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14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 12:01

Les vitraux de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h (29). Vitraux contemporains de Jacques, Anne et Guy Le Chevallier, et vitraux du XVIe siècle.

 

L'église Saint-Nonna 

  L'église Saint-Nonna de Penmarc'h, construite en 1508, témoigne de l'importance économique de Penmarc'h au XIVe et XVe siècle comme l'un des principaux ports de roulage et de pêche à la morue, avant le déclin que la mise à sac en 1594 de la ville par Guy Eder de la Fontenelle paracheva. 

 C'est précisément ce sinistre épisode de l'histoire locale qui explique qu'il ne reste qu'une demi-douzaine de panneaux des vitraux construits lors de l'édification de l'église. Car il faut savoir que les habitants de Penmarc'h face à la menace que constituait la présence de La Fontenelle en l'île Tristan à Douarnenez, et les exactions auxquels il se livrait, firent de leur église et du cimetière un camp retranché aux murs épais, protégés par deux bastions et des remparts. Mais ils furent abuser par une ruse de Fontenelle, les femmes furent violées, les habitants passés au fil de l'épée, et 300 de leurs bateaux rejoignirent la flotte de l'île Tristan. On imagine que les verrières ne furent pas respectées.

 L'église Saint-Nonna conserve néanmoins quelques panneaux des vitraux d'une Passion et d'une Vie du Christ des années 1510, dont l'un des intérêts est de rentrer en comparaison avec des œuvres semblables à Plogonnec, Guengat, Ergué-Gaberic pour suggérer la présence d'un grand atelier quimpérois.

 Mais les panneaux ou fragments conservés sont placés au sein de vitraux contemporains (1967 et 1981) par l'atelier de Jacques Le Chevallier, ce qui redouble leur intérêt. Il est illusoire de vouloir les décrire séparément, mais c'est ce que je vais néanmoins tenter.


I. LES VITRAUX DU XVIe SIÉCLE DE PENMARC'H.


Si on en croit les armoiries, une maîtresse-vitre a été commandée à l'atelier de maître-verrier de Quimper vers 1510 par Jean III du Pont et son épouse Catherine de Brosse. A cette époque, Claude de Rohan était évêque de Quimper et Charles Jégou recteur de Penmarc'h et abbé de Daoulas


         A. La Baie 0 ou Maîtresse-vitre : Vie du Christ.

Haute de 8,60 m et large de 4,30 m, elle comporte six lancettes trilobées de 5,50 m x 0,50 m et un tympan de 12 ajours. Les lancettes recevaient jadis sous des dais gothiques dix-huit panneaux organisés en trois registres, consacrés à l'Enfance du Christ, à sa Vie Publique et à sa Passion. 

 Les éléments anciens occupent aujourd'hui les deux lancettes médianes C et D, les têtes de lancettes de A à F, et le tympan.

1. Déposition de croix.

Même carton qu'à Plogonnec Baie 0, C3 et à Lanvenegen, C3. Mais on ne lit pas d'inscription sur la demi-manche, alors que le cône du turban de Nicodème porte les lettres A(V)ENA

2. Mise au tombeau.

Panneau identique à celui de Plogonnec Baie 0, C2.

3. Flagellation 

Panneau identique à celui de Guengat en C2, et d'Ergué-Gaberic en D3 

Guengat :vitraux 0378c (2)


4. Baptême du Christ.

Carton identique à ceux de la baie 1 de Guengat en C3 et d'Ergué-Gabéric en C1. Rogé Barrié a déchiffré sur la panse de la cruche deux lettres peu visibles ...A.

Comme à Guengat, le verre rouge est gravé, autour de la colombe, de traits blancs rehaussés au jaune d'argent pour représenter la puissance du Verbe divin.

 

Guengat : vitraux 0379c

 

Penmarc'h : cliquez pour agrandir.

                          saint-nonna 5303c

 

                        vitraux 5303cc

 

                                            vitraux 5304c

 

 

                             saint-nonna 5304c$

                                       vitraux 5304cc

 

 

                                        vitraux 5304ccc

5. Circoncision rituelle.

Le carton est identique à celui de Guengat (même datation, v.1510), baie 1, panneau B3, et semblable à celui -d'Ergué-Gabéric en B1. Mais ici, on ne lit pas d'inscription sur les galons de la dalmatique de l'officiant, ou "mohel". Le mohel (מוהל en hébreu, mohalim au pluriel) est la fonction de celui qui exécute la Brit milah selon la tradition juive, c'est-à-dire la circoncision rituelle d'un enfant mâle au huitième jour après sa naissance.

La source évangélique est Luc,2, 21-24 "Le huitième jour, auquel l'enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu'avait indiqué l'ange avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère. Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur,  suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur: Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur,  et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur.

  

                                      saint-nonna 5305c

 

Guengat Baie 1 : vitraux 0378c (2)

 


7. Têtes de lancettes. 

Six sommets d'édicules flanquées de statuettes de prophètes, à arcs redentés ouvrant sur des voûtains colorés et des tentures galonnées. 

Tête de la lancette B :

                               saint-nonna 5312c

On y lit l'inscription en lettres gothiques   CT(R)AN*E ROT RA(R)NVE qui est restée indéchiffrée.

* N rétrograde

saint-nonna 5317c

 

8. Le tympan.

saint-nonna 5296

 

On y trouve au sommet les armes mi-parties de France (azur à fleur de lys) et de Bretagne (hermines), surmontées de la couronne royale  et entourées du collier de l'ordre de l'Hermine, dont l'animal emblématique apparaît suspendu par un entrelacs. Il s'agit des armes de Louis XII et d'Anne de Bretagne (mariés en 1499). Sur la phylactère se lisent les lettres DOVR...OST et G..VIS, ou pour moi  SIAS .... DOVR... SOX, où on a vu des "fragments du Salve Regina" (?) avec l'orthographe fautive Dourcedo au lieu de dulcedo : Salve, Regina, mater misericordiae. Vita, dulcedo et spes nostra, salve.

 


saint-nonna 5297

 

Je fais appel ici à la description de Roger Barrié :

Au dessous, des anges , le buste sortant des nuées, présentent les armoiries de trois générations de barons de Pont-L'Abbé, de gauche à droite :

— écu mi-parti d'or au lion de gueules, qui est Pont-L'Abbé, et d'hermines à 3 fasces de gueules, qui est Rostrenen. Jean, baron du Pont-L'Abbé épousa en 1440 Marguerite qui lui apporta la baronnie de Rostrenen dont il écartela ses armes.

— écu écartelé au 1, 4 de Pont-L'Abbé et de Rostrenen, au 2 contrécartelé au 1 et 3 de gueules à la raie d'escarboucle d'or et au 2,4 d'azur à trois fleurs de lys d'or à la cotice du même brochant qui est Bourbon-Navarre, et au 3 de gueules à 3 macles d'or qui est Rohan à la vouivre ondoyante brochant sur le parti. Pierre du Pont-L'Abbé décédé en 1488 à Saint-Aubin-du-Cormier épousa Hélène de Rohan en 1463.

— écu mi-parti Pont-L'Abbé-Rostrenen et d'hermines, autres armoiries, imparfaitement reproduites, des de Brosse, comte de Penthièvre. Jean III du Pont-L'Abbé épousa Catherine de Brosse-Bretagne vers 1490.

 

 

saint-nonna 5298

 

 

Au dessous, de gauche à droite des anges semblables présentent les armoiries de seigneurs de moindre importance, qui ont possédé la seigneurie de Lescoulouarn dans la paroisse de Plonéour, voisine de Penmarc'h :

— écu écartelé au 1 et 4 d'or au lion d'azur et au 2 et 3 de gueules à 5 fleurs de lys d'argent, copie moderne pour d'azur à 6 fleurs de lys d'argent posées 3.2.1. Il s'agit des armes inversées de la famille Foucault dont la branche aînée possédant Lescoulouarn se fondit dans Langéouez avant 1510 par le mariage de Jean et de Jeanne Foucault. Sur la banderole ONI...ET et P...DE...

— écu mi-parti Foucault et du Pont-L'Abbé; alliance inconnue.Sur la banderole : L...ON...EN...

— écu mi-parti fascé ondé d'or et d'azur qui est Languéouez et d'or au léopard morné de gueules qui est Nevet. Un Jean de Languéouez seigneur de Lézarscoët épousa vers 1450 Typhaine de Nevet. Sur la banderole :CHRISTU...TRIO..., fragment d'un hymne dans le style du Victimae Paschali.

— écu contrécartelé au 1 et en cœur Foucault, au 3 Languéouez,au 2 d'argent à neuf macles de gueules et au 4 d'azur à la croix d'argent qui sont inconnus. Sur la banderole : ...VIS... Il doit s'agir de l'alliance d'un Langéouez avec une autre famille par laquelle la seigneurie de Lescoulouarn échut aux Talhouët. cette famille était présente dans la région dés 1513 puisqu'on sait que Guyon de Talhouët était capitaine et porte-enseigne de Pierre de Foix, nouveau baron du Pont et de Rostrenen. Bien que l'on ignore si les armes de ces deux personnages figuraient dans la verrière, cependant on peut conclure que la réalisation de cette dernière se situe peu avant ou peu après l'héritage des baronnies par la famille de Foix et celui de la seigneurie de Lescoulouarn par la famille de Talhouët, toutes deux citées en 1513. 

 

 

saint-nonna 5300

 

saint-nonna 5302

 

 

 

                   Baie 2 (v. 1510 et fin XVIe).

Chapelle de la Vierge au sud du maître-autel.

Baie de 4,20 m de haut et 3,30 m de large divisée en 5 lancettes et un tympan à 6 ajours. Panneaux anciens dans 4 ajours du tympan et en haut de la lancette centrale. 


saint-nonna 2913v

 

Lancette centrale :

dais, débris d'un Portement de Croix (buste du Christ) et pièces bouche-trous.

                         vitraux 5311c


Tympan :

— Au sommet, écus armoriés d’or au lion de gueules de Jean II du Pont à gauche et d'hermines à 3 fasces de gueules de  Marguerite de Rostrenen à droite.

— Dans l'ajour latéral gauche, l'ange présente des armoiries d'argent au greslier et au lévrier de sable. Ce sont les armoiries de Penmorvan, comme le signale le site Tudchentil http://www.tudchentil.org/spip.php?article738 :

 

Penmorvan (de), sr dudit lieu et du Gorrekaer, par. de Combrit, - de Penfoul, par. de Bodivit, - du Hellez, par. de Plonéour, - de Kernivinen, par de Beuzec-Cap-Caval, - de Kerguinguen, par. de Plobannalec, - de Kerganton en Tréoultré*, - de Kertarenech, par. de Clohars-Fouesnant, - de Kerveil, par. d’Ergué-Gabéric, - de Listremet Meur .

Réf. et montres de 1426 à 1562, dites par. et par. de Plomeur, év. de Cornouaille.

D’argent au lévrier de sable, colleté d’or, surmonté d’un grêlier de sable, enguiché, lié et virolé d’or (Arm. de l’Ars.).

Henry, rend hommage à Jeanne de Retz, dame de Fouësnant, en 1399.Jehan, époux de Catherine de Kernivinen, héritière en 1482 d’Hervé de Kernivinen. Branche de Kerveil fondue dans Tréanna.

 

Edition de 1895, tome II, page 368.

*Tréoultré est l'ancien nom de Penmarc'h.

Nota bene : on retrouve ces armoiries sculptées dans l'église :

                             saint-nonna 2979v

— A droite, écu moderne France-Bretagne tenu par un ange ancien.

saint-nonna 5306c


                        saint-nonna 5308c

 

 

 

 

 

      Restauration et conservation

   Une première restauration eut lieu au XIXe siècle par Ameline, peintre-verrier de Pont-Labbé (J.P. le Bihan), comme en attesterait la tête de la Vierge de la Circoncision, ou le corps du Christ dans la Flagellation. Ce même Ameline exécuta aussi en 1899 une vitrerie blanche qui  accompagnait les vitraux anciens. En 1856, le vitrier Guillaume Cassaigne crée des verrières décoratives pour le flanc sud, et de 1863 à 1870, le Carmel du Mans réalise plusieurs verrières figurées représentant sainte Thumette, saint Paul et saint Pierre, saint Guénolé, saint Fiacre ou Notre-Dame de la Joie ; mais on ignore si ces travaux s'accompagnèrent d'un entretien des œuvres anciennes. Celles-ci étaient en mauvais état , mais le recteur se heurta de 1888 à 1896 au refus de restauration par le Conseil municipal, qu'on imagine républicain et anti-clérical. Après la Première Guerre Mondiale, le recteur Guillerm fit déposer les panneaux anciens et les proposa à la vente à Alfred Sparry, riche amateur de Mulhouse. Cette transaction fut évitée de justesse par le service des Monuments historiques et les vitraux furent restaurés par Labouret en 1920. 

Ils furent déposés en 1942 par Jean-Jacques Gruber pour les protéger des hostilités puis ils ne furent restaurés en 1963 par Jacques Le Chevallier, qui les inséra dans une vitrerie colorée de sa conception. 

La remise en état des verrières de Saint-Nonna se prolongea jusqu'en 1989 grâce aux œuvres d'Anne et de Guy Le Chevallier, alors que Jean-Pierre Le Bihan restaurait les vitraux du XIXe (Baie 12, baie 15 en verrerie incolore losangée à filets peints). En 2012, Antoine Le Bihan restaura la verrière de sainte Thumette

Les verres anciens. 

Ils partagent les caractéristiques de ceux de la Baie 0 de Plogonnec avec des verres incolores et des verres doublés épais, alors que les verres colorés sont minces. "La mise en œuvre des verres est conduite selon les impératifs traditionnels du métier", écrit en compliment Roger Barrié, qui remarque comment beaucoup de petites pièces sont mises en plomb, comme le galon du manteau de la Vierge, ou comme dans les éléments contournés des architectures, sertissant les chapiteaux des nervures ou l'évidement des contreforts avec un métier très sûr.

 

 

 

Les vitraux contemporains

 

      Sont l'œuvre de Jacques le Chevallier en son atelier de l'Haye-Les-Roses, puis en 1981 de ses successeurs :

Anne Le Chevallier-Faraut (1937-) a suivi des études de lettres à Paris. Elle a enseigné jusqu'en 1966, puis est entrée à l'atelier de vitrail de Jacques et Guy Le Chevallier. Avec ce dernier, elle a participé à la réalisation des vitraux du chœur de la cathédrale de Nantes.

Guy Le Chevallier (1930 -) a fait ses études à l'Ecole des Métiers d'Art. Il a pris en 1955 la responsabilité technique de l'atelier de son père, Jacques Le Chevallier. Il assure depuis 1962 les travaux de restauration pour les Monuments Historiques et d'exécution pour différents artistes. Les principaux vitraux qu'il a réalisés sont ceux de : l'église Saint-Gervais, à Paris (pourtour du chœur), de la cathédrale de Nantes (transept Nord), de la Caisse Régionale du Crédit Agricole à Saint-Lô (façade en dalle de verre et terre cuite), etc.

 


 

 

 

                                   saint-nonna 2919v

 

      ANNEXE : GÉNÉALOGIE DES SEIGNEURS DU PONT.

JEAN II DU PONT, chevalier de l'ordre en 1460 /1440/ Marguerite DE ROSTRENEN, baronne de Rostrenen :

d'où :

PIERRE DU PONT, cité dans un aveu du 29 mars 1480, décédé à Saint-Aubin-du-Cormier en 1488

/1483/HELENE DE ROHAN-GUÉMÉNÉ († 1507) citée dans un aveu du 11 novembre 1494.

d'où :

JEAN III /1490/ CATHERINE DE BROSSE.

D'où :

LOUISE DU PONT († 1526) // PIERRE DE FOIX, baron de Langon, Pont-L'Abbé et Rostrenen, dont le capitaine et porte-enseigne est GUYON DE TALHOUËT en 1513.

Ce couple n'ayant pas d'enfant, les baronnies reviennent à sa nèce Gilette du Chastel :

 

GILETTE DU CHASTEL /1517/ CHARLES Ier DU QUELENNEC, vicomte du Faou.

 

 


   Liens et Sources.

— GATOUILLAT (Françoise) HEROLD (Michel), Les Vitraux de Bretagne, Corpus vitrearum France recensement VII, Presses Universitaires de Rennes : Rennes 2005 pages 157-159.

 — BARRIÉ (Roger)  Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper / ; sous la direction d' André Mussat, 1979  Thèse de 3e cycle : Art et archéologie : Rennes 2 : 1979. Bibliogr. f. 9-32. 4 annexes (vol. 2)

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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