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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 10:41

Le retable flamand de la chapelle de Kerdévot en Ergué-Gabéric (29).

Datation : dernier quart du XVe siècle.

Origine : mixte, ateliers d'Anvers et de Malines, Brabant.

 

 Ce remarquable retable est difficile à photographier car, ayant été pillé par des voleurs en 1973, il est désormais à l'abri derrière une vitre. Ces photos sont seulement destinées à faire partager l'admiration qu'il suscite. Sur son histoire, sa description, sa restauration, le site de Jean Coignard comble toutes les attentes. http://grandterrier.net/wiki/index.php?title=Retable_flamand_de_Kerd%C3%A9vot

 

  Comme tous les retables d'Anvers, il adoptait jadis une forme en T, avec ses quatre scènes, le Couronnement de la Vierge en haut, et  l'Adoration des bergers (le plus dégradé par les voleurs), la Dormition et les Funérailles de la Vierge en bas. Deux autres panneaux sont venus le compléter en haut au XVIIe siècle , l'Adoration des Mages en haut à gauche et la Présentation au temple à droite. Il mesure désormais 3,12 m sur 1,70 m.

Après avoir été "restauré" de façon discutable et souvent regrettable à la fin des années 1970, il  a été restauré en 2010-2013 par l' Atelier Régional de Restauration de Kerguéhennec, avec radiographies,  étude dendrochronologique et étude des bois par le C2RMF des Musées de France.

On distingue ce qui est attribué à Anvers de ce qui vient de Malines, notamment les statues des colonnades inter-scènes de sainte Agnès avec son agneau, sainte Cécile — statue d'une essence de bois différent —  et d'une autre sainte. 

J'ai surtout été séduit par le Couronnement et son Concert des anges.

 

L'Adoration des bergers.

Avant le vol de 1973, on y voyait la Vierge "à genoux, les mains jointes et la tête penchée, les mains jointes, en adoration et en contemplation devant son fils divin qui vient de naître. Ses cheveux divisés en tresses nombreuses descendent sur ses épaules et jusqu'à ses reins ; elle est couverte d'un manteau dont les bords s'étalent sur le sol. La bordure de ce manteau est composée d'une inscription gothique en lettres d'or sur fond vermillon et donnant tout le texte de la salutation angélique : Ave Maria. Gratia Plena. Dominus tecum. Benedicta tu in mulieribus...

De l'autre coté de l'Enfant-Jésus, saint Joseph, appuyé sur un bâton, enlève son chapeau de la main droite et se dispose à s'agenouiller devant l'enfant dont il sera le père, le nourricier  et le gardien. Il est vêtu d'une robe et d'un long manteau, et porte au coté une besace ou une sorte d'aumônière.

Selon Abgrall, un berger joueur de cornemuse, chaussé de guêtres se trouvait au premier plan à droite ; on lisait sur le capuchon du musicien (qui jouait selon lui de la cornemuse) l'Ave maria. 

Il y avait encore au premier plan à gauche, une femme qui portait une lanterne ;

"Son costume est riche. Les manches très courtes de son corsage terminées par des franges laissent échapper des manches  longues aux plis très amples, sous lesquels on en distingue d'autres très étroites qui serrent les poignets. Sa tête est couverte par une coiffure semblable à un turban, retenue par un ruban formant mentonnière, noué sur le sommet du chef et retombant sur le dos. Cette femme rappelle un personnage à peu près identique dans une mise au tombeau sculpté dans l'autel u bas-coté nord de l'église de Rosporden, et sa coiffure se trouve reproduite dans une statue de sainte Barbe à Guengat et dans une des Saintes-Femmes de la descente de croix de Quilinen" [et dans la sainte Marthe de Penmarc'h)"

Rosporden : La Mise au tombeau de l'église de Rosporden (29) : barbette et chaperon.

 Guengat :L'église de Guengat II : Statues, sablières et inscriptions.

retable-Mise-au-tombeau 1248c     sculptures-et-sablieres 0470c 

DSCN3011c

Je regrette de ne pas pouvoir voir cette "femme à la lanterne", car elle évoque fortement Salomé ou Anastaise, la Sage-femme qui, sur la demande de Joseph, vint s'assurer de la virginité de Marie après la naissance ; voir mon article  Livres d'Heures de Rennes (2) : La Sage-femme : sainte Anastaise? et particulièrement le Livre d'Heures de Philippe le Bon (pour le turban), celle de Valence (pour la chandelle) et les Nativités de Robert Campin et de Jacques Daret (pour le turban).

Je peux néanmoins en voir une photographie sur le site grandterrier.net à la page 5 de l'article de Gildas Durand.

143c

 

Les bergers, dont un joueur de musette.

Un berger  portait encore une houlette lors de la visite de Jean-Marie Abgrall.

MG 8052c

 

La Dormition (détail).

MG 7874c

 

 

La Présentation au Temple.

MG 8039c

 

 

Le Couronnement de la Vierge.

      Je remarque la sobriété de la polychromie dominée par le bleu azurite et l'or, les carnations rehaussées du rose des joues, le noir des pupilles.

      MG 8040c

 

 

      MG 8057c

 

 

Ange jouant de la harpe.

                                MG 8047c

 

 

Anges jouant de l'orgue portatif et de la flûte (hautbois).

                              MG 8048cc

 

J'avoue que je suis tombé amoureux de cet ange au regard inspiré si typique de celui d'une musicienne accordant son jeu à celui des autres joueurs. 

    MG 8057c

 

Ange jouant de la guitare.


                 MG 8050c

 

Technique : sgraffite et brocarts appliqués.

a) Le sgraffite : le décor a sgraffito est remarquée sur les bordures des vêtements dorés : la technique consiste à peindre une surface préalablement dorée, puis à faire réapparaître l'or en grattant la peinture de façon à former des motifs.

On la trouve dans l'Adoration des Bergers sur les vêtements des bergers ; sur la robe de la Vierge du Couronnement ; sur le galon du manteau de l'apôtre à gauche de la Vierge, autour du voile de la Vierge et sur la manche ou sur le galon d'un autre apôtre dans la Dormition,  et sur le galon d'un apôtre central des Funérailles.

 Détail de la robe de la Vierge : décor a sgraffito et inscription.

Je lis : ----SIRMDNI (domini). Ce galon bleu est surmonté d'une double ligne de pointillés en creux (tracés sans-doute à la roulette) dans laquelle court une frise de cuvettes frappés au poinçon.

_MG_7878c.jpg

 

                              _MG_8053c--2-.jpg

 

                             144c.jpg

 

Brocarts appliqués.

Il s'agit de faux brocarts faits sur matrice, moulés puis collés ; leur présence avait été suspectée face aux descriptions du chanoine Abgrall en 1898, mais elle a été confirmée par les restauratrices de Kerguéhennec. Je ne les ai pas repérés.

 


Documentation sur les retables d'Anvers.

glanée sur le web. Le texte emprunté est en retrait. On n'oubliera pas que le retable de Kerdevot témoigne aussi de la participation d'un atelier de Malines pour la huche, les statues inter-scènes de sainte Agnès, sainte Cécile et une sainte non identifiée.

I. Les marques de corporation.

1) MARQUES D’ANVERS ET TAFEREELMAKERS


Particularités des panneaux flamands, les marques au feu nous donnent, lorsqu’elles sont complètes, la mention de l’origine du panneau et le nom du fabricant : le tafereelmaker.
On trouve ce type de marques sur les panneaux fabriqués à Anvers, Bruxelles et Malines.

Les plus connues sont celles d’Anvers constituées de deux mains et d’un château, c'est-à-dire les armes de la ville. Le nombre et la disposition des cernes, ainsi que la coupe sur quartier ont été étudiés sur 209 échantillons de retables provenant de différentes collections de musées en Belgique. Les sculpteurs médiévaux d'Anvers étaient obligés de devenir membres de la Guilde de Saint-Luc, et devaient en respecter les règlements. Lorsque les jurés constataient que les exigences étaient remplies, un poinçon en fer imprimait une marque en creux dans le bois : la qualité des bois était attestée par une marque ayant la forme d'une main simple, alors que la qualité de la polychromie était certifiée par le poinçon à la double main.

   

  

 

2) Site de Jean Coignard Grandterrier.net :

Les quatre scènes d'origine en T inversé du retable de Kerdévot sont très certainement passées par les mains des artisans flamands des 15 et 16e siècles. À cette époque-là la production des retables flamands représentait en fait une véritable industrie.

La concurrence entre les centres de production de Bruxelles, Anvers, Malines poussa chaque atelier à utiliser des marques spécifiques pour authentifier leur travail aux différentes étapes : sculpture, polychromie, dorure.

Sur le retable, les restaurateurs de Kerguehennec ont inventorié :

  • 8 marques représentant les fameuses mains coupées des ateliers d'Anvers dans les scènes du Couronnement, de la Nativité et de la Dormition.

  • 1 marque sous forme d'une lettre qui n'a pas été identifiée dans la scène du Couronnement.

  • une empreinte à étudier sur le sol de la scène des Funérailles.

 

Par contre les statues frontales entre les scènes inférieures de la Nativité, de la Dormition et des Funérailles, attribuées aux ateliers de Malines [1]ne portent aucune marque.


3) Forum http://conservateurs-restau.meilleurforum.com/t279-tafereelmakers


On a d’abord les deux mains apposées au dos du panneau vierge, puis le château frappé une fois l’œuvre achevée.
Selon les statuts de la Guilde Saint-Luc (corporation des peintres), l’obligation de marquage était en vigueur depuis 1470. Toutefois, il est plus fréquent de rencontrer ces marques sur des œuvres du XVII et XVIII° siècle. Bien que le marquage des mains soit celui du panneau vierge et le fer du château la certification du panneau achevé, il n’est pas rare de constater que les marques ne soient pas apposées successivement mais bien avec un même fer chaud.

A proximité, des marques de la ville, se trouve le poinçon du « tafereelmaker », c'est-à-dire du menuisier qui a réalisé le panneau.
Ces marques sont assez peu nombreuses et se trouvent le plus souvent sur des panneaux anversois.

Ici, il s’agit de Lambrecht Steens actif à Anvers entre 1608 et 1638. (voir aussi le quiz 6)
Mais l’on connaît également Michiel Claessens actif entre 1590 et 1367 dont la marque est un trèfle, Guilliam Aertssen actif pour sa part entre 1612 et 1626, ou encore Guilliam Gabron passé maître en 1609 et actif jusqu’en 1620.

  

Ces marques sont frappées à la croisée des diagonales du panneau (au revers bien sûr).

cf.Jorgen Vadum, l’un des meilleurs spécialistes sur cette question, et Jean-Albert Glatigny, le "monsieur support bois" des Belges.


II. Présentation des retables d'Anvers.

Le retable :http://lili.butterfly.free.fr/page%20web/retables.htm

Origine et évolution des retables

Les retables apparaissent au XIème siècle suite à la modification de la place du prêtre lors de l'office. Celui-ci avait coutume de se placer derrière la table d'autel, face aux fidèles. A partir du XIe, le prêtre se place entre l'autel et les fidèles, tournant le dos à ces derniers. Le regard du prêtre et de ses ouailles se porte donc derrière la table (retro tabula). C'est pourquoi on estime alors utile de faire apparaître des décorations derrière l'autel. 
Lorsque la consécration des églises commence à être étroitement liée à la présence de reliques, des retables reliquaires apparaissent. A la fin du XIVe siècle, les caisses deviennent plus profondes pour recevoir des sculptures et construire un espace en trois dimensions. L'axe du retable (partie centrale) est surélevé. 

La structure des retables

La réalisation d'un retable met en jeu la collaboration de nombreux artisans (peintres, ébénistes, sculpteurs, menuisiers...) pour créer les trois parties qui le composent : la caisse, la prédelle et les volets. Les volets ont une signification religieuse. Lorsqu'il sont fermés, on ne voit que leur revers, peint en grisaille : c'est la face quotidienne, mais aussi celle du deuil et du carême. Lorsque les volets sont ouverts, ils laissent voir des scènes richement colorées, qui ont un caractère plus festif. La prédelle à une fonction pratique : elle permet de fermer des volets sans avoir à ôter les objets qui reposent sur l'autel. 
La caisse, aussi appelée huche, est la pièce la plus importante. Elle se compose de trois compartiments, dans lesquels reposent des sculptures produites par groupes qu'il est ensuite possible d'étager pour donner de la profondeur à l'ensemble. La structure des retables anversois est constante. Verticalement, on trouve trois travées, avec une partie centrale surélevée. Horizontalement, l'espace est composé de deux registres. Dans le registre supérieur se déroule la scène principale. Le registre inférieur est généralement découpé en 3 ou 6 petites scènes (1 ou 2 par travée).


La production anversoise

A la renaissance, deux centres de production de retables se distinguent en Flandres, Bruxelles et Anvers. Si Bruxelles domine au XVe, Anvers semble prendre le dessus au XVIe. A cette époque, Anvers devient le premier port européen et la plaque tournante d'un commerce dont l'une des composantes essentielles est le marché d'objets d'art et de luxe. Vers 1500, la production de retable devient massive. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D'une part, les sculpteurs et les peintres anversois, contrairement aux bruxellois, appartiennent à la même corporation, la guilde de Saint Luc, ce qui facilite leur collaboration. D'autre part, la production anversoise ne se fait pas sur commande mais en série, à l'avance, pour être ensuite mise sur le marché. Cela permet une plus grande liberté mais aussi une standardisation permettant d'accroître le nombre de modèles produits. Enfin, les sculpteurs et les peintres appartiennent à des entrepreneurs, qui se chargent de vendre les oeuvres en gros à des coursiers. Ce sont ces intermédiaires qui s'occupent ensuite de placer les oeuvres, partout en Europe. 
La production anversoise se reconnaît à son emblème, une petite main (Handwerpen, main détachée) imprimée au fer rouge dans le bois. Ce symbole se réfère à une légende, celle d'un géant coupeur de mains, qui terrorisait la population avant d'être vaincu par le héros local, Brabant. Cette marque est une garantie non de la qualité du travail (comme c'est le cas à Bruxelles, mais de la qualité des matériaux utilisés. Il s'agit avant out de rassurer les coursiers, qui ne sont pas nécessairement de grands amateurs d'art. Dans l'ensemble, la production anversoise, contrairement à la production anversoise, se situe dans une logique plus quantitative que qualitative.

Deux thèmes dominent la production anversoise, la Passion du Christ et la vie de Marie. L'avantage du thème de la Passion est de pouvoir concilier les scènes du sacrifice avec celles de l'enfance du Christ, qui font apparaître le personnage de Marie.

 

III. Fabrication et commercialisation des retables.

 

1) Jan Tromp  Méthode de production et l'organisation du travail.

Traduction/adaptation.

 Cette description du processus de production et de l'organisation du travail associé a trait à la production de retables en 1500 Vers cette époque, le retable était devenu un tel produit populaire dans de nombreuses parties de l'Europe, qu' une production quasi industrielle devait être mis en place.

L'objectif de production est passée de Bruxelles à Anvers, non seulement parce que Anvers est devenu le principal port de l'Europe, mais aussi parce que la guilde d'Anvers a profité d'une manière beaucoup plus pratique de la forte demande. En 1434 peintres et sculpteurs tous unis dans une seule et même guilde Saint-Luc. Ceux qui avaient gagné le titre de maître, pourrait obtenir le contrôle du processus de production et donc acquis le droit de vendre.

Toutefois, les peintres et les sculpteurs ne sont pas les seules personnes qui ont collaboré à la mise en place d'un retable. 

Les huchiers (schrijnwerkers)

Les caisses de retables étaient souvent en série fabriqué par des huchiers  Dans les règles de la guilde il a été clairement documenté que le chêne ou le noyer seulement en bonne santé et bien séchés peuvent être utilisés sans aubier ou nœuds tant pour la caisse que pour les sculptures

Le côté de la boîte était estampillé avec la main d'Anvers pour assurer la qualité du bois : la recherche dans les archives a montré que le chêne était presque toujours issus de la Baltique, et les analyses dendrochronologiques [= la recherche sur l'âge des arbres] ont précisé cette origine.

[Les études dendrochronologiques et anatomiques ont montré que les retables du Brabant étaient fabriqués en bois de chêne Quercus robur provenant du nord de la Pologne, bois dont des quantités importantes étaient effectivement expédiés des Baltiques vers les Pays-Bas au cours du Xve et XVIe siècle. Les règlements de la Guide de Saint-Luc prescrivaient que les essences de bois nécessaires devraient être en chêne sans défaut (« ...Eyken hout sonder fu) ou en noyer (« ...Nootboemen.. ») : le bois d'aubier devait donc être exclu. Les mêmes études indiquent que le séchage durait entre un et quatre ans (Haneka et al. 2005).]

Les sculpteurs ciseleurs ?? ou Metselriesnijders.

Ils rivalisèrent de talent pour découper le bois en entrelacs des bordures en lames très fines pour réaliser un décor composé de vignes et / ou  d'ornements architecturaux .  

 

 Les sculpteurs (Beeldsnijders).

 Le principal exécuteur d'un retable est bien sûr le sculpteur. 

 

Les Polychromeurs (Verguilder ou stoffeerder)

Habituellement, la polychromie a été réalisée par le peintre, mais à Anvers était aussi un travail pour un spécialiste en dorure comprend beaucoup plus que l'application d'une couche d'or ou par bol rouge.

 Le retable va être maintenant être monté trois fois :

Lors de la première assemblage, lorsque les statues sont encore non peinte, des corrections peuvent être faites et la composition améliorée en coupant sur le dos ou ailleurs des morceaux de bois à ajouter.

Avant le traitement par une couche de préparation de la craie et de colle [gesso], certaines statuettes sont marqués de la main d'Anvers sur la tête ou à la base. Au cours de ce processus, le retable a été démonté et après la mise à jour et le lissage de la couche appliquée de la préparation d'un bol rouge est appliquée sur les points où l'or est poli ensuite mixtion où la feuille d'or est laissée rugueuse.

 NDT :[Il existe deux sortes de dorure, dorure à l'eau ou dorure par mixtion ou à l'huile ; dans la dorure à l'eau, la feuille d'or est posée sur une assiette argileuse ("bol d'Arménie" rouge ou orangé) ; elle peut être brunie ou polie à la pierre d'agate. Dans la dorure par mixtion, la feuille est posée sur une sous-couche huileuse qui ne permet pas le polissage. La dorure reste donc mate. La couche de préparation par gesso est beaucoup plus épaisse pour les parties dorées que pour les carnations par exemple].

  Après la deuxième installation de pièces non visibles sont en gris parce que l'or précieux ne doit pas être gaspillé. Le retable est deuxième fois démonté afin que tous les éléments puissent être peints, dorés et polis, le cas échéant. Mais polychromeurs sont également maîtres en diverses techniques pour embellir encore la décoration

Outre  l'estampage , qui modèles récurrents pourraient être appliqués sur les vêtements de la technique de décoration le plus distinctif dans retables anversois était le »  sgraffito ». 

 

Le retable est maintenant en cours d'assemblage pour la troisième fois. Toutes les pièces détachées sont déposés avec des clous en fer forgé, et les doreurs et peintres viennent accomplir les dernières retouches. Une fois que la pièce est terminée et approuvée par le Juré, la dernière marque, combinant le  château et les deux mains est apposé au fer rouge  sur le côté de la caisse.

 

Sur la base d'un répertoire des retables anversois,, il y en aurait (J. Tromp) trente en Belgique, 70 en Allemagne et 7 aux Pays-Bas.



2) John Michael Montias 1993 

(Texte légerement modifié et coupé, voir l'original en ligne)

 Abordons maintenant deux types d'objets d'art classiques : le retable et le tableau d'autel. Ces objets de grand prix pouvaient facilement coûter trois fois autant que le salaire annuel moyen d'un ouvrier au xve et au xvie siècle.Les clients étaient dans la plupart du temps une collectivité et , sur une étude de 70 retables, on trouve 30 églises, 9 monastères ou couvents, 21 confréries ou corporations associées à des églises paroissiales, et une seule municipalité, 2 hôpitaux et 7 particuliers. l'historienne américaine Lynn Jacobs s'est particulièrement intéressée aux procédés « quasi industriels » qui permet­taient de diminuer les prix de revient de ces ensembles. Il faut tout d'abord citer la division très poussée du travail entre les charpentiers (schrijnwerkers), responsables de la « caisse » du retable, les sculpteurs et deux sortes de peintres : ceux qui peignaient les volets et les prédelles incorporés dans le retable et ceux qui en polychromaient les parties sculptées (nommés beeld-verwers). Un examen attentif des retables qui ont été conservés démontre, dans certains cas, que plusieurs sculpteurs et peintres ont dû participer à l'élaboration d'un seul retable. Cette division du travail pouvait avoir lieu soit à l'intérieur d'un seul atelier, soit être le fait de la collaboration de plu­sieurs ateliers spécialisés dans des travaux de peinture ou de sculpture. En second lieu, les artistes utilisaient souvent des pièces préfabriquées pour les insérer dans n'importe quel retable. On s'en aperçoit au fait que ces pièces s'emboîtent souvent mal dans les ensembles où elles ont été introduites. Certaines de ces pièces préfabriquées provenaient, estime-t-on, d'ateliers spécialisés. Parfois aussi, les prédelles de plusieurs retables sont si semblables qu'elles semblent avoir été peintes en série, surtout lorsqu'elles cadrent mal avec les proportions du corps principal. Il convient de mentionner enfin les personnages exécutés d'après des modèles standard dont on disposait dans les ateliers, telles les figures identiques de saint Jean ou du Christ que l'on retrouve dans diverses parties de la même œuvre ou d'œuvres différentes.

A part certaines œuvres, la majorité étaient réalisés à l'avance et proposés tout faits aux clients : un nombre important portent des traces de production standardisée ou de travail en série.

Les foires et les « pants »

Anvers eut très tôt aussi ses deux foires annuelles de six semaines chacune. Mais vers la moitié du xve siècle, le commerce des objets de luxe avait pris une telle envergure à Bruges et à Anvers que des mesures spéciales pour le promouvoir ont semblé souhaitables. Les dominicains d'Anvers prirent les devants en 1445 en fondant un « Pant », nommé « pant des prêcheurs » (Predik-heerenpandt), dans une partie de leur couvent. (Le mot pant ou pandt désigne généralement un cloître ou un enclos pourvu de galeries utilisées pour exposer ou vendre des objets, mais il en est graduellement venu à dénoter n'importe quel local — halle, maison ou autre — approprié à de semblables fins). Le pant des dominicains comprenait un certain nombre d'éventaires (stallen) qui étaient loués pendant la durée de la foire à des artistes et à des artisans, membres de plusieurs corporations résidant non seulement dans la cité mais dans d'autres villes des Pays-Bas. On comptait parmi eux les membres de plusieurs guildes d'Anvers : celles de Saint-Éloi (orfèvres), de Saint-Nicolas (bijoutiers et tapissiers), et celle de Saint-Luc d'Anvers (peintres et sculpteurs). Le pant des dominicains réussit si bien qu'il fallut l'agrandir, une première fois en 1460, la seconde en 1479, à la demande des peintres de Bruxelles (dont le nombre dépassait celui des peintres d'Anvers). Comme l'a justement fait remarquer Daniel Ewing, la réussite de ce pant et l'origine des artistes qui y présentaient leurs ouvrages démontrent que le commerce avait devancé la production à Anvers. La ville, en effet, lors de la création du pant et pendant le demi-siècle suivant devait rester un centre artistique secondaire ; la ville ne devint véritablement importante qu'au XVIe siècle, tant pour la sculpture que pour la peinture.

Des querelles s'étant élevées entre les frères dominicains et les peintres exposant au pant des prêcheurs, les guildes de Saint-Luc d'Anvers et de Bruxelles quittèrent ce pant en 1480 pour louer des éventaires à celui de Notre-Dame (Onse Lieve Vrouw Pana), ouvert vingt ans auparavant par l'église du même titre. La construction de cette gigantesque église, qui devint la cathédrale de la ville en 1559, ayant requis des fonds, très impor­tants dès le début du xve siècle, le chapitre avait eu recours à diverses sources de financement. La location d'étals à des artisans de divers métiers, y compris des gantiers, des fourreurs et des merciers, dans des propriétés que l'église possédait en divers lieux de la ville, était déjà une de ses princi­pales sources de revenus quand il fut décidé de construire un nouveau pant spécialisé dans la vente de biens artistiques pour accroître encore ces res­sources. Le bâtiment construit en 1560 était situé hors du périmètre de l'église, tout près de la halle de la guilde de Saint-Luc. Il comprenait quatre vastes galeries entourant un enclos. C'était le premier édifice spécialisé dans l'exposition et la vente de produits artistiques en Europe. Il y avait là de la place pour cent étals que l'église louait pendant la durée des deux foires annuelles à des peintres, à des sculpteurs, à des imprimeurs, à des vendeurs de livres et des charpentiers (schrijnwerkers). A partir de 1484, le pant de Notre-Dame eut le droit exclusif de la vente de « panneaux, images, taber­nacles, sculptures polychromes ou non, de bois ou de pierre ».

Les seuls comptes du pant de Notre Dame précisant le métier des artistes et des artisans locataires qui nous soient parvenus datent des années 1530-1560. Ils nous apprennent que les imprimeurs et les vendeurs d'images déta­chées contribuaient pour un peu moins de la moitié des loyers perçus dans les années 1531-1543, les peintres et les sculpteurs pour environ un tiers (avec un maximum de 47 % en 1543), et les charpentiers pour le reste. On estime d'autre part que, pendant la période 1543-1560, 54 artistes (peintres ou sculpteurs) y compris cinq veuves et une fille d'artiste37, 7 imprimeurs, et 79 charpentiers ont loué des étals dans le pant de Notre-Dame. N'allons pas croire pour autant que tous les artistes vendaient leurs œuvres à travers le pant. On peut estimer qu'au maximum 5 à 10 % des artistes actifs à l'époque dans la ville d'Anvers y louaient un espace. La liste des noms de peintres conservés dans les comptes de location est surtout notable par l'absence des artistes les plus réputés de l'époque. Dans les années 1540-1550, il y manque les noms de Jan van Hemessen, Pieter Aertsen, Frans Floris, Pieter Brueghel et de Pieter Coecke qui figuraient parmi les plus éminents. Ces artistes devaient avoir des ateliers suffisamment bien achalandés pour pou­voir se passer des débouchés offerts par le pant. Ce sont sans doute eux qui recevaient les commandes les plus importantes. Les locataires d'éventaires étaient probablement pour la plupart d'entre eux des artistes assez médiocres qui dépendaient surtout d'une clientèle anonyme. On sait cependant que certains retables et tableaux d'autel très coûteux ont parfois été vendus au pant ou même ont servi de modèles pour des ouvrages de commande. La qualité de ce tableau exposé à la foire était donc suffi­sante pour qu'un commanditaire veuille s'en procurer un semblable.

A partir de la moitié du XVIe siècle, l'importance du pant de Notre-Dame décline, en partie à cause de la concurrence de nouveaux pants mieux placés.

Les pants ont joué un rôle primordial dans les exportations des Pays-Bas. Si au XVc siècle les objets d'art les plus chers, y compris les tableaux des maîtres néerlandais les plus fameux, étaient déjà exportés, surtout vers l'Ita­lie, au siècle suivant les ventes à l'étranger acquirent un caractère plus massif et de nombreux produits de demi-luxe étaient exportés. Pour la seule année 1553, les bateaux quittant Anvers en direction de l'Espagne et du Portugal transportaient quatre tonnes de tableaux et 91414 aunes (environ 70 000 mètres) de tapisseries. D'après les estimations de W. Brûlez, les tapis­series représentaient 4,4 % des exportations totales des Pays-Bas vers cette époque48. Au XVIe siècle, Anvers exportait aussi de nombreux retables et tableaux d'autel vers l'Angleterre et la Suède ainsi que dans les pays médi­terranéens. D'après les registres d'impôts, presque chaque bateau en départ vers l'Espagne transportait au moins un retable brabançon. En 1525, le marchand Mateo de Nasar offrit au duc de Mantoue 300 tableaux flamands, parmi lesquels le duc en acheta 120.

 

 

 

 

 

Sources et liens.

— En tout premier, le site de Jean Coignard grandterrier.net :

 http://grandterrier.net/wiki/index.php?title=Les_marques_de_fabrique_des_ateliers_flamands_du_16e_sur_le_retable_

de_Kerd%C3%A9vot#_note-Malines

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1894 « Le Retable de Kerdévot (paroisse d'Ergué-Gabéric) ». Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1894, t. XXI, p. 94-101.

 

ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1909 "[Notices sur les paroisses] Ergué-Gabéric", Bulletin de la commission diocésaine d'histoire et d'archéologie, Quimper, 9e année, 1909, p. 32-48, 71-87.  

— HANEKA et al.  2005 "Les retables de Brabant- source d'information sur le bois utilisé en. XV et XVI siècle" IAWA Journal, Vol. 26 (3),: 273–298.

— HANEKA  (K), 2005, Tree-ring analysis of European oak : implementation and relevance in (pre) historical research in Flanders Ghent University

MONTIAS (John Michael) 1993   "Le marché de l'art aux Pays-Bas, XVe et XVIe siècles"  Annales. Économies, Sociétés, Civilisations  Volume   48 Numéro 6 pp. 1541-1563

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1993_num_48_6_279231#

— "La chapelle de Kerdévot retrouve son retable", ErguéCom, Magazine de la commune d'Ergué-Gabéric juin 2013 http://www.ergue-gaberic.fr/pdf_ergue_com_32.pdf

— Ouest-France 27 juillet 2012 : http://www.ouest-france.fr/la-restauration-du-retable-de-kerdevot-sexpose-1284243

Courrier des Amis du Musée de Quimper, article de Marie Pincemin :

 http://www.mbaq.fr/fileadmin/user_upload/Amis/Le%20courrier%20des%20Amis%20du%20mus%C3%A9e%20N%C2%B027-mai%202012.pdf

—Retable de la Passion de Dijon :  http://mba.dijon.fr/sites/default/files

/Collections/pdf/les_retables_sculptes_de_la_fin_du_moyen_age.pdf

Nederlands'out of drips : 2009 Vitruvius 2 n° 6, janvier 2009   http://www.vakbladvitruvius.nl/vakbladvitruvius/pdfs/vitruvius_1237969646.pdf

http://www.materiauxrenouvelables.ca/files/content/sites/crmr/files/Quoi%20de%20neuf

/Colloque%20annuel%20CRMR-2014/Stevanovic_La%20formation%20du%20personnel%20hautement%20qualifi%C3%A9.pdf

— TROMP Jan , Le Retable de la Passion de la cathédrale Saint-Jean à Amsterdam  http://www.jantromp.nl/pages/Sint%20Jan.html

— Le retable :http://lili.butterfly.free.fr/page%20web/retables.htm

— Retable de Vaumain fabriqué à Beauvais (passionnante lecture du dossier de restauration) :

file:///C:/Users/jean-yves/Downloads/Plaquette+le+retable+du+Vaumain,+collection+Patrimoine+

restaur%C3%A9+en+Picardie+n2.pdf

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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