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13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 14:56

La météorite d'Ensisheim (1492), le polyèdre de Dürer (1514), le crâne de cristal (XIXe siècle)  et la Tête crâne de Giacometti (1934) : un parcours macabre de l'exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny.

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Voir :

La Mort et le cristal : la Danse macabre (cristal de roche, 2023), et autres œuvres  de Patrick Neu . Exposition Voyage dans le cristal au Musée de Cluny, Paris septembre 2023/janvier 2024.

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PRÉSENTATION.

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Au gré des six salles de l'exposition, et des cartels des œuvres présentées, c'est un étrange  ou macabre voyage qui est proposé au visiteur. Le rapport avec le cristal n'est pas toujours évident, notamment à propos de Dürer et de Giacometti, et c'est bien ces petites énigmes que nous allons tenter de débrouiller. Quand au crâne, et son rapport avec le macabre, central dans mon premier article, nous verrons qu'il tient également une place majeure, mais cachée, pour ces deux artistes.

Je débuterai donc, pour être limpide, par le Crâne de cristal du Quai Branly, avant de partir, tel Indiana Jones, à sa recherche chez Dürer puis Giacometti.

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I. Le crâne de cristal.

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Cette alliance du cristal, pierre de lumière symbole de pureté et d'inaltérabilité, et du crâne, image du memento mori dans les mosaïques romaines ou les Vanités baroques, crée un oxymore troublant, que Patrick Neu a repris dans sa Danse macabre (article précédent).

Il en existe douze autre exemplaires, mais tous n'ont pas cette pureté lumineuse du crâne du Quai Branly. Ce fut la fierté du Musée, comme représentant de l'art des lapidaires atzèques, jusqu'à ce que les analyses  scientifiques du Louvre prouvent qu'il s'agissait d'un faux, provenant d'Allemagne entre 1867 et 1886 et commercialisé par Eugène Boban, comme celui du British Museum et de la Smithsonian Institution.

Cette duperie, qui a triomphé pendant un siècle, est elle-même troublante : elle nous révèle la faillibilté de la science et de l'esprit, leçon d'humilité qui s'ajoute à la certitude de notre destin mortel : vanitas vanitatis et omnia vanitum est précisément le message muet des crânes qui nous fixent de leurs orbites creuses.

La lumière se fait un plaisir de passer comme en se jouant à travers ce crâne jadis si savant et d'en révéler l'ombre, creusée d'un cœur éblouissant.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A2ne_de_cristal

 

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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II. Le crâne de la Melencolia I (1514) d'Albrecht Dürer, et la météorite d'Ensisheim.

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La série macabre se poursuit par cette Mélancolie de Dürer, et si nous n'en étions pas convaincu, nous pourrions nous rappeler que cette gravure appartient à un cycle où figure le Chevalier, La Mort et le Diable (1513), qui est un Memento mori explicite, mais surtout Saint Jérôme pénitent (1496), puisque la retraite érémitique et pénitentielle est une préparation chrétienne à la mort ; et que saint Jérôme tient un caillou dans la main, pour se frapper la poitrine. Le sablier et le crâne sont présents dans les deux premières de ces œuvres, et s'ils sont absents de Jérôme pénitent, ils sont présents dans Saint Jérôme dans sa cellule.

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https://artifexinopere.com/blog/interpr/peintres/durer/saint-jerome/2-la-serie-des-saint-jerome/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Melencolia_I

 

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Melencolia I, Albrecht Dürer 1514.

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Le crâne sur le polyèdre.

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Un crâne est discrètement représenté sur l'une des faces du polyèdre, déformé  comme par une anamorphose. On peut imaginer que la surface polie reflète en une image macabre le visage de  la femme ailée, possible allégorie de la Mélancolie. Ce reflet morbide du soi pourrait être donc ce que contemple d'un regard songeur la femme. Et ce que dessine l'enfant sur sa tablette.

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Le polyèdre et la météorite d'Ensisheim

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%BCrer_et_la_m%C3%A9t%C3%A9orite_d%27Ensisheim

 

 

Le matin du 7 novembre 1492, une météorite de pierre de 127 kg entre à grande vitesse dans l'atmosphère terrestre. La météorite laisse derrière elle une vive trainée lumineuse, avant de s'écraser dans un champ de blé, à proximité de la ville d'Ensisheim, à 22 km au nord de Mulhouse et à 44 km de Bâle. 

Son point de chute  est alors marqué par un cratère de deux mètres de diamètre. Les habitants prélèvent des fragments de cette météorite, en guise d'amulette porte-bonheur. Le bailli  fait suspendre la météorite, comme signe divin de bon augure, dans le chœur de l'église paroissiale. Elle y reste jusqu'en 1793, date à laquelle elle est exposée à la Bibliothèque nationale de Colmar. De nombreux prélèvements sont réalisés : cadeaux pour des visiteurs d'importance, spécimen à analyser pour Ernst Chladni. En 1803, la ville d'Ensisheim la récupère et la replace dans son église. Le 6 novembre 1854, l'église voit son clocher s'effondrer. La météorite fut alors remisée à l'école, puis à l'hôtel de la Régence devenu par la suite l'hôtel de ville. Elle a été divisée en plusieurs morceaux qui se trouvent aujourd'hui pour la plupart d'entre eux dans des musées, dont le Muséum d'Histoire naturelle de Paris, galerie de minéralogie : elle fait partie des chondrites à olivine et hypersthène, du groupe LL6 dans la classification des météorites.

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La chute de cette "pierre de tonnerre"  a été relaté par de nombreux auteurs notamment en 1492 par Sébastien Brant — De fulgerra anni xcii. Sebastianus Brant  — (dont Dürer illustrait alors la Nef des Fous) ou en 1493 dans la Chronique de Nuremberg de Hartmann Schedel : c'est la première chute observée d'une météorite depuis l'invention de l'imprimerie. Certains (W) pensent que Dürer a "assisté" à cette chute ; ou qu'il aurait pu entendre le son, perceptible jusqu'à Bâle, ou enquêter auprès de témoins indirects : son séjour chez des imprimeurs de Bâle est attesté, du moins à l'été 1492.

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Sebastien Brant

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Chroniques de Nuremberg

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Cet évènement a en tout cas frappé  Albrecht Dürer qui l'a représenté dans sa gravure Hexensabbat (date inconnue) et  qui l'a peinte en 1496  au au verso du tableau Saint Jérôme pénitent :  la météorite jaune citron est au centre d'un tourbillon de flammes rouges et grises. 

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Albrecht Dürer, au dos de Saint Jérôme pénitent.

 

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C'est sa traversée incandescente  de l'atmosphère qui est représentée dans le ciel de Melencolia I, au dessus de la chauve-souris portant sur ses ailes le titre.

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Le polyèdre contemplé par l'ange féminin est-il une "représentation idéalisée" de la météorite sosu la forme d'une  structure cristalline ? En tout cas, ce polyèdre est relié au cristal par la commissaire de l'exposition, puisque rien, sinon, ne justifie la présence de cette gravure (dans son exemplaire possédé par le Louvre) dans l'acte IV du parcours :

"À la Renaissance, la maîtrise de la glyptique et la passion de la taille du cristal atteignent une virtuosité jamais égalée. La redécouverte des codes antiques trouve une expression particulièrement perceptible au travers de rondes-bosses et de pièces d’apparat. [...]Parallèlement, les écrits scientifiques de Platon, Aristote et Euclide sont revisités. Luca Pacioli, avec son De Divina Proportione, est une figure centrale de ce mouvement. Dans la peinture et la gravure, les formes et facettes du polyèdre sont transcendées par Paolo Uccello et Albrecht Dürer qui cherchent à déployer les volumes en facettes."

Il a été prouvé que ce polyèdre est "un cube dressé selon sa diagonale, d’abord étiré selon son grand axe puis tronqué en haut et en bas". Le cube est une forme parfaite, comme la sphère posée juste en dessous. 

Jacques Bousquet y consacre un très grand nombre d'articles sur son site artifexinopere, car ce polyèdre est pour lui "avec le carré magique,  l’objet le plus intrigant de la gravure". Dürer n’aurait-il  pas  fait tourner le polyèdre autour de son axe vertical, de manière à ce que l’angelot regarde  dans la direction du rhomboèdre ?

Avec lui, et tous les auteurs dont il relate les calculs, les travaux et les hypothèses, ce polyèdre devient un abîme de réflexion, comme le crâne et son interrogation insondable.

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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III. GIACOMETTI ET LE POLYÈDRE : LE CUBE, LA CAGE, ET LE CRÂNE-CUBE

 

 

Les commissaires de l'exposition nous prennent par la main pour souligner comment Giacometti reprend le polyèdre de Dürer, et sa réflexion mélancolique sur le crâne.

" Quelques années avant Le Cube, Giacometti produit une mélancolie, La Cage, dans laquelle on peut voir un squelette enfermé dans un cristal, nous rappelant sa fascination pour la Melancolia de Dürer. Ce rapprochement formel se double d’un autre point commun, celui d’une expérience initiatique. Le polyèdre de Dürer est une référence à une expérience personnelle extraordinaire. En 1492, Dürer est témoin de la chute de la météorite appelée «Pierre du tonnerre d’Ensisheim».

De son côté, Giacometti évoque le caractère fondateur de la vision d’une pierre dans la montagne suisse de son enfance : Ce fut mon père qui, un jour, nous montra ce monolithe. Découverte énorme, tout de suite je considérai cette pierre comme une amie, un être animé des meilleures intentions à mon égard; nous appelant, nous souriant, comme quelqu’un qu’on aurait connu autrefois, aimé et qu’on retrouverait avec une surprise et une joie infinie ."

La figure de Dürer (découverte dans l'enfance sous l'influence de son père peintre), sa Melencolia, et en particulier son polyèdre renvoie donc à la figure paternelle, Giovanni Giacometti, qui lui appris à dessiner et à modeler.  Alberto découvrit directement Melencolia à l'exposition deu Petit Palais de 1933 sur les estampes de Rembrandt et de Dürer.

La figure maternelle, Anetta Giacometti, est néanmoins centrale,  et elle fut le modèle de nombreuses œuvres peintes ou sculptées.

Giacometti est fasciné par Dürer et son premier dessin exact fut, dès 1915 (à 14 ans) la copie de Le Chevalier, la Mort et le Diable.

 

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1.  "La Table" bronze, 1969, d'après l'original en plâtre, 1933. Centre Pompidou AM1705 S.

"Il appuie son coude sur la table, et reste absorbé dans ses pensées comme un somnambule" (Lautréamont, Les chants de Maldoror)

"Signé et daté par Giacometti, le plâtre fut probablement conçu pour l’« Exposition surréaliste. Sculptures, objets, peintures, dessins » (galerie Pierre Colle, 7-19 juin 1933). C’était, comme le rappelle Giacometti à Pierre Matisse en insistant sur sa fonction d’objet mobilier, « une table pour un couloir » : la conçut-il, déjà entraîné à d’autres commandes de pièces d’ameublement – chenets, vide-poche, cheminée – pour Charles et Marie-Laure de Noailles, qui de fait achètent l’œuvre, le 20 juin, et la placent dans un couloir de leur maison d’Hyères (où elle restera jusqu’en 1951)? Quoi qu’il en soit, en l’exposant galerie Pierre Colle, face à Femme qui marche (1932), il la présente aussi comme une sculpture à part entière. Instabilité ontologique de l’œuvre en effet : à la fois meuble, avec son dos plat s’ajustant au mur et ses objets déposés sur la table, comme l’étaient les bibelots dispersés au-dessus de la cheminée que le sculpteur dessine alors pour l’ensemblier Jean-Michel Franck, et sculpture figurative, offrant un dispositif plastique complexe, très scénographié. Quatre pieds disparates et trop grêles supportent le buste, en forme de pion d’un jeu d’échecs géant, d’une femme à la figure à moitié cachée par un voile, dont le lourd pan menace de déséquilibrer la table ; sur le plateau, devant cette sorte de voyante, sont posés un objet polyédrique (réduction du Cube), un mortier d’alchimiste et une main coupée, motifs récurrents de cette époque de grande angoisse.

Au-delà de la poétique de ce dispositif, qui n’est pas sans posséder la force d’inquiétante étrangeté du Cerveau de l’enfant de De Chirico et qui pourrait presque apparaître comme un « poncif » du surréalisme (la sculpture fut fameuse en son temps, photographiée par Man Ray, exposée à Londres en 1936, reproduite dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme de Breton et Eluard en 1938, etc.), c’est, semble-t-il, un ouvrage de « mélancolie » que dresse encore ici Giacometti, dans l’incertitude du saisissement de la figure humaine, dans son aveuglement. Dans le dessin-poème « le Rideau brun », qu’il livre au Surréalisme au service de la révolution (n° 5, 15 mars 1933), il écrit en place des yeux, au centre d’une figure aveugle : « aucune figure ne m’est aussi étrangère même plus un visage de l’avoir tant regardée, elle s’est fermée sur des marches d’escaliers inconnus ». Le propos ésotérique qu’il expose dans Table s’éclairera dans un dessin, Figure (1935) : la table se déploie comme un cube ouvert, pour faire corps avec un buste féminin enfin dévoilé, tenant un cristal polyédrique. En 1935, Giacometti sera prêt à se dégager des énigmes fantasmatiques de la période surréaliste passée pour revenir à la vision directe de la figure humaine." (Agnès de la Beaumelle)

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De l'autre côté du plateau, Giacometti a posé la main coupée de la femme, un de ses "objets désagréables" qui revet une étrange morbidité, à l'instar des reliquaires parlants du Moyen-Âge. (Catalogue)

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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2. Le polyèdre : "Le Cube", plâtre [1934-1934 ] Centre Pompidou.

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"Le monolithe polyédrique aux douze faces irrégulières – objet de géométrie descriptive et de stéréométrie bien connu pour constituer notamment un des éléments de la Melencolia de Dürer – apparaît à maintes reprises dans l’œuvre de Giacometti des années 1932-1935, comme une citation de la fameuse allégorie gravée du maître allemand, qu’il revoit, en mai 1933, dans une exposition au Petit Palais. Avec ce Cube , qui radicalise la grande colonne polyédrique de Figure (1931-1932), conçue pour le jardin de la villa Noailles à Hyères, et qui annonce sa résolution figurative de Tête-Crâne (1934, AM 1986-58) – les deux œuvres se trouvent côte à côte sur une page de Minotaure , n° 5, mai 1934 –, se pose la question, pour le sculpteur, qui perd son père en juin 1933, de la possibilité ou non d’une apparition de la figure, du saisissement ou non du réel.

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Les pieds dans le plat 1933, 1935, Fondation Giacometti, copie d'écran.

 

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"Étroite association, pleinement mélancolique et récurrente chez Giacometti, du polyèdre et de la tête de mort : déjà un cristal irrégulier, enfermant un pantin-squelette, apparaît sur le dessin de L’Atelier (1932), un caillou de forme identique est posé sur la Table surréaliste (1933, AM 960 S), aux côtés d’une voyante à demi voilée, un autre, à moitié ouvert, apparaît dans la gravure Lunaire (1933), un crâne cristallin polyédrique constitue la Tête gravée (1933-1934, New York, MoMA), un polyèdre irrégulier encercle une figure féminine dans une gravure quasi inédite de la même date ( Giacometti, Le dessin à l’œuvre , cat. exp., Paris, Centre Pompidou / Gallimard, 2001, n° 56), tandis qu’un « objet invisible » polyédrique semble apparaître enfin entre les mains de la grande figure de 1934 : autant d’objets géométriques regardés comme des figures d’énigmes, entachés d’une blancheur lunaire, et associés toujours à des figures comme s’ils en incarnaient le cercueil ou la réduction.

La masse blanche, presque phosphorescente et aux arêtes vives de Cube , qui apparaît à première vue comme un météorite tombé au sol sous l’effet d’on ne sait quel désastre, semble se dématérialiser, s’ouvrir, engageant celui qui regarde à en franchir les parois pour saisir, dans son hallucination, le possible fantomal d’une présence.

Dans la méditation mélancolique du sculpteur, qui vient d’ériger une stèle « cubique » sur la tombe paternelle au cimetière de Borgonovo (*), le Cube , intitulé d’abord par lui Pavillon nocturne (ainsi à l’exposition « Abstrakte Malerei und Plastik, Arp, Ernst, Giacometti, González, Miró », Zurich, 11 octobre-4 novembre 1934), constituerait dès lors le lieu d’apparition / disparition, d’émergence / enfouissement de la figure paternelle : hypothèse étayée encore par la gravure d’un portrait d’homme sur une face d’un des deux exemplaires en bronze du Cube (Zurich, Kunsthaus, Alberto Giacometti Stiftung) (**). À cette méditation se noue étroitement le questionnement, à nouveau crucial pour Giacometti en 1934, sur les perspectives de son travail de sculpteur : l’affrontement devant le modèle avec la tête humaine, qui sera « de retour » définitivement en 1935 avec la Tête-Crâne qui en est la résolution explicite, est ici en gestation. La présentation du Cube à Lucerne (Kunstmuseum, 24 février-31 mars 1935), dans l’exposition « Thèse, antithèse, synthèse », sur un « socle » mobile à quatre pieds coniques (identique à celui qui soutenait en 1927 les Danseurs), socle dont on retrouve plusieurs exemplaires dans les photographies de l’atelier à cette époque, confirme la signification figurative de l’étrange objet géométrique. Ce Cube ainsi finalement nommé, un objet « abstrait » ? « Je le considérais en réalité, dira Giacometti à James Lord, comme une tête »." (Agnès de la Beaumelle)

 

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(*) La tombe de Giovanni et Anetta Giacometti à Borgonovo, Italie :

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(**) Bien sûr, on souhaite voir cette "gravure d'un portrait" grattées à la fin des années 1930 sur la face de la deuxième version du Cube (moulage de la version précédente) , du Kunsthaus de Munich. Elle a été effacée du modèle en plâtre inventaire GS 128 mais est conservé sur le moulage en bronze de 1959, GS 025. Les lignes gravées sont décrites comme "une représentation de l'atelier et à un autoportrait". Mais la photographie proposée ne permet pas de discerner le motif :

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Le Cube, moulage en bronze CS 025, 1959, Kunsthaus, Munich

 

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Le Cube, moulage en bronze, détail

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Inversement, le Cube en plâtre conservé au Centre Pompidou montre des lignes sur trois faces, dont un cercle et une croix.

Le Cube, Centre Pompidou.

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Y-a-t-il un lien entre ces lignes gravées, comparées (pour GS025) à un portrait d'homme, évoquant peut-être la figure paternelle décédée en juin 1933, et le crâne du polyèdre de Dürer ?

Les faces du Cube exposé à Cluny et visibles sans contorsion pour le visiteur ne permettent pas de voir ces gravures.

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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3.  "La Tête-crâne". Terre-cuite chamottée, 1934, Centre Pompidou AM1986-58

https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cxxAeLz

Pour les auteurs de l'exposition, "Ainsi le Cube et la Tête-crâne sont-ils un seul et même geste, qui ancre l'artiste dans une métaphysique poètique du cristal".

"La Tête-crâne est inscrite dans la suite créative du Cube, y surlignant par le motif l'association mélancolique du polyèdre et de la mort (les deux œuvres apparaissent sur une même planche dans le Minotaure de 1934). De face et de profil droit, un crâne est reconnaissable, les orifices ronds des yeux suggérant le côté osseux et squelettique. Le profil gauche ne révèle plus que la fente rectangulaire de la bouche dans un volume facetté (elle n'est jamais autant une tête cubique que sous cet angle. Par l'arrière, il semble que le bloc soit une macle et alors, sans-doute, sommes-nous face à la « tête-pierre » de Giacometti : Si je vous regarde en face, j'oublie le profil, si je regarde le profil, j'oublie la face ». La correspondance formelle avec le crâne de cristal qu'il avait vu au musée d'ethnographie du Trocadéro est l'indice d'une probable inspiration directe, Tête cubiste (gravure, 1933, New-York, Moma inv.42.1968) constituant un jalon intermédiaire entre le crâne du Trocadéro et sa sculpture." (Catalogue)

 

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Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

Exposition Voyage dans le cristal, Musée de Cluny, Paris décembre 2023. Photographie lavieb-aile.

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CONCLUSION.

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L'exposition de Cluny nous révèle de façon argumentée les liens étroits qui existent entre le Crâne-cristal du Quai Branly, le Melencolia I de Dürer, et les trois œuvres d'Alberto Giacometti, la Cage, le Cube, et la Tête-Crâne.

Le crâne est l'élément central. Le cristal est présent sous la forme indirecte du polyèdre, d'une pierre de structuration géométrique. 

La mélancolie est celle qui naît de la méditation devant le crâne, figure de la mort (les Vanités) mais aussi de celle qui naît devant la pierre, le monolithe, la météorite, l'organisation géométrique de la Nature et ses échelles de temps confondante.

La pierre jette l'effroi et place l'artiste devant le défi de le résoudre  ; ce défi n'est relevé que partiellement, sous forme d'une création, et d'un échec imposant de poursuivre l'œuvre.

Pour Giacometti, la pierre est d'abord féminine, amicale, et nostalgique, un être animé des meilleures intentions à mon égard; nous appelant, nous souriant, comme quelqu’un qu’on aurait connu autrefois, aimé et qu’on retrouverait avec une surprise et une joie infinie. Mais c'est ensuite la pierre tombale de la mort du père.

Les deux  fils conducteurs les plus visibles, crâne et cristal, tissent donc les motifs en entrelacs de la Lumière, du Cosmos, de la Mort, du Temps, et de la création artistique. Le Macabre est là, mais se fait discret.

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Published by jean-yves cordier - dans Macabre Sculptures Exposition
7 juillet 2022 4 07 /07 /juillet /2022 22:24

Le photographe dans les pupilles de ses portraits. Le reflet cornéen dans les  portraits de Michel Thersiquel de l'exposition Retour à Pont-Aven, ancien musée de Pont-Aven, 2 juillet au 31 août 2022.

Merci à Cristhine Le Portal pour son accueil animé de toute l'ardeur de son enthousiasme. Elle a numérisé déjà 50 000 des 70 000 à 100 000 clichés du Fonts Thersiquel.

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Voir aussi :

 

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La mise en abyme, rendue si célèbre par les étiquettes de La Vache Qui Rit  est bien connue en peinture, et Daniel Arasse nous a initié à cette recherche des détails si révélateurs, mais dont le charme provient du mystère qu'ils préservent. Ainsi, l'autoportrait de Vélasquez dans Les Ménines, ou du peintre flamand des Époux Arnolfini, reflété par le miroir. Elle est retrouvée bien entendu en photographie.

https://perezartsplastiques.com/2015/03/30/la-mise-en-abyme-dans-lart/

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La douzaine de portraits de Michel Thersiquel exposés aujourd'hui à Pont-Aven par les soins de Cristhine Le Portal peuvent nous passionner à plus d'un titre, mais la présence, dans les pupilles de ses modèles, de la silhouette du photographe (enveloppé par le voile noir) et du quadrillage de la verrière de son atelier de Pont-Aven, au n°2 de la rue Paul-Gauguin, m'a fasciné.

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"Dix portraits ont été sélectionnés, tirés en très grand format, qui sont autant de chocs, par la frontalité du regard, l’eau des yeux qui semblent éclairés de l’intérieur, la sérénité des expressions et la simplicité des attitudes. « Thersi louait une boutique de photographe avec une verrière idéalement exposée pour une lumière rasante, nord-ouest, où il a photographié des gens au bout de très longs contacts. Il lui a parfois fallu des années pour prendre certaines photos ». Cette verrière - et c’est sa marque de fabrique - on la voit se refléter dans la pupille des modèles, de même que la silhouette du photographe. Ces visages relâchés, tranquilles, sont ceux d’hommes et de femmes en paix avec eux-mêmes, respectés pour ce qu’ils sont, sans retouche, qui parlent de confiance et de complicité…" (Le Télégramme 2019, expo à Lorient galerie Le Lieu)

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Dans les yeux de Cécile : le souvenir de l'atelier de Michel Thersiquel.

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Parmi ces portraits, ceux de trois sœurs de Moélan-sur-Mer, trois rousses au visage dévoré par les taches de rousseur, que leurs parents avaient mené chez le photographe de Pont-Aven, nous interpellent.

Et l'une d'elles, Cécile, devenue adulte, nous livre ce témoignage :

"Aujourd’hui, beaucoup d’années ont passé, mais je garde de très beaux souvenirs de cette rencontre.

L’atelier de prise de vue était au dessus de sa boutique, et ressemblait à un grenier plein d’objets. Je me souviens d’une verrière, d’une lumière douce, d’un appareil photo à l’ancienne, avec un grand voile noir derrière lequel il disparaissait. Je me souviens surtout de sa gentillesse, d’un moment heureux et serein.

J’ai toujours eu le sentiment qu’il m’avait fait un très beau cadeau, en faisant ce portrait de mon enfance. »

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Le regard est songeur. Être photographié, c'est une confrontation. À soi. Au regard de l'autre. La large pupille de l'objectif de "l'appareil photo à l'ancienne" vous dévisage. Elle fixe une image que, déjà, vous pressentez comme une trace, un souvenir, elle vous projette à la fois vers votre passé, et vers votre avenir. C'est toujours un peu l'œil de la mort qui se pose sur vous, et fixe son rendez-vous. Ce n'est pas tous les jours qu'on la regarde, les yeux dans les yeux, sous son voile noir, et qu'on la défie.

La tête est légèrement inclinée, c'est un détail mais nous savons bien qu'il est très important, sans trop vouloir savoir pourquoi.

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Regarder quelqu'un, c'est le détacher du fond, et du groupe. Le reconnaître comme un sujet.

Mais ne cadrer que son visage, c'est autre chose. On abandonne sa posture, sa silhouette. 

Mais allons plus loin. Limitons-nous au cadrage des deux yeux. On ne fait jamais cela, c'est singulier. On n'est jamais aussi proche du visage de l'autre, sauf dans l'amour. 

Nous perdons beaucoup, nous nous perdons un peu. Mais nous trouvons beaucoup aussi. Et nous nous troublons, comme dans l'amour. C'est gênant, non ?

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"Cécile, de Moélan-sur-Mer". Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

"Cécile, de Moélan-sur-Mer". Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Les deux yeux sont une paire qu'on ne sépare pas. Ils sont accouplés, comme des bœufs à la charrue,  par le joug formé par l'arc du nez et ses deux branches des sourcils.

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Je cadre sur l'œil droit : je brise le joug,  je franchis une limite, bien au delà de la distance interpersonnelle, de l'espace proxémique nécessaire à l'aisance des relations sociales.  

Je recadre, mais je sors du cadre.

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Je suis aspiré par le puits de l'œil, l'iris, trou de la pupille, comme pour y puiser l'eau de la  Vérité. Mais je me heurte au miroir : la Porte de l'âme est close, est son gardien est le "reflet cornéen".

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Le Reflet cornéen est un petit rectangle de lumière qui se promène, selon l'orientation du regard et celle de la visée, sur le grain de raisin   pupillaire  et sur la couronne irisée (avec ses accidents, ses rayons et ses taches quasi solaires). Matthias Eyer en a étudié l'origine, et la place dans les arts picturaux. C'est lui qui, dans les portraits du Fayoum, rend le regard habité et pétillant. Il disparait ensuite pour revenir sous le pinceau des peintres flamands comme Van Eyck et Robert Campin.

Ainsi, dans le portrait de Hieronymus Holzschuher  d'Albrecht Dürer,

"Sur ce portrait de Dürer, nous voyons nettement que le reflet sur la gauche de la pupille représente une fenêtre avec quatre carreaux. Les reflets prennent en effet la forme de la source lumineuse dont ils sont l’image. Cette forme, bien qu’anamorphosée par la sphéricité de l’œil, permet de spatialiser les sources lumineuses par rapport au personnage. La représentation de l’anamorphose sphérique est assez complexe, ce qui correspond à une certaine recherche de la prouesse technique dans les tableaux de l’époque. Un cas bien connu d’anamorphose sphérique est le reflet au fond de la pièce du tableau de Van Eyck, Les époux Arnolfini."

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Albrecht Dürer. Portrait de Hieronymus Holzschuher, 1526. Huile sur toile, 51 x 37 cm. Berlin, Gemäldegalerie.

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L'œil droit de Cécile. Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

L'œil droit de Cécile. Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Sur le portrait de Cécile, il occupe le quadrant supéro-externe de l'œil,  à cheval sur l'iris et la pupille. L'inclinaison de la tête fait qu'il n'est pas horizontal.

Dans sa limite basse, une zone triangulaire noire émerge : la tête de Thersiquel coiffée du voile.

Derrière, et barrant cette silhouette, une ligne d'horizon grise.

Dans le "ciel", ou la clarté de la verrière, des flèches radiaires sombres, ressemblent à des arbres, mais sont peut-être dus à la claire-voie de la fenêtre.

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L'œil gauche de Cécile. Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

L'œil gauche de Cécile. Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Pouvons-nous aller plus loin dans notre plongée ?

La photo perd de sa netteté, nous basculons, de l'autre côté du miroir, sur une  image picturale, sur un détail de peinture à l'huile d'un maître flamand, ou encore sur un tableau fantastique où un Cerbère surgi des entrailles de la terre nous interdit l'accès à l'Hadès.

Nous ne connaitrons intimement ni Cécile ni Michel, ni leur échange tacite. Ils ne sont présents que par leurs ombres, et leur retrait.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Cécile a deux sœurs. L'une d'elles se prénomme Sylvie.

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Sylvie, de Moélan-sur-Mer, sœur de Cécile et de Béatrice.

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Elle est la sœur de sa sœur par les éphélides, pourtant moins nombreuses.

Mais son port de tête est droit, ses cheveux sont bouclés, sa bouche, fermée, est déterminée. Ses sourcils sont plus sombres et plus fournis. 

Le regard est certes songeur, mais est moins absorbé par le cliché.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Le reflet cornéen est proche des reflets précédents, ce qui est logique puisque les portraits ont certainement été pris à la file.

Le voile noir (je pense immédiatement au très beau livre d'Annie Duperrey racontant la mort de ses parents, et décrivant sa méditation devant les photos de son père Lucien Legras) est simplement à deux bosses.

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Dans cette absorption dans l'entonnoir du zoom, je m'interroge. Jusqu'où pouvons nous aller avant de perdre l'identité du modèle ? 

À partir de quel rapprochement le genre d'un sujet (genre que nous déterminons sans difficulté sur un portrait) ne peut plus être affirmé ? Ce grossissement est-il le même si on cadre l'œil, ou le nez, ou la bouche ?

Si, sur cette vue de l'œil(droit), le genre du sujet se perd, nous pouvons toutefois affirmer le jeune âge de ces modèles. Ce qui sera bien apparent sur les portraits à venir.

Et le charme, ou le caractère ou les différences de personnalité de Sylvie avec Cécile, ont-ils disparus. Il ne me semble pas que ce soit complètement le cas.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Béatrice, la troisième sœur aux taches de rousseur.

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Elle se reconnaît à ses nattes et à ses incisives dévoilées par une bouche en cœur. 

 Des traits enfantins (mais lesquels ? Sur quoi fonder cette assertion) persistent dans un visage qui affirme clairement une autonomie de personnalité, une assurance bien établie.

Comment affirmer son âge, et sa place parmi ses sœurs ?

 

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Copyright https://www.michelthersiquel.bzh/

 

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Le regard est clair, tranquille. Le caractère, remarqué par tous les auteurs, des portraits de Thersiquel, sa marque de fabrique, est que le sujet est entré dans une relation de confiance, dans une complicité par laquelle il se donne dans un abandon de ses défenses.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Les cils, comme chez ses sœurs, sont dirigés vers le bas, y compris sur la paupière supérieure.

Le réseau des vaisseaux de la conjonctive est présent, à la limite de la visibilité, comme un ivoire finement craquelé.

La paupière est un peu plus soulevée que chez ses sœurs, contribuant à une mimique de surprise, d'étonnement : le cercle de l'iris est plus complet.

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Le reflet est toujours rectangulaire, et il barre la moitié supérieure de la pupille. Le spectre de l'homunculus photographicus se dresse, coiffé d'un tricorne, le coude écarté, un peu menaçant. À ses côtés s'élèvent des formes serpentines.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Ingrid, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973.

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Les prénoms sont ceux qui apparaissent en légende du catalogue d'exposition (ici, page 52), mais peuvent avoir été confondus, par exemple ici avec "Sylviane", même page.

Je ne montrerais plus, sauf exception, les portraits complets, pour préserver les risques de l'aventure.

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La tête est inclinée vers la droite. Le regard est très doux, mais sa vivacité est due à un maquillage qui redresse les cils en courbe divergente, et à la sphère pupillaire presque complète.

L'arc du pli palpébral, si important dans la spécificité individuelle et dans l'apparence de jeunesse, est ferme, avec une belle ligne graphique qui se divise  à l'angle intérieur.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'œil droit.

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Le rectangle du  reflet cornéen fient se ficher en coin dans le sommet de la pupille. Le photographe noir est toujours présent bien entendu, sur des grisés formant un paysage montagneux ou du moins mystérieux.

Toutes les pupilles sont dilatées de manière identique depuis le début de notre inspection, témoignant d'une adaptation à une lumière intérieure sans doute tamisée.

L'iris est cerclée d'une ligne sombre.

On voit aussi sur tous les clichés la caroncule de cet angle lacrymal  d'un blanc nacré, dont la brillance donne vie au visage.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'œil gauche.

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Avec ces cils retroussés, l'œil devient la corolle d'une fleur qui vient d'éclore au monde. Une fleur de tournesol, qui se tourne vers le soleil de l'objectif.

C'est un microcosme qui reflète l'uni-vers entier. Il suffirait de s'approcher encore, d'améliorer les performances de mon cliché, un très bon objectif macro, un pied, un retardateur, ou l'accès aux négatifs originaux. Nous pourrions atterrir sur cette planète et l'explorer. Nous descendrions au fond du cratère pupillaire, nous irions au centre de cette terre, nous atteindrions la macula, la "petite tache, le petit point".

Ce point, nous nous en rapprocherions encore, il s'élargirait en une vaste plaine, avec  en son centre, la fovea, "la fosse" une dépression d'un diamètre d'1,5 mm.  En son centre, dans sa partie la plus profonde se trouve la fovéola : c'est précisément sur cette zone que l'image d'un point observé se projette.   Elle contient environ 50 000 photorécepteurs appelés « cônes », qui, stimulés par la lumière, permettent d’obtenir la meilleure précision de vision, la vision des formes, des couleurs, et la vision diurne (de jour). Le champ de vision délivré par la fovéa est d'environ 5° autour du point observé. 

L'acuité visuelle y est maximale. Nous y découvririons, très nette, ce qu'Ingrid est en train de fixer, selon la consigne qui lui a été donnée : l'objectif entouré du voile noir.

Avec  sur cet objectif, le reflet de son visage. Et celui de son œil. Au centre de cet œil, sa propre pupille. Dans laquelle elle vient de plonger, les bras écartés, elle parcours la cavité, elle plane.

D'où son air rêveur.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Sylviane, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973.

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C'est encore le portrait d'une femme à taches de rousseur,  dont Thersiquel s'était fait une spécialité. 

Voir le portrait ici.

Le visage est non plus incliné vers la droite, mais tourné, et de trois-quarts : la pupille gauche vient se placer dans l'angle externe.

La paupière inférieure de l'œil gauche est légèrement éversée.

 

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'œil gauche.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Les yeux d'Anne Bercot née Corrignan, de Lanester.

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La belle aux yeux maquillés pose avec le côté gauche du visage appuyé sur une chambranle. . Je ne sais pas dire pourquoi elle m'évoque, plus encore qu'ailleurs, la peinture flamande. Et plus précisément le Portrait d'une jeune fille de Petrus Christus, peut-être en raison du regard en coin.

La famille Corrignan est parfaitement attestée à Lanester.

https://gw.geneanet.org/acorrignan?lang=fr&m=LIST_IND&pg=1&sz=500

Ces portraits ont été pris entre  1967 et 1973. Ils stimulent forcément chez moi une recherche des traces. Je lui donne environ 30 ans ; elle serait née vers 1940. Elle aurait 88 ans aujourd'hui. Cette pensée m'émeut lorsque  son regard se pose sur moi, teinté de langueur. 

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Portrait d'une jeune fille, Petrus Christus 1470. Cliché retourné.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Petrus Christus Portrait d'une jeune fille, v. 14710. Cliché retourné.

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L'œil droit.

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Le reflet est en rectangle quadrillé, sans doute en raison de stores verticaux, ou de vitres à petits carreaux. Il prend position dans l'angle droit  de la pupille.

L'homme sombre et cagoulé se dissimule.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'œil gauche.

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Les hachures du reflet sont plus nettes encore. Nous pénétrons dans l'atelier. Le photographe est seul face à son modèle, ils échangent les longs discours des yeux, et nous les épions. 

Dans mon imagination, cela ressemble un peu à cela :

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Yvonne de Rostrenen. "Portraits de Pont-Aven 1967-1973".

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Le regard est triste, ou fatigué.

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La pupille est cristalline, mais ponctuée de noir. 

Le reflet rectangulaire occupe le quadrant supérieur droit. Le photographe ou sa chambre ne sont pas visibles.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Lysane Garel, antiquaire. "Portraits de Pont-Aven 1967-1973".

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Identité.

Madame Lysane Garel apparaît dans des annuaires professionnels en 1974 et plus tard, comme antiquaire à Pont-Aven 2 rue des Meunières.

Elle n'a peut-être pas de rapport avec une madame Lysane-France Garel antiquaire à Paris, et dont un acte signale qu'elle a acquis le droit au bail de deux boutiques au Village Suisse. Cet acte mentionne Mame Geneve, née Garel Lysane-France.

On ne sait pas s'il faut faire un rapprochement avec Lysane-France Garel, Hennebont 5 septembre 1914 – Lorient 9 mars 2002.

Enfin, on trouve sous ce nom de Lysane-France Garel une résistante, épouse de Jean Bouguennec dit Francis Garel, né le 25 juillet 1912 à Saint-Éloy (Finistère) et exécuté le 14 septembre 1944 à Buchenwald, est pendant la Seconde Guerre mondiale, un agent français du Special Operations Executive, section F (française), qui fut chargé de monter et diriger le réseau BUTLER, dans la Sarthe. "Le 16 juin 1934, il épouse Lysane France Garel, à Sartrouville. (mariage dissous le 17/01/1944 par la 2e chambre du tribunal civil de La Seine)" https://wikimonde.com/article/Jean_Bouguennec

Lysane France Garel, Joinville-le-Pont, Seine, France. Lysane, du réseau de Jean Bouguennec à Paris, convoquée par la Gestapo au 84 avenue Foch, se refugiera à Brissarthe dans l'Indre, cachera son amie Bariatinsky, qui travaillait à Radio ici Paris, et Hans bernd Gebhart (Sculpteur) Juif Allemand qui avait fui l'Allemagne nazie pour se refugier à Paris. C'est Claude Jamet, des Editions Balzac (ex Calmann-Levy) qui a mis la maison à la disposition de Lysane qui travaillait pour lui.

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Les yeux.

 

Le muscle releveur de la paupière supérieur se relâche. La paupière s'affaisse sur l'angle nasal de l'œil droit. La paupière recouvre presque la moitié de l'iris, et vient tangenter la pupille. 

Mais le visage est bienveillant ; on devine presque le moment où vous entrez dans son magasin, et qu'elle vous accueille avec un demi sourire, en cherchant ce qu'elle peut faire pour vous.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Le bord inférieur de la paupière supérieure est gonflé.

La paupière inférieure est éversée, et sur son rebord, nous pourrions presque discerner les pores des glandes de Meibomius.

Le reflet cornéen strié de sa verrière  est fiché comme une carte de visite (celle du photographe) dans le pot de fleur de la pupille.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Devant l'œil gauche, le voile noir a la forme d'un château médiéval.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'homme au regard sombre. Michel Chazé, crépier à Landerneau ? Portraits de Pont-Aven 1967-1973.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'œil droit.

L'iris est si noir que la pupille s'y confond. Le reflet est rectangulaire, légèrement bombé en son bord supérieur, et il est complété par une virgule claire. 

Une fois de plus, nous retrouvons la verrière, et le triangle noir, statue du Commandeur dans sa cape de deuil.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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L'œil gauche.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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La femme ridée aux yeux plissés.

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Tous les signes du grand âge sont là : le grand appareil des rides, l'appauvrissement et l'éclaircissement des sourcils, la pauvreté des cils, la chute de la paupière supérieure, le rétrécissement et  la fermeture de la fente palpébrale : l'œil n'est plus qu'une étroite boutonnière derrière laquelle le bouton rond de la pupille n'apparaît qu'à peine. Mais cette pupille a gardé toute sa jeunesse, elle attrape le reflet cornéen aussi complètement que jadis, un beau rectangle bien lumineux semblable à une bannière de vitalité.

Oui, ces pupilles, derrière la prison du vieillissement, accrochent notre regard et ne le lâchent pas, comme elles le faisaient, voici une cinquantaine d'année,  devant l'objectif du jeune Michel.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Les deux reflets sont différents. Sur l'œil droit, un ballon noir s'affiche, au bout de sa ficelle.

Sur l'œil gauche, les montants verticaux de la verrière sont bien visibles,  tandis que le voile noir de la chambre adopte une drôle de forme, à deux bosses.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Louise Raoul, "la femme aux cheveux défaits" "Portraits de Pont-Aven" 1972.

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"La femme aux cheveux défaits Couturière à Pont-Aven à quelques mètres de l’atelier de Michel Thersiquel, Louise Raoul entend parler du renom grandissant du jeune artiste. Thersiquel racontait lui-même qu’il fermait souvent boutique pour aller boire le café et discuter avec Louise. Cela a duré des mois, construisant un lien intime de confiance entre eux.

Louise a alors accepté de se faire photographier dans l’atelier de Thersiquel, là-haut, sous la verrière dont on voit le reflet dans ses lunettes. Elle pose plusieurs fois, le regard malicieux ou rêveur, parfois triste. Elle sourit sans forcer, nostalgique ou fière. Les cheveux défaits, les mains noueuses, elle se revendique sans fard. Pourtant, jamais une vieille femme ne se serait montrée, même chez elle, les cheveux ainsi offerts. Jamais, même devant un membre de sa famille. On se coiffe, on se prépare, longuement, et on se couvre. C’est une très vieille tradition, une question de dignité.

« Quelle honte, si le facteur venait à la surprendre « en cheveux » », écrit l’historienne et philosophe Mona Ozouf de sa grand-mère avec laquelle elle a vécu. C’est dire si cette photographie de Michel Thersiquel est iconoclaste et intrigante. Lui seul était capable de capter ainsi l’impossible sans jamais pourtant faire violence à la personnalité puisqu’au contraire, il lui rend hommage." (dossier de presse de l'Exposition de Brest)

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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Derrière le cerclage des lunettes de la couturière, je tente de découvrir le coin de l'œil, usé par les travaux d'aiguille. J'éclaircis mon cliché, et je vois apparaître l'iris, attendrissant comme un animal aux aguets, et aussi le reflet de la monture des lunettes formant un arc sur la pupille, et enfin le reflet cornéen à l'extrême droite.

Je ressens une grande émotion en traquant ces détails, semblable à celle d'Ulysse au chant XI de l'Odyssée, la Nekuia, lorsqu'il se penche sur la fosse carrée et se met à l'écoute des morts.

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Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.

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SOURCES ET LIENS.

—SITE DU FONDS THERSIQUEL :

https://www.michelthersiquel.bzh/

— "Les trois sœurs de Pont-Aven" (ou plutôt de Moélan-sur-Mer)

https://www.michelthersiquel.bzh/storage/thersiliens/THERSILIEN-21-BD.pdf

https://www.michelthersiquel.bzh/portfolio/les-portraits-serres

— Dossier de presse de l'exposition "A hauteur d'hommes" à Brest.

https://musee.brest.fr/fileadmin/imported_for_brest/fileadmin/Sites_dedies/Musee/Documents/expositions_temporaires/17_A_hauteur_d_homme/Dossier_pedagogique_ahauteurdhomme.pdf

https://musee.brest.fr/fileadmin/imported_for_brest/fileadmin/Sites_dedies/Musee/Documents/expositions_temporaires/17_A_hauteur_d_homme/Jeu_de_piste_2nd_degre_A_hauteur_d_homme.pdf

https://musee.brest.fr/fileadmin/imported_for_brest/fileadmin/Sites_dedies/Musee/Documents/expositions_temporaires/17_A_hauteur_d_homme/Livret_jeu_A_hauteur_d_homme.pdf

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— EYER (Matthias), 2016, Les reflets cornéens, un miroir ouvert sur l'âme. mémoire de Master ENS

https://www.ens-louis-lumiere.fr/sites/default/files/2017-08/Eyer_Cine_2016.pdf

Les époux Arnolfini : "Sur ce tableau, van Eyck a usé de logique quant aux reflets cornéens. L’homme, dos à la fenêtre, n’a pas de reflet alors que la femme sur la droite regarde vers la fenêtre et a donc un léger point lumineux dans l’œil. La compréhension de l'éclairage est ainsi nécessaire à la représentation des reflets cornéens. Cette touche dans l’œil vient soutenir un propos naturaliste très présent dans la peinture classique flamande. Les globes oculaires peuvent entraîner des reflets sur les côtés, permettant la spatialisation de sources lumineuses tant horizontalement que verticalement."

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Les époux Arnolfini (détail), Jan Van Eyck (1434)

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Au XVème siècle l’utilisation des reflets cornéens gagne l’Italie, notamment via le peintre Antonello de Messine qui avait appris auprès de maîtres flamands. Antonello de Messine. Portrait d’homme, dit « le condottiere », 1475. Huile sur toile, 36 x 30 cm. Paris, musée du Louvre.

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Antonello da Messina Le Condottiere (détail) Wikipedia

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Le reflet cornéen en peinture tend à se banaliser, mais tous les peintres n’utilisent pas des reflets cornéens pour autant. C’est notamment le cas de Léonard de Vinci, qui peignait souvent sous une lumière tamisée, procurant ainsi une douceur dans le regard. Le peintre entend ainsi montrer que l’usage de réflexions dans les yeux doit être motivé et réfléchi, pour ne pas être une simple habitude. Les reflets dans les yeux pourraient donc être vecteurs de sens dans une image et renseigner le spectateur sur les personnages représentés.

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2/ Dans la bande dessinée et le manga.

Dans la bande dessinée, les reflets dans les yeux peuvent être utilisés pour renseigner sur l’état d’esprit du personnage. Cela est notamment vrai dans le manga qui n’hésite pas à s’affranchir des limites du réalisme en représentant des yeux très grands. Dans les mangas pour jeunes filles, les shōjo mangas, les reflets dans les yeux sont poussés à leur paroxysme pour accentuer les sentiments des personnages amoureux. Les sentiments sont ainsi amplifiés de façon baroque et grandiloquente.

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3/ Dans la photographie.

Les brillances dans les yeux sont très utilisées dans les photographies de publicité, notamment afin d’embellir un modèle. Les yeux peuvent être une partie très retouchée dans une photographie de portrait publicitaire. Sur ce type d’images fixes, la postproduction peut aller jusqu’à rajouter des brillances. Dans les portraits de publicité et les « beauty shots », la peau est souvent rendue moins nette pour masquer des imperfections cutanées. Cependant les yeux, qui attirent le regard, seront en général rendus plus contrastés ou agrandis. Nombreuses sont les vidéos dévoilant les nombreuses retouches que subit un visage pour une photographie publicitaire, et nous y percevons notamment toute la finesse du travail sur les yeux. Dans la plupart de ces démonstrations, l’œil est une partie très retouchée, tant en termes de contraste, de colorimétrie que de luminosité. Le regard étant attiré par les zones les plus lumineuses d’une image, une brillance permettra de concentrer davantage l’attention du spectateur, qui regardera ainsi plus intensément l’affiche publicitaire.

Dans le photojournalisme, le reflet cornéen est également présent, car naturellement présent : le ciel ou toute source de lumière présente dans le champ de vision est susceptible de créer un reflet cornéen. Bien souvent les portraits issus du photojournalisme utilisent le ciel comme principale source de brillance dans les yeux, permettant ainsi au spectateur d’imaginer l’environnement de la personne photographiée. Le reflet cornéen étant assez présent et fréquent, c’est également son absence qui peut participer à la valeur d’une image

Citons le photographe russe Dmitry Ageev, qui a notamment beaucoup travaillé sur divers types de reflets pour ses portraits. Le regard étant le principal point de convergence du regard du spectateur, cela lui permet de donner à chacun de ses modèles une personnalité propre, tout en se différenciant des clichés esthétiques du genre.

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Published by jean-yves cordier - dans Exposition

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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