Physalies et méduses ( Pelagia nautilucas)
sur la plage de la Palue à Crozon.
Pour Plume.
Le 13 novembre 2012, plage de La Palue :
Je ne me lasse d'aimer des algues sous-marines
L'entrelacs lancinant que berce le jusant
Ni d'écrire sur le sable ton prénom et le mien
Avec le bois flotté trouvé au bord de l'eau,
Ni des craves enivrés le cri et les prouesses,
Ni les choses qu'on découvre ramenées par la mer
Ni surtout les galets, que j'amasse
dans ma poche,
Je ne me lasse d'aimer les talismans marins,
Jamais, non mais.
Je ne me lasse d'aimer mais mon coeur est en cage
Dans fragile prison qu'il ne faut pas briser,
C'est l'arc de tes bras c'est l'orbe de ta bouche,
C'est la ronde de ton rire quand il répond au mien.
Je ne me lasse d'aimer les mots qui vont par paires
celui de ganivelle va avec manivelle,
celui de laminaire avec les lampadaires,
celui de ton prénom va bien avec le mien.
Mais le plus difficile c'est de ne pas laisser
L'Amour se lasser des coeurs enlacés
ou d'un lacs ramassé soigneusement tressé
pour nous y enfermer.
J'ai déjà dans ma poche comme le petit Poucet
Des douzaines de galets et si ça continue
à faire descendre un froc qui devient idéal
je me retrouverai à poil :
J'amasse mais
Pour ne pas se lasser d'aimer les laisses de mer,
il faut trouver une idée qui sorte des clichés !
I. LES MÉDUSES !
Elles ont envahi nos côtes depuis une semaine, et ce serait une espèce urticariante portant le nom de " piqueurs mauves", ou Pelagia noctiluca, "lumière dans la nuit de ma mer profonde" ; elles vivent en Mer du Nord, Manche, Atlantique et Méditerranée, et selon l'abondance de plancton, les courants, la température de l'eau, elles nous organisent une "année à méduse" mémorable pour les baigneurs.
La plage de La Palue en est couverte, car cette espèce qui fréquente les eaux chaudes et tempérées et qui se déplace en bancs de plusieurs centaines ou milliers d'individus a bénéficiée récemment de courants favorables à une virée touristique en Finistère. En 2007, à la même époque, l'excursion en Irlande avait eu tant de succès que la foule formait, dit-on une masse de 26 Kms de long sur 10 mètres de profondeur.
Pas plus que de tes baisers je ne me lasse
de la mélasse fade de ces visqueuses masses
et si j'ignore les singes nus dévoreurs de tropiques
j'aurais de mes yeux vu les croqueuses de sargasses
fugaces améthystes, factices, au diadème de strass,
et leur regard salace, ou la parme rosace
dessinée sur leurs fronts. J'embrasse ?
Pas.
Ces bonbons au cassis ne sont pas dégueulasses,
Roudoudous de caramel mous, et flasques,
Figues des Barbaries qu'amènent les bonaces,
Fruits baveux aux allures de limaces
Framboises purpurines, gélatines cocasses,
J'en passe.
Ambre mystérieux d'un continent fossile
Tu fonds, translucide glace,
autour de tes gonades incluses
comme des diamants.
Voilà donc les bras tentaculaires dont s'embarrasse
L'amphibienne gorgone dont on ne se débarrasse :
Sur sa fausse cuirasse est gravée sa devise :
Je te prends, tu trépasses.
II. LES PHYSALIES !
"Curieux : de quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, Monsieur, ou de boite à ciseau ?"
(Cyrano de Bergerac)
Elles ont suivi le même train d'ondes chaleureuses que leurs cousines, avec lesquelles elles partagent le même embranchement, mais elles ont horreur qu'on les confondent, et les traiter de "méduses" leur donne des boutons : ce sont des Siphonophores, ou porteurs de siphons.
Elles n'apprécient guère également d'être confondues avec les plantes nommées Physalis (P. alkekengi, l'Alkékenge), que les femmes du monde et les cuisiniers nomment "Amour en cage".
Ce sont les Physalies et non les Physalis, bien qu'elles aient en commun une étymologie tirée du grec physallis, φυσαλλίς, signifiant vessie. Aussi baptise-t-on notre siphonophore de l'élégant terme de Vessie de mer. Le CNRTL est plus précis et signale que Physalie vient du gr. φ υ σ α λ(λ)ι ́ ς, - ι ́ δ ο ς «bulle d'eau», dér. de φ υ ̃ σ α «bulle d'air, vésicule», de φ υ σ α ̃ ν «souffler, gonfler, enfler».
Effectivement, l'animal qui ressemble à une vessie (ou à une cucurbite, le mot semble plus juste) posséde un pneumatophore, sorte de bouée translucide gonflable ou dégonflable a volo, notamment pour faire de l'anémo-stop et se faire transporter gratuitement sur les spot de surf les plus réputés de Bretagne :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Physalia_physalis1.jpg
Cette Galère portuguaise est beaucoup plus dangereuse que la Pélagie précédente, car si ses longs filaments sont urticariants, ils sont surtout sensibilisants : le premier contact peut n'être qu'anodin, mais les contacts suivants peuvent entraîner, pour le baigneur imprudent ou malchanceux, un collapsus cardiovasculaire gravissime. Brrr...
Cette canaille prend des allures d'arc-en-ciel, et ainsi déguisé en Iris, elle vient s'échouer ( et ce premier echec lui sera fatal) sur les laisses de mer où on la prendrait pour la plus jolie et la plus séduisante des bouteilles plastiques. La ramasser, y porter ses lèvres ? Ce serait la vengeance de cette engeance ! Collectionner ces croissants couleur d'aurore, ces quartiers de lune, ces jouets en forme de petits poissons perdus par quelque enfant de Noé comblerait Physale en ses plans les plus retors et en ses voeux posthumes ; car elle reste venimeuse longtemps après sa mort.
Naissant dans les eaux de l'Atlantique tropical, elles sont amenées chez nous par les vents du sud.
Pour en savoir plus : http://www.surf-report.com/-physalies-meduses-aquitaine-cotes%20fran%C3%A7aises-brulure-laceration-gal%C3%A8res%20portugaises-malaise-flotteur-venin-noyade-
Ma collection de Blue bottle
En arpentant la grève de La Palue, j'ai découvert, parmi les milliers (sans-doute) de méduses une vingtaine de ces ampoules beues et roses. Elles avaient perdu la majeure partie de leurs tentacules.
Une première photo pour donner l'échelle :
III. ET ÇA, QU'EST-CE QUE C'EST ?
Je ne sais,
mais je ne me lasse
d'aimer
la laisse de mer
et ses baisers amers.
Qu'est-ce que c'est? the answer is blowin' in the wind... Grâce à Stéphane Wiza, je découvre que ce sont les structures cartilagineuses d'une autre cnidaire, la vélelle, Velella velella (Linnaeus,1758), qui accompagnent les physalies. Leur nom a été créé par l'auteur du genre, Lamarck, en 1801 (velella mutica, Des animaux sans vertèbres) en cuisinant du néo-latin inspiré de velum, "voile", à la même époque où il décrivait les vaginicoles innées, propriétaires et vorticelles.
Elles sont surnommées Barques de Saint-Jean ou Barques de Saint-Pierre en raison de leur voile translucide sur un flotteur bleu des mers du sud, mais je préfère leur nom anglais de Jack-sail-by-the-wind.
Marcel de Serres signalait en 1808 : on mange la velella comme l'actinia ruffa. Cette dernière n'est autre que l'anémone de mer. Bory de Saint-Vincent proposait de les faire frire; mais les moeurs ont beaucoup changé.
POUR EN SAVOIR PLUS...
...Les Physalies et les Pelagia ont été signalées sur nos côtes depuis la fin août. L'apparition des Physalies nécessite des vents du sud (21 jours en août 2012 à la station de Plabennec contre 9 jours en août 2011) : quelques exemples :
- 31 août-1er septembre : Les Glénans-Concarneau (Finistère).
- 21-22 octobre : Sarzeau et Arzon, presqu'île de Rhuys (Morbihan).
- Début novembre sur les plages de Lampaul et Plouarzel
- 14 novembre : La Torche, Baie d'Audierne ; Crozon, la Palue ; Concarneau.
Le site www. mer-littoral.org organise un relevé des observations ; on y trouve aussi des renseignements clairs sur le cycle de reproduction des méduses et scyphozoaires :
- Sur les cnidaires : http://www.mer-littoral.org/05/cnidaires-1.php
- Sur les scyphozoaires : http://www.mer-littoral.org/05/scyphozoaires.php
- l'article sur les Pelagia : http://www.mer-littoral.org/05/pelagia-noctiluca.php
- l'article sur les Physalies : http://www.mer-littoral.org/05/physalia-physalis.php
Leur observation dépend d'une part de leur naissance ou "strombolisation*" des polypes-mères (et de tous les facteurs entrainant des naissances en masse : température et nourriture), l'afflux de méduses se produisant plusieurs semaines après la survenue de ces naissances, et d'autre part de leur dérive vers nos côtes dépendante des vents et des courants.
* strombolisation : pas plus que je ne me lasse de découvrir dans les laisses de mer un nouveau trésor, pas d'avantage ne me quitte l'émerveillement devant ces joyaux de notre vocabulaire scientifique. On imagine le polype empilant les futures méduses comme un Stromboli libérant ses volutes de nuages incandescents, et l'image revient en boomerang vers le volcan, dont on imagine les nuages bourgeonnants et congestionnés comme autant de méduses partant à la dérive dans le ciel. Les marins grecs nommaient le volcan strongule neos, "l'île ronde" , Thucydide et Pline l'Ancien l'écrivaient Strongyle, qui est devenu sous l'influence des mots grecs stongos et strobulos (qui désigne des objets ronds), Stromboli. (Source : link) : on voit que la forme mammaire et arrondie des méduses est aussi celle du volcan. Aucun rapport bien-sûr avec le jeu napolitain de la tombola, qui provient de l'italien tombolare, "culbuter".
On peut trouver les observations météologiques des derniers mois sur le site météo de Plabennec : http://www.meteo-plabennec.fr/index.php?id_page=30
On peut ainsi apprécier la fréquence relative des vents du secteur sud, et consulter les relevés de température.