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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 12:04

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999, fer et verre de Murano. MBA Nancy

 

 

Voir aussi :

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PRÉSENTATION.

Erik Dietman (Jönköping,1937-Neuilly-sur-Seine, 2002) est, comme Marcel Duchamp, "un farceur" (Nelly Collin, pour l'exposition Entre lard et l'art) qui participerait du Nouveau Réalisme avec Tinguely, Klein, César, Arman, Spoerri, Robert Filliou ou Hains s'il ne préservait pas son indépendance entre poésie et réalisme. 

Mais pour ce Voyage organisé sur l'Adriatique, il délaisse ses habituels pansements de sparadrap et de gaze et nous invite à une escale à Murano pour nous présenter, dans une méchante caisse en ferraille, sa collection de crânes de verre, aux couleurs raffinées et aux or précieux. Il déclare :

 

"Nous ne vivons plus dans un siècle d’édification. Nous avons haché menu l’idée de Dieu et tentons d’ignorer la mort. Il nous faut parfois buter physiquement contre un obstacle pour que son idée saugrenue nous revienne en mémoire. Oui, nous mourrons. Vous. Moi. Tous. Nous finirons dans une caisse. Ou une cage. Tous les divertissements que nous avons inventés ne nous sauveront jamais du terme qui est le nôtre. Jadis Pascal évoquait la chasse, les jeux de balle. Aujourd’hui nous avons les voyages, les croisières, en Adriatique pourquoi pas. On charge des retraités sur des paquebots comme on entasserait des marchandises dont on ne veut plus. Où donc aller les jeter ? Au large. Loin des yeux."

https://izi.travel/fr/6ef9-erik-dietman-voyage-organise-dans-l-adriatique-1999/fr

Chacun de ces crânes est un objet de luxe, mais le détournement de ces luxueux presse-papiers de collectionneurs fortunés dans une cage-ossuaire proche de la benne de déchetterie crée le "choc au noir propre à l'art  macabre. Chaque crâne voit le caractère somptueux et inestimable de son individualité déniée par  ce destin collectif de rebut, et d'incarcération.

Mais Murano n'était qu'une escale sur l'Adriatique, et les touristes se réjouissent de vivre "une odyssée à la découverte d'une mosaïque fascinante de cultures et de panoramas", pour relier les prestigieuses cités adriatiques, émaillant un rivage idyllique. 

Ils sont fiers de participer à cette aventure de dévellopement économique, puisque "à l’horizon 2025, les professionnels du secteur tablent sur la construction de plusieurs centaines de paquebots, la plupart estimant que le marché de la croisière va doubler voire tripler avant 2030, pour atteindre les 117 milliards €, avec à la clé la création de plus de 900 000 emplois."

Certes, "les navires de croisières, toujours plus gigantesques et plus nombreux sur les divers mers et océans , hébergent en moyenne plus 3 000 passagers et membres d’équipage. Ils constituent de véritables cités flottantes dont la majeure partie des déchets, même si certains sont traités, est rejetée directement dans l’océan. Les croisières, au-delà de leur attractivité touristique et de l’image idyllique qu’en diffusent les tour-opérateurs, sont en réalité trop souvent synonymes de pollution du fond des mers, des ports et des régions côtières ; de dégradation de sources d’eau ; de destruction des habitats offerts par les herbiers et les récifs de corail (ancrage des navires et des petits bateaux) ; d’émissions de polluants atmosphériques dans l’air et dans l’eau ; de pression exercée sur les sites terrestres de rejets des déchets ; de production de quantités de déchets pouvant entraîner de graves risques sanitaires et des coûts de nettoyage.  Ces navires peuvent produire jusqu’à 120 000 litres d’eaux usées par jour, et 28 000 litres d’eau huileuse de cale, tout en étant exempts du programme de contrôle de rejet des déchets issu de la principale loi de lutte contre la pollution de l’eau, le Clean Water Act américain (s’y ajoutent des émissions de cheminée et d’échappement équivalentes à 12 000 automobiles chaque jour). Chacun utilise l’équivalent de 33 camions-citernes d’eau de ballast, y compris plantes et animaux pouvant causer des maladies, prélevés d’endroits lointains et déchargés dans des ports et des baies à un autre bout du monde ». Même au mouillage, les navires de croisière ne s’arrêtent jamais." Jean-Marie Breton

Mais il n'y a pas de quoi grincer des mandibules et tintinabuler des fémurs ; et il faut bien danser sur le volcan avant que Mort nous fasse danser.

 

 

 

 

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"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

"Voyage organisé sur  l'Adriatique", Erik Dietman 1999. MBA Nancy. Photographie lavieb-aile 2024.

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Published by jean-yves cordier - dans Macabre Sculptures
8 janvier 2024 1 08 /01 /janvier /2024 11:52

Le piédestal de la croix cénotaphe (calcaire, milieu XVIe siècle chapelle des Cordeliers de Nancy, coll. Musée lorrain) de la duchesse de Lorraine Philippe de Gueldre (1464-1547).

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PRÉSENTATION.

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Mon but initial était de partager ma découverte, en la chapelle des Cordeliers de Nancy,  de ce piédestal aux figures et aux inscriptions macabres. Mais ma consultation de la notice du musée lorrain dédiée à ce monument m'a vite convaincu de l'inutilité de cette démarche, tant cette notice était complète et accompagnée d'un riche dossier photographique. 

Ayant saboté par cette introduction mon article, mais sans renoncer à le rédiger, il me reste à tâcher d'aller un peu au delà de cette notice de Pierre-Hippolyte Pénet. Ce que je ferais en deuxième partie dans une réflexion sur les liens entre Philippe de Gueldre l'art macabre .

J'ai d'abord naïvement cru que Philippe (ou Phelippe) de Gueldre était un personnage masculin, avant de découvrir qu'il s'agissait de l'épouse du duc René II de Lorraine, dont le monumental et luxueux monument funéraire occupe, sur 7 mètres de haut, le centre du côté sud de la chapelle des Cordeliers. René II est le vainqueur en 1477 de la Bataille de Nancy , dans laquelle Charles le Téméraire trouva une  mort sordide (on retrouva son corps nu dans un étang gelé).

Dame Philippe épousa René II le 1er septembre 1485 à Orléans. Née en 1464, elle était la fille d'Adolphe, duc de Gueldre, et de Catherine de Bourbon, elle-même fille de Charles Ier duc de Bourbon, et sœur de Jean II duc de Bourbon jusqu'en 1488, du cardinal Charles II duc de Bourbon en 1488, d'Isabelle, épouse de Charles le Téméraire et grand-mère de Charles Quint et de Pierre II qui épousa Anne de Beaujeu régente de France. J'ai présenté la nécropole des Bourbon ici :

L'emblématique et l'héraldique monumentales de la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude.

 Orpheline dès 1469, elle fut éduquée à la cour du duc de Bourgogne, sous l’autorité de Marguerite d’York jusqu’en 1483, puis à la cour du roi de France, sous celle d’Anne de France, dame de Beaujeu, jusqu’en 1485. Cette dernière la donne alors en mariage au duc de Lorraine, René II. Douze enfants naîtront de cette union, dont cinq fils survivront.

 

Devenue veuve en 1508, Philippe de Gueldre refusa la régence instituée en sa faveur par le testament de son mari, laissant le pouvoir aux mains du prince Antoine, l'aîné de ses fils. Retirée durant quelques années au château de Bar, qui lui avait été assigné en douaire, elle entra, vers la fin de 1519, au monastère des Clarisses de la ville de Pont-à-Mousson (*). Sa prise d'habit eut lieu le jeudi 8 décembre de la même année et sa profession solennelle l'année suivante, le jour de la fête de la Conception, 8 décembre 1520. Elle mourut vingt-sept années plus tard, le 26 février 1547, à l'âge de quatre-vingt-sept ans.

(*) Ce monastère fut fondé par sainte Colette, cédant aux sollicitations du duc Charles II de Lorraine et de sa femme Marguerite de Bavière. Les travaux, commencés en 1431, furent terminés en 1447, sous le règne du duc René Ier. Les religieuses, au nombre de treize, prirent possession des bâtiments le 21 septembre de cette même année.

 

"Cependant, Philippe dispose d’un statut particulier au sein de la communauté. Elle possède une pièce à part et ne dort pas dans le dortoir commun. Elle est rapidement dispensée des rigueurs de la règle, en raison de son état de santé. Lorsqu’elle est malade elle bénéficie d’un traitement particulier, recommandé par ses médecins. Philippe peut donc s’affranchir des normes de vie du cloître. Elle n’oublie d’ailleurs pas la politique terrestre.

Aidée d’une sœur secrétaire, elle maintient une active correspondance avec les princes et l’aristocratie. À Pont-à-Mousson elle demeure une princesse. Le receveur de la ville a ordre de subvenir à ses demandes. Elle interpelle également les autorités locales, comme en 1529, où elle ordonne au maître-échevin de distribuer des aumônes aux pestiférés, jetés hors de la ville.

Philippe dote son couvent de multiples œuvres, dont un magnifique retable (*) encore visible à l’église Saint-Laurent de Pont-à-Mousson." (Est-Républicain)

(*)Retable d'Anvers à six compartiments sculptés et dorés et quatre volets peints.

Elle décède le 26 février 1547 d'une péritonite par perforation vésiculaire. Dans son testament rédigés dès le 23 octobre 1520, elle avait déjà spécifié : "& voulons notre corps viande aux vers soit enterré au cimetière dudict couvent ". Elle aurait obtenu, de son vivant, de faire élever au milieu du cimetière des religieuses, situé dans le cloître, un grand crucifix taillé en pierre afin d’indiquer l’emplacement de sa sépulture. Le crucifix a disparu, et le piédestal fut retrouvé en 1890 au cimetière de Vilcey-sur-Trey. 

Piédestal de la croix cénotaphe de Philippe de Gueldre, 1ère moitié du XVIe siècle, Calcaire, H. 116 ; L. 60 ; Pr. 57 cm, Musée lorrain de Nancy Inv. 2121.1 Achat auprès de la commune de Vilcey-sur-Trey, 1895

 


 

 

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DESCRIPTION.

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Photo Musée lorrain de Nancy

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Le piédestal débute par un soubassement carré sans sculpture, auquel succéde un étage à deux inscriptions de cinq lignes en ecriture gothique, puis un étage plus étroit dont deux faces opposées montrent un cadavre ou un crâne, et les deux autres une invocation pieuse. Au sommet, la base du crucifix détruit.

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La face qui attire immédiatement le regard est ornée d’un petit squelette assis sur un rocher, dans la figure du penseur mélancolique, vu de trois-quart, la tête posée sur la main en signe de douleur et d’abattement. Mais en contraste avec le squelette décharné, les intestins sont représentés par des boyaux en spirale.

Ainsi la duchesse décédée, jadis enterrée en pleine terre du cloitre sous le monument,  invitait-elle ses sœurs clarisses à une méditation sur la mort.

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Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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Sur la face opposée, un crâne  est sculpté en moyen-relief dans un médaillon suspendu par un ruban. Le sculpteur compose ainsi un "miroir de la Mort". C'est, en littérature macabre, le titre de l'ouvrage Le miroir de mort , "ung excellent et tres prouffitable livre pour toute creature humaine" publié dès 1470 puis en 1481-1482 par George Chastelain historiographe des ducs de Bourgogne. L'inplicit et l'explicit du manuscrit Carpentras BM 0410 reprennent les mêmes vers :

...le miroir de la mort

a glace obscure et tenebreuse

la ou on voit chose doubteuse

et matiere de desconfort.

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Le texte reprend vite la métaphore :

 

Pour au miroer de mort mirer

Penser y fault en remirant

Et sy nous fault tous amirer

De ceulx que nous voyons mirer

Pour la mort qui nous va minant

Rien n'y vault don non mie nant

...

 

Comme ou mirouer si est la glace

La ou on voit sa remembrance

On y choisist et corps et face

Mais de legier elle s'efface

Car elle n'a point de souffrance

Elle ne peut avoir grevance

Que de legier ne soit cassee

Nostre vie est plus toust passee

Mirons nous dont et remirons

Et il se conclut par une série d'anaphores dont la dernière est :

 

Mirons nous au grand jugement

Mirons nous en la passion

Mirons enfer en dampnement

Mirons la mort et son tourment

Mirons nostre inclinacion

Mirons le monde et sa façon

Mirons nostre fragilité

Mirons nous pour estre saulvés

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En Bretagne, Jehan An Archer Coz compose en 1519 le Mirouer de la mort, en breton, imprimé à Morlaix en 1575. Sa couverture est illustrée d'un miroir de la mort avec cette injonction : MIRE TOY LA.

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Couverture du Mirouer de la mort BnF RES P-YN-1.

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Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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Sur la paroi latérale, on peut lire dans un petit cartouche suspendu à un anneau par des rubans l'inscription en lettres romaines « JESU.MA/IOSEPH » (Jésus, Marie, Joseph).

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Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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Sur la paroi latérale opposée, on peut  lire dans un  cartouche identique l'invocation « AVE.MAA/MERE.D. » (Ave Maria, Mère de Dieu).

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Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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Sous les deux motifs à squelette, deux inscriptions sculptées en lettres gothiques auraient été rédigées par la duchesse elle-même. Le coin droit de chaque inscription est abimée,  d'où des lettres et mots absents:

Sous le squelette méditatif :

 

« Cy gist . Ung . Ver . Tourn . en .porriture . re[n]dant . Amort . le tribut . De . nature. Seur. phelip de. Gueldres .fust .roine du passe. terre . lost pour toute. conieture. Cest . La . Mal. De . to[u]te. creature. Seurs. Dictes. lui Req. Pa »

Cy gist ung ver tourn en porriture

rendant à mort le tribut de nature

seur phelip de gueldres fust roine du passé

terre lost soulat pour toute couverture

cest la ma[…] de toute creature

Seurs dites lui  requiecat in pace

 

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L'insistance sur les vers qui décomposent le cadavre et le transforme en pourriture et en poussière est caractéristique de l'art macabre. On trouve souvent au XVIe siècle en sculpture des "têtes de mort" où des vers sortent par les orbites.

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Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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Sous la face sculptée d'un crâne

 on lit la supplique suivante, dont la dernière ligne est presque détruite:

 

« O REDEMPTUR.BEOIST.CRUFIE.E.Q.MO
CUEUR.IAMAIS.NADEFFIE.MAIS.ESPER
A.TA.CROIS.JE.MACORDE.COME.A.CELLE.Q
A.VIVIFIE.LE.GENRE.HUMAIN.DU.JOUR »

 

O redempteur benoiste crucifie

que mon cueur jamais na deffie

mais espere à la croix je maccorde

comme a celle qui a vivifie

le genre humain du jour [moult rude

mon ame priant à ta misericorde]

soit
« Ô Rédempteur benoît crucifié à qui mon cœur jamais n’a défié mais espéré, à ta croix je m’accorde comme à celle qui a vivifié le genre humain du jour horrifié. Mon âme prie en ta miséricorde ».

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Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Cénotaphe de Philippe de Gueldre, v.1547, calcaire, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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Pierre-Hippolyte Pénet conclue sa notice ainsi :

"Cette iconographie et ces inscriptions sont une transcription du motif du transi funéraire, apparu au XIVe siècle, qui décrit le défunt en état de décomposition. Elles ne sont pas sans évoquer les reliefs très proches appelés « miroirs de la mort » de l’église Notre-Dame de Bar-le-Duc ou du monument funéraire de Claude de la Vallée à l’église Saint-Didier de Clermont-en-Argonne qui sont tous deux accompagnés de l’inscription : « Mirez-vous et considérez comme je suis telz vous serez ». Le monument de Clermont-en-Argonne, représentant le squelette du défunt allongé, complète par une inscription proche de celle de Philippe de Gueldre : « Considérez ma hideuse figure / Quelque belle que vous ayez la face / Sy fauldra-t-il que telle la vous face / Quant consumez servez en pourriture ».

Loin du faste inhérent à son statut princier, le monument de la duchesse témoigne ainsi de son mépris du corps et de sa foi dans le Christ souffrant pour lequel elle avait développé une dévotion particulière."

a) La pierre de l'église Notre-Dame de Bar-le-Duc

Dans un médaillon bordé d’une inscription un crâne tenant un tibia entre les dents est représenté de trois-quarts ; les angles de la pierre sont ornés de crânes et la partie inférieure est gravée d’une citation. Le cadre circulaire comporte cette phrase : « Mirez-vous et considérez, comme je suis tels vous serez » ; l’ordre indique clairement aux vivants de se regarder comme dans un miroir pour connaître leur devenir. Le bandeau inférieur indique : « Naistre, labourer et mourir, L’on ne fait qu’à la mort [courrir] ».

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Bas-relief, XVIe siècle, bas-côté nord, chapelle Saint-Louis de Gonzague de l'église de Bar-le-Duc

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b) Le monument funéraire de Claude de la Vallée, dans l'église Saint-Didier de Clermont-en-Argonne, est daté de 1548. Le squelette gisant est surmonté des 3 trois allégories: la justice divine, le miroir de la mort, très semblable au précédent avec les mêmes inscriptions.

Le miroir porte les sentences :

Miroir ou l'homme au naturel,

Se doit recongnoistre mortel.

 

Mirez vous et considerez

comme je suis tels vous serez.

 

Naistre labourer et mourir,

Lon ne fait qua la mort courrir

Au-dessous de ces trois premiers bas-reliefs, une niche rectangulaire présente un transi presque à l’état de squelette ; en haut un cartouche explique : « Tu feras ce que vouldras avoir fait au jour que moras » ; près de la tête « Memento mori » et près des pieds « Memento finis ».

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Monument funéraire de Claude de La Vallée, photo François Janvier © Ministère de la Culture (France), Conservation des antiquités et des objets d’art de la Meuse, tous droits réservés

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Monument funéraire de Claude de La Vallée, photo François Janvier © Ministère de la Culture (France), Conservation des antiquités et des objets d’art de la Meuse, tous droits réservés

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COMPLÉMENTS.

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Le caractère macabre des termes du testament de Philippe de Gueldre, et de l'inscription qui figure sur ce pièdestal, amène plusieurs réflexions complémentaires :

1. Philippe de Gueldre a fait rédiger en 1506 par Guillaume le Ménant une traduction de la Grande Vie de Jésus-Christ de Ludolphe le Chartreux, qui a été illustrée de 111 enluminures par un artiste nommé par convention, et pour cet ouvrage (Lyon B.M 5125), le Maître de Philippe de Guelde, actif à Paris et peut-être à Rouen entre 1495 et 1510.

René de Lorraine et Philippe de Gueldre devant leurs enfants, Vie de Jésus Christ enluminé par le Maître de Philippe de Gueldre.

 

Le Maître de Philippe de Gueldre fournit des illustrations pour les imprimés de luxe d'Antoine Vérard, et, outre la famille de Lorraine, il travailla pour Louise de Savoie et Georges d'Amboise (le cardinal d'Amboise). Or, cet artiste est selon F. Avril, dans un style inspiré de Bourdichon,  l'enlumineur du manuscrit BnF français 995 (vers 1500-1510 ?) associant la Danse macabre (dérivant de la D.M de Guyot Marchant 1486), le Dit des trois vifs et des trois morts et la Danse macabre des femmes

Or, cette dernière Danse débute par la déclaration de l'acteur :  "Mirez vous icy mirez femmes Et mettes vostre affection A penser a voz poures ames Qui desirent saluacion ...."

Puis, parmi les femmes entrainées par les morts, viennent en premier la reine (Phelippe de Gueldre est reine de Jérusalem et de Sicile), et la duchesse, mais ensuite la veuve dont voici le dialogue avec la morte (notez les cheveux de son cadavre).

La morte : "Femme vefue venez auant Et vous auancez de venir. Vous voyez les autres dauant Il conuient vne foys finir Cest belle chose de tenir lestat ou on est appellee Et soy tousiours bien maintenir Vertus est tout par tout louee."

La veuve : "Depuis que mon mary mourut  Jay eu affaire grandement Sans ce que aucun me secourut Si non de dieu gard seulement Jay des enfans bien largement Qui sont ieunes et non pourueux Dont iay pitie: mais nullement Dieu ne lesse aucuns despourueux."

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Danse macabre des femmes, La veuve, BnF fr 995 f 29v enluminure Maître de Philippe de Gielde.

 

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Mais la réponse de la damoiselle est plus en rapport avec l'épitaphe de Philippe de Gueldre :

"Que me vallent mes grans atours Mes habitz. ieunesse. beautequant tout me fault lesser en plours Oultre mon gre et voulente Mon corps sera tantost porte Aux vers et a la pourriture: Plus nen sera bale: ne chanteIoye mondaine bien peu dure "

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2. Le Maître de Philippe de Gueldre a enluminé également le mirouer des pécheurs et des pécheresses de Jean Castel édité par Antoine Vérard en 1505-1507. On y trouve les  enluminures suivantes, suffisament éloquentes :

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Le mirouer des pécheurs et pécherresses , par Jean de Castel BnF RES livres rares Velins-2229 vue 14. Source Gallica.bnf.fr/BnF

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BnF, RES livres rares Velins-2229 vue 73. Source Gallica.bnf.fr/BnF

 

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3. Malgré un monument funéraire de plus grande envergure fut édifié après sa mort, vers 1547-1548, au sein de la chapelle de la Conception qu’elle avait fait construire dans l’église conventuelle. Commandé par les descendants de Philippe de Gueldre (dont le duc Antoine le Bon) ou par les clarisses, ce monument, installé dans un enfeu orné de motifs sculptés polychromes, était constitué d’un sarcophage de marbre gris foncé sur lequel était placé le gisant de la duchesse, exposé aujourd'hui en la chapelle des Cordeliers tout près du cénotaphe. Il est attribué au sculpteur lorrain Ligier Richier, dont le duc Antoine s'était attaché les talents dès 1530. La duchesse n'est pas idéalisée au summum de sa jeunesse et dans ses plus beaux atours (comme dans la plupart des gisants) mais est représentée en habit de clarisse, et son visage est bien celui d'une femme âgée que Delacroix décrivit  comme "une vieille de quatre-vingts ans dont la tête est encapuchonnée, maigre à faire peur et tout cela représenté de manière à ce qu’on ne l’oublie jamais et qu’on n’en puisse détacher les regards". Ce type de gisant est proche du "transi", défini comme  "représentant le défunt de façon réaliste, nu, voire en putréfaction, contrairement au gisant représentant un personnage couché et endormi, dans une attitude béate ou souriante. C'est un genre qui se développe au XVIe siècle en France et en Europe, où on compte 155 tranis, contre 75 au XVe siècle et 29 au XVIIe siècle.

 

Or, la réalisation la plus connue de Ligier Richier est le Transi de René de Chalon dans l'église Saint-Étienne de Bar-le-Duc, un chef-d'œuvre de l'art macabre qui surmonte le tombeau du cœur et des entrailles de ce dernier, prince d’Orange et ... gendre d'Antoine Le Bon : le traitement en écorché du transi suggère des connaissances étendues en anatomie et une volonté d'émouvoir le spectateur par son réalisme. Ce transi est daté de 1545-1547, il précède de très peu le gisant de Philippe de Gueldre .

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Gisant de Philippe de Gueldre, Ligier Richier, v.1548, calcaires polychrome, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Gisant de Philippe de Gueldre, Ligier Richier, v.1548, calcaires polychrome, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Gisant de Philippe de Gueldre, Ligier Richier, v.1548, calcaires polychrome, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Gisant de Philippe de Gueldre, Ligier Richier, v.1548, calcaires polychrome, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Gisant de Philippe de Gueldre, Ligier Richier, v.1548, calcaires polychrome, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

Gisant de Philippe de Gueldre, Ligier Richier, v.1548, calcaires polychrome, Chapelle des Cordeliers de Nancy. Photo lavieb-aile 2024.

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SOURCES ET LIENS.

— BOURDIEU-WEISS (Catherine), 2005, « Réflexions sur les Vanités lorraines au XVIIe siècle : diverses formes artistiques »,  Littératures classiques 2005/1 (N° 56), pages 169 à 175

https://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques1-2005-1-page-169.htm

—DENIS (Paul), 1911, Ligier Richier, l'artiste et son œuvre; avec 51 planches hors texte et 44 illustrations dans le texte par Denis, Paul, 1911

https://archive.org/details/ligierrichierlar00deniuoft/page/n5/mode/2up

— DIVERS

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100212581

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_de_Gueldre

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligier_Richier

https://fr.wikipedia.org/wiki/Transi_de_Ren%C3%A9_de_Chalon

https://fr.wikipedia.org/wiki/Transi

https://musees-meuse.fr/wp-content/uploads/2016/10/Plaquette-LR-pour-impression-BD.pdf

— L'EST REPUBLICAIN

https://www.lorrainemag.com/sorties/deux-monuments-du-patrimoine-lorrain/

—FAVREAU, épigraphie...

https://shs.hal.science/halshs-03322724/document

— MUSEE LORRAIN DE NANCY

https://musee-lorrain.nancy.fr/les-collections/catalogues-numeriques/nancy-capitale-des-ducs-de-lorraine/xvie-siecle/piedestal-de-la-croix-cenotaphe-de-philippe-de-gueldre

https://musee-lorrain.nancy.fr/les-collections/catalogues-numeriques/nancy-capitale-des-ducs-de-lorraine/xvie-siecle/gisant-de-philippe-de-gueldre

— TRANIÉ (Ghislain) 2011, Un exemple d'articulation du féminin et du masculin à travers le mécénat. Les pratiques de Philippe de Gueldre (1467–1547) et d'Antoine de Lorraine (1489–1544) , dans Le Moyen Age 2011/3-4 (Tome CXVII), pages 531 à 544

https://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2011-3-page-531.htm

"Lors de son entrée au couvent, Philippe de Gueldre emporte avec elle de nombreux ouvrages de liturgie et de dévotion, acquis de son propre fait ou retirés de la bibliothèque ducale. Quelques-uns de ces ouvrages ont pu être identifiés par les bibliophiles du XIXe siècle : des heures, un temporal, un bréviaire et un passionnaire illustrent le mécénat ducal pour les manuscrits à peinture mais on rencontre également des livres imprimés, tels que La discipline de l’amour divin, un Dialogue de consolation entre l’âme et la raison, les Dialogues de saint Grégoire le Grand, la Vita Christi de Ludolphe le Chartreux/ de Saxe, une Horloge de la Passion de Jésus Christ et, plus étonnant, Le livre de vraie et parfaite oraison de Luther."

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Published by jean-yves cordier - dans Macabre Sculptures XVe siècle
13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 14:56

La météorite d'Ensisheim (1492), le polyèdre de Dürer (1514), le crâne de cristal (XIXe siècle)  et la Tête crâne de Giacometti (1934) : un parcours macabre de l'exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny.

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Voir :

La Mort et le cristal : la Danse macabre (cristal de roche, 2023), et autres œuvres  de Patrick Neu . Exposition Voyage dans le cristal au Musée de Cluny, Paris septembre 2023/janvier 2024.

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PRÉSENTATION.

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Au gré des six salles de l'exposition, et des cartels des œuvres présentées, c'est un étrange  ou macabre voyage qui est proposé au visiteur. Le rapport avec le cristal n'est pas toujours évident, notamment à propos de Dürer et de Giacometti, et c'est bien ces petites énigmes que nous allons tenter de débrouiller. Quand au crâne, et son rapport avec le macabre, central dans mon premier article, nous verrons qu'il tient également une place majeure, mais cachée, pour ces deux artistes.

Je débuterai donc, pour être limpide, par le Crâne de cristal du Quai Branly, avant de partir, tel Indiana Jones, à sa recherche chez Dürer puis Giacometti.

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I. Le crâne de cristal.

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Cette alliance du cristal, pierre de lumière symbole de pureté et d'inaltérabilité, et du crâne, image du memento mori dans les mosaïques romaines ou les Vanités baroques, crée un oxymore troublant, que Patrick Neu a repris dans sa Danse macabre (article précédent).

Il en existe douze autre exemplaires, mais tous n'ont pas cette pureté lumineuse du crâne du Quai Branly. Ce fut la fierté du Musée, comme représentant de l'art des lapidaires atzèques, jusqu'à ce que les analyses  scientifiques du Louvre prouvent qu'il s'agissait d'un faux, provenant d'Allemagne entre 1867 et 1886 et commercialisé par Eugène Boban, comme celui du British Museum et de la Smithsonian Institution.

Cette duperie, qui a triomphé pendant un siècle, est elle-même troublante : elle nous révèle la faillibilté de la science et de l'esprit, leçon d'humilité qui s'ajoute à la certitude de notre destin mortel : vanitas vanitatis et omnia vanitum est précisément le message muet des crânes qui nous fixent de leurs orbites creuses.

La lumière se fait un plaisir de passer comme en se jouant à travers ce crâne jadis si savant et d'en révéler l'ombre, creusée d'un cœur éblouissant.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A2ne_de_cristal

 

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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II. Le crâne de la Melencolia I (1514) d'Albrecht Dürer, et la météorite d'Ensisheim.

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La série macabre se poursuit par cette Mélancolie de Dürer, et si nous n'en étions pas convaincu, nous pourrions nous rappeler que cette gravure appartient à un cycle où figure le Chevalier, La Mort et le Diable (1513), qui est un Memento mori explicite, mais surtout Saint Jérôme pénitent (1496), puisque la retraite érémitique et pénitentielle est une préparation chrétienne à la mort ; et que saint Jérôme tient un caillou dans la main, pour se frapper la poitrine. Le sablier et le crâne sont présents dans les deux premières de ces œuvres, et s'ils sont absents de Jérôme pénitent, ils sont présents dans Saint Jérôme dans sa cellule.

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https://artifexinopere.com/blog/interpr/peintres/durer/saint-jerome/2-la-serie-des-saint-jerome/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Melencolia_I

 

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Melencolia I, Albrecht Dürer 1514.

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Le crâne sur le polyèdre.

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Un crâne est discrètement représenté sur l'une des faces du polyèdre, déformé  comme par une anamorphose. On peut imaginer que la surface polie reflète en une image macabre le visage de  la femme ailée, possible allégorie de la Mélancolie. Ce reflet morbide du soi pourrait être donc ce que contemple d'un regard songeur la femme. Et ce que dessine l'enfant sur sa tablette.

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Le polyèdre et la météorite d'Ensisheim

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%BCrer_et_la_m%C3%A9t%C3%A9orite_d%27Ensisheim

 

 

Le matin du 7 novembre 1492, une météorite de pierre de 127 kg entre à grande vitesse dans l'atmosphère terrestre. La météorite laisse derrière elle une vive trainée lumineuse, avant de s'écraser dans un champ de blé, à proximité de la ville d'Ensisheim, à 22 km au nord de Mulhouse et à 44 km de Bâle. 

Son point de chute  est alors marqué par un cratère de deux mètres de diamètre. Les habitants prélèvent des fragments de cette météorite, en guise d'amulette porte-bonheur. Le bailli  fait suspendre la météorite, comme signe divin de bon augure, dans le chœur de l'église paroissiale. Elle y reste jusqu'en 1793, date à laquelle elle est exposée à la Bibliothèque nationale de Colmar. De nombreux prélèvements sont réalisés : cadeaux pour des visiteurs d'importance, spécimen à analyser pour Ernst Chladni. En 1803, la ville d'Ensisheim la récupère et la replace dans son église. Le 6 novembre 1854, l'église voit son clocher s'effondrer. La météorite fut alors remisée à l'école, puis à l'hôtel de la Régence devenu par la suite l'hôtel de ville. Elle a été divisée en plusieurs morceaux qui se trouvent aujourd'hui pour la plupart d'entre eux dans des musées, dont le Muséum d'Histoire naturelle de Paris, galerie de minéralogie : elle fait partie des chondrites à olivine et hypersthène, du groupe LL6 dans la classification des météorites.

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La chute de cette "pierre de tonnerre"  a été relaté par de nombreux auteurs notamment en 1492 par Sébastien Brant — De fulgerra anni xcii. Sebastianus Brant  — (dont Dürer illustrait alors la Nef des Fous) ou en 1493 dans la Chronique de Nuremberg de Hartmann Schedel : c'est la première chute observée d'une météorite depuis l'invention de l'imprimerie. Certains (W) pensent que Dürer a "assisté" à cette chute ; ou qu'il aurait pu entendre le son, perceptible jusqu'à Bâle, ou enquêter auprès de témoins indirects : son séjour chez des imprimeurs de Bâle est attesté, du moins à l'été 1492.

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Sebastien Brant

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Chroniques de Nuremberg

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Cet évènement a en tout cas frappé  Albrecht Dürer qui l'a représenté dans sa gravure Hexensabbat (date inconnue) et  qui l'a peinte en 1496  au au verso du tableau Saint Jérôme pénitent :  la météorite jaune citron est au centre d'un tourbillon de flammes rouges et grises. 

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Albrecht Dürer, au dos de Saint Jérôme pénitent.

 

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C'est sa traversée incandescente  de l'atmosphère qui est représentée dans le ciel de Melencolia I, au dessus de la chauve-souris portant sur ses ailes le titre.

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Le polyèdre contemplé par l'ange féminin est-il une "représentation idéalisée" de la météorite sosu la forme d'une  structure cristalline ? En tout cas, ce polyèdre est relié au cristal par la commissaire de l'exposition, puisque rien, sinon, ne justifie la présence de cette gravure (dans son exemplaire possédé par le Louvre) dans l'acte IV du parcours :

"À la Renaissance, la maîtrise de la glyptique et la passion de la taille du cristal atteignent une virtuosité jamais égalée. La redécouverte des codes antiques trouve une expression particulièrement perceptible au travers de rondes-bosses et de pièces d’apparat. [...]Parallèlement, les écrits scientifiques de Platon, Aristote et Euclide sont revisités. Luca Pacioli, avec son De Divina Proportione, est une figure centrale de ce mouvement. Dans la peinture et la gravure, les formes et facettes du polyèdre sont transcendées par Paolo Uccello et Albrecht Dürer qui cherchent à déployer les volumes en facettes."

Il a été prouvé que ce polyèdre est "un cube dressé selon sa diagonale, d’abord étiré selon son grand axe puis tronqué en haut et en bas". Le cube est une forme parfaite, comme la sphère posée juste en dessous. 

Jacques Bousquet y consacre un très grand nombre d'articles sur son site artifexinopere, car ce polyèdre est pour lui "avec le carré magique,  l’objet le plus intrigant de la gravure". Dürer n’aurait-il  pas  fait tourner le polyèdre autour de son axe vertical, de manière à ce que l’angelot regarde  dans la direction du rhomboèdre ?

Avec lui, et tous les auteurs dont il relate les calculs, les travaux et les hypothèses, ce polyèdre devient un abîme de réflexion, comme le crâne et son interrogation insondable.

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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III. GIACOMETTI ET LE POLYÈDRE : LE CUBE, LA CAGE, ET LE CRÂNE-CUBE

 

 

Les commissaires de l'exposition nous prennent par la main pour souligner comment Giacometti reprend le polyèdre de Dürer, et sa réflexion mélancolique sur le crâne.

" Quelques années avant Le Cube, Giacometti produit une mélancolie, La Cage, dans laquelle on peut voir un squelette enfermé dans un cristal, nous rappelant sa fascination pour la Melancolia de Dürer. Ce rapprochement formel se double d’un autre point commun, celui d’une expérience initiatique. Le polyèdre de Dürer est une référence à une expérience personnelle extraordinaire. En 1492, Dürer est témoin de la chute de la météorite appelée «Pierre du tonnerre d’Ensisheim».

De son côté, Giacometti évoque le caractère fondateur de la vision d’une pierre dans la montagne suisse de son enfance : Ce fut mon père qui, un jour, nous montra ce monolithe. Découverte énorme, tout de suite je considérai cette pierre comme une amie, un être animé des meilleures intentions à mon égard; nous appelant, nous souriant, comme quelqu’un qu’on aurait connu autrefois, aimé et qu’on retrouverait avec une surprise et une joie infinie ."

La figure de Dürer (découverte dans l'enfance sous l'influence de son père peintre), sa Melencolia, et en particulier son polyèdre renvoie donc à la figure paternelle, Giovanni Giacometti, qui lui appris à dessiner et à modeler.  Alberto découvrit directement Melencolia à l'exposition deu Petit Palais de 1933 sur les estampes de Rembrandt et de Dürer.

La figure maternelle, Anetta Giacometti, est néanmoins centrale,  et elle fut le modèle de nombreuses œuvres peintes ou sculptées.

Giacometti est fasciné par Dürer et son premier dessin exact fut, dès 1915 (à 14 ans) la copie de Le Chevalier, la Mort et le Diable.

 

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1.  "La Table" bronze, 1969, d'après l'original en plâtre, 1933. Centre Pompidou AM1705 S.

"Il appuie son coude sur la table, et reste absorbé dans ses pensées comme un somnambule" (Lautréamont, Les chants de Maldoror)

"Signé et daté par Giacometti, le plâtre fut probablement conçu pour l’« Exposition surréaliste. Sculptures, objets, peintures, dessins » (galerie Pierre Colle, 7-19 juin 1933). C’était, comme le rappelle Giacometti à Pierre Matisse en insistant sur sa fonction d’objet mobilier, « une table pour un couloir » : la conçut-il, déjà entraîné à d’autres commandes de pièces d’ameublement – chenets, vide-poche, cheminée – pour Charles et Marie-Laure de Noailles, qui de fait achètent l’œuvre, le 20 juin, et la placent dans un couloir de leur maison d’Hyères (où elle restera jusqu’en 1951)? Quoi qu’il en soit, en l’exposant galerie Pierre Colle, face à Femme qui marche (1932), il la présente aussi comme une sculpture à part entière. Instabilité ontologique de l’œuvre en effet : à la fois meuble, avec son dos plat s’ajustant au mur et ses objets déposés sur la table, comme l’étaient les bibelots dispersés au-dessus de la cheminée que le sculpteur dessine alors pour l’ensemblier Jean-Michel Franck, et sculpture figurative, offrant un dispositif plastique complexe, très scénographié. Quatre pieds disparates et trop grêles supportent le buste, en forme de pion d’un jeu d’échecs géant, d’une femme à la figure à moitié cachée par un voile, dont le lourd pan menace de déséquilibrer la table ; sur le plateau, devant cette sorte de voyante, sont posés un objet polyédrique (réduction du Cube), un mortier d’alchimiste et une main coupée, motifs récurrents de cette époque de grande angoisse.

Au-delà de la poétique de ce dispositif, qui n’est pas sans posséder la force d’inquiétante étrangeté du Cerveau de l’enfant de De Chirico et qui pourrait presque apparaître comme un « poncif » du surréalisme (la sculpture fut fameuse en son temps, photographiée par Man Ray, exposée à Londres en 1936, reproduite dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme de Breton et Eluard en 1938, etc.), c’est, semble-t-il, un ouvrage de « mélancolie » que dresse encore ici Giacometti, dans l’incertitude du saisissement de la figure humaine, dans son aveuglement. Dans le dessin-poème « le Rideau brun », qu’il livre au Surréalisme au service de la révolution (n° 5, 15 mars 1933), il écrit en place des yeux, au centre d’une figure aveugle : « aucune figure ne m’est aussi étrangère même plus un visage de l’avoir tant regardée, elle s’est fermée sur des marches d’escaliers inconnus ». Le propos ésotérique qu’il expose dans Table s’éclairera dans un dessin, Figure (1935) : la table se déploie comme un cube ouvert, pour faire corps avec un buste féminin enfin dévoilé, tenant un cristal polyédrique. En 1935, Giacometti sera prêt à se dégager des énigmes fantasmatiques de la période surréaliste passée pour revenir à la vision directe de la figure humaine." (Agnès de la Beaumelle)

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De l'autre côté du plateau, Giacometti a posé la main coupée de la femme, un de ses "objets désagréables" qui revet une étrange morbidité, à l'instar des reliquaires parlants du Moyen-Âge. (Catalogue)

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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2. Le polyèdre : "Le Cube", plâtre [1934-1934 ] Centre Pompidou.

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"Le monolithe polyédrique aux douze faces irrégulières – objet de géométrie descriptive et de stéréométrie bien connu pour constituer notamment un des éléments de la Melencolia de Dürer – apparaît à maintes reprises dans l’œuvre de Giacometti des années 1932-1935, comme une citation de la fameuse allégorie gravée du maître allemand, qu’il revoit, en mai 1933, dans une exposition au Petit Palais. Avec ce Cube , qui radicalise la grande colonne polyédrique de Figure (1931-1932), conçue pour le jardin de la villa Noailles à Hyères, et qui annonce sa résolution figurative de Tête-Crâne (1934, AM 1986-58) – les deux œuvres se trouvent côte à côte sur une page de Minotaure , n° 5, mai 1934 –, se pose la question, pour le sculpteur, qui perd son père en juin 1933, de la possibilité ou non d’une apparition de la figure, du saisissement ou non du réel.

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Les pieds dans le plat 1933, 1935, Fondation Giacometti, copie d'écran.

 

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"Étroite association, pleinement mélancolique et récurrente chez Giacometti, du polyèdre et de la tête de mort : déjà un cristal irrégulier, enfermant un pantin-squelette, apparaît sur le dessin de L’Atelier (1932), un caillou de forme identique est posé sur la Table surréaliste (1933, AM 960 S), aux côtés d’une voyante à demi voilée, un autre, à moitié ouvert, apparaît dans la gravure Lunaire (1933), un crâne cristallin polyédrique constitue la Tête gravée (1933-1934, New York, MoMA), un polyèdre irrégulier encercle une figure féminine dans une gravure quasi inédite de la même date ( Giacometti, Le dessin à l’œuvre , cat. exp., Paris, Centre Pompidou / Gallimard, 2001, n° 56), tandis qu’un « objet invisible » polyédrique semble apparaître enfin entre les mains de la grande figure de 1934 : autant d’objets géométriques regardés comme des figures d’énigmes, entachés d’une blancheur lunaire, et associés toujours à des figures comme s’ils en incarnaient le cercueil ou la réduction.

La masse blanche, presque phosphorescente et aux arêtes vives de Cube , qui apparaît à première vue comme un météorite tombé au sol sous l’effet d’on ne sait quel désastre, semble se dématérialiser, s’ouvrir, engageant celui qui regarde à en franchir les parois pour saisir, dans son hallucination, le possible fantomal d’une présence.

Dans la méditation mélancolique du sculpteur, qui vient d’ériger une stèle « cubique » sur la tombe paternelle au cimetière de Borgonovo (*), le Cube , intitulé d’abord par lui Pavillon nocturne (ainsi à l’exposition « Abstrakte Malerei und Plastik, Arp, Ernst, Giacometti, González, Miró », Zurich, 11 octobre-4 novembre 1934), constituerait dès lors le lieu d’apparition / disparition, d’émergence / enfouissement de la figure paternelle : hypothèse étayée encore par la gravure d’un portrait d’homme sur une face d’un des deux exemplaires en bronze du Cube (Zurich, Kunsthaus, Alberto Giacometti Stiftung) (**). À cette méditation se noue étroitement le questionnement, à nouveau crucial pour Giacometti en 1934, sur les perspectives de son travail de sculpteur : l’affrontement devant le modèle avec la tête humaine, qui sera « de retour » définitivement en 1935 avec la Tête-Crâne qui en est la résolution explicite, est ici en gestation. La présentation du Cube à Lucerne (Kunstmuseum, 24 février-31 mars 1935), dans l’exposition « Thèse, antithèse, synthèse », sur un « socle » mobile à quatre pieds coniques (identique à celui qui soutenait en 1927 les Danseurs), socle dont on retrouve plusieurs exemplaires dans les photographies de l’atelier à cette époque, confirme la signification figurative de l’étrange objet géométrique. Ce Cube ainsi finalement nommé, un objet « abstrait » ? « Je le considérais en réalité, dira Giacometti à James Lord, comme une tête »." (Agnès de la Beaumelle)

 

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(*) La tombe de Giovanni et Anetta Giacometti à Borgonovo, Italie :

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(**) Bien sûr, on souhaite voir cette "gravure d'un portrait" grattées à la fin des années 1930 sur la face de la deuxième version du Cube (moulage de la version précédente) , du Kunsthaus de Munich. Elle a été effacée du modèle en plâtre inventaire GS 128 mais est conservé sur le moulage en bronze de 1959, GS 025. Les lignes gravées sont décrites comme "une représentation de l'atelier et à un autoportrait". Mais la photographie proposée ne permet pas de discerner le motif :

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Le Cube, moulage en bronze CS 025, 1959, Kunsthaus, Munich

 

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Le Cube, moulage en bronze, détail

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Inversement, le Cube en plâtre conservé au Centre Pompidou montre des lignes sur trois faces, dont un cercle et une croix.

Le Cube, Centre Pompidou.

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Y-a-t-il un lien entre ces lignes gravées, comparées (pour GS025) à un portrait d'homme, évoquant peut-être la figure paternelle décédée en juin 1933, et le crâne du polyèdre de Dürer ?

Les faces du Cube exposé à Cluny et visibles sans contorsion pour le visiteur ne permettent pas de voir ces gravures.

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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3.  "La Tête-crâne". Terre-cuite chamottée, 1934, Centre Pompidou AM1986-58

https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cxxAeLz

Pour les auteurs de l'exposition, "Ainsi le Cube et la Tête-crâne sont-ils un seul et même geste, qui ancre l'artiste dans une métaphysique poètique du cristal".

"La Tête-crâne est inscrite dans la suite créative du Cube, y surlignant par le motif l'association mélancolique du polyèdre et de la mort (les deux œuvres apparaissent sur une même planche dans le Minotaure de 1934). De face et de profil droit, un crâne est reconnaissable, les orifices ronds des yeux suggérant le côté osseux et squelettique. Le profil gauche ne révèle plus que la fente rectangulaire de la bouche dans un volume facetté (elle n'est jamais autant une tête cubique que sous cet angle. Par l'arrière, il semble que le bloc soit une macle et alors, sans-doute, sommes-nous face à la « tête-pierre » de Giacometti : Si je vous regarde en face, j'oublie le profil, si je regarde le profil, j'oublie la face ». La correspondance formelle avec le crâne de cristal qu'il avait vu au musée d'ethnographie du Trocadéro est l'indice d'une probable inspiration directe, Tête cubiste (gravure, 1933, New-York, Moma inv.42.1968) constituant un jalon intermédiaire entre le crâne du Trocadéro et sa sculpture." (Catalogue)

 

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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CONCLUSION.

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L'exposition de Cluny nous révèle de façon argumentée les liens étroits qui existent entre le Crâne-cristal du Quai Branly, le Melencolia I de Dürer, et les trois œuvres d'Alberto Giacometti, la Cage, le Cube, et la Tête-Crâne.

Le crâne est l'élément central. Le cristal est présent sous la forme indirecte du polyèdre, d'une pierre de structuration géométrique. 

La mélancolie est celle qui naît de la méditation devant le crâne, figure de la mort (les Vanités) mais aussi de celle qui naît devant la pierre, le monolithe, la météorite, l'organisation géométrique de la Nature et ses échelles de temps confondante.

La pierre jette l'effroi et place l'artiste devant le défi de le résoudre  ; ce défi n'est relevé que partiellement, sous forme d'une création, et d'un échec imposant de poursuivre l'œuvre.

Pour Giacometti, la pierre est d'abord féminine, amicale, et nostalgique, un être animé des meilleures intentions à mon égard; nous appelant, nous souriant, comme quelqu’un qu’on aurait connu autrefois, aimé et qu’on retrouverait avec une surprise et une joie infinie. Mais c'est ensuite la pierre tombale de la mort du père.

Les deux  fils conducteurs les plus visibles, crâne et cristal, tissent donc les motifs en entrelacs de la Lumière, du Cosmos, de la Mort, du Temps, et de la création artistique. Le Macabre est là, mais se fait discret.

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