Dans le reflet des miroirs chez Sarah Bernhardt : une visite de sa maison d'été à Belle-Île.
J'arrive par une belle après-midi d'été à la Pointe des Poulains et je m'approche de ce vieux fort, semblable à tous les castelets que l'Administration militaire a fait construire sur les îles du Ponant. Sans-doute vais-je y trouver des grilles rouillèes et des murs rongés par le salpêtre ?
Non. Agrémenté par de larges ouvertures, c'est la demeure d'été de Sarah Bernhardt, et, comme lors de la Fête dans le Grand Maulnes, je vais, en y pénétrant, me perdre dans les reflets étranges et fascinants du temps passé, celui où Renaldo Hahn, l'ami de Proust, composait son opérette Ciboulette.
A gauche, je reconnais déjà, comme si j'y avais passé toutes mes vacances, la Villa des Cinq Parties du Monde, où logent la famille de Sarah. En face, le rocher de Basse-Hiot, où elle envisagea de faire dresser sa sépulture.
Je pousse la porte du fortin : nulle chauve-souris ne joue au cochon-pendu sur des parois humides. Tout au contraire, j'entre dans une demeure spatieuse, qui me semble toujours habitée.
Juste à droite, tellle une nature morte d'un maître flamand, la cuisine, ses cochonailles et et ses batteries en cuivre.
Le cellier : je le connais aussi, c'est, hier, ou avant-hier, le "garde-manger" qui nous servait de frigidaire, avant que celui-ci ne soit inventé. Ce temps retrouvé est celui d'une enfance baignée de soleil et d'ombre fraîche.
Il n'y avait pas l'eau courante, mais on actionnait comme dans un jeu la pompe qui chantait pour remplir notre broc.
L'entrée, et son sofa.
Quel est ce vieil homme qui, dans ce miroir répond à mon regard d'enfant ?
La chambre de Sarah, ses chaussures et ses bas, ses robes.
Bien loin de me sentir indiscret, je suis aussi à l'aise que lorsque je rentrais dans la chambre de ma grand-mère : rien n'a changé.