L'Arbre de Jessé sculpté de l'église Saint-Jacques de Locquirec (29).
Voir la liste des Arbres de Jessé de mon blog, avec les liens nécessaires, au début de l'article Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56).
Voir aussi L'Arbre de Jessé de l'église de Plourin-les-Morlaix (Finistère).
Commentaires.
1. Le docteur Louis le Thomas (cf. Sources), qui a recensé les Arbres de Jessé de Bretagne et dont je ne me lasse pas de déguster les descriptions soucieuses de s'inspirer de l'anatomie comparée et de l'ontogénèse, le décrit ainsi :
"Haut-relief, XVIIe. Formule = Jessé + David + Rois (12) + Vierge-Marie." (Il n'existait en fait que douze rois y compris David, et actuellement onze rois, l'un ayant été volé du coté gauche.)
" Plan inférieur : Jessé songeant, couché, tête à gauche. Accoudement du même coté. tronc de l'Arbre à implantation thoraco-abdominale."
"Aux pieds de Jessé, à droite, démone, torse dressé. Tête cornue. Visage fruste. Torse tératologique, à thorax et abdomen globuleux. Bras droit très grêle avec Pomme énorme dans une serre tridactyle. Queue anguiforme, spiralée."
"Rois (12), étagés en deux rangées opposées. David (avec harpe) à gauche. Couronnes et sceptres. "
"Plan supérieur : Vierge-Mère ("Notre-Dame du Bon-Secours"), hanchée, frustre."
"Au sommet, Ange voletant, avec sceptre fleurdelysé."
"Volets (2) avec panneaux (6)."
L'auteur classe cette "composition plastique" dans la catégorie, majoritaire dans son étude, du "type marial surbaissé" avec Vierge incluse dans la ramure, et ordonné selon un T renversé, avec Jessé couché —mais ici les yeux mi-clos— dans l'attitude "destiné à suggérer l'idée de somnolence préludant à un rêve prémonitoire".
Parmi les 19 Arbres sculptés recencés en Bretagne dont 6 en Finistère (outre Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, Plourin-les-Morlaix, St-Thégonnec, St-Yvi) il appartient au sous-groupe à Démones, comme 13 des 19 Arbres.
Ces Démones fascinent Louis Le Thomas, qui leur a consacré un article particulier, et les classe en deux figurations anthropomorphiques, celle de Démone-Serpent ou anguiforme, ou ophioure (ou "Echidna"), et celles, plus rares, de Démone-poisson (ou "Néreïde"). Il voit dans ces formes qui "relèvent d'une gynécomorphie du Serpent de la tentation" "l'occasion rare, dans l'iconographie religieuse; d'une étude du nu féminin, bustes et torses de démones ayant été, dans les Arbres de Jessé bretons, traités avec une verve évidemment complaisante et un réalisme particulièrement suggestif" car elles ont "pour attribut principal des mamelles orthomorphes, discoïdes, d'un galbe partout très exagéré" dont le mérite est néanmoins de consoler le fidèle des démons et démones de l'iconographie religieuse, très souvent affligées de mamelles pendantes, à titre péjoratif, et d'inspiration probablement monacale". Souvent, hélas, ces "exubérance mammaire a servi de prétexte à une chirurgie iconographique correctrice particulièrement tenace afin, presque partout, de réduire —sinon de supprimer— cette exubérance en pratiquant des amputations, alors qu'aux personnages "cacheurs" de Molière suffisait...le mouchoir".
Le docteur remarque aussi que ces Démones ne peuvent être figurées entières, pour s'effacer derrière Jessé, et que le sculpteur devant les réduire à un torse ou buste plus ou moins étriqué, à caractère féminin amenuisé, accentue leur galbe mammaire par compensation.
A la question qu'avait posé le chanoine Abgrall (Est-ce Éve ? Est-ce le serpent qui l'a trompé ?), Louis Le Thomas répond : c'est le Serpent, car il tend la pomme plutôt qu'il ne s'en saisit, mais aussi en raison de ses caractères chtoniens : main griffue, tête cornue, animalité.
2. J'ajouterai quelques remarques :
- l'œuvre est datée du début du XVIe siècle (R. Couffon), avec une réorganisation sur un buffet du XIXe siècle.
- le caractère arrogant, presque victorieux de la Démone qui brandit la Pomme comme un trophée et qui, détail rare, enserre de la patte gauche en pince de crabe le tronc de l'Arbre.
- l'absence, à Locquirec, des fameux seins discoïdes de Le Thomas, remplacés ici par une seule sphère dilatée comme le thorax d'un emphysémateux, protubérante, glabre, et qui semble s'offrir avec provocation en symétrie de la Pomme brandie.
- le geste de certains rois qui désignent la Vierge en signe de reconnaissance.
- le médaillon à douze perles que porte la Vierge (et que l'on retrouve sur l'un des rois).
- la position de David, à la même hauteur que la tête de la Vierge et de son Fils, et placé à leur droite.
II. Les volets.
Annonciation.
La Visitation.
La Nativité.
La Fuite en Égypte : Vierge allaitante.
La Présentation au Temple.
Adoration des mages.
Sources et Liens.
— Site de l'Association des Amis de l'Art religieux de Locquirec : http://www.3arl-locquirec.com/bonsecours.htm
— Site Topic-topos :http://fr.topic-topos.com/notre-dame-du-bon-secours-locquirec
— Le blog d'une visiteuse :http://moniquetdany.typepad.fr/moniquetdany/2011/09/l%C3%A9glise-de-locquirec.html
— Catholique-quimper.cef (ouvrage de Couffon) :http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/LOCQUIRE.pdf
— Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Locquirec", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 24e année 1924, p.321-326,
— Site culture.gouv.fr avec photographie de 1952.
— Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.
— Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.
— Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.