Eglise Saint Nonna à Penmarc'h : bannières et statues :
Introduction
L'église de Tréoultré, dédiée à saint Nonna (évêque d'Armagh en Irlande 501-585) a été bâtie sur l'emplacement d'un église plus ancienne et d'une chapelle dédiée à saint Laurent. Elle a été construite en 1508 sous la direction du recteur Charles Jégou, comme l'atteste une inscription en caractères gothiques sur le porche sud:
Ce jour sainct rené, l'an mil CCCC VIIIfut fondé ceste église et la tour e~ lan Mvc neuff dõt estoit recteur K[arioluos] Iegou.
Charles Jégou fut recteur de 1498 à 1535.
Penmarc'h et ses trois bourgs de Tréoultré, Kerity et St-Pierre eut jadis une situation florissante du XIIe au XVIe siècle, avant un déclin puis sa mise à sac par Eder de Fontenelle en 1595. En 1571, la ville comptait 14 000 habitants, et 500 bateaux dirigés par des "maîtres" ; elle comptait avec Morlaix et Roscoff parmi les principaux ports de Bretagne occidentale.
LES CARVELLES ET AUTRES NAVIRES SCULPTÉS.
Alors que jusqu'en 1450 la flottille de caboteurs bretons était composée de navires bordés à clins (la coque est formée de virures se chevauchant partiellement comme les tuiles d'un toit), et que les chaloupes sculptées de l'église de Plogoff montrent au XIVe siècle ces redans caractéristiques, à partir de 1460 apparaissent des navires à franc-bord, d'origine bretonne, qui sont enregistrées au port de Bordeaux sous le nouveau nom de "karvelle". Le nom désigne le type de bordage, "à la carvelle", le "clou à carvelle" servant en charpente de marine à assembler deux planches taillées en biseau, jointives mais renforcées de l'intérieur par des membrures. Le phénomène s'amplifie pendant la seconde moitié du XVe siècle. Jaugeant de 40 à 100 tonneaux les carvelles embarquaient 15 à 30 hommes d'équipage.
Elles commercent principalement avec Bordeaux, mais aussi avec La Rochelle et Nantes, livrant leur poisson séché (maquereaux, merlus, congres, juliennes, sardines, morue pêché sur le banc de tout proche), et ramenant en fret de retour le vin (Bordeaux), le pastel du Lauragais (Toulouse), le sel de Guérande (Nantes), le blé et les matériaux de construction pour les livrer en Flandre et Brabant dans les avant-ports de Bruges et d'Anvers.
Je ne me suis pas livré à un inventaire complet, car l'église porte 14 navires sculptés à l'extérieur, et 4 à l'intérieur.
Scène n°1 : Ange tenant un calice au dessus d'un navire à un mât, à la voile carguée. On remarque un fort château-avant, un bout-dehors très apiqué.
Scène n°2 :
Au dessous d'un personnage (saint Nonna ?), une chaloupe non pontée armée de deux avirons pêche divers poissons ; outre les rameurs, le patron et le matelot. A gauche, le personnage main sur la hanche, coiffé d'un béret à la plume arrogante, présente une longue queue qui le désignerait comme le diable, vaincu par Nonna.
Scène n°3.
Nef à trois mâts, château-avant et château-arrière. Les deux voiles principales sont ferlées, mais la voile d'avant, sorte de hunier, est déployée. Nid-de-pie sur le mât d'avant et le grand-mât pour les gabiers. Deux personnages paraissent y faire des signes.
Il me semble que l'extrémité du beaupré est taillé en tête d'animal. Sur ce beaupré était établie une voile carrée.
Au total, les carvelles pouvaient porter cinq voiles : voile de beaupré, voile de mât de misaine, grand-voile surmontée d'un hunier, et voile latine sur l'artimon.
LES BÉNITIERS.
L'église Saint-Nonna possède quatre bénitiers de Kersanton.
1. 1614 POVR LES TREPAS.ES.
Près de la porte du bas-côté Nord, un bénitier rond, de 0 m. 35 de diamètre, porte gravées une tête de mort et cette inscription : 1614 - POVR LES TREPAS.ES - B : FLAMANC AB.
2. A. LE COGVEN
Du côté sud, près de la porte du Rosaire, on peut lire sur un autre bénitier rond, de 0 m. 35 de diamètre, l’inscription suivante : A : LE COGVEN : 1621 . Le site Topic-Topos révèle qu'il a été offert en 1621 à l'occasion du baptême d'Urbane Le Coguen, fille de H. Alain Le Coguen et de Julienne Le Paign, « nobles et vénérables gents ». Le parrain est Henri Billouart ; la marraine, Jehanne de Jaureguy. L'enfant est baptisé le 16 octobre 1620.
3. Bénitier de 1617.
Un bénitier rond, de 0 m. 23 de diamètre, figure près d’une porte du bas-côté Sud. Il est de 1617.
4. Un bénitier octogonal de 0 m. 30 de diamètre, se trouve auprès de la grande porte d’entrée. Il porte, avec la date 1616, la signature un peu mystérieuse du donateur.
LES STATUES.
Statue non identifiée.
La honte ! je ne parviens pas à identifier cette sainte qui a perdu son bras, mais qui tient dans sa main gauche un objet qui m'intrigue : sac à placet ? livre dans un sac de rangement ? La partie basse correspond bien à un livre avec son fermoir, mais la partie haute s'assouplit en tissus terminés par un gland.
L'inventaire des Monuments historiques indique une "sainte au livre" du XVe siècle.
Sainte Anne trinitaire.
la tête de l'Enfant semble avoir été restaurée et tournée vers la gauche, alors qu'on s'attendrait à ce qu'elle se tourne vers sa mère.
Sainte Marthe.
J'ai eu l'occasion face à une sainte Barbe de l'église de Guengat L'église de Guengat II : Statues, sablières et inscriptions. de découvrir la "barbette", cette bande de tissu passant en jugulaire pour maintenir la coiffe, qui est ici un balzo ou bourrelet d'étoffes verte et rouge. Voir aussi un autre bel exemple à Abbeville, Marie mère de Cléophas du XV-XVIe, Collégiale Saint-Vulfran.
Sainte Marthe de Béthanie, la sœur de Marie (confond avec Marie-Madeleine) et Lazare, est celle qui, offrant l'hospitalité à Jésus, semble atteint de ce que Freud a nommé la "psychose de la ménagère" ; non seulement elle fatigue tout le monde à s'affairer, mais elle fait peser sur sa sœur un amer reproche. Résultat, elle reçoit un carton rouge :
Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme du nom de Marthe l'accueillit dans sa maison.
Elle avait une soeur appelée Marie, qui s'assit aux pieds de Jésus et écoutait ce qu'il disait.
Marthe était affairée aux nombreuses tâches du service. Elle survint et dit: «Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma soeur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de venir m'aider.»
Jésus lui répondit: «Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses,
mais une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, elle ne lui sera point ôtée.
Et vlan !
Mais c'est plus fort qu'elle, il faut que tout soit nickel, d'ailleurs, même son nom en araméen martâ, signifie la "maîtresse de maison". Elle est la patronne des hôteliers.
Si vous lui demandez pourquoi elle ne se fait pas aider par Lazare, elle répond que si c'est pour devoir repasser derrière, elle préfère le faire elle-même.
Elle reste donc dans ma mémoire la "pointotéé", mais elle semble, sur cette statue, s'être convertie à "la bonne part" de la voie contemplative. On comprend très bien d'ailleurs que l'artiste n'allait pas la figurer avec un chiffon à poussière et un plumet, et la soupe à la grimace pour sa sœur.
Je retire tous mes sarcasmes devant cette grande et belle dame.
Comme la statue de saint Yves, on trouve aussi une statue de Marthe dans la chapelle de la Madeleine de Penmarc'h, alors que son culte est assez discret ailleurs.
Saint Yves en robe d'avocat.
Je retrouve d'abord ce tissu enveloppant le livre que tient le saint patron des avocats. Cette statue au visage ingrat est intéressante aussi si je la compare à celle de la chapelle de la Madeleine toute proche : La chapelle de la Madeleine à Penmarc'h : bannière et statues.
Lorsque j'avais mis en ligne mon article sur La Madeleine de Penmarc'h avec la photographie de ce Saint-Yves, j'avais reçu le passionnant commentaire suivant :
En ce qui concerne le costume de Saint-Yves, la galette blanche sur l'épaule, correspond au chaperon qui a évolué au cours des siècles. Le chaperon n'est alors plus porté sur la tête (remplacé par le bonnet rond ou pileus qui deviendra, chez les ecclésiastique la barrette et chez les juristes ou les professeurs la toque). La visagière, encadrant le visage, est devenue un bourrelet ( placé au début sur la tête). De ce bourrelet sortait la cornette (l'ancienne pointe du chaperon qui avait été allongée) et la patte (l'ancienne goulée ou guleron qui recouvrait les épaules). Saint Yves porte donc, sur l'épaule ou autour du cou, ce qui deviendra l'épitoge des avocats ou des magistrats.
Wikipédia me renseigne sur cet épitoge :
Une épitoge est une bande de tissu distinctive portée par-dessus la toge (d'où son nom) des magistrats et avocats, ainsi que des universitaires. Portée sur l'épaule gauche, elle se compose de deux brins dont chacun a la forme d'un trapèze ; le bout large et court se porte dans le dos, et le bout long et fin, sur la poitrine. L'hermine sur l'épitoge est le symbole du grade universitaire de celui qui la porte. Les trois rangs d'hermine que comporte l'épitoge d'un docteur de troisième cycle signifient qu'il est bachelier, licencié et docteur. Une épitoge à un rang d'hermine se porte sur une robe de bachelier. Les avocats Docteurs en Droit peuvent porter une épitoge noire à trois rangs d'hermine.
Il est bien attesté que saint Yves portait un épitoge, selon les Croniques de Bretaigne d'Alain Bouchard (1), ou selon La Vie des Saints de Lobineau (2) :
(1) : Il portait sur sa peau un cilice, par dessus une chemise de grosse toile, et, lorsqu'il était au Tribunakl, il y ajoutait un épitoge de fin bureau.
(2)Les vêtements qu'il prit par la suite furent un épitoge de bure; une robe à grande manche, sans bouton, et un chaperon pour se couvrir la tête, qu'il tenait toujours baissée ; le tout simple, grossier, et de couleur blanche.
Lorsque le corps de Yves Hélori fut porté de Kermartin à la cathédrale de Tréguier après son décès, Derrien de Trégrom qui assista à la façon dont on dépouilla le saint de ses vêtements se souvient "de son épitoge, de sa tunique et de sa chemise", laquelle fut exposée au nombre des reliques.
Mais Yves de Kermartin ayant renoncé à tout le faste de son costume d'Official, ayant fait donation à quatre pauvres de l'Hôpital de Tréguier de "son cahperon, sa robe, ses fourrures et ses bottes" (Lobineau), l'épitoge devait être assez éloigné de cette sorte de décoration de tissu blanc qui figure sur les statues de Penmarc'h et de la Madeleine, pour conserver encore une fonction vestimentaire.
C'est, pour l'instant, les deux seuls exemples que j'ai observé de l'épitoge sur les statues de saint Yves en Bretagne.
Saint Michel terrassant le Dragon.
Père trinitaire
ou plutôt, puisque la colombe est absente, Père de Pitié, Dieu-le-Père tenant dans ses bras le corps de son Fils, où, ici, un crucifix. XVIe siècle. (crucifix récent)
Sainte Claire
Saint François.
présentant ses stigmates. Noter les nœuds de capucin de la cordelière, dont le nombre (3) honore le dogme de la Trinité.
Saint Eutrope évêque.
Le Chanoine Pérennès écrivait :"Celui-ci est invoqué pour la guérison des maux de ventre, et l’on a recours à l’étrange coutume suivante : contre la statue du saint on frotte la chemise du malade placée au bout d’un bâton — parce que la statue est haute — et l’on en revêt ensuite le malade"
Vierge .
Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle.
Je vais peut-être avoir ici un indice pour la première statue non identifiée, puisque le livre que tient Notre-Dame est entouré d'un tissu de protection qui semble faire partie de sa reliure.
Sainte Madeleine .
15e siècle.
J'ai cru d'abord qu'il ne s'agissait plus de Marie-Madeleine baignant les pieds de son Rabouni de ses pleurs et de ses cheveux, ni de celle qui apporte le flacon d'onguent lors de la mise au tombeau, mais de Madeleine retirée, après l'Ascension du Christ dans une grotte où elle fut nourrie pendant trente ans par des anges qui l'élevait dans l'air pour qu'elle se rende à l'office *. Car ses cheveux ruisselant sur ses épaules comme une toison animale la faisait ressembler à Jean-Baptiste dans son désert. Mais sa robe est trop élégante pour les solitudes du massif de la Sainte-Baume, son front est encore épilé avec soin, son manteau est trop bien taillé, et sa ceinture, où est suspendue une chaîne terminée par un gland, souligne trop bien ce galbe d'un bassin projeté en avant selon la mode de l'époque. Un coup de peinture, et elle retrouverait tout son lustre.
*"Angelos suos Deus cotidie sua pietate mandat ut divinum michi officium singulis horis persolvant. Qui et me frequenter deducunt in aera in quibus repleor suavitate melliflua" Vita eremetica beatae Mariae Magdalenae
Sainte Marguerite d'Antioche issant de son dragon.
Saint Bernardin de Sienne, Confesseur
Par trois fois il refusa le poste d'évêque, notamment de Sienne ; et les trois mitres à ses pieds témoignent de ces refus pour mieux se consacrer à sa vocation de franciscain. Il ne refusa pourtant point le poste de Vicaire général des Franciscains de la Stricte-Observance. Ce fut un prêcheur renommé qui donnait ses sermons hors des églises en brandissant un panneau portant le monogramme christique IHS dans un soleil d'or, comme le montre cette statue. Il n'est pas certain que cet italien ait eu des yeux aussi bleus que sur son effigie de Penmarc'h.
Saint Gildas.
Sainte Barbe.
Vierge à l'Enfant.
Pierre, reste de polychromie, bleu.
Certainement l'une des plus émouvantes par sa simplicité.
Balustrade du Chœur en fer forgé
conservant la mémoire des Trésoriers Noël TRIVIDIC et Guillaume BARIOU I.
LES BANNIÉRES
Konsevet hep pec'hed :
Sant Nonna pedit evidom