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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 21:22

Les vitraux de l'église Saint-Nicaise de Saint-Nic (29).

 

Classement Monuments historiques le 10 novembre 1906.

 Le nom de la commune proviendrait du nom d'un saint breton dénommé saint Maeoc ou saint Maëc ou saint Mic ou saint Nic. Le nom de la paroisse apparaît dès le XIe siècle dans des chartes sous les noms de Plebs Sent Nic in pago Porzoed ou Plebs Sent Mic, puis au XIVe siècle sous le nom de Seinctnic, puis en 1410 sous celui de « Saint Vic » et en 1599 Saint Nic. Issue d'un démembrement de la paroisse de l'Armorique primitive de Plomodiern, Saint-Nic dépendait de l'évêché de Cornouaille, ce qui fut maintenu au Concordat. 

  D'un premier édifice, il persiste un fragment de verrière de 1520 représentant un donateur (cf. Baie 2).  

L'église, en forme de croix latine a été reconstruite après 1550 :  les inscriptions attestent la vitalité du chantier : mur Nord ou porche datant de 1561, mur Sud de 1562,  arcades de la nef de 1566 avec l'inscription :"M. Le Parlat. Fa. 1566", et  clocher de 1576. A cette époque, elle reçut ses verrières figurées, dont un Cycle de la Passion — très certainement dans la maîtresse-vitre —, et un Jugement dernier. Les archives mentionnent qu'en 1578, la Fabrique se pourvoit de vitraux. 

 

A une date indéterminée — sans-doute lors de la restauration générale achevée en 1838—, ces ensembles ont été regroupés dans le transept (Baie 1 au nord et Baie 2 au sud). On ôta alors les meneaux de ces baies du transept, et la partie inférieure de celle du sud fut murée pour en réduire la surface. Les panneaux qui les occupaient furent mêlés aux panneaux anciens récupérés de la vitre axiale. On relève deux Suites de la Passion différentes, l'une vers 1560, l'autre vers 1600. Or, si on se base sur les trois lancettes de la maîtresse-vitre, celle-ci n'a pu donner que six scènes en deux registres: des vitres exogènes sont donc été introduites.

I. Première baie de gauche ou Baie 1.  La Passion.

Elle ne comporte qu'une seule lancette ogivale de 2,50 m de haut et 1,65 m de large lourdement divisée par des barlotières réparties asymétriquement en 20 panneaux. On décrit deux registres principaux. 

Datant du 3ème quart du XVIe siècle (v.1560), elle s'inscrit dans l'ensemble quimpérois qui lui est contemporain et avec lequel elle peut être comparée :

Le vitrail de la Passion (Maîtresse-vitre) de l'église St-Thurien de Plogonnec (29).

Les vitraux anciens de l'église d'Ergué-Gabéric.

Les vitraux de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h (29).

L'église de Guengat (29) : I. Les vitraux.

 

Durant la seconde moitié du XVIe siècle, on estime (J.P. le Bihan) qu'une cinquantaine de verrières de la Passion ont été réalisées dans le Finistère, dont il en  persiste encore 24. Roger Barriè a consacré sa thèse à leur étude.


 

          025c

 


      A. Registre inférieur. 

de gauche à droite :

1. Le Baiser de Judas (vers 1560).

Partie supérieure bien conservée. Sous la clôture, fragment bouche-troue provenant d'une autre scène de la même suite.

                       018c

 

 

2. La Flagellation (vers 1560; 1995).

La partie supérieure est récente : elle a été réalisée en 1995 par Jean-Pierre Le Bihan en prenant comme modèle la même scène conservée dans la chapelle Saint-Fiacre du Faouët, après avoir constaté que d'autres cartons avaient des points communs.

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3. Le Christ aux outrages (vers 1560, très restauré).

 

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020cc

 

Comparaison : Le Faouët :

         

 


Registre supérieur.

De gauche à droite :

1. Comparution devant Pilate (vers 1560 ; quelques restaurations et dais de 1995).

                  

023c

 

 

 

2. Au sommet : Crucifixion (vers 1570 ?).

Les auteurs du Corpus indiquent : "échelle plus menue, facture simplifiée, d'un cycle différent des scènes précédentes. Tête du Christ restaurée.

Inscriptions :

— MARIAM sur la manche gauche de Marie-Madeleine.

— KAIFAS i GUSEO sur le pan de robe du personnage de droite. : Caïphe, Joseph Caiaphas, Caiaphas (Grec: Καϊάφας) : c'est le Grand Prêtre devant lequel Jésus est comparu, et qui est responsable avec son beau-père Anne de sa condamnation.

 Nous avons donc les deux larrons (le bon au visage tourné vers le Christ et le mauvais qui se détourne), le Christ sous le titulus INRI, ceint du perizonium dont un pan s'envole ; et en bas de gauche à droite saint Jean, la Vierge Marie, une sainte femme, Marie-Madeleine éplorée (aux cheveux roux caractéristiques, et au vase d'aromates posé à terre), le Bon Centurion (alias Longin) montrant du doigt le Christ en s'exclamant Mc 15:9 "Vraiment cet homme était fils de Dieu !", et Caïphe.

Détails : les crevés style Renaissance et les Braguettes des culottes des deux Larrons. C'est à la fin du XVIe siècle que les poches remplacèrent les braguettes comme endroit commode pour ranger son mouchoir ou son porte-monnaie.

 

                024c

Comparaison avec le cliché pris par J.P. Le Bihan : Passion de Saint-Thuriau (56) :  le ciel est rouge ; Marie-Madeleine est absente.

   

Comparaison avec Plogonnec ; Guengat (cliquez pour agrandir)

 

la-passion 0289c                baie-4 0406c


3. Au centre, en dessous : Mise au Tombeau (vers 1600, assez bien conservé).

      Sept personnages autour du Christ dont duex sont nimbés, Marie-Madeleine et Marie. Joseph d'Arimathie à la tête, coiffé d'un turban à pompon. Nicodème au pied, coiffé d'un chaperon.


                      022c

 

4. Comparution devant Anne ou Caïphe (vers 1560, bonne conservation).

 Selon Jean 18:19-24, Anne 

 

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5. Au dessus, fragments bouche-trous.

deux têtes, dont une tête de diacre.

 

II. Baie du transept sud, ou Baie 2.

Une lancette de 2,80 m de haut et de 1,70 m de large divisée en quinze panneaux dont on décrit deux registres. 

                  034c

 

      I. Registre inférieur. 

6 panneaux composites : les deux panneaux de gauche formant un groupe séparé.

036c

 

 

1. Saint Jean présentant un donateur (v. 1520).

Ce panneau provient peut-être de la maîtresse-vitre, avant qu'elle soit refaite vers 1560. Deux personnages sous un dais identique à celui qui surmonte les scènes de la Passion de la baie 1. Nombreuses restaurations dans la partie basses. 

Saint Jean est identifié à ses attributs : manteau rouge, absence de barbe, cheveux blonds, calice d'où sort un dragon (ici en vert).

Le donateur pouvait être identifié par son blason suspendu au drap vert du prie-dieu, mais celui-ci a été éffacé pendant la Révolution. Selon J.P. Le Bihan,

"En novembre 1790, le conseil municipal charge le procureur de la commune, Henry Join, de faire disparaître les enfeus et armoiries   de l'église paroissial et "autres chapelles" Cependant, semble-t-il, on a hésité à briser les armoiries des vitraux. Cependant le 30 avril 1791,on fit appel à un vitrier quimpérois du nom de Jean Louis Cavellier  qui se charge pour la somme de 72 livres d’enlever les écussons des vitres peintes de l’église paroissiale et de la chapelle Saint-Côme. En voulant enlever ces armoiries, il brise les vitres qui les encerclaient. Il ne semble pas avoir fait entièrement son travail, car un blason est signalé, par de Courcy en 1860, à la chapelle Saint-Côme."

L'inscription miserere mei domine ("Prends pitié de moi Seigneur") ne permet pas non plus de connaître le donateur. Il s'agit d'un verset du Psaume 6, l'un des psaumes pénitentiels.

L'élément remarquable, c'est la chape pluviale porté par le donateur, qui est donc non seulement un écclesiastique, mais un dignitaire : Évêque ? Père abbé ? l'absence de crosse et de mitre ne plaide pas en faveur de ces hypothèses. Chanoine de Quimper ? 

Ce panneau est plus ancien que les autres et daterait des années 1520. Connaît-on un dignitaire du début du XVIe siècle, prénommé Jean, et attaché à la paroisse de Saint-Nic ? 

Le personnage le plus considérable fut Claude de Tréanna, "noble et discret messire, grand archidiacre de Cornouaille et recteur de St Nic". La famille Tréanna porte d'argent à la macle d'azur. Ces armes figurent sur le retable de la chapelle Saint-Côme, et le nom et le titre de Claude de Tréanna sont inscrits sur l'un des deux reliquaires provenant de cette chapelle, qui porte la date de 1680.

 

 

S'agirait-il d'un Abbé de Daoulas ? Dans la période concernée, nous trouvons, avec le prénom Jean : 

  • 1502-1519 : Jean du Largez, abbé de Daoulas, était originaire de Botlézan, évêché de Tréguier. En 1505, il est aussi nommé évêque suffragant de Quimper (administrant le diocèse à la place de Claude de Rohan, l'évêque titulaire, simple d'esprit) et en 1515 évêque de Vannes. Il démissionne en 1519 et meurt à l'abbaye de Daoulas le 5 juin 1533. On trouve une inscription portant son nom à Plougastel, Chapelle de la Fontaine Blanche.
  • 1550-1573 : L'abbé Jean Le Prédour gouverne l'abbaye (ses armoiries se trouvent dans l'oratoire Notre-Dame-des-Fontaines). Il était originaire de la paroisse de Plourhan, diocèse de Saint-Brieuc).

  • 1573-1581 : Jean de Kerguiziau, abbé de Daoulas, originaire du manoir de Kerguiziau en Bohars, il fut inhumé dans la chapelle du Faou, attenante à l'église abbatiale.

Jean du Largez, dans son rôle d'évêque suffragant de Quimper, serait un bon candidat dans notre recherche. Mais il n'a aucun lien connu avec Saint-Nic.

Cette chape pluviale en tissu d'or damassé est orfrayée de scènes brodées rectangulaires  dont quatre sont visibles et représentent sans-doute les apôtres puisque saint Pierre peut y être identifié par ses clefs. Saint Jean (sans barbe) est vraisemblablement en dessous.

Voir une chape semblable conservée à Burgos, du XVe siècle :

chapes-pluviales 4214c

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A noter, en vrac : que les armoiries des Tyvarlen, seigneurs de Brénalen étaient encore présentes en 1860 dans la chapelle Saint-Côme ;  les noms de Morice Guermeur, Pierre Geffroy et Hervé Goulhezre, les nobles de Saint-Nic présents à  la "Montre" de l'Evêché de Cornouailles de l'an 1562. Et enfin que Guillaume Perfezou a été recteur de la paroisse en 1641.

 

Le Jugement Dernier.

Saint Pierre, en manteau rouge, accueille dans son Paradis les âmes élues, qui sont traitées en grisaille comme pour illustrer leur statut incorporel (malgré la foi en la resurrection des corps). 

 

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Sur ce panneau, dans la partie inférieure, une foule sortant du linceul émerge à l'appel des trompettes du Jugement et se confronte au tri : les damnés sont emportés ou poussés  par des démons vers une étendue liquide. Cette scène est traitée en grisaille sur un verre bleu clair afin de former un contraste avec le sort des heureux élus.

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Idem, détail.

 

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Sortie du tombeau ou Ressurrection (v.1570)

Ciel rouge, appartenant donc à une Passion à fond rouge, différente de celle de la Baie 1.

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III. Restauration.

 

19e : Intervention de Cassaigne ou d'un atelier analogue

1928 : Restauration par Tournel.

1942 : dépose des vitraux mis à l'abri des dangers liès à la Seconde Guerre.

1955 : repose et restauration par Gruber.

1994 (baie nord) et 1998-1999 (baie sud) : restauration par Jean-Pierre le Bihan de Quimper, maître-verrier qui donne de précieuses indications dans les articles de son blog : 

      A cette époque, Le Bihan prend comme modèle une scène de la baie axiale de saint-Fiacre du Faouët pour compléter la Flagellation , les autres scènes du cycle présentant des cartons communs. 

Après démurage de la partie basse de la Baie 2, il compose des panneaux ornementaux ajoutés en soubassement.

 

 

 

Sources et Liens.

 — ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1904 , Notice sur la paroisse de Saint-Nic.

  BARRIÉ (Roger) 1979  Étude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper / ; sous la direction d' André Mussat, 1979  Thèse de 3e cycle : Art et archéologie : Rennes 2 : 1979. Bibliogr. f. 9-32. 4 annexes (vol. 2)

COUFFON (René) LE BARS 1959 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SAINTNIC.pdf

— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005 "Les vitraux de Bretagne", Corpus Vitrearum France- Recensement VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes : 2005, 367pp. pages 192-193.

— LE BIHAN (Jean-Pierre) 2008  blog :

  •  http://jeanpierrelebihan2.over-blog.com/article-19072287.html
  • http://jeanpierrelebihan2.over-blog.com/article-19137442.html

Commune de Saint-Nic: Dossier Oeuvres d'art de la commune, fichier pdf :http://www.saint-nic.fr/pdf/saint-nicaise_oeuvres_art_.pdf

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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