Les ailes des moulins de "Pontaven[t]" et le nom de Pont-Aven selon Proust : un malentendu au départ ?
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Voir :
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Chacun connait sans doute la rêverie onomastique de Proust concernant Pont-Aven, et la citation figure en grandes lettres au Musée de cette ville :
"Pont-Aven, envolée blanche et rose de l’aile d’une coiffe légère qui se reflète en tremblant dans une eau verdie de canal." (Recherche du temps perdu ed. Pleiade I, Nom de Pays : le Nom, Du côté de chez Swann, 1913, page 382).
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Pourtant, si nous nous référons aux avant-textes, nous lisons (< > désigne un ajout) : (c'est moi qui surligne en gras) :
1.« Comment ce rêve, cette douce image < en camaïeu > blanche de Lamballe, cette image fraîchement verdie de Pontaven, obscurément murmurante de Quimperlé elles existent. [...] Pont Aven, aile blanche et rose et d’une coiffe bre (trégorroise ?) qui tremble au vent et se reflète dans l’eau secrète et verdie de ta rivière, entre les ailes des moulins, Ponta Ven Benodet, noms à peine amarrés < aux >, noms qui flottent entre les algues, Quimperlé qui ruisselle s’emperle [...] » (Cahier 29, f° 25r° ) ;
Ou pour le même cahier, la transcription de C. Quémar où les mots et les phrases barrés par Proust sont en italique. Les ratures successives sont séparées par des barres obliques. 2) Les additions sont placées entre soufflets : < >. 3) Les crochets droits [ ] encadrent un fragment de mot restitué par l'éditeur, ou bien un mot ajouté par lui pour une meilleure compréhension. 4) Le passage d'un folio à l'autre est indiqué dans le texte par une double barre verticale. L'indication du folio figure à hauteur dans la marge. 5) La ponctuation est toujours respectée. :
" Comment ce rêve, cette douce image blanche en camaïeu blanc de Lamballe, cette image fraîchement verdie de Pontaven, obscurément murmurante de Quimperlé elles existent. [...] Pont Aven, aile blanche et rose et d’une coiffe bre (trégoroise ?) qui tremble au vent et se reflète dans l’eau secrète et verdie de ta rivière, entre les ailes des moulins, Ponta Ven Benodet, noms à peine amarrés , noms qui flottent entre les algues, Quimperlé qui ruisselle s’emperle [...] Pont Aven Quimperlé il va y avoir un moment réel de ma vie, demain presque à l'heure du dîner où f° 26r° j'entrerai, Quimperlé, dans le || gazouillis emperlé de vos charmes du moyen-âge, de vos délices romans, restés si divinement frais, où, Pontaven, sauté en bas du wagon, je respirerai enfin l'air qui circule entre vos syllabes et les fait tourner doucement, toutes verdies — Pont-Aven... — comme les ailes de vos moulins. […] Et de là nous irions aux pays poétiques (PEUT-ÊTRE METTRE ICI PONTAVEN ETC. APRÈS AVOIR MIS VITRE) nous irions aux pays poétiques, passant en souriant en jetant sur le chemin un sourire à ces lieux naïfs qui y sont éparpillés [tels] que de blanches oies, comme des béjaunes, de vulgaires auberges, Pontorson, Questambert! < METTRE ICI SEULEMENT LES NOMS BRETONS > "
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2. « [...] j’arrivais enfin < un soir à aux Pontaven, à Benodet à Quimperlé ! > : Pont Aven, aile légère d’une coiffe légère blanche et rose qui se reflète en tremblant dans l’eau < secrète et > verdie de la rivière, aux sept moulins < de Benodet >, où < Quimperlé, Benodet [en marge] > Pontaven, Benodet, noms à peine amarrés que semble vouloir entraîner la rivière au milieu de ses algues, Quimperlé mieux assis fixé [...] » (Cahier 32, f° 9r° )
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3.«[...] Même à Pontaven comment retrouver l'atmosphère verdie par la sonorité unie de la dernière syllabe [...]» (Cahier 32, f° 15r° ).
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4.« [...] < Benodet, nom à peine amarré que semble vouloir entraîner la rivière au milieu de ses algues, Pontaven aile envolée blanche et rose de l’aile d’une coiffe légère qui se reflète en tremblant dans l’eau verdie en tremblant dans une eau verdie d’un canal, [en marge] > [...] » (Cahier 20, N. a. fr. 16660, f° 8r° ).
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Le cahier 29 et le cahier 32, sont datés par C. Quémar de 1910 : "ces brouillons datent d'une époque où le roman proustien avait déjà bien progressé dans son voyage au long cours (qui a dû commencer pendant le premier semestre de 1909). Il est probable qu'ils ont été rédigés tous les deux en 1910."
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Remarques.
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1°) Dans le cahier 29, Proust fait une erreur notable en évoquant dans son premier avant-texte "les ailes des moulins", puisque les 14 moulins proverbiaux de Pont-Aven sont des moulins à eau, et non à vent. Les meules sont entrainées par des roues verticales, et non par des ailes. Les moulins sont situés sur le cours de l'Aven ou de ses affluents.
Il est probable à mes yeux que Proust ne connaissait cette ville que par ces lectures, qu'il ne l'a jamais visité (*), qu'il situait même d'abord Bénodet et Pont-Aven sur la même rivière et que sa connaissance de ces villes ne se basait que sur la lecture des guides Joanne. Lisant dans l'édition de 1905 "nombreux moulins", il aurait imaginé des moulins à vent.
(*) C. Quémard est convaincue du contraire, tandis que S. Kawamoto est sceptique. Certes Marcel séjourna à Beg-Meil, au Finistère sud, en septembre - octobre 1895, mais il ne reverra plus la Bretagne malgré les aspirations dont témoignent ses lettres, sauf lors d’une visite à Saint-Malo, Dinard et Dinan après une croisière autour du Cotentin en août 1904.
Dès les brouillons suivants, il corrige cette erreur, mais conserve l'image des moulins, désormais au nombre de sept. Pourtant, ces moulins ne participent plus (sauf dans la trace mnésique du premier brouillon) à l'évocation du vent, qui est, nous allons le voir, centrale avec la reprise de "l'aile légère d'une coiffe légère", laquelle, en dépit de l'absence de toute logique, "se reflète en tremblant dans l'eau secrète et verdie de la rivière". Seules, dans la réalité, pourraient se refléter dans l'eau de la rivière les roues des moulins, à moins d'imaginer une bretonne en coiffe penchée au dessus du pont.
Claudine Quémar, pour expliquer cette bévue, imagine que cette mention dans les guides des moulins de Pont-Aven, associée à l'image sonore du vent, a attiré ici un paysage de Hollande, ses moulins à vent, et ses canaux.
Ce qui expliquerait la présence d'un canal dans le troisième brouillon. Par celui-ci (qui dissimule la Hollande), la trace des moulins à vent persiste en filigrane. (S. Kawamoto ouvre la possibilité que ce "canal" puisse désigner en réalité le "bief" d'un moulin, même si celui-ci a totalement disparu de la citation.)
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2°) La deuxième "erreur" est encore plus surprenante et témoigne elle aussi des connaissances purement livresques de Proust. Car, si on croit Claudine Quémar, la métaphore centrale du nom de Pont-Aven est le vent. Ses arguments sont extrêmement convaincants, presque imparables, mais ils supposent que Marcel Proust prononçait, dans sa lecture du nom, celui-ci comme Pontavant et non comme Pontavène ( en phonétique : pɔ̃.ta.vɑ̃ et non la forme correcte pɔ̃.ta.vɛn).
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Ce qui montre une méconnaissance totale du lieu, de son environnement, de sa vocation, et une incompréhension ou un refus de l'étymologie (très simple) du toponyme, "Pont-Aven", le pont sur la rivière Aven. Ce n'est pas un hasard si il écrit le plus souvent Pontaven, un peu comme Pouliquen et Ségalen, Rosporden et Elven [in], sans se douter des particularités des prononciations bretonnes où Kernascleden et Pont-Aven requièrent le [ènn] et Tréffendel le [an].
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C. Quémar souligne que Proust orthographie « Benodet » au lieu de Bénodet, et elle y voit à l’origine une assonance en [ɛn] avec « Pont-Aven». Kawamoto 2015 renvoie à son étude exhaustive sur les correspondances phonétiques et graphiques entre les « Noms », où il note un « Questambert » au lieu de Questembert.
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Voici ce que nous apprend Erwan Vallerie :
"En français, -en se prononce [an]. Que ceux qui en douterait prennent la peine de voir ce qu'il en est dans la phrase suivante : j'ai entendu cent fois la sentence de ces gens qui vilipendent le renvoi d'ascenseur mais n'en pensent pas moins". Fort bien, dira-t-on, mais examen, lichen. ? Eh oui, il existe quelques mots français où -en se prononce [in] ; examen, pentagone, benjoin ... et quelques autres où il se prononce [ènn] : lichen, abdomen, pollen ... mais ces mots ont tous un point commun : ils n'appartiennent pas au vieux fonds roman de la langue : ce sont des mots savants empruntés à diverses époques au latin ou au grec, parfois à d'autres langues."
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Revenons à la réflexion de C. Quémar :
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"On aura remarqué le jeu graphique auquel Proust se livre sur ce Nom dans cet avant-texte I. Il l'écrit en effet de quatre manières différentes : outre la graphie correcte « Pont-Aven » et celle très proche de « Pont Aven », on trouve « Pontaven » (qui pourrait s'expliquer par une simple négligence, à la rigueur), mais aussi « Ponta Ven » (car il n'y a là aucun doute possible quant au déchiffrement : la syllabe « Ven » est nettement séparée et commence bien par une majuscule). De ces quatre manières d'écrire le Nom, la plus intéressante est évidemment cette dernière : « Ponta Ven », parce que la plus fantaisiste; donc la plus ludique; et par là même la plus significative : celle qui montre à l'évidence l'importance pour Proust des éléments proprement phoniques du Nom. Cette graphie isole dans « PontAven » la syllabe « ven », au mépris et de l'étymologie, et de la réalité géographique qui la fonde; c'est-à-dire en détruisant, en faisant éclater le Nom de la rivière sur laquelle est située la ville, l'Aven. Ainsi détachée, affectée d'une majuscule, bref devenue autonome, la syllabe « Ven » prend une valeur sonore nouvelle [va] (et non plus [van]), grâce à laquelle elle évoque irrésistiblement l'idée du « vent ». Rapprochement qui par ailleurs est favorisé sur le plan visuel par la présence des mêmes lettres dans l'unité « Ven » et le vocable « vent ». Or dans l'image de Pont-Aven, telle qu'elle se dessine et s'organise au fil de l'avant-texte I, nous avions constaté la prédominance précisément du sème « vent ». Si ce sème se développe par la suite à travers des expressions diverses (« l'air qui circule » et « fait tourner » les syllabes comme des ailes de moulin), notons qu'il est introduit d'abord, et très vite, par le signifiant « vent » lui-même : « qui tremble au vent ». Il nous semble donc assez manifeste que le traitement ludique auquel l'écrivain a soumis le Nom de « Pont-Aven », dans l'écriture ou/et dans l'imaginaire, a fait de la ville, à la lettre, un « pont » sur une rivière, que balaye le « vent » : un pont où souffle un vent perpétuel, « Ponta Ven », « Pont a Ven », « Pont à Vent »."
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Le rapprochement de "pontaven" avec "vent" est-il d'abord sonore, ce qui suppose une méconnaissance de la prononciation usuelle, ou visuelle en glissant de la graphie pontaven à pontavent, le pont aux vents faisant tourner les ailes des moulins ?
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Il est quand même amusant, et même ironique, que le logo littéraire formé par Proust —et que la ville revendique comme une bannière— trouve sa source cachée sur une image fantasmée de l'envol d'une coiffe sur fond d'un plat pays où le vent fait tourner les ailes de moulins ... à vent. Et sur une prononciation erronée du toponyme. Et sur un rejet , par fragmentation/destructuration de ce dernier (Pont-Aven devenant Ponta -Ven prononcé Ponta-Vent), de la rivière Aven, laquelle ne subsiste que dans l'image d'un canal aux eaux verdies, suprême flétrissure faite à l'image touristique d'une rivière capricieuse traversant la ville en rebondissant entre de gros blocs arrondis de granite, traversée par des passerelles secrètes, alimentant des lavoirs, des biefs complexes et les roues de moulins aux pierres dorées.
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Je souhaite seulement souligner ce paradoxe, pour le plaisir du sourire intérieur qu'il suscite.
Aller plus avant, c'est explorer le champ immense et passionnant de la critique littéraire concernant ces rêveries onomastiques. Je vous ai conduit au seuil.
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COMPLÉMENTS.
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1°) Consulter les manuscrits (cliquez).
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3°) Si Le chemin de fer arrive dans le sud de la Bretagne et le Finistère le 8 septembre 1863, lors de l'ouverture de la section de Lorient à Quimper, via la gare de Quimperlé, la ligne Quimperlé-Concarneau ne fut mise en service par tronçons que de 1903 à 1909. Les 21 km de Quimperlé à Pont-Aven furent mises en service en mars 1903. Pont-Aven n'était pas desservie par le train lors du séjour de Proust à Beg-Meil.
En 2021, Kasuyoshi Yoshikawa a montré comment les références de Proust à la Peinture (Giotto, Watteau, Botticelli, Mantegna, Vermeer, etc. etc.) trouvaient leur support dans les reproductions de monographies des " Grands artistes" publiés chez Laurens. Mais il ajoute :
"Qu'il s'agisse de tableaux ou d'autres objets de rêverie, l'événement déterminant n'est pas la première rencontre [avec le tableau, l'objet], mais son ressouvenir après des années d'oubli. Les plus belles rêveries ne sont pas le fruit de l'expérience du pays réel, mais le produit de l'indicateur de chemin de fer. C'est à l'évocation du train d'"une heure vingt-deux que le jeune protagoniste se berce des plus beaux rêves poétiques sur plusieurs villes de Normandie et de Bretagne" (RTP,I,381-382)
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Pourtant ce train qui combine les itinéraires du Chemin de fer de l'Ouest et ceux de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O) est entièrement fictif. Voici la citation :
« J’aurais voulu prendre dès le lendemain le beau train généreux d’une heure vingt-deux dont je ne pouvais jamais sans que mon cœur palpitât lire, dans les réclames des Compagnies de chemin de fer, dans les annonces de voyages circulaires, l’heure de départ : elle me semblait inciser à un point précis de l’après-midi une savoureuse entaille, une marque mystérieuse à partir de laquelle les heures déviées conduisaient bien encore au soir, au matin du lendemain, mais qu’on verrait, au lieu de Paris, dans l’une de ces villes par où le train passe et entre lesquelles il nous permettait de choisir ; car il s’arrêtait à Bayeux, à Coutances, à Vitré, à Questembert, à Pontorson, à Balbec, à Lannion, à Lamballe, à Bénodet, à Pont-Aven, à Quimperlé, et s’avançait magnifiquement surchargé de noms qu’il m’offrait et entre lesquels je ne savais lequel j’aurais préféré, par impossibilité d’en sacrifier aucun. Mais sans même l’attendre, j’aurais pu en m’habillant à la hâte partir le soir même, si mes parents me l’avaient permis, et arriver à Balbec quand le petit jour se lèverait sur la furieuse, contre les écumes envolées de laquelle j’irais réfugier dans l’église de style persan.[« Du coté de chez Swann, III ». Page.378, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris 2009. ] »
"Donc nous partirions simplement de Paris par ce train de une heure vingt-deux que je m'étais plu trop longtemps à chercher dans l'indicateur des chemins de fer où il me donnait chaque fois l'émotion, presque la bienheureuse illusion du départ, pour ne pas me figurer que je le connaissais."
Le narrateur le reconnaît :
"bien que [son] exaltation eût pour motif un désir de jouissances artistiques, les guides l'entretenaient encore plus que les livres d'esthétiques, et, plus que les guides, l'indicateur de chemin de fer." (RTP,I)
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Et je me plais à penser que le narrateur Marcel, grand amateur de jeunes laitières, puisait l'inspiration de ses rêveries dans les indicateurs, mais aussi dans les affiches des compagnies ferroviaires :
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2°) Présence ou absence de la synopsie ? Blanc, rose et vert.
La synopsie, c'est selon Robert une " forme de synesthésie appelée aussi audition colorée dans laquelle le sujet perçoit un son associé à une couleur déterminée."
Elle est associée au cratylisme dont Proust se réclame dans sa théorie des Noms Propres. Si nous nous référons au propos de Socrate dans le Cratyle de Platon " Tous les objets n’ont-ils pas une forme et un son ; la plupart n’ont-ils pas aussi une couleur ? [...] Ne penses-tu pas que chaque objet a son essence, aussi bien que sa couleur et que les autres qualités dont nous venons de parler ? Et d’abord la couleur et le son n’ont-ils pas eux-mêmes leur essence, ainsi que toutes les autres choses qui méritent le nom d’êtres ?" (Trad. Victor Cousin)
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Son influence sur la rêverie onomastique proustienne suppose donc que l'auteur ait entendu ("audition") un interlocuteur prononcer le nom "Pont-Aven". Cette hypothèse peut être exclue, ou presque, car un locuteur breton aurait respectée la prononciation en usage.
À moins de l'appliquer à la prononciation intérieure que suscite la lecture. Mais dans ce cas, l'audition ne peut être séparée de la vision.
Plutôt que de synopsie, il faudrait parler de cratylisme : chaque Nom Propre a une forme, un son, et parfois une couleur.
Proust choisit (ou ressent) trois couleurs : le blanc, le rose et le vert.
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Le blanc et le rose.
Les deux premières qualifient l'envolée de l'aile de la coiffe. Elle sont liées (suscitées ?) à une image féminine. Dans La Recherche, ces couleurs, et notamment le rose, sont extrêmement communes et liées aux aubépines, à la sensualité et la sexualité. Elles sont donc très peu propres à Pont-Aven.
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Le vert.
Le vert est affaibli par le choix de la forme "verdie" des cinq textes. Gérard Genette a remarqué le lien phonique avec "ven", et
le Cahier 32 (f° 15 r°) prouve bien que c'est à la dernière syllabe « ven » que se rattache le sème du « vert » : « Même à Pontaven comment retrouver l'atmosphère verdie par la sonorité unie de la dernière syllabe ». Proust semble hésitee entre plusieurs prononciations de cette fameuse dernière syllabe et y entendre désormais le son [vɛ] de vert, qui se répète en triple assonance au cahier 29 dans « image fraîchement verdie de Pontaven ».
Selon Jean-Paul Richard, la couleur verte est reliée chez Proust aux notions de fraicheur, d'éclairement, de clarté lumineuse.
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Pour C. Quémar, (note 48) Proust qui pratiquait les Guides Joanne a pu lire par exemple cette présentation de Pont-Aven dans l'Itinéraire général de la France : la Bretagne de Paul Joanne (Hachette, 1904, p. 350) : « Pont-Aven [...] est bâti dans une charmante situation, au fond d'une vallée agreste, dont les coteaux boisés et verdoyants sont de-ci, de-là hérissés de blocs de granit. La rivière, aux eaux vives et limpides, arrive à Pont-Aven à travers les charmants ombrages du Bois d'Amour; elle court dans un lit encombré de gros rochers arrondis et d'Ilots touffus. Sur ses bords se succèdent sans interruption des moulins, ombragés d'aulnes et de peupliers, fort pittoresques avec leurs vieilles roues, leurs vannes [...] ». Signalons toutefois que dans ce guide (comme dans d'autres) Quimperlé est présenté comme un lieu tout aussi verdoyant : comme « l'Arcadie de la Basse-Bretagne».
Mais si Proust a lu ce texte, il n'a aucune raison de croire que Pont-Aven soit remarquable par ses moulins à vent. À moins qu'il n'en ait mémorisé que ces qualificatifs soulignant la fraîcheur, les ombrages verdoyants, en oubliant les eaux limpides (et non "verdies") et .. les vieilles roues des moulins.
L'influence de ces guides est attestée :
« Et, bien que mon exaltation eût pour motif un désir de jouissances artistiques, les guides l’entretenaient encore plus que les livres d’esthétique et, plus que les guides, l’indicateur des chemins de fer» (RTP, I, p. 384)
Dans une lettre de juillet 1907, on trouve une mention avec quelques noms bretons, mais sans précisions de titre ni de série : «Princesse, demander des titres à moi qui ne lis rien depuis des années, que des guides Joanne, des géographies, des annuaires de châteaux, tout ce qui me permet de combiner des voyages, de rechercher des villes et... de ne pas partir" (Cf. Corr., VII, p. 224. Lettre datée du « 20 ou peu après » juillet 1907 à Mme de Caraman-Chimay
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SOURCES ET LIENS.
— QUÉMAR (Claudine), 1977, "Rêverie(s) onomastique(s) proustienne(s) à la lumière des avant-textes", Littérature pp.77-99.
https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1977_num_28_4_2077
— JOANNE (Paul), 1909, Bretagne, les routes les plus fréquentées. Un volume, 224 pages ; 11 cartes, 6 plans. In-32.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529707v/f342.item.texteImage.zoom
— JOANNE (Adolphe), RICHARD,1905, Guide du voyageur en France. Réseau de l'Ouest. 2 volumes in-16
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57014397/f158.item.r=pont%20aven.zoom#
— KAWAMOTO (Shinya), 2016, "La réalité géographique de la rêverie onomastique : Proust, lecteur de Guides-Joanne et de Par les champs et par les grèves" , Gallia. 55 P.75-P.84
https://ir.library.osaka-u.ac.jp/repo/ouka/all/61961/gallia_55_075.pdf
— KAWAMOTO (Shinya), 2015, Poétique toponymique proustienne ̶ l’organisation des noms de villes dans la rêverie onomastique », Gallia, no 54, bulletin de l’université d’Osaka, 2015.
— RICHARD (Jean-Pierre), 1974, , Proust et le monde sensible, Seuil, page 77.
— VALLERIE (Erwan), La prononciation des noms de lieux bretons.
http://bcd.bzh/becedia/fr/la-prononciation-des-noms-de-lieux-bretons
—s.n. Marcel Proust et ses trains imaginaires et réels.
https://trainconsultant.com/2019/04/21/marcel-proust-et-ses-trains-imaginaires-et-reels/
— S.n, Marcel Proust le plus enivrant des romans d'amour, l'indicateur des chemins de fer.
https://marcel-proust.com/extrait/701
— SITE DE PONT-AVEN ; LES MOULINS
https://www.pontaven.fr/Les-moulins
"Le Finistère a compté jusqu’à 3000 moulins à eau dont des moulins à farine, à poudre, à huile, à papier, à tan, à teiller le lin, à foulon, des scieries, des usines électriques et environ 600 moulins à vent et une centaine de moulin à marée.
Parmi tous les sujets d’étonnement que procure aux voyageurs le site de Pont-Aven, le plus frappant était certainement l’accumulation, en un espace restreint, d’un nombre imposant de moulins. "Bro goz ar milinou, le vieux pays des moulins" ou « Pont-Aven, ville de renom, 14 moulins, 15 maisons. » En amont et en aval du pont principal s’échelonnaient une quinzaine de moulins. Ainsi bien avant les peintres, ce sont les moulins et leur étonnante concentration qui ont fait la réputation de Pont-Aven.
Descendant des Montagnes noires, l’Aven voit sa course ralentie par d‘énormes blocs de granit formant des barrages naturels. Profitant de cette situation idéale, de nombreux moulins se sont installés et ont travaillé à plein régime jusqu’au début du XXème siècle – le dernier a fermé en 1925. Une minoterie perpétue encore la tradition des meuniers à Pont-Aven. Les ouvrages de pierre et aménagements ingénieux du cours de l’Aven composés de biefs, chaussées, déversoirs… sont un ensemble hydraulique sans doute unique en Bretagne."
— MOULIN A PAPIER KERMENTEC
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/moulin-a-papier-kermentec-pont-aven/4b86c252-6cb9-4e6e-9fef-9e20447a13ab
— LES 14 MOULINS DE PONT-AVEN
https://www.deconcarneauapontaven.com/decouvrir/moulins-pont-aven/#:~:text=Les%20moulins%20proches%20du%20viaduc%20de%20Pont%2DAven&text=Plus%20connu%20sous%20le%20nom,voie%20de%20chemin%20de%20fer.&text=Il%20a%20%C3%A9galement%20%C3%A9t%C3%A9%20peint,au%20Mus%C3%A9e%20de%20Pont%2DAven.