La Vierge ouvrante
de Notre-Dame-des-Murs à Morlaix :
Église saint-Matthieu.
Elle provient de la Collégiale du Mur qui datait de 1295, fut désaffectée à la Révolution puis démolie, sauf sa tour du XVe.
Spécialement commandée par la très riche et puissante Confrérie de la Trinité de Morlaix, elle aurait été réalisée dans la région de Cologne en 1400*. Ouverte du jour de la Sainte-Trinité (entre mai et juin, fête correspondant au motif intérieur) au 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), elle se referme dès avant l'automne pour faire apparaître alors ses formes extérieures de Vierge allaitante, assez pudique d'ailleurs.
*En 1988, le père Yves-Pascal Castel soulevait l'hypothèse d'une vierge de construction rhéno-mosane du XIIIe siècle, présente dès la construction de la collégiale en 1295, et revêtue de ses peintures intérieures marouflées cent ans plus tard en 1390, dans la même région germanique avec laquelle les marchands morlaisiens étaient en constante relation de commerce. J'ignore si, en 2012 où la statue fut exposée à Paris au Petit-Palais, les experts nationaux ont repris cette thèse...
La "confrairie" de la Trinité, fondée en l' église de Saint-Mathieu de Morlaix en 1110 et transférée par Jean II en la collégiale Notre-Dame du Mur, en 1295 était une association de dévotion, de charité, d'entraide aux mourants et devint ensuite une compagnie de commerce, composée des tisserands et des marchands de toiles, principal commerce de Morlaix depuis toujours. Elle disposait d'une chapelle de la Trinité ornée au XVe siècle d'un vitrail comportant leurs marques et insignes. Elle élisait des prévôts et des "abbés", chargés de surveiller la qualité des toiles et de les certifier par un sceau, avec droit de visites chez les marchands et tisserands et qui percevaient une taxe sur les ventes. La collégiale Notre-Dame du Mur lui doit, outre cette statue, la cloche de son horloge ainsi qu’une bonne part de son argenterie sacrée, marquée d’une navette.
Faite en bois de tilleul polychrome, elle appartient au 17 "vierges ouvrantes" de France (en Bretagne, citons celle de la chapelle de Quelven en Guern, ou celle de Bannalec. A Paris, celle du Musée de Cluny, qui vient d'Allemagne ; en Île de France, celle d'Alluye ; celles d'Auvergne, de Lorraine, etc...). Toutes réalisées entre le XII et le XVe siècle, elles renferment toutes en leur sein, au sens ici littéral, une représentation trinitaire connue sous le nom de "trône de grâce" : le Christ en croix, tenu par Dieu le Père, et accompagné par la colombe de l’Esprit.
Fruit de la pitié populaire, elles devinrent suspectes après le concile de Trente (milieu du XVIe) qui, réexaminant les bases de la foi, recommanda de ne plus recourir à ce genre de représentations. En-effet, Marie est certes mère de Jèsus et donc Théotokos, "portant Dieu", mais elle ne peut être reconnue mère des trois personnes de la Sainte-Trinité. En 1745, le pape Benoît XIV les classait dans les figurations " non approuvées " de la Trinité. Néanmoins la piété des Morlaisiens, très attachés à leur statue, a permis que celle-ci échappe à la destruction.
Comme les groupes nommés "Anne trinitaire, où la Vierge et Anne lisent dans les Écritures, à l'Enfant, le destin douloureux auquel il est voué, ces statues montrent ce que la Vierge "gardait dans son cœur" (Luc 3,51), sa prescience de la Passion et de la Rédemption.
En dehors de cette interprétation religieuse, ces vierges ouvrantes montrent le contraste entre l'innocence tendre de la relation Mère-Enfant pendant l'allaitement, et les angoisses de la mère déjà préoccupée et anxieuse des souffrances inévitables que l'avenir réserve à tout être en développement.
Sous la Révolution, la Vierge ouvrante de Notre-Dame des Murs a été sauvée par une couturière, Jacquette Cloarec, qui la cacha à son domicile de la ru des Nobles avant de la remettre au clergé de Saint Matthieu le jour où la paix civile revint.
Photographie affichée près de la statue :
Je la visitai un 6 juin, ses deux volets ouverts sur Dieu de Père au visage christique, vêtu d'or, surmonté de la blanche colombe et tenant dans ses bras le Christ en croix. Protégée par une vitre, elle ne s'offrait au photographe qu'au prix des désagréables reflets des vitraux et des luminaires, et il fallut faire au mieux.
Le but de ma visite étant de compléter une série consacrée aux Vierges allaitantes du Finistère, je pouvais ranger mon objectif, mais je ne m'attendais pas à découvrir, sur la face intérieure des volets arrondis, de merveilleuses peintures dont la finesse évoquait celle des enluminures.
Six scènes s'offraient à mon admiration : à gauche et de haut en bas, l'Annonciation, une Nativité, la Présentation de Jésus au Temple. A droite, une très belle Flagellation, une Réssurection, et une Descente aux enfers.
A coté, un panonceau m'informait que ces peintures relevaient "de cette forme de peinture gothique courtoise qu'on appelle le "style moelleux" : langage plastique d'un grand pouvoir lyrique, par la musique de ses lignes sinueuses et son modelé suave baigné d'un clair-obscur diffus". La ville de Cologne est précisément le creuset en Allemagne de ce style enchanté et enchanteur du Gothique international. On faisait aussi remarquer "un procédé très curieux : une étroite bande gravée ponctuée de petits cercles accompagne le contour entier de chaque figure". Les fonds dorés sans profondeur et comme abstraits, gravés ou martelés d'arabesques ou de cercles sur lesquelles se détachent les couleurs vives sont également caractéristiques
L'Annonciation.
Comme pour les scènes suivantes, l'examen rapproché permet de découvrir la fineese et la précision de la peinture, que ce soit celle de l' inscription Ave gratia plena dominus tecum, ou celle de la colombe venant de nuées bleutées et projetant sur la tête de la Vierge une irradiation de feu fécondant. On constate le geste de Gabriel désignant le ventre de Marie, on découvre le travail de rendu des étoffes avec les délicates nuances de vert, de rose et d'orange de la robe de l'Ange.
La Nativité.
C'est un nouvel exemple de Vierge couchée comme j'en ai découvert les exemples dans les enluminures des Livres d'Heures. La Vierge couchée (5) dans les Nativités des Livres d'Heures de Rennes.
Comme le souligne l'article de Wikipédia consacré au Gothique international et à ce "style doux" ou Weicher style, "La ligne, tantôt douce et sinueuse, tantôt plus nerveuse et angulaire, prévaut désormais, et les couleurs intenses, conjuguées aux drapés figurant des arabesques compliquées, viennent souligner l'anatomie humaine. Les mêmes figures élancées très stylisées, les vieillards aux longues barbes imposantes, les silhouettes ondulantes, se développent aux quatre coins de l'Europe occidentale et centrale, que ce soit dans les domaines de l'enluminure franco-flamande, avec les frères de Limbourg, de la peinture italienne, par exemple dans l'Adoration des Mages de Lorenzo Monaco (1422), ou de la sculpture.
À côté des débuts d'une représentation profane des personnages sacrés selon une version aristocratique — des saints étant montrés comme des gentilshommes richement vêtus, par exemple dans le Retable de saint Martin, sainte Ursule et saint Antoine abbé du peintre valencien Gonzalo Pérez (vers 1420) —, on note une attention à la réalité quotidienne des classes les plus humbles. Celle-ci est tout à fait spectaculaire dans les enluminures de certains mois du calendrier des Très Riches Heures du Duc de Berry, et offrent un pendant paysan aux scènes courtoises de l'aristocratie des autres mois. Mais c'est surtout avec la figure de saint Joseph que la classe sociale la plus pauvre va devenir une clé d'interprétation des textes sacrés, sinon un repoussoir des figures les plus nobles : ainsi l'époux de Marie est-il représenté comme un humble artisan, avec ses outils de charpentier dans Le Doute de Joseph du Maître rhénan du Jardin de Paradis (vers 1410-1420), ou prépare-t-il la soupe dans la Nativité du Triptyque de Bad Wildungen de Conrad von Soest (1403). "
Ici, l'artiste se moque de Joseph en peignant la pointe de son bonnet dressée dans une suite facétieuse des oreilles de l'âne et du bœuf. Ses cheveux longs aux mêches torsadées sur les épaules et sa barbe à trois pointes lui donnent l'air d'un vieux sauvage, d'un homme des bois. Il n'est pas nimbé, à la différence de Marie et de l'Enfant.
On ne distingue pas tout-de-suite le brasier qui se trouve à ses pieds, et vers lequel il tend les mains, à défaut d'y préparer la cuisine.
La clôture d'osier est aussi tout-à-fait traditionnelle.
On admire le talent avec lequel les plis et les reflets du manteau de la Vierge, étendu en couverture, sont exécutés ; et la chatoyante des couleurs confrontées, jaune, orange, verte et bleue
Un dernier détail: l'Enfant-Jésus qui met son doigt à la bouche.
La Présentation de Jésus au Temple.
Je retrouve le même soin dans le rendu et le coloris des étoffes. On connaît la scène correspondant au texte de Luc 2,22 dans laquelle Marie et Joseph présente leur fils au Temple pour le "racheter" à l'âge d'un mois en offrant en sacrifice deux tourterelles, que la servante porte dans un panier. Deux petites énigmes cependant : les quatre personnages portent des auréoles. L'homme de droite ne peut donc être le grand prêtre; est-ce Joseph, dont nous avons vu qu'il ne méritait pas de recevoir l'auréole dans l'image précédente ? C'est plutôt Syméon, que Giotto avait aussi représenté nimbé à Padoue, Syméon dont la liturgie reprend le cantique Nunc dimittis servum tuum, Domine, secundum verbum tuum in pace pendant l'office des complies.
Mais la servante qui porte le cierge et les tourterelles, et que Giotto n'honorait pas du nimbe, pourquoi porte-t-elle l'auréole ici ? L'hypothèse que je propose en attendant les vôtres et d'y voir Sainte Anastaise, ou Sainte Salomé, l'une des sages-femmes du protévangile de Jacques qui, dans la tradition populaire, resta attaché au service de la Vierge et l'accompagna au Temple.
Je découvre qu'Émile Mâle (L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France, Paris, Librairie Armand Colin, 1925) s'était interrogé lui-aussi sur d'autres œuvres du gothique international, les Très Riches Heures du duc de Berry et le Retable de la Présentation des mages de Gentile da Fabriano (1423) : « L’Adoration des Mages offre au commencement du XVe siècle, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, enluminées par les frères Limbourg, une particularité singulière. On voit derrière la Vierge deux femmes nimbées, dont la présence semble au premier abord inexplicable et que les érudits ne savent de quel nom désigner. C’est qu’ils n’ont pas songé au vieux drame liturgique qui continuait à se jouer dans l’église, pendant que les Mystères se jouaient sur la place publique. Dans le drame liturgique, en effet, les Mages, au moment où ils s’avancent vers l’Enfant, sont accueillis par deux femmes qui sont les sages-femmes des évangiles apocryphes : “Voici l’enfant que vous cherchez, disent-elles aux rois ; approchez et adorez, car il est la rédemption du monde (1).” Ce sont ces deux sages-femmes que les miniaturistes du duc de Berry ont représentées avec le nimbe. En Italie, la scène devait se jouer de la même manière, car, une dizaine d’années après les frères Limbourg, Gentile da Fabriano représenta les deux sages-femmes auprès de la Vierge dans son fameux tableau de l’Adoration des Mages de Florence. On les voit aussi dans son tableau de la Nativité.»
(1) Drame liturgique de la Bibl. d’Orléans. E. du Méril, Origines latines du théâtre moderne, p. 170. Elles prononcent les mêmes paroles dans le drame de Rouen et dans celui de Munich. »
Flagellation, ou Christ à la colonne.
On voit, à la partie extérieure de la statue, la main de l'Enfant-Jésus s'approchant du sein, qui apparaît ici en saillie. Cela résume en une image la caractère pathétique des Vierges ouvrantes, qui, derrière leur aspect extérieur serein, sont des Mater dolorosa transpercées par l'immense douleur. L'épaisseur seule d'une planche de tilleul sépare ici le sein maternel et la main infantile de l'affliction térébrante du supplice, de la sueur de sang et du Calvaire. Les deux êtres, l'Enfant et le Flagellé, sont tous les deux dans la même nudité. Aux deux extrêmes de la vie, ils ont la même impuissance, la même dépendance, la même soumission à autrui, mais un simple geste, l'ouverture ou la fermeture de la statue, réalise ce basculement du début de la vie à son terme, de la bienveillance maternelle à l'agonie. Image d'une Passion, c'est aussi l'image du tragique de la Vie.
La scène suivante sera celle de l'espérance réalisée, de la Rédemption et du cri de Pâques, Il est ressuscité! Mais, juste derrière le cœur maternel, c'est ici encore le temps du Vendredi, celui du Stabat Mater dont on entend les strophes :
Quis non posset contristari, Christi Matrem contemplari, dolentem cum Filio?
Pro peccatis suæ gentis vidit Iesum in tormentis et flagellis subditum.
Vidit suum dulcem natummorientem desolatum, dum emisit spiritum.
Eia Mater, fons amoris, me sentire vim doloris fac, ut tecum lugeam.
"Qui pourrait dans l'indifférence contempler en cette souffrance la Mère auprès de son Fils ? Pour toutes les fautes humaines, elle vit Jésus dans la peine et sous les fouets meurtri elle vit l'Enfant bien-aimé mourant seul, abandonné, et soudain rendre l'esprit. Ô Mère, source de tendresse, fais-moi sentir grande tristesse pour que je pleure avec toi."
Résurrection
Idem, détail.
Les soldats romains gardant le tombeau, mais plongé dans le sommeil, sont représentés en chevalier du Moyen-Âge avec cotte de maille, et bouclier aux armoiries animales fantaisistes, mais qui correspondent aux animaux les plus fréquents du bestiaire héraldique.
Descente aux enfers.
Les enfers sont représentés comme un chateau fort gardé par des diables velus, cornus, fourchus ou griffus. Le Christ, (flou ici en raison de la courbure du support) tient de la main droite l'oriflamme blanc à croix rouge de la Résurrection. La hampe de l'oriflamme, garnie d'une plaque fleurdelisée, ouvre la porte des enfers, où les âmes qui attendaient l'arrivée du Messie sortent avec, au premier rang, Adam et Éve.
Je n'avais plus qu'à visiter le reste de l'église :
1. La bannière du Jubilée de 1895 :
Elle porte d'un coté l'inscription en breton ITRON VARIA AR VUR PEDIT EVID OMP, Notre-Dame des Murs Priez pour nous, , et de l'autre 6ème centenaire-15 aout 1295-1895.
D'une ville dont la richesse provient du commerce de ses créées ou toiles de lin, et dont les maisons à pondalez ( domiciles des marchands, aménagés à l'intérieur autour d'une cour et d'une galerie pour recevoir les acheteurs) restent encore les points forts d'une visite touristique, on pouvait attendre que la bannière soit à la hauteur de cette réputation. C'est le cas, et une vue du vieux quartier autour de la Rue du Mur est soigneusement brodée, avec un couple de bretons en sabots de bois.
Chapelle du Saint-Sacrement : Passion.
Sainte Anne, Éducation de la Vierge.
Statue polychrome du XVIe siècle.
Statue de saint Crépin.
Son intérêt est enrichi par le mémoire que Thierry Hamon (cf Sources et liens) a consacré en 2002 à la confrérie des cordonniers, dont il est le patron : j'en extrait ces lignes :
" il s’agit d’une statue du XVIe siècle de saint Crépin, martyr romain du 3ème siècle, persécuté pour son prosélytisme chrétien et condamné pour cela par le Gouverneur des Gaules, vers 287, à être noyé dans l’Aisne, à Soissons, en compagnie de son frère Crépinien, une meule de pierre attachée au cou. C’est cependant plus à son métier qu’aux circonstances tragiques de sa mort, que saint Crépin doit d’être honoré à Morlaix : il était en effet cordonnier, ce qui lui valut rapidement d’être pris comme saint patron par tous les membres de la profession. Cette statue est, en fait, le dernier témoignage attestant de l’existence de l’antique Confrérie de Saint-Crépin, qui regroupait depuis la fin du Moyen Age les maîtres cordonniers de Morlaix, et dont le Trésor comprenait également un riche bras reliquaire en argent, renfermant des reliques de saint Jean, aujourd’hui perdu. Cette confrérie était justement desservie dans l’église Saint-Mathieu, où elle avait érigé une chapelle privative entre le troisième et le quatrième pilier de la nef "du côté de l’évangile ", n’hésitant pas à y installer un "banc d’osier" par-dessus quatretombes appartenant à une famille d’écuyers portant le nom de Chrestien. En 1717, la Confrérie SaintCrépin fait refaire à neuf – au même emplacement, et à ses frais –, un retable doré entouré de balustres de même, le tout surmonté d’un grand tableau, encadré de deux plus petits. L’ensemble a hélas irrémédiablement disparu lors des travaux de 1824, qui emportèrent également le souvenir de la Confrérie du Saint-Sacrement, fondée, quant à elle, par les armateurs et mariniers locaux. A l’aube des Temps Modernes, Morlaix fait ainsi partie des quelques vingt et une villes, petites cités et bourgs ruraux dotés de confréries professionnelles d’artisans ou de commerçants, à l’instar certes, de Nantes et de Rennes, mais aussi de Vannes, Quimper et Lannion… voire même de Lesneven, Châteaulin, Pleyben ou Pont -L’Abbé. A Morlaix, ontrouve d’ailleurs aussi, outre les deux confréries mentionnées, une confrérie de maîtres cardeurs, confirmée par le Duc de Bretagne Pierre II, la Confrérie Saint-Yves unissant les tailleurs d'habits en l’église Saint-Melaine, la Confrérie de Sainte-Croix regroupant les maîtres menuisiers, charpentiers et " rouetiers ", la Confrérie de Saint-Eloi rassemblant les maîtres selliers, couteliers et serruriers, ainsi que deux confréries des maîtres bouchers et des maîtres boulangers, aux saints Patrons mal déterminés.
Ces confréries artisanales, initialement fondées pour développer la piété et entretenir les vertus chrétiennes de charité et de solidarité entre les membres d’une même profession, ne sauraient, au demeurant, être considérées comme des structures purement religieuses : leurs préoccupations s’étendent en effet aussi à la sphère civile, dans la mesure où les pouvoirs publics ne tardent pas à se décharger sur ces associations professionnelles du contrôle de base de l’activité économique et de la police de détail des métiers, ce qui s’accompagne logiquement de la reconnaissance d’un monopole d’exercice de la profession au profit des seuls membres. A partir du XVIème siècle, le Droit s’efforce d’ailleurs de démêler quelque peu les deux sphères d’activité des différentes associations, en dissociant ce qui continue à relever de la Confrérie (c’est-à-dire, les manifestations à caractère religieux), de ce qui devient de la compétence de la Jurande, terme utilisé par les juristes de l’Ancien Régime en lieu et place de Corporation, mot qui n’entre dans la pratique que tardivement, au milieu de XVIIIème siècle
Jusqu’à la veille de la Révolution, à l'instar de la plupart des autres communautés de métier de la ville, la corporation des cordonniers morlaisiens, bien que constituant officiellement une Jurande reconnue comme telle par les pouvoirs publics, continuera à s’intituler elle-même : "Confrairie de Saint Crépin et Crépinien des Maîtres cordonniers de la ville et fauxbourg de Morlaix". C'est toutefois dans le domaine des titres portés par les dirigeants corporatifs " civils " que la confusion terminologique est la plus frappante, puisque les trois principaux d'entre eux persévèrent, en plein "siècle des Lumières", dans le port des dénominations médiévales surannées de "Père Abbé", "Premier fils Abbé" et "Second fils Abbé".
C'est en mai 1598 que, profitant de la venue en Bretagne d'Henry IV, les maîtres cordonniers de Morlaix obtiennent du pouvoir royal la reconnaissance officielle de leur confrérie professionnelle, placée sous le patronage de saint Crépin et saint Crépinien. Ils se dotent à cette occasion de statuts détaillés, prenant fidèlement pour modèle la Charte médiévale des cordonniers rennais. Le métier devient ainsi une véritable corporation ou jurande, au plein sens juridique du terme, bien que les cordonniers de Morlaix continuent, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, à faire exclusivement usage de l'expression Confrérie, en dépit du fait que le domaine d'activité de leur organisation dépasse de beaucoup celui d'une simple association de piété. Au dix-huitième siècle, la profession comprend plus d'une soixantaine de maîtres et fonctionne d'une façon régulière, assez représentative de la grande majorité des communautés de métier bretonnes. "
Vierge à l'Enfant.
Sources et liens :
— Peyron, "Notre-Dame–du-Mur et la Confrérie de la Trinité de
Morlaix", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, t. 22, Quimper, 1895, p. 239-266
— J.M. Abgrall, Notice sur la statue de Notre-Dame-du-Mur à Morlaix, impr. de Kerangal, 1899.
— Le 6° centenaire de Notre-Dame du Mur suivi du Panégyrique de Notre-Dame du Mur et d'une lettre de Mgr. Valleau Eugène Pénel ; Chanoine Brettes ; Mgr. Valleau 47 p. Morlaix: A. Le Goaziou, [s. d.
— Thierry Hamon, La corporation des cordonniers à Morlaix, 1598-1791, Mémoire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, Rennes, 2002, t.80, pp.53-147, en ligne.