout à de curieuses notes manuscrites de M. Brousmiche, de Brest, a eu la bonté de nous communiquer. Nous devons beaucoup, pour les chapitres spéciaux, à MM. Maingon, chirurgien de la marine, Bourassin de Quimper, Dudresnay, Le Borgne de Kermorvan, Hesle, Rousseau, Kerzéan, médecin vétérinaire à Landerneau, et à plusieurs autres qui nous ont fourni des renseignements précieux."
M. de Fréminville, capitaine de vaisseau, archéologue, naturaliste.
M. Kerdanet : Olivier Miorcec de Kerdanet, auteur de notices historiques et d'un dictionnaire.
Les "chapitres spéciaux" sont ceux qui traitent des "spécialités" : ce sont vraisemblablement les chapitres techniques, ceux d'Hygiène, de Statistique, de Géologie et d'histoire naturelle. Je rappelle le plan de Le Finistère en 1836:
I. Topographie pittoresque et historique.
II. Mœurs, usages, superstitions.
III. Langue et poèsie.
IV. Hygiène, Statistique Médicale, etc.
V. Histoire Naturelle :
- Géologie.
- Botanique et zoologie.
VI Agriculture, Manufactures Commerce.
VII. Administration, Institutions Publiques, Instruction.
VIII. Statistiques.
IX Biographie.
Dans le chapitre V, Émile Souvestre précise ceci :
— Géologie : "Ce mémoire appartient en entier à M. Bourassin, pharmacien à Quimper, également auteur de la carte géologique que nous joignons à son mémoire."
— Botanique : "nous devons à la complaisance de Mr Pogam [sic, pour Paugam], employé au jardin botanique de Brest [il en est le Jardinier-botaniste en chef], la liste des plantes phanérogames qui suit. M. le colonel Dudresnay a eu la bonté de nous communiquer le fruit de ses longues et consciencieuses études en nous livrant la liste des plantes hydrophiles.
— Zoologie (in Botanique) : "Enfin M. Hesse nous a fourni tous les détails relatifs à la zoologie. Il a pourtant été aidé dans son travail par les notes de M. Le Borgne de Kermorvan, savant naturaliste de Quimper. M. Gand, officier de marine en retraite à Lorient, a eu aussi la bonté de revoir le mémoire de M. Collard de Chéru, relativement aux testacés marins, terrestres et fluviatiles du Finistère.
J'ai donc la réponse à ma question : la liste des papillons du Finistère a été dressée par messieurs Hesse et Le Borgne de Kermorvan. Les ornithologues qui exploitent la liste des espèces d'oiseaux du Finistère dans leurs travaux historiques citent comme auteurs conjoints du Tableau systématique des oiseaux qui se trouvent dans le département du Finistère "Hesse et Le Borgne de Kermorvan" et leur Faune. ( Proceeding of the International Ornithological Congress 1905 ; L'Oiseau et la Revue d'Ornithologie Française 1943; Alauda 1968, Alauda 1981 ; Site Bretagne Vivante sur l'historique des populations de Gravelot à collier interrompu). Est-il possible néanmoins de rendre à chaque auteur la part qui est la sienne ? Étudions les données biographiques.
Charles-Eugène Hesse (Quimper,1801-1890)
était un naturaliste breton (voir J. Delalande, Professeur au Lycée de Brest :Charles Eugène Hesse, un naturaliste breton , Revue des Sciences Naturelles de l'Ouest - PARIS 1892 - In-8). Né à Quimper, il fit ses études à Pontivy et un premier poste à Toulon, il fut employé aux Subsistance de la marine à Bordeaux, puis à Lorient jusqu'au 1er janvier 1827. Après un passage à Rochefort, il revint à Lorient et fut nommé commis de seconde classe en 1829. Promu commis de première classe de la marine en 1833, il est alors muté à Brest, est nommé commis principal en 1837, sous-directeur de seconde classe en 1841, puis passe trois ans à Rochefort avant de rejoindre Brest comme directeur de première classe. Il terminera sa carrière à Brest, devenant commissaire à l'Administration des Subsistance de Brest puis délégué de l'Inscription maritime. En 1860, il s'installa pour la retraite à la Maison Blanche, sur le goulet de Brest. Il commença à publier ses observations à Brest à partir de 1858. Il semble s'être plus particulièrement intéressé aux animaux marins, publiant en 1880 sur les crustacés Nouvelles preuves de l'identité des Pranizes et des Ancées. Bien connu des biologistes marins, il a publié une quarantaine de mémoires concernant les Crustacés parasites et correspondant à environ 900 pages.
En 1836, date de l'ouvrage de Souvestre, il avait donc travaillé près de dix ans à Lorient, et, pendant trois ans, à Brest. Cela peut expliquer les fréquentes observations zoologiques à Lorient et sa région (courreaux de Groix) des Tableaux systématiques.
Le Borgne de Kermorvan.
Les données sont très pauvres. Il appartient à une famille Le Borgne de Kermorvan originaire du pays de Morlaix et dont les membres les plus connus sont Charles-Guy Le Borgne de Kremorvan (1694-1761), l'évêque de Tréguier, et son frère chanoine de Quimper (-1776?). [Armorial : BORGNE DE KERMORVAN (LE). — Première devise : Attendant mieux. — Deuxième devise : Tout ou rien. —Armes : D'azur à trois huchets d'or liés et virolés de même] L'interrogation des dictionnaires biographiques ne donnent pas d'indication sur ce naturaliste dont on sait qu'il fut capitaine d'artillerie dans les armées napoléoniennes. Il s'agit sans-doute de Charles-Fidèle, né en 1782 : selon les généalogistes, "Charles Fidèle le Borgne de Kermorvan, [né le 21 février 1782 et baptisé à St-Mathieu de Quimper, épousa Louise Geffroy [fille d'un ingénieur de la marine à Brest] dont issurent: - 1 Charles le Borgne, mort en bas âge à Brest. 2 Florentine le Borgne, morte à 16 ans à Quimper. Revue historique de l'Ouest - Volume 12 - Page 743 ]". Il était le fils de Marie-Madeleine Le Dall de Tremeur et de Toussaint-Fidèle de Kermorvan, émigré considéré en 1825 comme propriétaire dépossédé, avec attribution d'une rente compensatoire pour les ayants-droits Charles-Fidèle et Thérèse-Yvonne. (États détaillés des liquidations faites par la Commission d ..., Volume 1). Il fut nommé Chevalier de Saint-Louis en 1825. Les archives départementales du Finistère conservent depuis un don de 1919 un Fond Le Borgne de Kermorvan.
Il est surtout connu pour avoir découvert l'escargot de Quimper, Hélix Quimperiana, découverte qui est accompagnée dans les revues du commentaire suivant : "Cette belle espèce fut découverte en 1817 dans les environs de Quimper, par M. Le Borgne de Kermorvan, capitaine d'artillerie, en retraite à Quimper, qui la communiqua à M. Desmarets avant la publication du magnifique ouvrage de M. le Baron de Férassac". L'escargot avait été nommé Helix kermorvani par Collar des Cherres, 1830, et c'est sous ce nom qu'il figure dans le Tableau des Testacés marins, terrestres et fluviatiles publiées dans "Le Finistère en 1836" (page 178) de Souvestre. Le nom fut invalidé au profit de celui de celui d'Elona quimperiana, Férussac, 1821.
On le retrouve aussi cité dans le Catalogue des Mollusques des environs de Brest du Dr F. Daniel en 1883 (ou Faune malacologique terrestre, fluviatile et marine des environs de Brest (Finistere) pour sa découverte à Quimper du Pecten jacobaeus Linné.
C'est sous le nom de "Kermorvan" qu'il est désigné par les naturalistes, et il semble, dans ces années 1825-1830 où il est cité, avoir atteint une réputation suffisament sérieuse pour que Brongniart le cite dans une liste de douze zoologistes du littoral français : " Il serait à désirer que tous les naturalistes qui habitent notre littoral voulussent bien se livrer à des recherches comme celle que nous devons à M. de Guerville pour les coquilles marines, et à M. de Brémisson pour les crustacés. MM. Baillon, à Abbeville, Gaillon, à Dieppe, Suriray au Havre, Deslongchamps à Caen, Du Dresnays à St-Pol-de-Léon, de Fréminville, à Brest ; Bonnemaison et Kermorvan, à Quimper; D'Orbigny, à Rochefort; Marcel de Serres, à Montpellier ; Polydore Roux, à Marseille ; et Risso, à Nice , sont les naturalistes auxquels cet appel s'adresse particulièrement." Gabriel Delafosse, Adolphe Brongniart, Anselme-Gaëtan Desmarest - 1826 Bulletin des sciences naturelles et de géologie - Volumes 7 à 8 - Page 404. Les trois autres noms cités pour la Bretagne, Du Dresnays, Bonnemaison et de Fréminville sont tous réputés :
- le comte Ambroise du Dresnays (-1837) colonel de cavalerie retiré à Saint-Pol-de-Léon après un séjour à Versailles, est un collectionneur de cryptogames, lichens, d'algues et d'hydrophytes. Voir :Cryptogamie marine, ou collection d'algues, préparée et classée par le colonel A. Du Dresnay.
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Christophe-Paulin de la Poix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville (1787 - 1848) : voir Wikipédia.
- Théophile Amant Constant de Bonnemaison (1773-1829) (une place de Quimper porte son nom) fils d'un apothicaire de Quimper auquel il succéda, est célèbre à la fois pour son ouvrage Essai d'une classification des Hydrophites loculées, ou plantes marines articulées qui croissent en France (1822), collection de sortes d'algues qui poursuivait le travail de son ami et pour son Herbier de 9000 plantes, toujours conservé dans des boites à la Médiathèque de Quimper. On lui doit la découverte du Narcisse des Glénans. Le Catalogue de cet herbier, dressé en 1840 par l'abbé Dumarrallach, est un registre de 294 pages.
C'est ce qui rend le quasi incognito actuel de Le Borgne de Kermorvan si étonnant.
Mes découvertes aux Ursulines de Quimper.
En interrogeant le catalogue de la bibliothèque de Quimper, fond patrimoine, je découvre plusieurs livres d'histoire naturelle qui provenaient de la bibliothèque de notre naturaliste quimpérois : ils portent soit un ex-libris manuscrit (Le Borgne de K.morvan) soit la mention manuscrite " Provenant de la bibliothèque de Monsieur Le Borgne de Kemorvan (sic) Cne d'Artillerie."
Il s'agit :
1. De l'ensemble des volumes de l'Histoire des Lépidoptères ou papillons de France de Jean-Baptiste Godart, texte et volumes de planches, de 1821 à 1838. Sur le premier volume, qui comporte la liste des souscripteurs, son nom est souligné, ainsi que deux autres noms, celui du libraire Auger de Brest, et celui d'Alexandre Goujon, "ancien officier d'artillerie à cheval, chevalier de la légion d'honneur". Cela incite à penser que Goujon est un collègue.
Alexandre-Marie GOUJON, capitaine d'artillerie légère, sorti de l'Ecole polytechnique , fit les campagnes des côtes de l'Océan , de Hollande , d'Austerlitz , d'Iéna, de Pologne, de Wagram et d'Espagne : il avait reçu la croix de la légion d'honneur sur le champ de bataille d'Eylau. Il est l'auteur de Hymne à la Vierge d'août 1821, Manuel des Français sous le régime de la Charte. Seconde édition, augmentée de toutes les lois promulguées dans la session de 1819 (1820), et des Pensée d'un soldat sur la sépulture de Napoléon (1821).
Ce premier volume de texte est aussi doté, pour certaines espèces, de croix à l'encre violette, croix que l'on retrouve dans la Table alphabétique et synonymique des Lépidoptères diurnes : on peut penser qu'elles correspondent aux espèces observées, ou collectionnées par Le Borgne de Kermorvan, mais la présence du Flambé parmi les espèces cochées exclue une capture dans le Finistère.
2. Des deux tomes de l'édition de 1799 de l'Histoire abrégée des insectes dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique, d'Étienne-Louis Geoffroy.
3. Il possédait encore les volumes de l'Histoire naturelle des crustacés et des insectes ( 14 tomes de 1802 à 1805...) de P.A Latreille.
Charles Le Borgne de Kermorvan possédait ainsi les trois principaux ouvrages nécessaires à l'identification des lépidoptères ; peut-être possédait-il aussi les Papillons d'Europe du père Engramelle ? La Bibliothèque de Quimper n'en a pas trace.
Or, on sait peut-être que ces trois auteurs, successivement E.L Geoffroy dès 1762, P.A Latreille, puis J.B. Godart en 1821 poursuivi par Duponchel, sont ceux qui fondèrent l'entomologie ou la lépidoptèrologie de langue française, et organisèrent la systématique de la classification des papillons. Une telle bibliothèque est, à n'en pas douter, celle d'un entomologiste. Faut-il un argument supplémentaire ? ...
4. Il possédait aussi l'ensemble de la collection de l'Histoire naturelle des animaux sans vertèbres de J.P.B.A de Lamarck (1815-1822).
5. Et aussi les 2 tomes de Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares et des serpents de Lacépède,350, 13 cm, 1799 et 386, 13 cm, 1799 Médiathèque des Ursulines Fonds Ancien Y 67.7.11 et 67.7.12 [Magasin A1].
6. et enfin Le Manuel d'histoire naturelle, ou Tableaux systématiques des trois règnes, minéral, végétal et animal... pour servir de suite aux Leçons élémentaires d'histoire naturelle à l'usage des jeunes gens... par le P. Cotte, 1787.
Au total, ces informations biographiques ne me permettent pas d'attribuer le Tableau des Lépidoptères du Finistère à Eugène Hesse, ou à (Charles-Fidèle) Le Borgne de Kermorvan. C'est bien Hesse qui a travaillé à Lorient. Néanmoins, le fait que, dès 1821, Le Borgne de Kermorvan ait souscrit à l' Histoire des Lépidoptères ou papillons de France de Jean-Baptiste Godart, une somme considérable dont la parution ne s'acheva qu'en 1838 et qui cumule dix-sept tomes (dont douze signés par Duponchel), 7 600 pages et 500 planches coloriées, mais aussi les deux tomes de l'Histoire abrégée des insectes de Geoffroy el l'Histoire Naturelle de P.A. Latreille en fait un candidat de choix pour avoir été l'auteur, ou du moins l'inspirateur principal du Tableau des Lépidoptères du département du Finistère.
Ces éléments me semble démontrer que Le Borgne de Kermorvan peut entrer dans la liste des Entomologistes bretons du XIXe siècle.
Remarque.
Le fond Patrimoine des Ursulines de Quimper provient en partie, des 10 000 livres saisis pendant la Révolution et rassemblés par les prètres assermentés Le Bastard, Hurault puis Trèsurin : Jacques Cambry, qui fournit ces renseignements dans Catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère : dressé en l'an III par Cambry ; publ. par ordre de l'administration du département, précise que ces livres appartenaient aux couvents, séminaires, à des clercs, mais aussi à la bibliothèque de trois émigrés : "Silguy, Chefontaine et Lansalut" (noms auxquels on peut ajouter Larchantel, Aimey, Couen de Saint-Luc). De nombreux volumes d'histoire naturelle conservés aux Ursulines aujourd'hui portent en effet la marque de leur appartenance à de Silguy ou au marquis de Cheffontaine* dont l'ensemble des biens ont été vendus comme biens nationaux. Le nom de Le Borgne de Kermorvan ne figure pas parmi eux. Les livres de la bibliothèque Le Borgne de Kermorvan sont postérieurs à ces dépossessions.
* exemple : les volumes de l'Histoire naturelle des oiseaux, 1779 à 1785, côte Y19.4.15 etc.., portent les armes et le nom de la famille de Cheffontaines [Penfentenyo].
Le Borgne de Kermorvan, malacologue.
Les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux (Vol, n°.19 du 10 mars 1830) contiennent un Catalogue des Testacés marins du département du Finistère par Collard des Cherres, "capitaine du 52ème régiment d'infanterie de ligne, chevalier de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur", qui mentionne :
- Petricola striata ; Hab. Quimper. Cette espèce m'a été indiquée par M. de Kermorvan
- p. 20 :M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé à Quimper le Tellina nidata, je ne l'ai pas trouvé.
- Venus pulchella. Com. par M. de Kermorvan.
- Cardium erinaceum. Cette espèce, que je n'ai ni vue ni trouvée, m'a été indiquée par M. de Kermorvan.
- Arca cardissa. Les env. de Quimper. Collection de Kermorvan.
- Modiola albicosta. Hab. Quimper. M. de Kermorvan m'a envoyé en communication un très bel individu de cet espèce, élargi en spatule.
- Modiola discrepans. Hab. Quimper. Je dois cette charmante petire espèce à l'obligeance de M. de Kermorvan.
- Mytilus abbreviatus. Hab. Quimper. Communiquée par M. de Kermorvan.
- Mytilus incurvatus. Hab. Quimper. Communiquée par M. de Kermorvan.
- Pinna ingens. Coll. M. de Kermorvan.
- A propos de Pecten lineatus : M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé à Quimper les Pecten jacobeus et P. sanguineus.
- Anomia electra. Hab. Quimper.Communiquée par M. de Kermorvan.
- M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé à Quimper l'anomia patellaris. Ne serait-ce pa l'anomia fornicata?.
- Terebratula caput serpentis et Terebratula truncata. Je dois un exemplaire de chacune de ces jolies espèces à la généreuse amitié de M. de Kermorvan qui les a trouvées à Quimper
- Patella mamillaris. Hab. Quimper. indiquée par M. de Kermorvan.
- Crepidula. M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé aux environs de Quimper une crépidule voisine de crepidula unguiformis.
- Aplysia punctata et A. camelus. M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé ces deux espèces à Quimper.
- Natica millepunctata Hab. Quimper. M. de Kermorvan m'a dit avoir trouvé cette espèce, extrémement commune sur le littoral des Pyrénées Orientales, et que je n'ai jamais rencontré ici.
- Dans le chapitre consacré aux Buccins, Collard des Cherres écrit qu'il ne tient ses renseignements concernant Quimper que de MM. du Dresnay et de Kermorvan.
- Helix Kermorvani page 98 (cf)
- Carocolla elegans, Hab. Quimper, Communiquée par M. de Kermorvan.