J'avais observé les chenilles des zygènes, puis le moment où elles se transformaient en chrysalides en construisant leur étui de papier-maïs : un rappel par deux images :
... et deux liens :Les Zygènes : premières chenilles, premières chrysalides.
; Noces chez les Zygènes de la filipendule : usurpation.
Depuis une semaine, les chrysalides sont sorties de leur diapause, et les jeunes zygènes ont émergé, laissant derrière elles l'habit noir-goudron pour endosser une superbe tenue à pois.
Crozon, l'Aber, 17 mai 2011
Mais alors qu' il vient juste d'émerger, ce mâle tient encore ses ailes verticalement, laissant voir le verso d'un beau carmin. ( Avec cet adjectif, nous restons dans l'entomologie puisqu'il vient de l'arabe kirmiz, "cochenille", cette couleur étant fabriquée à partir de ces insectes)
Plus tard, il ira compter fleurette aux demoiselles, ce qui nous permettra de compter les points : pour identifier les zygènes, c'est très important de savoir compter les points. Cinq, c'est Zygaena trifolii,même si ses taches sont souvent confluentes. Six, c'est Zygaena filipendula, moins courante en Bretagne, et plus tardive.
J'avais donné comme étymologie du nom zygène le grec zugos, le joug, mais le CNRTL (Trésor de la langue française ) après m'avoir appris que les zygènes étaient les seuls insectes à survivre dans "le flacon de cyanure traditionnel des entomologistes" en raison de l'imprégnation de leur tissus par l'acide cyanhydrique, due elle-même au liquide qu'elles sécrètent par la base de leur trompe et qui est hautement toxique, signale que le nom zygène est d'abord utilisé en ichtyologie pour désigner le requin marteau, depuis 1572. Les grecs puis les latins n'utilisaient le mot (zugaina ou zygaena) que pour désigner ce "poisson", et ce n'est que par analogie que Fabricius créa en 1775 le terme entomologique zygaena , repris en français par Cuvier dans son Histoire Naturelle de 1798 sous la forme zygène.
Crozon, Aber, 17 05 11: Zygaena trifolii.
Il convient de ne pas les confondre avec l'Ecaille du sénéçon, la Goutte-de-sang, ou... Carmin, Tyria jacobaeae (Linnaeus, 1758).
Crozon, dunes de Goulien, 17 mai 2011
L'écaille du séneçon, comme son nom l'indique, et comme l'indique aussi Linné dans sa description de 1758 (Habitat in Jacobaea senecionis) pond ses oeufs sur le sénéçon de Jacobée, où on peut découvrir (ici le 28 mai) ses chenilles "pilosa, albo (sic) luteoque annulata ", velue, avec des anneaux noirs et jaunes :
L'étymologie du nom scientifique est simple pour l'épithète spécifique jacobaea.
Pour expliquer le nom de genre, relisons l' Histoire Naturelle de Pline l'Ancien, ou tout du moins cet extrait : " La pourpre la plus estimée est, en Asie, celle de Tyr. " Le nom Tyra est une tournure à la grecque pour dire "Tyrien, venant de Tyr", rendant hommage à la superbe cape pourpre de ce papillon. Dans l'antiquité, le Pourpre de Tyr était un privilège de l'élite car la couleur qui avait fait la richesse de la cité phénicienne atteignait des prix exorbitants, mais partiellement justifiés par son origine. En effet, la teinture était fabriquée à partir d'un coquillage, un murex, Bolinus brandaris, et on dit qu'il fallait 12000 murex pour obtenir 1,5 gramme de pigment. Le port de vêtements teintés de pourpre était régi par des lois somptuaires.