Les phyllades de l'Anse de Dinan : harmonies en gris.
De curieuses roches devant Kersiguenou.
Les phyllades de Douarnenez.
Ces roches qui me charment en laissant mon imagination divaguer sur les arborescences de leurs pétrographies secrètes sont des "phyllades". Du grec phullas, phullados, φ υ λ λ α ́ ς, φ υ λ λ α ́ δ ο ς "feuillage, lit de feuilles", le mot apparaît pour la première fois selon le CNRTL dans le dictionnaire de Pierre Claude Victor Boiste en 1823 avec la définition "roche primitive", quoique je le trouve auparavant en 1819 dans le Nouveau Dictionnaire d'Histoire Naturelle de Jacques Eustache de Sève link et dans le Traité de géognosie de J.F d'Aubuisson de Voisin. En fait, c'est à ce dernier auteur qu'il convient d'attribuer la paternité du mot, pour l'avoir proposé à la place du terme assez impropre de "schiste argileux" par lequel les minéralogistes français avaient traduit celui de thonschiefer allemand.
On notera d'emblée que le mot est masculin : le phyllade.
Plus précisément, on pourra lire qu'il s'agit de schistes durs et luisants d'aspect soyeux, des sortes d'ardoises (d'ailleurs exploitées comme telle dans les Montagnes Noires) caractérisées par leur structure feuilletée débitable en feuillet. Dans la Presqu'Île, on les désigneraient sous le nom de "tufau".
En 1828, G. Delafosse (in Bory de Saint-Vincent) précisait que les géologues n'étaient pas d'accord entre eux sur l'application qu'ils font de ce nom de roche, mais il cite comme auteur de référence l'innoublié Louis CORDIER (1777-1861) , père de la cordiérite, mais dont les distingo subtils mais désormais caduques m'échappent. Ce qui m'intéresse, c'est de découvrir que le phyllade arénifère de Cordier (Grauwackenschiefer) est utilisée comme pierre à eau, qui sert à travailler certains outils, et que nombres d'autres phyllades procurent d'excellentes pierres à faux (ovales), pierres à rasoir et pierres à aiguiser (rectangulaires), à condition de ne pas contenir de quartz.
Nos géologues actuels sont plus précis : ce môle rocheux qui apparaît au milieu de l'Anse de Dinan et qui sert d'appui aux dunes de Kersiguenou appartient aux Phyllades de Douarnenez, qui sont des schistes briovériens. Sur cette carte géologique, ils figurent en vert pomme, et le lieu de mes images, c'est le trait minuscule à droite du N de "Anse de Dinan" :
Le Briovérien tire son nom de la ville de Saint-Lô, Briovera, les phyllades de Saint-Lô faisant référence. Datant de -670 à- 540 Millions d'années, ce sont les plus anciennes formations de la presqu'île de Crozon. Je vais mettre un certain temps avant de repérer ce Briovérien, une époque spécifique au massif armoricain, dans l'échelle géologique, et de comprendre qu'elle survient à la toute fin du Précambrien, la période qui débute avec la formation de la terre, avant même ce que je nommais (c'est démodé) l'ére Primaire ou Paléozoïque. A cette époque, il n'y a n'y poissons, ni animaux pluricellulaires, c'est juste avant l'explosion cambrienne, et il n'y avait que des organismes simples ou regroupés en colonies. Inutile d'y chercher des trilobites ! Tout juste des colonies d'algues unicellulaires, et la seule trace de quelque-chose de vivant sera, à la base des bancs, l'empreinte pétrifiée des courants érosifs , que l'on nomme des flute-cast. Ces figures d'affouillement, dont la pointe indique l'amont et la partie élargie l'aval, permet de connaître le sens, mais aussi la direction du courant.
La carte montre bien que le Briovérien constitue une bonne partie de la Baie de Douarnenez, qu'on la trouve à Morgat à Porz Naye, mais que dans l'Anse de Dinan, la partie apparente est limitée au piton rocheux que j'ai explorée et à la partie sud de la plage de Goulien.
On le décrit en lithologie comme "une formation sédimentaire schisto-gréseuse constituée d'alternances centimétriques à décimétriques de schistes gris-bleu, parfois noirs, et de termes gréseux (wackes) gris-vert, métamorphisés dans l'épizone (zone à séricite-chlorite)". (BRGM)
Ces roches sont de nature sédimentaires liés à l'érosion des fragments rocheux arrachés par la mer aux montagnes , les courants très chargés en particule ayant donné naissance à des dépots turbidiques, ou flysch, à des profondeurs de 200 à 1000m.