Le photographe dans les pupilles de ses portraits. Le reflet cornéen dans les portraits de Michel Thersiquel de l'exposition Retour à Pont-Aven, ancien musée de Pont-Aven, 2 juillet au 31 août 2022.
Merci à Cristhine Le Portal pour son accueil animé de toute l'ardeur de son enthousiasme. Elle a numérisé déjà 50 000 des 70 000 à 100 000 clichés du Fonts Thersiquel.
.
Voir aussi :
.
La mise en abyme, rendue si célèbre par les étiquettes de La Vache Qui Rit est bien connue en peinture, et Daniel Arasse nous a initié à cette recherche des détails si révélateurs, mais dont le charme provient du mystère qu'ils préservent. Ainsi, l'autoportrait de Vélasquez dans Les Ménines, ou du peintre flamand des Époux Arnolfini, reflété par le miroir. Elle est retrouvée bien entendu en photographie.
https://perezartsplastiques.com/2015/03/30/la-mise-en-abyme-dans-lart/
.
La douzaine de portraits de Michel Thersiquel exposés aujourd'hui à Pont-Aven par les soins de Cristhine Le Portal peuvent nous passionner à plus d'un titre, mais la présence, dans les pupilles de ses modèles, de la silhouette du photographe (enveloppé par le voile noir) et du quadrillage de la verrière de son atelier de Pont-Aven, au n°2 de la rue Paul-Gauguin, m'a fasciné.
.
.
"Dix portraits ont été sélectionnés, tirés en très grand format, qui sont autant de chocs, par la frontalité du regard, l’eau des yeux qui semblent éclairés de l’intérieur, la sérénité des expressions et la simplicité des attitudes. « Thersi louait une boutique de photographe avec une verrière idéalement exposée pour une lumière rasante, nord-ouest, où il a photographié des gens au bout de très longs contacts. Il lui a parfois fallu des années pour prendre certaines photos ». Cette verrière - et c’est sa marque de fabrique - on la voit se refléter dans la pupille des modèles, de même que la silhouette du photographe. Ces visages relâchés, tranquilles, sont ceux d’hommes et de femmes en paix avec eux-mêmes, respectés pour ce qu’ils sont, sans retouche, qui parlent de confiance et de complicité…" (Le Télégramme 2019, expo à Lorient galerie Le Lieu)
.
Dans les yeux de Cécile : le souvenir de l'atelier de Michel Thersiquel.
.
Parmi ces portraits, ceux de trois sœurs de Moélan-sur-Mer, trois rousses au visage dévoré par les taches de rousseur, que leurs parents avaient mené chez le photographe de Pont-Aven, nous interpellent.
Et l'une d'elles, Cécile, devenue adulte, nous livre ce témoignage :
"Aujourd’hui, beaucoup d’années ont passé, mais je garde de très beaux souvenirs de cette rencontre.
L’atelier de prise de vue était au dessus de sa boutique, et ressemblait à un grenier plein d’objets. Je me souviens d’une verrière, d’une lumière douce, d’un appareil photo à l’ancienne, avec un grand voile noir derrière lequel il disparaissait. Je me souviens surtout de sa gentillesse, d’un moment heureux et serein.
J’ai toujours eu le sentiment qu’il m’avait fait un très beau cadeau, en faisant ce portrait de mon enfance. »
.
Le regard est songeur. Être photographié, c'est une confrontation. À soi. Au regard de l'autre. La large pupille de l'objectif de "l'appareil photo à l'ancienne" vous dévisage. Elle fixe une image que, déjà, vous pressentez comme une trace, un souvenir, elle vous projette à la fois vers votre passé, et vers votre avenir. C'est toujours un peu l'œil de la mort qui se pose sur vous, et fixe son rendez-vous. Ce n'est pas tous les jours qu'on la regarde, les yeux dans les yeux, sous son voile noir, et qu'on la défie.
La tête est légèrement inclinée, c'est un détail mais nous savons bien qu'il est très important, sans trop vouloir savoir pourquoi.
.
.
Regarder quelqu'un, c'est le détacher du fond, et du groupe. Le reconnaître comme un sujet.
Mais ne cadrer que son visage, c'est autre chose. On abandonne sa posture, sa silhouette.
Mais allons plus loin. Limitons-nous au cadrage des deux yeux. On ne fait jamais cela, c'est singulier. On n'est jamais aussi proche du visage de l'autre, sauf dans l'amour.
Nous perdons beaucoup, nous nous perdons un peu. Mais nous trouvons beaucoup aussi. Et nous nous troublons, comme dans l'amour. C'est gênant, non ?
.
"Cécile, de Moélan-sur-Mer". Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Les deux yeux sont une paire qu'on ne sépare pas. Ils sont accouplés, comme des bœufs à la charrue, par le joug formé par l'arc du nez et ses deux branches des sourcils.
.
Je cadre sur l'œil droit : je brise le joug, je franchis une limite, bien au delà de la distance interpersonnelle, de l'espace proxémique nécessaire à l'aisance des relations sociales.
Je recadre, mais je sors du cadre.
.
Je suis aspiré par le puits de l'œil, l'iris, trou de la pupille, comme pour y puiser l'eau de la Vérité. Mais je me heurte au miroir : la Porte de l'âme est close, est son gardien est le "reflet cornéen".
.
Le Reflet cornéen est un petit rectangle de lumière qui se promène, selon l'orientation du regard et celle de la visée, sur le grain de raisin pupillaire et sur la couronne irisée (avec ses accidents, ses rayons et ses taches quasi solaires). Matthias Eyer en a étudié l'origine, et la place dans les arts picturaux. C'est lui qui, dans les portraits du Fayoum, rend le regard habité et pétillant. Il disparait ensuite pour revenir sous le pinceau des peintres flamands comme Van Eyck et Robert Campin.
Ainsi, dans le portrait de Hieronymus Holzschuher d'Albrecht Dürer,
"Sur ce portrait de Dürer, nous voyons nettement que le reflet sur la gauche de la pupille représente une fenêtre avec quatre carreaux. Les reflets prennent en effet la forme de la source lumineuse dont ils sont l’image. Cette forme, bien qu’anamorphosée par la sphéricité de l’œil, permet de spatialiser les sources lumineuses par rapport au personnage. La représentation de l’anamorphose sphérique est assez complexe, ce qui correspond à une certaine recherche de la prouesse technique dans les tableaux de l’époque. Un cas bien connu d’anamorphose sphérique est le reflet au fond de la pièce du tableau de Van Eyck, Les époux Arnolfini."
.
.
.
L'œil droit de Cécile. Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Sur le portrait de Cécile, il occupe le quadrant supéro-externe de l'œil, à cheval sur l'iris et la pupille. L'inclinaison de la tête fait qu'il n'est pas horizontal.
Dans sa limite basse, une zone triangulaire noire émerge : la tête de Thersiquel coiffée du voile.
Derrière, et barrant cette silhouette, une ligne d'horizon grise.
Dans le "ciel", ou la clarté de la verrière, des flèches radiaires sombres, ressemblent à des arbres, mais sont peut-être dus à la claire-voie de la fenêtre.
.
L'œil gauche de Cécile. Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Pouvons-nous aller plus loin dans notre plongée ?
La photo perd de sa netteté, nous basculons, de l'autre côté du miroir, sur une image picturale, sur un détail de peinture à l'huile d'un maître flamand, ou encore sur un tableau fantastique où un Cerbère surgi des entrailles de la terre nous interdit l'accès à l'Hadès.
Nous ne connaitrons intimement ni Cécile ni Michel, ni leur échange tacite. Ils ne sont présents que par leurs ombres, et leur retrait.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Cécile a deux sœurs. L'une d'elles se prénomme Sylvie.
.
Sylvie, de Moélan-sur-Mer, sœur de Cécile et de Béatrice.
.
Elle est la sœur de sa sœur par les éphélides, pourtant moins nombreuses.
Mais son port de tête est droit, ses cheveux sont bouclés, sa bouche, fermée, est déterminée. Ses sourcils sont plus sombres et plus fournis.
Le regard est certes songeur, mais est moins absorbé par le cliché.
.
.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Le reflet cornéen est proche des reflets précédents, ce qui est logique puisque les portraits ont certainement été pris à la file.
Le voile noir (je pense immédiatement au très beau livre d'Annie Duperrey racontant la mort de ses parents, et décrivant sa méditation devant les photos de son père Lucien Legras) est simplement à deux bosses.
.
Dans cette absorption dans l'entonnoir du zoom, je m'interroge. Jusqu'où pouvons nous aller avant de perdre l'identité du modèle ?
À partir de quel rapprochement le genre d'un sujet (genre que nous déterminons sans difficulté sur un portrait) ne peut plus être affirmé ? Ce grossissement est-il le même si on cadre l'œil, ou le nez, ou la bouche ?
Si, sur cette vue de l'œil(droit), le genre du sujet se perd, nous pouvons toutefois affirmer le jeune âge de ces modèles. Ce qui sera bien apparent sur les portraits à venir.
Et le charme, ou le caractère ou les différences de personnalité de Sylvie avec Cécile, ont-ils disparus. Il ne me semble pas que ce soit complètement le cas.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Béatrice, la troisième sœur aux taches de rousseur.
.
Elle se reconnaît à ses nattes et à ses incisives dévoilées par une bouche en cœur.
Des traits enfantins (mais lesquels ? Sur quoi fonder cette assertion) persistent dans un visage qui affirme clairement une autonomie de personnalité, une assurance bien établie.
Comment affirmer son âge, et sa place parmi ses sœurs ?
.
.
Le regard est clair, tranquille. Le caractère, remarqué par tous les auteurs, des portraits de Thersiquel, sa marque de fabrique, est que le sujet est entré dans une relation de confiance, dans une complicité par laquelle il se donne dans un abandon de ses défenses.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Les cils, comme chez ses sœurs, sont dirigés vers le bas, y compris sur la paupière supérieure.
Le réseau des vaisseaux de la conjonctive est présent, à la limite de la visibilité, comme un ivoire finement craquelé.
La paupière est un peu plus soulevée que chez ses sœurs, contribuant à une mimique de surprise, d'étonnement : le cercle de l'iris est plus complet.
.
Le reflet est toujours rectangulaire, et il barre la moitié supérieure de la pupille. Le spectre de l'homunculus photographicus se dresse, coiffé d'un tricorne, le coude écarté, un peu menaçant. À ses côtés s'élèvent des formes serpentines.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Ingrid, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973.
.
Les prénoms sont ceux qui apparaissent en légende du catalogue d'exposition (ici, page 52), mais peuvent avoir été confondus, par exemple ici avec "Sylviane", même page.
Je ne montrerais plus, sauf exception, les portraits complets, pour préserver les risques de l'aventure.
.
La tête est inclinée vers la droite. Le regard est très doux, mais sa vivacité est due à un maquillage qui redresse les cils en courbe divergente, et à la sphère pupillaire presque complète.
L'arc du pli palpébral, si important dans la spécificité individuelle et dans l'apparence de jeunesse, est ferme, avec une belle ligne graphique qui se divise à l'angle intérieur.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'œil droit.
.
Le rectangle du reflet cornéen fient se ficher en coin dans le sommet de la pupille. Le photographe noir est toujours présent bien entendu, sur des grisés formant un paysage montagneux ou du moins mystérieux.
Toutes les pupilles sont dilatées de manière identique depuis le début de notre inspection, témoignant d'une adaptation à une lumière intérieure sans doute tamisée.
L'iris est cerclée d'une ligne sombre.
On voit aussi sur tous les clichés la caroncule de cet angle lacrymal d'un blanc nacré, dont la brillance donne vie au visage.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'œil gauche.
.
Avec ces cils retroussés, l'œil devient la corolle d'une fleur qui vient d'éclore au monde. Une fleur de tournesol, qui se tourne vers le soleil de l'objectif.
C'est un microcosme qui reflète l'uni-vers entier. Il suffirait de s'approcher encore, d'améliorer les performances de mon cliché, un très bon objectif macro, un pied, un retardateur, ou l'accès aux négatifs originaux. Nous pourrions atterrir sur cette planète et l'explorer. Nous descendrions au fond du cratère pupillaire, nous irions au centre de cette terre, nous atteindrions la macula, la "petite tache, le petit point".
Ce point, nous nous en rapprocherions encore, il s'élargirait en une vaste plaine, avec en son centre, la fovea, "la fosse" une dépression d'un diamètre d'1,5 mm. En son centre, dans sa partie la plus profonde se trouve la fovéola : c'est précisément sur cette zone que l'image d'un point observé se projette. Elle contient environ 50 000 photorécepteurs appelés « cônes », qui, stimulés par la lumière, permettent d’obtenir la meilleure précision de vision, la vision des formes, des couleurs, et la vision diurne (de jour). Le champ de vision délivré par la fovéa est d'environ 5° autour du point observé.
L'acuité visuelle y est maximale. Nous y découvririons, très nette, ce qu'Ingrid est en train de fixer, selon la consigne qui lui a été donnée : l'objectif entouré du voile noir.
Avec sur cet objectif, le reflet de son visage. Et celui de son œil. Au centre de cet œil, sa propre pupille. Dans laquelle elle vient de plonger, les bras écartés, elle parcours la cavité, elle plane.
D'où son air rêveur.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
.
Sylviane, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973.
.
C'est encore le portrait d'une femme à taches de rousseur, dont Thersiquel s'était fait une spécialité.
Le visage est non plus incliné vers la droite, mais tourné, et de trois-quarts : la pupille gauche vient se placer dans l'angle externe.
La paupière inférieure de l'œil gauche est légèrement éversée.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'œil gauche.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Les yeux d'Anne Bercot née Corrignan, de Lanester.
.
La belle aux yeux maquillés pose avec le côté gauche du visage appuyé sur une chambranle. . Je ne sais pas dire pourquoi elle m'évoque, plus encore qu'ailleurs, la peinture flamande. Et plus précisément le Portrait d'une jeune fille de Petrus Christus, peut-être en raison du regard en coin.
La famille Corrignan est parfaitement attestée à Lanester.
https://gw.geneanet.org/acorrignan?lang=fr&m=LIST_IND&pg=1&sz=500
Ces portraits ont été pris entre 1967 et 1973. Ils stimulent forcément chez moi une recherche des traces. Je lui donne environ 30 ans ; elle serait née vers 1940. Elle aurait 88 ans aujourd'hui. Cette pensée m'émeut lorsque son regard se pose sur moi, teinté de langueur.
.
.
.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
.
L'œil droit.
.
Le reflet est en rectangle quadrillé, sans doute en raison de stores verticaux, ou de vitres à petits carreaux. Il prend position dans l'angle droit de la pupille.
L'homme sombre et cagoulé se dissimule.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'œil gauche.
.
Les hachures du reflet sont plus nettes encore. Nous pénétrons dans l'atelier. Le photographe est seul face à son modèle, ils échangent les longs discours des yeux, et nous les épions.
Dans mon imagination, cela ressemble un peu à cela :
.
.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Yvonne de Rostrenen. "Portraits de Pont-Aven 1967-1973".
.
Le regard est triste, ou fatigué.
.
.
La pupille est cristalline, mais ponctuée de noir.
Le reflet rectangulaire occupe le quadrant supérieur droit. Le photographe ou sa chambre ne sont pas visibles.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Lysane Garel, antiquaire. "Portraits de Pont-Aven 1967-1973".
.
Identité.
Madame Lysane Garel apparaît dans des annuaires professionnels en 1974 et plus tard, comme antiquaire à Pont-Aven 2 rue des Meunières.
Elle n'a peut-être pas de rapport avec une madame Lysane-France Garel antiquaire à Paris, et dont un acte signale qu'elle a acquis le droit au bail de deux boutiques au Village Suisse. Cet acte mentionne Mame Geneve, née Garel Lysane-France.
On ne sait pas s'il faut faire un rapprochement avec Lysane-France Garel, Hennebont 5 septembre 1914 – Lorient 9 mars 2002.
Enfin, on trouve sous ce nom de Lysane-France Garel une résistante, épouse de Jean Bouguennec dit Francis Garel, né le 25 juillet 1912 à Saint-Éloy (Finistère) et exécuté le 14 septembre 1944 à Buchenwald, est pendant la Seconde Guerre mondiale, un agent français du Special Operations Executive, section F (française), qui fut chargé de monter et diriger le réseau BUTLER, dans la Sarthe. "Le 16 juin 1934, il épouse Lysane France Garel, à Sartrouville. (mariage dissous le 17/01/1944 par la 2e chambre du tribunal civil de La Seine)" https://wikimonde.com/article/Jean_Bouguennec
Lysane France Garel, Joinville-le-Pont, Seine, France. Lysane, du réseau de Jean Bouguennec à Paris, convoquée par la Gestapo au 84 avenue Foch, se refugiera à Brissarthe dans l'Indre, cachera son amie Bariatinsky, qui travaillait à Radio ici Paris, et Hans bernd Gebhart (Sculpteur) Juif Allemand qui avait fui l'Allemagne nazie pour se refugier à Paris. C'est Claude Jamet, des Editions Balzac (ex Calmann-Levy) qui a mis la maison à la disposition de Lysane qui travaillait pour lui.
.
Les yeux.
Le muscle releveur de la paupière supérieur se relâche. La paupière s'affaisse sur l'angle nasal de l'œil droit. La paupière recouvre presque la moitié de l'iris, et vient tangenter la pupille.
Mais le visage est bienveillant ; on devine presque le moment où vous entrez dans son magasin, et qu'elle vous accueille avec un demi sourire, en cherchant ce qu'elle peut faire pour vous.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Le bord inférieur de la paupière supérieure est gonflé.
La paupière inférieure est éversée, et sur son rebord, nous pourrions presque discerner les pores des glandes de Meibomius.
Le reflet cornéen strié de sa verrière est fiché comme une carte de visite (celle du photographe) dans le pot de fleur de la pupille.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Devant l'œil gauche, le voile noir a la forme d'un château médiéval.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'homme au regard sombre. Michel Chazé, crépier à Landerneau ? Portraits de Pont-Aven 1967-1973.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'œil droit.
L'iris est si noir que la pupille s'y confond. Le reflet est rectangulaire, légèrement bombé en son bord supérieur, et il est complété par une virgule claire.
Une fois de plus, nous retrouvons la verrière, et le triangle noir, statue du Commandeur dans sa cape de deuil.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
L'œil gauche.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
La femme ridée aux yeux plissés.
.
Tous les signes du grand âge sont là : le grand appareil des rides, l'appauvrissement et l'éclaircissement des sourcils, la pauvreté des cils, la chute de la paupière supérieure, le rétrécissement et la fermeture de la fente palpébrale : l'œil n'est plus qu'une étroite boutonnière derrière laquelle le bouton rond de la pupille n'apparaît qu'à peine. Mais cette pupille a gardé toute sa jeunesse, elle attrape le reflet cornéen aussi complètement que jadis, un beau rectangle bien lumineux semblable à une bannière de vitalité.
Oui, ces pupilles, derrière la prison du vieillissement, accrochent notre regard et ne le lâchent pas, comme elles le faisaient, voici une cinquantaine d'année, devant l'objectif du jeune Michel.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Les deux reflets sont différents. Sur l'œil droit, un ballon noir s'affiche, au bout de sa ficelle.
Sur l'œil gauche, les montants verticaux de la verrière sont bien visibles, tandis que le voile noir de la chambre adopte une drôle de forme, à deux bosses.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Louise Raoul, "la femme aux cheveux défaits" "Portraits de Pont-Aven" 1972.
.
"La femme aux cheveux défaits Couturière à Pont-Aven à quelques mètres de l’atelier de Michel Thersiquel, Louise Raoul entend parler du renom grandissant du jeune artiste. Thersiquel racontait lui-même qu’il fermait souvent boutique pour aller boire le café et discuter avec Louise. Cela a duré des mois, construisant un lien intime de confiance entre eux.
Louise a alors accepté de se faire photographier dans l’atelier de Thersiquel, là-haut, sous la verrière dont on voit le reflet dans ses lunettes. Elle pose plusieurs fois, le regard malicieux ou rêveur, parfois triste. Elle sourit sans forcer, nostalgique ou fière. Les cheveux défaits, les mains noueuses, elle se revendique sans fard. Pourtant, jamais une vieille femme ne se serait montrée, même chez elle, les cheveux ainsi offerts. Jamais, même devant un membre de sa famille. On se coiffe, on se prépare, longuement, et on se couvre. C’est une très vieille tradition, une question de dignité.
« Quelle honte, si le facteur venait à la surprendre « en cheveux » », écrit l’historienne et philosophe Mona Ozouf de sa grand-mère avec laquelle elle a vécu. C’est dire si cette photographie de Michel Thersiquel est iconoclaste et intrigante. Lui seul était capable de capter ainsi l’impossible sans jamais pourtant faire violence à la personnalité puisqu’au contraire, il lui rend hommage." (dossier de presse de l'Exposition de Brest)
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
Derrière le cerclage des lunettes de la couturière, je tente de découvrir le coin de l'œil, usé par les travaux d'aiguille. J'éclaircis mon cliché, et je vois apparaître l'iris, attendrissant comme un animal aux aguets, et aussi le reflet de la monture des lunettes formant un arc sur la pupille, et enfin le reflet cornéen à l'extrême droite.
Je ressens une grande émotion en traquant ces détails, semblable à celle d'Ulysse au chant XI de l'Odyssée, la Nekuia, lorsqu'il se penche sur la fosse carrée et se met à l'écoute des morts.
.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
Michel Thersiquel, "Portraits de Pont-Aven" 1967-1973. Photographie lavieb-aile ... de la photographie exposée en juillet 2022.
.
.
SOURCES ET LIENS.
—SITE DU FONDS THERSIQUEL :
https://www.michelthersiquel.bzh/
— "Les trois sœurs de Pont-Aven" (ou plutôt de Moélan-sur-Mer)
https://www.michelthersiquel.bzh/storage/thersiliens/THERSILIEN-21-BD.pdf
https://www.michelthersiquel.bzh/portfolio/les-portraits-serres
— Dossier de presse de l'exposition "A hauteur d'hommes" à Brest.
https://musee.brest.fr/fileadmin/imported_for_brest/fileadmin/Sites_dedies/Musee/Documents/expositions_temporaires/17_A_hauteur_d_homme/Dossier_pedagogique_ahauteurdhomme.pdf
https://musee.brest.fr/fileadmin/imported_for_brest/fileadmin/Sites_dedies/Musee/Documents/expositions_temporaires/17_A_hauteur_d_homme/Jeu_de_piste_2nd_degre_A_hauteur_d_homme.pdf
https://musee.brest.fr/fileadmin/imported_for_brest/fileadmin/Sites_dedies/Musee/Documents/expositions_temporaires/17_A_hauteur_d_homme/Livret_jeu_A_hauteur_d_homme.pdf
.
.
— EYER (Matthias), 2016, Les reflets cornéens, un miroir ouvert sur l'âme. mémoire de Master ENS
https://www.ens-louis-lumiere.fr/sites/default/files/2017-08/Eyer_Cine_2016.pdf
Les époux Arnolfini : "Sur ce tableau, van Eyck a usé de logique quant aux reflets cornéens. L’homme, dos à la fenêtre, n’a pas de reflet alors que la femme sur la droite regarde vers la fenêtre et a donc un léger point lumineux dans l’œil. La compréhension de l'éclairage est ainsi nécessaire à la représentation des reflets cornéens. Cette touche dans l’œil vient soutenir un propos naturaliste très présent dans la peinture classique flamande. Les globes oculaires peuvent entraîner des reflets sur les côtés, permettant la spatialisation de sources lumineuses tant horizontalement que verticalement."
.
.
.
Au XVème siècle l’utilisation des reflets cornéens gagne l’Italie, notamment via le peintre Antonello de Messine qui avait appris auprès de maîtres flamands. Antonello de Messine. Portrait d’homme, dit « le condottiere », 1475. Huile sur toile, 36 x 30 cm. Paris, musée du Louvre.
.
.
Le reflet cornéen en peinture tend à se banaliser, mais tous les peintres n’utilisent pas des reflets cornéens pour autant. C’est notamment le cas de Léonard de Vinci, qui peignait souvent sous une lumière tamisée, procurant ainsi une douceur dans le regard. Le peintre entend ainsi montrer que l’usage de réflexions dans les yeux doit être motivé et réfléchi, pour ne pas être une simple habitude. Les reflets dans les yeux pourraient donc être vecteurs de sens dans une image et renseigner le spectateur sur les personnages représentés.
.
2/ Dans la bande dessinée et le manga.
Dans la bande dessinée, les reflets dans les yeux peuvent être utilisés pour renseigner sur l’état d’esprit du personnage. Cela est notamment vrai dans le manga qui n’hésite pas à s’affranchir des limites du réalisme en représentant des yeux très grands. Dans les mangas pour jeunes filles, les shōjo mangas, les reflets dans les yeux sont poussés à leur paroxysme pour accentuer les sentiments des personnages amoureux. Les sentiments sont ainsi amplifiés de façon baroque et grandiloquente.
.
3/ Dans la photographie.
Les brillances dans les yeux sont très utilisées dans les photographies de publicité, notamment afin d’embellir un modèle. Les yeux peuvent être une partie très retouchée dans une photographie de portrait publicitaire. Sur ce type d’images fixes, la postproduction peut aller jusqu’à rajouter des brillances. Dans les portraits de publicité et les « beauty shots », la peau est souvent rendue moins nette pour masquer des imperfections cutanées. Cependant les yeux, qui attirent le regard, seront en général rendus plus contrastés ou agrandis. Nombreuses sont les vidéos dévoilant les nombreuses retouches que subit un visage pour une photographie publicitaire, et nous y percevons notamment toute la finesse du travail sur les yeux. Dans la plupart de ces démonstrations, l’œil est une partie très retouchée, tant en termes de contraste, de colorimétrie que de luminosité. Le regard étant attiré par les zones les plus lumineuses d’une image, une brillance permettra de concentrer davantage l’attention du spectateur, qui regardera ainsi plus intensément l’affiche publicitaire.
Dans le photojournalisme, le reflet cornéen est également présent, car naturellement présent : le ciel ou toute source de lumière présente dans le champ de vision est susceptible de créer un reflet cornéen. Bien souvent les portraits issus du photojournalisme utilisent le ciel comme principale source de brillance dans les yeux, permettant ainsi au spectateur d’imaginer l’environnement de la personne photographiée. Le reflet cornéen étant assez présent et fréquent, c’est également son absence qui peut participer à la valeur d’une image
Citons le photographe russe Dmitry Ageev, qui a notamment beaucoup travaillé sur divers types de reflets pour ses portraits. Le regard étant le principal point de convergence du regard du spectateur, cela lui permet de donner à chacun de ses modèles une personnalité propre, tout en se différenciant des clichés esthétiques du genre.
.
.