Les panneaux de Don Quichotte par Jean Mosnier (vers 1635) au château de Cheverny.
Voir :
Les devises latines botaniques du château de Cheverny.
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Les 300 000 ou 350 000 visiteurs annuels du château de Cheverny pénètrent en premier lieu, par sa Galerie, dans la Salle à manger où, en jour d'affluence, ils tournent à la queue-leu-leu autour de la table (elle pourrait accueillir 25 convives !) et admirent, qui la cheminée Néo-Renaissance, qui ses chenets, qui les murs tendus de cuir de Cordoue , qui le buste de Henri IV, qui les roulettes en corne des chaises. Et aucun n'oublie de jeter un coup d'œil aux cadres qui, deux par deux dans les lambris, montrent des scènes du roman de Cervantes, le célèbre Don Quichotte.
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Photographie de Manfred Heyde sur Wikipédia
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Salle à Manger et Galerie du rez-de-chaussée, in G. Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).
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Lorsque ce fut mon tour de faire cette visite, j'éprouvais, comme tous, ce sentiment agréable de reconnaissance familière d'un héros accompagné de Sancho Pansa, sentiment que nous éprouvons face à des images de Laurel et Hardy ou de Gargantua, de Pinocchio ou, comme c'est partout le cas à Cheverny/Moulinsart, de Tintin et du capitaine Haddock. La scène archetypale des Moulins à vent me permettait de conforter cette reconnaissance, mais mon plaisir fut accentuée devant la scène du Cheval Clavilène, où le Chevalier et son écuyer étaient ridiculisés sur une cheval de bois par la duchesse. Les farce jouées à autrui nous font toujours bien rire.
Il me revenait en outre un vague souvenir de lecture : Jean Canavaggio n'avait-il pas mentionné ces peintures comme témoignant de la réception du roman parmi les aristocrates français ?
L'auteur, selon les guides, était le peintre de Blois Jean Mosnier, dont j'allais bientôt découvrir dans la Salle des Gardes de l'étage les panneaux botaniques à motto, puis dans la Chambre du roi les illustrations de Chariclée et Théagène ou d'Andromède et de Persée. Je me promettais, de retour des bords de Loire, de retrouver l'ouvrage de Canavaggio. J'étais convaincu que tous ces tableaux (il y en avait 34 en tout entre la Salle à manger, et la Galerie attenante) avaient fait l'objet de savantes études, de monographies exshaustives et de nombreuses reproductions. Je pris quelques clichés néanmoins, malgré les reflets des spots d'éclairage sur les vitres des cadres, mais conscient de la vanité d'une telle démarche devant un ensemble documentaire aussi précieux et donc, certainement, aussi répertorié, diffusé et numérisé.
J'allais découvrir d'abord qu'il n'en était (presque) rien. Mais, en fin d'enquête, une superbe surprise allait tout remettre en cause, notamment cette dernière phrase.
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Revenu at home, je retrouvais bien le passage de Don Quichotte du livre au mythe. Quatre siècles d'errance, (2005) dans lequel Jean Canavaggio écrivait page 52 :
"Toujours en France, mais un peu plus tard [il vient d'indiquer que la toute première représentation authentique de don Quichotte ornait la première édition de la traduction française de la deuxième partie du roman, par François de Rosset, et datait de 1618], Don Quichotte suscite un intérêt nettement plus marqué de la part de plusieurs artistes, ainsi que de leurs commanditaires. Le premier, Jean Mosnier, est un peintre qui a décoré vers 1625 la salle à manger du château de Cheverny, ainsi que la galerie attenante, de trente-quatre tableaux, généralement groupés deux par deux et représentant les aventures du chevalier et de son écuyer. Aucun de ces tableaux, dont les deux-tiers sont tirés de la Première Partie, ne comporte de titre, et leur disposition ne suit pas l'ordre des chapitres. Pour quelle raison ? On ne sait. A titre d'exemple, le coté droit de la galerie s'ouvre sur la mort de don Quichotte, puis enchaîne dans la même série les marionnettes de maître Pierre, l'aventure de Clavileño [le cheval de bois !]l'inventaire de la bibliothèque, l'épisode des moulins à vant et le combat contre les outres de vin. A l'inverse, les premières aventures du héros, encore solitaire, qui ornent la salle à manger, apparaissent mêlées à des épisodes postérieurs. Mosnier, qui a aussi décoré d'autres châteaux des bords de Loire, n'est ni un dessinateur précis ni un coloriste de talent, et ses panneaux manquent de relief et de vie. Mais cet "illustrateur appliqué et sage" est un pionnier, qui rend compte, dans son choix, des préférences de ses contemporains. Même s'il lui arrive, exceptionnelement, de camper le chevalier dans une fière allure, ce sont les méprises et les déboires d'un personnage ridicule qui l'inspirent le plus souvent." (Canavaggio 2005 p. 52)
L'auteur passe ensuite aux 38 planches publiées entre 1640 et 1670 par Jacques Lagnier et qu'il attribue à Jérôme David. Dans le dossier d'illustrations inséré dans le livre, il donne deux petites (4 x 6 cm) reproductions partielles et noir et blanc des tableaux de Mosnier, les moulins à vent, et don Quichotte se lançant à l'attaque des marionnettes.
Jean Canavaggio citait en note un ouvrage de Maurice Bardon paru en 1931, et que je m'empressais d'emprunter à ma bibliothèque. Le chapitre V de Don Quichotte en France au XVIIe et XVIIIe siècle était titré Le Succès du livre (1609-1628) et Bardon consacrait quatre pages (57-60) à Jean Mosnier. Une planche de 11 x 16 cm, noir et blanc, reproduisait page 59 "L'aventure des moulins à vent", et un Appendice page 810-811 donnait la liste suivante :
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LISTE DES 34 TABLEAUX DE MOSNIER À CHEVERNY (MAURICE BARDON 1931).
"Ces tableaux n'ayant pas de titres, nous proposons les titres suivants. On remarquera que Jean Mosnier ne s'est pas astreint à suivre le cours du récit.
I. GALERIE DE LA SALLE À MANGER.
a) coté gauche.
1. Mort de don Quichotte.
2. Ruse de Sancho qui frappe un arbre, à l'insu de don Quichotte.
3. Les marionnettes de Maître Pierre.
4. L'aventure du Cheval de Bois.
5. L'examen des livres.
6. Don Quichotte, Maritorne et le muletier.
7. L'aventure des moulins à vent.
8. Le combat contre les outres .
9. Don Quichotte discourant.
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b) coté droit.
10. Don Quichotte moulu de coups par un garçon muletier.
11. Pendant la veillée des armes dans l'hôtellerie, don Quichotte frappe un muletier.
12. Don Quichotte mis en travers sur l'âne de Sancho.
13. Rencontre de trois paysannes.
14. Chute de la paysanne que don Quichotte prend pour Dulcinée
15. Aux noces de Gamache, un cuisinier présente à Sancho une casserole pleine.
16. Sancho poursuivi par les marmitons.
17. Le gouverneur Sancho et le médecin Pedro Reccio.
18. L'aventure de la barque enchantée.
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II. SALLE À MANGER.
19. Dorothée et le barbier conduits à don Quichotte.
20. L'examen des blessures du Chevalier après sa première sortie.
21. Sancho retrouve son âne.
22. Visite de Sancho à Dulchinée.
23. Don Quichotte et Sancho accablés de coups de pierres par les galériens.
24. Don Quichotte ramené chez lui par un complaisant laboureur.
25. Peur de Sancho à la chasse.
26. Don Quichotte court sus à une armée... de moutons.
27. La berne de Sancho.
28. Arrivée de Sancho à l'hôtellerie, lors de sa première visite.
29. Don Quichotte armé chevalier.
30. La veillée des armes.
31. Le souper de don Quichotte à l'hôtellerie.
32. Don Quichotte debout sur Rossinante, et le bras retenu à une lucarne par une ruse de Maritorne.
33. Le vol de l'âne.
34. Cardenio bat don Quichotte."
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Mon enquête avançait. Maurice Bardon n'était guère élogieux sur le peintre ("l'artiste a de l'habileté, quelque aisance, mais point d'esprit, ni de fougue. Le dessin, presque toujours manque d'accent, de précision significative. ...plate et terne, aucune tache vibrante, deux tons seulement se distinguent, un rouge et un brun, appliqués d'ailleurs avec dureté...etc... ") mais reconnaît que
"...son interprétation n'est point dépourvue d'exactitude et de vérité. Copiste fidèle [comprendre : "copiste" de l'écrivain], il est parvenu à camper un don Quichotte qui est bien celui de l'auteur espagnol. Grand, maigre, la lèvre supérieure barrée d'une forte moustache, la rondache au bras gauche, la lance tenue droite et par le haut, c'est une figure moins ridicule qu'imposante ; et il y a dans cette raideur inébranlable de l'attitude comme la marque d'un ferme vouloir, invincible assurément aux contrariétés du sort. Le respect de soi et la dignité, voilà ce qui ne fait pas absolument défaut au Chevalier du peintre blésois. Dans le fantoche, Jean Mosnier a vu par instant un homme."
Un éloge à souligner, car, vers les années 1620-1625, le héros passe pour l'archetype du cavallero espagnol maniaque, ridicule ou fou et "tous se gaudissent de cet épouvantail armé, nul ne l'estime, nul ne le comprend" (p.69).
Maurice Bardon donne indique aussi la présence de deux autres panneaux, et de deux inscriptions :
"Une trente-cinquième composition existe encore, mais a été enlevée de son emplacement primitif : nous avons pu la voir, sale et poudreuse, à l'orangerie du château, où elle attend sans doute qu'on lui fasse un sort plus honorable. Une trente-sixième enfin, qui ornait le manteau d'une cheminée, a disparu. L'érudit M. de la Saussaye, croit qu'elle représentait "les tombes de don Quichotte, de Sancho et de Dulcinée".
Deux cartouches, sur les cotés de la cheminée, offrent chacune une inscription en vers; mais quels pauvres vers et qui ne gardent de somptuosité et d'éclat que ceux de leurs lettres d'or ! Voici l'une de ces inscriptions : elle amusera plus par la gaucherie du tour que par l'évidente intention bouffonne :
ICY REPOSE DVLCINÉE,
QUI FVT BON GRÉ MALGRÉ LE SORT
DE GROSSE GARCE POTELÉE
REDVITTE EN CENDRE PAR LA MORT
COMME ELLE ESTOIT DE GRAND LIGNAGE
GRAND DAME ELLE PARVT AVSSI
ET FVT L'HONNEVR DE SON VILLAGE
ET DE QVIXOTTE LE SOUCY."
Ces "pauvres vers" sont tirés de la fin du Premier Livre de Don Quichotte, chapitre LII ( Reposa aquí Dulcinea; y, aunque de carnes rolliza, la volvió en polvo y ceniza la muerte espantable y fea.Fue de castiza ralea, y tuvo asomos de dama; del gran Quijote fue llama, y fue gloria de su aldea.) et Cervantès est à l'origine de "l'intention bouffone" en tournant en dérision les épitaphes pompeux des romans de chevalerie. En outre, ils sont précédés, dans le roman, par les épitaphes de don Quichotte et de Sancho Pansa :
« Ci-gît le chevalier bien moulu et mal errant que porta Rossinante par voies et par chemins.
» Gît également près de lui Sancho Panza le nigaud, écuyer le plus fidèle que vit le métier d’écuyer. »
La seconde inscription, que La Saussaye néglige de citer textuellement, est cette première épitaphe (cf. infra).
Ce qui est intéressant aussi, c'est que la traduction citée ici est celle de César Oudin, datant de 1614. Il est donc probable qu'elle a été peinte par Jean Mosnier, alors que si elle avait été ajoutée plus tardivement, le commanditaire ou l'artiste aurait utilisé une traduction contemporaine de leur travail. Nous pouvons donc reconstituer le texte exact de la seconde inscription :
"Cy dessoubs gist un Chevalier / tres bien batu et mal allant / Qui fut porté par Rossinant / Voyageant en plus d'une sentier / Sancho Pansa ce lourd bastier / Est couché tout auprès de luy, / Seruiteur le plus seur appuy / Que ne fut oncques Escuyer."
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Maurice Bardon emprunte à Louis de la Saussaye (Blois et ses environs, 1862) cette inscription de Dulcinée. Je me rends donc illico aux pages 357-358 de cet ouvrage, numérisé par archive.org et j'en apprends encore d'avantage :
"Une portion des tableaux qui représentaient les aventures de don Quichotte avait été placée par M. Guillot dans une salle basse du pavillon de l'Est. [ Cheverny a été racheté au début du premier Empire par Julien Guillot, ancien filateur au Portugal, qui l'a cédé en viager à Anne-Victor Hurault, marquis de Vibraye en 1825].
Depuis, dans son intelligente restauration de Cheverny, M. de Vibraye en a décoré le large corridor qui, au rez-de-chaussée, conduit de l'escalier central aux appartements de l'aile droite. Mais, depuis, en continuant les travaux de restauration de cette partie du château, on a retrouvé la place qu'ils occupaient primitivement. La démolition des plafonds et des lambris modernes d'une grande salle ont fait apparaître ses vieilles poutrelles, avec leurs peintures, et une très belle cheminée de pierre, chargée des monogrammes des Hurault et décorée de pilastres, trophées et arabesques rehaussés d'or. Deux inscriptions rimées, en lettres d'or, dans des cartouches peints sur les côtés de cette cheminée, se rapportaient sans aucun doute à un tableau dont le cadre vide occupe le milieu du manteau. C'était l'épilogue de toute l'odyssée du héros de Cervantès : les tombes de don Quichotte, de Sancho et de Dulcinée. Il est probable que les autres tableaux, avec des inscriptions semblables, formaient les lambris des murailles dont la décoration était complétée par des tapisseries. Il suffira de citer une de ces inscriptions, dont la poésie ne valait pas la peinture qu'elles accompagnaient. ICY [...] SOVCY.
L'autre inscription, d'une poésie encore plus pauvre, forme l'épitaphe de l'ingenioso hidalgo et de son fidèle écuyer. "
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Fort de mon enquête précédente sur les lambris botaniques, je vais maintenant consulter le livre d'Anatole de Montaiglon, Les peintures de Jean Mosnier de Blois au chateau de Cheverny, 1850. Cet auteur cite les Mémoires pour servir à l'histoire des Maisons Royalles et Bastiments de France d'André Félibien (1619-1695), (dont il publiera le texte en 1874 d'après le manuscrit de la Bnf daté de 1681) et ses Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres (1666 ? ). Montaiglon écrit page 19 :
"Félibien parle de sujets de Don Quichotte par Mosnier. Il en existe encore quinze dans un cabinet du rez-de-chaussée, mais fort abîmés : les figurines en ont cinq à six pouces, et quand cette suite n'était pas perdue au milieu de la couleur blanche qui l'entoure et dont elle a sans-doute été recouverte, l'ensemble devait être fort plaisant. Une chose m'a frappé, c'est la ressemblance de son caractère général avec la grande suite si fameuse, si souvent reproduite par la gravure et la tapisserie même, et maintenant conservée au château de Compiègne, que Charles-Antoine Coypel a faite pour le duc d'Orléans et qu'on a tort de mépriser. [Tenture de Don Quicotte par Coypel de 28 tableaux peints entre 1716 et 1751]
Cette lecture dispense de celle des Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de Chenevières-Pointel, qui recopie le texte de Montaiglon, sauf si on veut y lire la biographie complète de Jean Mosnier.
Enfin, dans ce chemin rétrograde vers les publications les plus anciennes, je termine par la description d'André Félibien de 1681:
Les appartemens du rez de chaussée et du premier estage sont régulièrement et commodément distribuez par sales, chambres, cabinetz et garderobbes. Les cheminées et les dessus des portes sont remplis de tableaux la pluspart de la main de Jean Monier, de Blois, qui a aussy peint dans les panneaux du lambris d'une salle l'Histoire d'Astrée; dans ceux d'une des principales chambres l'Histoire de Dom Quichote et dans d'autres lieux différens sujets, le tout d'une manière fort agréable.
Le cycle de Don Quichotte occupait donc à l'origine "les panneaux du lambris" de l"une des principales chambres" du château. Le témoignage de La Saussaye permet de préciser que cette salle se trouvait au rez-de-chaussée, et était la grande antichambre qui fut transformée en Salle à Manger et en Galerie pour l'appartement de droite.
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Conclusion provisoire.
Si j'ai fait le tour des informations disponibles, je peux conclure que dans la série de 34 à 36 tableaux de Jean Mosnier sur don Quichotte, deux seulement ont été reproduits, en noir et blanc, en 1931 puis en 2005, qu'aucune étude approfondie n'en a été faite en langue française, ni en histoire de l'art, ni en critique littéraire, alors que cet ensemble est le premier corpus iconographique du roman de Cervantes en France ou même en Europe et qu'il est un témoignage unique de la réception de cette œuvre. Étonnant, non ?
Un simple rappel :
- César Oudin a traduit la première partie du Don Quichotte en 1614.
- La seconde partie du Don Quichotte est parue à Madrid en 1615 sous le titre Secunda Parte del Ingenioso Cavallero Don Quixotte de la Mancha.
- La traduction française de cette seconde partie par François de Rosset est parue en 1618 : Seconde partie de l'histoire de l'ingenieux et redoutable chevalier, Dom-Quichot de la Manche.
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A Cheverny, l'ancien bâtiment est rasé presque entièrement au début des années 1630 et l'on appella les artistes les plus en vue de la région pour les travaux : l'architecte Jacques Bougier , puis le menuisier Hevras Hammerber, de 1629 à 1640, pour les menuiseries intérieures, portes et croisées. La décoration picturale du château fut alors confiée à Jean Mosnier (1600-1656) recommandé par Marie de Médicis et élève de l'École de Rome : il orna les poutres, lambris, solives et huisseries de dessins de fables et d'allégories ingénieuses. Les bâtiments étaient terminés en 1634, mais Henri Hurault et Marguerite Gaillard n'eurent guère le temps de profiter de leur somptueuse demeure : la comtesse mourut en 1635 et le comte en 1648. Les deux filles héritèrent du domaine, mais, en 1654, Cécile-Élisabeth, marquise de Montglas depuis 1645, rachèta la part d'Anne-Marguerite, sa sœur, marquise d'Aumont. Elle poursuivit la décoration du château, à laquelle son père l'avait déjà largement associée de son vivant. (Wikipédia d'après Magdeleine Blancher-Le Bourhis, Le château de Cheverny, Paris, Henri Laurens, 1950).
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Les peintures de Mosnier à Cheverny sont donc postérieures à 1630 et antérieures à 1656. Le créneau 1634-1640 semble admissible. Elles sont donc réalisées environ 16 ans à 22 ans après la parution de la traduction française du roman de Cervantes.
J'allais bientôt approfondir mes recherches et trouver un réconfort dans les travaux récents en langue espagnole, mais avant d'en dire plus et de révéler une prodigieuse surprise, ne laissons pas le lecteur, debout sur le pas de la porte de cet article et attendant qu'on lui serve à boire. Voici pour le rafraichir mes piètres photographies, dans le désordre où je les ai prises.
TREIZE PHOTOGRAPHIES DES TABLEAUX DE DON QUICHOTTE A CHEVERNY.
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Don Quichotte à terre après son attaque des moulins à vent. Don Quichotte I, VIII.
"...mais, au moment où il perçait l’aile d’un grand coup de lance, le vent la chasse avec tant de furie qu’elle met la lance en pièces, et qu’elle emporte après elle le cheval et le chevalier, qui s’en alla rouler sur la poussière en fort mauvais état.
Sancho Panza accourut à son secours de tout le trot de son âne, et trouva, en arrivant près de lui, qu’il ne pouvait plus remuer, tant le coup et la chute avaient été rudes."
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Don Quichotte et les moulins à vent, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.
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La berne de Sancho Pansa : Don Quichotte I, XVII.
"La mauvaise étoile de l’infortuné Sancho voulut que, parmi les gens qui avaient couché dans l’hôtellerie, se trouvassent quatre drapiers de Ségovie, trois merciers de Cordoue et deux marchands forains de Séville, tous bons diables et bons vivants, aimant les niches et la plaisanterie. Ces neuf gaillards, comme poussés d’un même esprit, s’approchèrent de Sancho, le firent descendre de son âne, et l’un d’eux ayant couru chercher la couverture du lit de l’hôtesse, on jeta dedans le pauvre écuyer. Mais, en levant les yeux, ils s’aperçurent que le plancher du portail était trop bas pour leur besogne. Ils résolurent donc de sortir dans la basse-cour, qui n’avait d’autre toit que le ciel ; et là, ayant bien étendu Sancho sur la couverture, ils commencèrent à l’envoyer voltiger dans les airs, se jouant de lui comme on fait d’un chien dans le temps du carnaval"
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Cette brimade, qui n'a rien de drôle est connue sous le nom de berne (à l'origine, Rabelais 1534, "manteau de femme", mais aussi "van, crible", d'où "berner"). Elle a peut-être été observée par Cervantes à Séville appliquée aux chiens : voir le tableau El Pelele de Goya, et mon article
http://www.lavieb-aile.com/2015/04/hoefnagel-et-la-naissance-de-la-tauromachie-a-seville-la-vue-de-seville-de-1598.html
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La berne de Sancho Pansa, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.
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Don Quichotte arrivant à l'auberge (?)
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Les marionnettes de Maître Pierre. Don Quichotte II, Chapitre XXVI.
"Quand Don Quichotte vit toute cette cohue de Mores, et entendit tout ce tapage de fanfares, il lui sembla qu’il ferait bien de prêter secours à ceux qui fuyaient. Il se leva tout debout, et s’écria d’une voix de tonnerre : « Je ne permettrai jamais que, de ma vie et en ma présence, on joue un mauvais tour à un aussi fameux chevalier, à un aussi hardi amoureux que Don Gaïferos. Arrêtez, canaille, gens de rien, ne le suivez ni le poursuivez, ou sinon je vous livre bataille. » Tout en parlant, il dégaina son épée, d’un saut s’approcha du théâtre, et avec une fureur inouïe, se mit à faire pleuvoir des coups d’estoc et de taille sur l’armée moresque des marionnettes, renversant les uns, pourfendant les autres, emportant la jambe à celui-là et la tête à celui-ci. Il déchargea entre autres un fendant du haut en bas si formidable, que, si maître Pierre ne se fût baissé, jeté à terre et blotti sous ses planches, il lui fendait la tête en deux, comme si elle eût été de pâte à massepains. Maître Pierre criait de toutes ses forces : « Arrêtez, seigneur Don Quichotte, arrêtez ; prenez garde que ceux que vous renversez, tuez et mettez en pièces ne sont pas de véritables Mores, mais des poupées de carton ; prenez garde, pécheur que je suis ! que vous détruisez et ravagez tout mon bien. » Malgré cela, Don Quichotte ne cessait de faire tomber des estocades, des fendants, des revers, drus et serrés comme s’il en pleuvait. Finalement, en moins de deux credo, il jeta le théâtre par terre, ayant mis en pièces menues tous ses décors et toutes ses figures, le roi Marsilio grièvement blessé et l’empereur Charlemagne avec la couronne et la tête en deux morceaux. "
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Don Quichotte contre les marionnettes de maître Pierre, XIXe siècle, château de Cheverny, photographies lavieb-aile.
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Don Quichotte et Sancho Pansa volent sur Clavileñe, Don Quichotte II chapitre XLI.
La Doloride explique qu’afin que don Quichotte et Sancho puissent se rendre dans le royaume de Candaye pour « éprouver » cette aventure, Malambruno a promis de leur envoyer Chevillard, une monture volante, douée de pouvoirs magiques. Ce cheval de bois, qu’ils sont censés diriger à l’aide d’une cheville qu’il porte au front, pourra en effet les conduire en quelques instants dans ce lointain royaume. La nuit venue, on avertit don Quichotte et Sancho de l’arrivée de Clavilèñe (« Chevillard ») , sur lequel ils doivent voyager les yeux bandés, afin d’éviter les étourdissements dus au voyage aérien. À peine cette nouvelle mascarade est-elle commencée que des domestiques du duc et de la duchesse se mettent à éventer don Quichotte et Sancho – qui se croient dans les airs – avec de grands soufflets. Par une série d’artifices, on fait croire à don Quichotte qu’il traverse la région des grêles et des neiges, puis la région du feu, sous les yeux amusés du duc, de la duchesse et de leurs domestiques. Enfin, l’explosion soudaine de fusées et de pétards effraie le maître et l’écuyer, qui tombent du cheval. Ils trouvent alors un parchemin qui annonce le succès de l’aventure. :
"Enfin on leur banda les yeux, et Don Quichotte, se trouvant placé comme il devait être, tourna la cheville. À peine y eut-il porté la main, que toutes les duègnes et le reste des assistants élevèrent la voix pour lui crier tous ensemble : « Dieu te conduise, valeureux chevalier ; Dieu t’assiste, écuyer intrépide. Voilà que vous vous élevez dans les airs en les traversant avec plus de rapidité qu’une flèche ; voilà que vous commencez à surprendre et à émerveiller tous ceux qui vous regardent de la terre. Tiens-toi bien, valeureux Sancho, ne te dandine pas, prends garde de tomber ; ta chute serait plus terrible que celle du jeune étourdi qui voulut conduire le char du soleil son père. » Sancho entendit ces avertissements, et, se serrant près de son maître qu’il étreignait dans ses bras, il lui dit : « Seigneur, comment ces gens-là disent-ils que nous volons si haut, puisque leurs paroles viennent jusqu’ici, et qu’on dirait qu’ils parlent tout à côté de nous ? — Ne fais pas attention à cela, Sancho, répondit Don Quichotte ; comme ces aventures et ces voyages à la volée sortent du cours des choses ordinaires, tu verras et tu entendras de trois mille lieues tout ce qu’il te plaira. Mais ne me serre pas tant, car tu m’étouffes ; et vraiment je ne sais ce qui peut te troubler, ni te faire peur ; pour moi j’oserais jurer que de ma vie je n’ai monté une monture d’une allure plus douce. On dirait que nous ne bougeons pas de place. Allons, ami, chasse ta frayeur ; les choses vont en effet comme elles doivent aller, et nous avons le vent en poupe. — C’est pardieu bien la vérité ! répliqua Sancho ; car, de ce côté-là, il me vient un vent si violent qu’on dirait que mille soufflets me soufflent dessus. »
Sancho disait vrai ; de grands soufflets servaient à lui donner de l’air. L’aventure avait été si bien disposée par le duc, la duchesse et leur majordome, que nulle condition requise ne lui manqua pour être parfaite. Quand Don Quichotte se sentit éventer : « Sans aucun doute, Sancho, dit-il, nous devons être arrivés à la seconde région de l’air, où s’engendrent la grêle et la neige. C’est dans la troisième région que s’engendrent les éclairs et les tonnerres, et si nous continuons à monter de la même façon, nous arriverons bientôt à la région du feu. En vérité, je ne sais comment retenir cette cheville, pour que nous ne montions pas jusqu’où nous soyons embrasés. »
En ce moment, on leur chauffait la figure avec des étoupes faciles à enflammer et à éteindre, qu’on leur présentait de loin au bout d’un long roseau. Sancho ressentit le premier la chaleur. « Que je sois pendu, s’écria-t-il, si nous ne sommes arrivés dans le pays du feu, ou du moins bien près, car une partie de ma barbe est déjà roussie ; et j’ai bien envie, seigneur, de me découvrir les yeux pour voir où nous sommes."
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L'inventaire de la bibliothèque de don Quichotte. Don Quichotte, I, chapitre VI.
Craignant une nouvelle rechute de don Quichotte, due à ses mauvaises lectures, la nièce et la gouvernante du Cavallero appellent à la rescousse le curé et le barbier, qui se proposent d’expurger la riche bibliothèque du gentilhomme pendant que celui-ci, plongé dans un profond sommeil, se remet de ses blessures. Ce chapitre donne lieu à des commentaires à la fois esthétiques et éthiques sur les œuvres de divertissement en vogue en Espagne dans la seconde moitié du xvie siècle, en particulier les romans de chevalerie (Amadis, Bélianis, Palmerins, etc.). L’examen de la bibliothèque de l’hidalgo se termine par l’adoption d’une solution radicale : la plupart de ses livres sont brûlés et la porte d’entrée de sa bibliothèque murée, ce que don Quichotte attribue, à son réveil, à la malice l’enchanteur Friston, son ennemi.
"Le curé demanda à la nièce les clefs de la chambre où se trouvaient les livres, auteurs du dommage ; et, de bon cœur, elle les lui donna. Ils entrèrent tous, la gouvernante à leur suite, et ils trouvèrent plus de cent gros volumes fort bien reliés, et quantité d’autres petits. Dès que la gouvernante les aperçut, elle sortit de la chambre en grande hâte, et revint bientôt, apportant une écuelle d’eau bénite avec un goupillon. « Tenez, seigneur licencié, dit-elle, arrosez cette chambre, de peur qu’il n’y ait ici quelque enchanteur, de ceux dont ces livres sont pleins, et qu’il ne nous enchante en punition de la peine que nous voulons leur infliger en les chassant de ce monde. » Le curé se mit à rire de la simplicité de la gouvernante, et dit au barbier de lui présenter ces livres un à un pour voir de quoi ils traitaient, parce qu’il pouvait s’en rencontrer quelques-uns, dans le nombre, qui ne méritassent pas le supplice du feu. « Non, non, s’écria la nièce ; il n’en faut épargner aucun, car tous ont fait le mal. Il vaut mieux les jeter par la fenêtre dans la cour, en faire une pile, et y mettre le feu, ou bien les emporter dans la basse-cour, et là, nous ferons le bûcher pour que la fumée n’incommode point. »
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L'inventaire de la bibliothèque, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.
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La mort de don Quichotte. Don Quichotte II chapitre LXXIV.
"Enfin la dernière heure de Don Quichotte arriva, après qu’il eut reçu tous les sacrements, et maintes fois exécré, par d’énergiques propos, les livres de chevalerie. Le notaire se trouva présent, et il affirma qu’il n’avait jamais lu dans aucun livre de chevalerie qu’aucun chevalier errant fût mort dans son lit avec autant de calme et aussi chrétiennement que Don Quichotte. Celui-ci, au milieu de la douleur et des larmes de ceux qui l’assistaient, rendit l’esprit je veux dire qu’il mourut. Le voyant expiré, le curé pria le notaire de dresser une attestation constatant qu’Alonzo Quijano-le-Bon, appelé communément Don Quichotte de la Manche, était passé de cette vie en l’autre, et décédé naturellement, ajoutant qu’il lui demandait cette attestation pour ôter tout prétexte à ce qu’un autre auteur que Cid Hamet Ben-Engeli le ressuscitât faussement, et fît sur ses prouesses d’interminables histoires."
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Rencontre de trois paysannes. Don Quichotte II, chapitre X.
"Tout se passa si bien, que lorsqu’il se leva pour remonter sur le grison il aperçut venir du Toboso trois paysannes, montées sur trois ânes, ou trois ânesses, car l’auteur ne s’en explique pas clairement ; mais on peut croire que c’étaient plutôt des bourriques, puisque c’est la monture ordinaire des paysannes, et, comme ce n’est pas un point de haut intérêt, il est inutile de nous arrêter davantage à le vérifier. Finalement, dès que Sancho vit les paysannes, il revint au trot chercher son seigneur Don Quichotte, ... "
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La veillée des armes, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.
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Don Quichotte et Sancho Pansa accablés de coups de pierre par les galériens que le chevalier a libéré. Don Quichotte I chapitre XXII.
"La confusion devint alors si grande, que les gardiens, tantôt accourant aux forçats qui se détachaient, tantôt attaquant Don Quichotte, dont ils étaient attaqués, ne firent enfin rien qui vaille. Sancho aidait de son côté à délivrer Ginès de Passamont, qui prit le premier la clef des champs ; et celui-ci, dès qu’il se vit libre, sauta sur le commissaire abattu, lui prit son épée et son arquebuse, avec laquelle, visant l’un, visant l’autre, sans tirer jamais, il eut bientôt fait vider le champ de bataille à tous les gardes, qui échappèrent, en fuyant, aussi bien à l’arquebuse de Passamont qu’aux pierres que leur lançaient sans relâche les autres galériens délivrés."
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Sancho retrouve son âne. Don Quichotte I, chapitre XXX.
"Sancho le vit et le reconnut, et, dès qu’il l’eut vu et reconnu, il se mit à lui crier à plein gosier : « Ah ! voleur de Ginésille, laisse mon bien, lâche ma vie, descends de mon lit de repos, rends-moi mon âne, rends-moi ma joie et mon orgueil ; fuis, garnement ; décampe, larron, et restitue ce qui n’est pas à toi. » Il ne fallait ni tant de paroles, ni tant d’injures ; car, au premier mot, Ginès sauta par terre, et prenant un trot qui ressemblait fort au galop de course, il fut bientôt loin de la compagnie. Sancho courut à son âne, l’embrassa et lui dit : « Eh bien, comment t’es-tu porté, mon enfant, mon compagnon, cher grison de mes yeux et de mes entrailles ? » Et, tout en disant cela, il le baisait et le caressait comme si c’eût été une personne raisonnable. L’âne se taisait, ne sachant que dire, et se laissait baiser et caresser par Sancho, sans lui répondre une seule parole."
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Sancho Pansa après le vol de son grison.
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UNE PRODIGIEUSE SURPRISE.
Plaçons, comme le Petit Poucet, les cailloux blancs du chemin que j'ai ensuite parcouru : les auteurs espagnols, puis un auteur italien.
1°) J'ai d'abord trouvé un texte de Margarita Torrione , L'Espagne dans l'éducation des enfants de France, paru en 2009 dans son ouvrage coécrit avec Gérard Sabatier ¿ Louis XIV espagnol ?: Madrid et Versailles, images et modèles, Les Editions de la MSH, 10 sept. 2009 - 341 pages. Je lis page 283 que cette auteure avait obtenu l'autorisation du marquis de Vibraye de photographier les panneaux de Don Quichotte à Cheverny et que les clichés étaient reproduits dans « El Quijote en la educación de Felipe V / Don Quixote in Philip V’s education »dans le catalogue de l'exposition Don Quijote. Tapices españoles del siglo XVIII / Don Quixote. 18th Century Spanish tapestries, catalogue bilingue de l’exposition, Meadows Museum (Dallas) et Museo de Santa Cruz (Tolède). Madrid, Ministerio de Cultura, Ministerio de Asuntos Exteriores, SEACEX, 2005, pages 89-118. Version électronique du catalogue : http://www.seacex.es/catalogo.cfm?idExposicion=195 ". Mais le lien indiqué n'était plus valide. En outre, cinq panneaux (illustration 32 à 36) sont reproduits dans ¿ Louis XIV espagnol ?: Madrid et Versailles .
2°) J'ai ensuite appris que l'édition commémorative du 400e anniversaire de la parution du tome II, en 2015 aux éditions Catedra, était illustrée par les tableaux de Jean Mosnier ; cet ouvrage n'est plus disponible à l'achat, mais j'en ai eu communication par Prêt-inter-bibliothèque. Il témoigne avec force de l'importance donnée désormais par les spécialistes espagnols aux illustrations de Mosnier. Don Quichotte contre les marionnettes figure en couverture. Mais le volume lui-même ne contient que des photos en noir et blanc, de 110 x 73 mm, certes prises sans la vitre de verre, mais néanmoins de piètre qualité. Elles ont été prises par "Charles Davis", sans autre indication.
El Ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha / Miguel de Cervantes ; edición de John Jay Allen ; con ilustraciones de Jean Mosnier / Edición conmemorativa / Madrid : Cátedra , 2015, Idref Sudoc 185071368 :
3°) En 2005, Maria Felguera a reproduit (en noir et blanc) le panneau "Chute de la paysanne que don Quichotte prend pour Dulcinée" (Caida de la aldeana que don Quijote toma por Dulcinea) dans son ouvrage Quijotes pintados en los siglos XVII y XVIII, Alcala de Henares. https://www.academia.edu/25531211/Quijotes_pintados_en_los_siglos_XVII_y_XVIII.
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4°) Lançant comme des S.O.S ou comme des dés les mots Mosnier ou Monier associés à Quichotte, Quixotte ou Cervantes sur le moteur de recherche, je recherchais des images diffusées en ligne. J'obtenais ceci :
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4 images de Serge Grolleau
http://serge.grolleau.pagesperso-orange.fr/Chateau%20de%20Cheverny/Chateau%20de%20Cheverny.htm
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http://www.windoweb.it/guida/letteratura/Cervantes/Cervantes_illustratori.htm
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http://www.papelenblanco.com/novela/catedra-publica-una-nueva-edicion-conmemorativa-de-don-quijote
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http://unpaseoporlaislaverde.blogspot.fr/2015/06/don-quijote-en-la-pintura.html
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http://www.allposters.com/-sp/Scenes-from-Don-Quixote-Painted-Panels-Detail-Posters_i9423327_.htm
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https://www.h-net.org/~cervantes/csa/artics91/lore.htm
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5°) j'allais bientôt découvrir cette bombe sous la plume de Roger Chartier (2010):
"Grâce à un minutieux travail d’archive, Gabriele Quaranta a pu resituer les tableaux dans l’architecture ancienne du château (aujourd’hui transformée), il les a replacés au sein d’un ambitieux et complexe programme iconographique littéraire qui s’est emparé aussi de l’Astrée, des Ethiopiques de Héliodore, du poème de Venus et Adonis dans une version de Puget de la Serre et du mythe de Persée et Andromède, et il leur a restitué leur correcte datation : seulement treize des tableaux subsistant datent du XVIIe siècle et ont été peints par Jean Mosnier ou son atelier dans les années 1630-40, les vingt-trois autres ayant été peints au XIXe siècle pour compléter la série."
Quoi ? Pas possible !
Par chance, la thèse de Gabriele Quaranta, était disponible sur internet, avec sa partie iconographique. Deux articles étaient également publiés. Encore fallait-il lire l'italien !
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LA THESES DE GABRIELE QUARANTA : SES TRAVAUX SUR JEAN MOSNIER À CHEVERNY (CHAPITRE V).
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Gabriele Quaranta, né en 1977, a soutenu en 2003 un mémoire de maîtrise sous la direction de Claudia Cieri Via à l’université La Sapienza intitulé Il Palazzo Gallio in Alvito. Architettura, decorazione, committenza publié en 2003 sous le titre Bagliori dal passato. Il Palazzo Gallio in Alvito e i suoi dipinti tassiani à Rome aux éditions Bardi. En 2008 il a obtenu le diplôme de la Scuola di Specializzazione in Storia dell’Arte (Sapienza Università di Roma), en soutenant la thèse La ‘Gerusalemme Smantellata’. Un palazzo nobiliare romano e un ciclo tassiano del Seicento travolti dalle demolizioni del Ventennio, sous la direction de Claudia Cieri Via.
La même année 2008, il a obtenu aussi une bourse de recherche au Collège de France * avec un projet sur les tableaux du Don Quichotte au château de Cheverny. (* Bourse de Recherche de la Compagnia di San Paolo, au Collège de France en 2008, au ministère de l'Écrit et cultures Dans l'Europe moderne sous la direction de M. R. Chartier et de M. C. Ossola. )
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Les premiers résultats ont été publiés dans l’essai « Pagine e immagini : le ekphraseis di Marc-Antoine Gérard de Saint-Amant e di Adrien de Monluc e gli esordi figurativi del Quijote nei dipinti di Jean Mosnier a Cheverny », RolSA, 12, 2010, p. 55-76, et un livre est en préparation.
Il a soutenu en juin 2013 sa thèse de doctorat intitulée L’Arte del Romanzo. Temi letterari nella pittura francese del Seicento (dal regno di Enrico IV alla reggenza di Anna d’Austria), sous la direction de Mme Claudia Cieri Via et Mme Colette Nativel consacrée à la présence des sujets littéraires dans les grandes décorations royales et aristocratiques de la première moitié du XVIIe siècle. (L'Art du Roman. Peintures à sujet littéraire en France au XVIIe siècle (du règne d'Henri IV à la régence d'Anne d'Autriche).
https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/5a91e248-a7e2-4820-8f83-2271c031af03
Elle se propose d'étudier l'apparition d'un certain nombre de décorations à thème littéraire dans les maisons aristocratiques françaises pendant la période du règne de Henri IV au début de la régence d'Anne d'Autriche, en se concentrant en particulier dans les années entre 1620 et 1640. La littérature critique a montré l'importance de certains thèmes d'œuvres littéraires sous le patronage de Henri IV et Marie de Médicis: la Franciade de Ronsard, les Éthiopiques d'Héliodore (Théagène et Chariclée) , la Jérusalem délivrée du Tasse, le Berger Fidèle de Guarini. Au cours des mêmes années, avec des œuvres telles que L'Astrée ou Don Quichotte et beaucoup d'autres, la «romance» commençait à se positionner comme un genre littéraire indépendant, destiné à devenir un véritable espace de représentation - et même aussi de formation et de réflexion - de la société et de la culture de l'Europe moderne. En fait, même les héros épiques, qui s'imposèrent d'eux-mêmes en tant que protagonistes de la peinture, mais aussi du monde du théâtre, des Ballets de Cour, des tragédies, et des tragi-comédie, ont été relues et représentés dans un mode toujours plus explicitement propre au "roman". Les arts ont participé ensuite, avec leurs instruments, à ce développement, ce qui est l'un des «nœuds» fondamentaux de notre histoire culturelle. A partir du cas des décorations à thème littéraire, le but ultime de cette recherche est donc la reconstruction de plusieurs ouvrages décoratifs, les différentes «lectures» que les peintres et les patrons faisaient des textes en les mettant en image, ainsi que l'étude de les relations entre mécénat artistique, mécénat littéraire et, plus généralement, les liens entre la culture et la peinture.
Elle comporte 5 parties et un épilogue. A très grand traits, la première étudie la Chambre Ovale de Fontainebleau (Heliodore), la deuxième le Cabinet de Marie de Médicis consacré à Tancrède et Clorinde (Jérusalem délivrée) à Fontainebleau, la troisième encore Le Tasse, Guarini et Héliodore, le cycle de l'Arioste du château de Effiat, le Château de Chessy de Jean de Fourcy et l'histoire de Renaud et Armide par Simon Vouet, le château de Chenailles, et les peintures de Mosnier de Persée et Théagène et Chariclée dans la Chambre du Roi de Cheverny.
La cinquième partie traite presque entièrement des autres œuvres de Mosnier à Cheverny, et étudie avec soin les tableaux de Don Quichotte. Elle comporte 8 sous-chapitres.
—V1 : le cycle donquichottesque de Cheverny: "un incunables et une énigme". pages 252-254.
—V-2 Dans les plis de l'histoire: les événements du château de Cheverny et la famille Hurault . 1. Un château de roman, un château de bande dessinée; 2. D'un château; 3.Uralinde dans le grand monde parisien; 4.A mariage «réparation»; 5. Années incertaines; 6.Nicolas Dufort: une nouvelle vie pour Cheverny; 7. Retour dans la famille. Pages 255-274.
—V-3 Presque un chemin à rebours: une Salle "Don Quichotte". Pages 275-282.
—V-4 pages 283 Une autre parabole : le parcours de Jean Mosnier, peintre. 1.Aventure la critique d'un peintre «provincial»; 2.Dans Blois à Rome, de Paris à la Loire: notes sur Jean Mosnier
—V-5 Par Don Quijote à Don Quichotte: le temps et la méthode de cycle de cervantino de Cheverny. 1.In le cycle actuel du XVIIe siècle; 2. Pages et murs; 3. Les peintures de Jean Mosnier; chisciottesche 4.Costruzioni; 5.A place pour Quixote
—V-6 : Le Chevaliers de châteaux perdus. 1.Sontuose, décorations burlesques (1): l'ekphrasis donquichottesque Adrien de Monluc; 2. Somptueux, décorations burlesques (2): l'ekphrasis donquichottesque Antoine Gérard de Saint-Amant; 3. Mythe et Romance: un voyage à travers des thèmes décoratifs de La Chambre du Desbauché Le Palais de la Volupté; 4. Encore un complot littéraire: dispersés Célébrations de l'Amour, parmi les emblèmes de Otto Vaenius et les vers de Tristan l'Hermite; iv
— V-7 Un château trouvé. 1.Riscrittura le mythe. Par Giambattista Marino Jean Puget de la Serre: sources pour le cycle Vénus et Adonis dans la Salle des Gardes; 2. L'Astrée, ou de la perte comme destin;
V-8: romans croisés. 1. Un fragment pour résumer: le triomphe sur la Fortune à Blois, ou la version des événements selon Henri Hurault; 2. "Sur les et les bastiments yssues du Chasteau de Cheverny, en 1633 ': même ôde célébration pour Henri Hurault; 3. Une maison de textures peintes: Marinistes chevaliers, échos libertins
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Mes découvertes à la lecture de la thèse de G. Quaranta.
Je tente une traduction improvisée de quelques pages de la thèse de G. Quaranta alors que j'ignore tout de la langue dans laquelle elle est écrite : on prendra donc ce qui suit avec crconspection, et l'auteur voudra bien me pardonner toutes les incompréhensions que j'ai pu commettre. On se reportera au texte disponible en ligne.
Actuellement, chacun sait que ce sont trente-quatre peintures du cycle Don Quichotte qui décorent les murs de la Galerie et la Salle à Manger du château de Cheverny. Mais leur arrangement aléatoire, au mépris de l'ordre de la narration, étonne d'emblée le visiteur, surtout lorsqu'il découvre, immédiatement à la gauche de l' entrée dans la Galerie, la scène de la Mort de don Quichotte.
Cette exposition inhabituelle s'explique lorsqu'on apprend que la série actuelle est la dernière d'une série de re-mises en scène, ce qui nous donne sensiblement un "nouveau cycle" et autonome, qui est le résultat de l'intégration de 11 peintures du XVIIe siècle créées par Jean Mosnier pour Henri Hurault vers 1635, avec 23 peintures d'un anonyme dans les années 1860, créées lors de la rénovation des deux pièces de l'appartement du rez-de-chaussée.
Autrement dit, alors que les guides nous annoncent 34 peintures de Jean Mosnier, les 2/3 sont du XIXe siècle ; d'autre part, bien qu'après un parcours rocambolesque les peintures anciennes se retrouvent aujourd'hui à l'endroit où elles se trouvaient au XVIIe siècle, les lieux ont complètement changés de disposition, et de décor : la décoration actuelle, avec ses cuirs de Cordoue, date également des années 1860 dans un style mi "espagnol", mi "Ancien Régime".
Bref historique du château :
a) Il ne reste de l'ancienne bâtisse construite en 1490-1510 par Jacques puis Raoul Hurault qu'un dessin du père Étienne Martellange, qui visite la région en 1624–1625, mais dont la précision n'est pas confirmée, et quelques rares vestiges dans le bâtiment des communs : mi forteresse, mi château de plaisance, le bâtiment rappelle l'aile Louis XII du château de Blois avec ses longs pavillons bas flanqués de tours, tourelles et poivrières, avec un grand pavillon carré au toit à la française. (Wikipédia)
b) Henri Hurault succéda à son père Philippe en 1599 et devint comte de Cheverny.
Cet Henri Hurault est celui qui, étant au service du roi Henri IV à la tête d'une centaine d'hommes d'armes, et suivant son roi à la cour, avait laissé son épouse Françoise Chabot seule en son château de Cheverny. La rumeur de l' infidélité de cette dernière finit par gagner la cour, et , un jour que le comte Hurault est au Louvre, auprès d'Henri IV, ce dernier, passant derrière lui, pointe deux doigts en corne derrière sa tête, provoquant l'hilarité de tous les courtisan ; mais un petit miroir fait apercevoir au comte qu'il est l'objet de ces moqueries. Le 26 janvier 1602, sans dire mot, il regagne à franc étrier, aux premières heures du matin, son château de Cheverny surprend un page qui s'enfuit par la fenêtre de la chambre, et assassine sa femme. Le roi l'apprend mais, bien que se sentant coupable, condamne le comte à demeurer sur ses terres de Cheverny. Deux années plus tard, Henri Hurault se remarie avec Marguerite Gaillard de la Morinière. Après trois ans d'exil, le comte de Cheverny est rappelé au service du roi, laissant son épouse aux soins de la demeure et lui abandonnant le revenu. Celle-ci, selon la légende, mène seule l'élévation d'un nouveau château. Une nouvelle demeure, est créée en lieu et place de la forteresse passée de mode et marquée par la tragédie. André Félibien écrit que, "«Henry Hurault, son fils, héritier des ses principales terres et des ses gouvernements, fist démolir une partie des anciens bastimens du Chasteau de Chiverny, n’en ayant réservé ce que l’on voit dans la Cour, à main gauche en entrant, et les deux Tours qui sont aux costez de la porte». L'ancien bâtiment est rasé presque entièrement au début des années 1630 et l'on appelle les artistes les plus en vue de la région pour les travaux : l'architecte Jacques Bougier, dit « Boyer de Blois» par Félibien, très en renom dans le Blaisois, et qui a travaillé sur une aile du château de Blois.
Les dates de construction sont cruciales pour déterminer la date des peintures de Jean Mosnier. A. Félibien écrit "«ce fut environ l’an 1634 qu’il commença à faire bastir le grand corps de logis qui fait face sur la cour et sur le parterre. Un nommé Boyer, de Blois, en fut l’architecte» " En fait, 1634 est la date qui apparaît dans le cartouche sculpté sur la premiere volée de l'escalier principal - où Félibienl' a probablement vu - et marque plutôt une phase terminale du site de construction. Il a été déterminé que le travail doit avoir été effectué pour la plupart entre 1625 et 1629: alors que, en 1624, le père Martellange pouvait encore voir le vieux manoir intact, en 1629 le sculpteur Evras Hammerber de Blois est documenté pour "faire les croisées du sieur du comte de Cheverny". Cependant, le château semble déjà fini et même décoré dans une ode anonyme célébrant le château et intitulée Sur les bastiments et yssues du Chasteau de Cheverny, en 1633, conservé dans le manuscrit Ms.Fr 12491 de la Bibliothèque Nationale de France à Paris ff 131-132. Mais en 1635, une livraison de pierre est attestée pour les travaux du comte Hurault.
La grande antichambre décorée par le cycle de Don Quichotte occupait toute la largeur du pavillon médian droit et était éclairée par six fenêtres, trois coté cour et trois coté jardin ; elle disposait d'une cheminée sur le mur oriental. Elle fut aménagée en Salle de spectacle (théâtre) au printemps 1765 par Nicolas Dufort de Saint-Leu, et un nouveau lambris fut posé. Un autre ré-aménagement de la pièce survint lors de la mise en œuvre de logements entre 1808 et 1825 par la famille Guillot. La division en deux chambres séparées a entrainé la dissimulation de l'ancien plafond à poutres et solives et de la cheminée monumentale, qui seront re-découverts une cinquantaine d'années plus tard. Toutefois, à ce moment, le cycle donquichottesque semble déjà séparé de son environnement d'origine, puisque les quinze panneaux survivants ont été réorganisés dans l'un des cabinets adjacents, où à la fois Anatole de Montaiglon (1850) et De La Saussaye, vont les voir.
La datation de création des panneaux de Quichotte par Jean Mosnier retenue par G. Quaranta est donc : "vers 1635". Mais pourquoi le peintre n'aurait-il pas été appelé à décorer la Salle plus tardivement que lors de la fin de sa construction ? André Félibien les a décrits en 1668 dans ses Entretiens, et le peintre Mosnier, né en 1600 est mort en 1656.
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André Félibien, Pl. XXIV, Veüe du chasteau de Chiverny du costé de la cour, 1681, "Mémoires pour servir à l'histoire des Maisons royalles et Bastiments de France", conservé au château de Cheverny, Bnf Gallica.
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Plan du rez-de-chaussée au XVIIe siècle reconstitué par G. Quaranta (reproduit avec son aimable autorisation).
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Plan du premier étage au XVIIe siècle, reconstitué par G. Quaranta, (reproduit avec son aimable autorisation).
I. Les 23 peintures du XIXe siècle.
Un peintre a été chargé vers 1860 par le marquis de Vibraye de participer à la reconstitution du décor original en complétant les panneaux de Jean Mosnier rescapés des changement d'affectation des lieux avec d'autres panneaux de style semblable représentant les scènes du Don Quichotte non représentées. Bien qu'il se soit efforcé de rester dans la continuité de son prédécesseur, ses peintures sont facilement reconnaissables, de style plus rude et plus sec, peu enclin au raffinement expressif, privilégiant le clair-obscur.
Gabriele Quaranta a démontré que tous les panneaux du XIXe siècle proviennent de deux sources éditoriales bien définies.
1) Quatre panneaux influencés par Coypel.
Quatre d'entre eux sont inspirées des gravures publiées dans Les Principales avantures de l’admirable Don Quichotte, (La Haye 1746), l'une des éditions les plus célèbres du XVIIIe siècle, illustrée avec des gravures par Fokke, Picard, V. Schley et Tanjé, tirées des œuvres de plusieurs peintres ( Boucher, Cochin, Coypel, Lebas, Picart et Trémolières ) et, en particulier, une série de modèles pour les tapisseries que Charles Coypel avait fait pour la Manufacture des Gobelins.
Les Principales avantures de l'admirable Don Quichotte, représentées en figures par Coypel, Picart le Romain et autres habiles maîtres, avec les explications des 31 planches de cette magnifique collection tirées de l'original espagnol de Miguel de Cervantès , Pierre de Hondt (La Haye) 1746 . Bnf Français Gr. in-4° , VIII-332 p. et pl., texte avec encadrement ,Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-Y2-268
On se souvient qu'en 1850, Anatole de Montaiglon, dans l'extrait que j'ai donné de sa visite, avait été frappé par "la ressemblance de son caractère général avec celui de la grande suite si fameuse, si souvent reproduite par la gravure et la tapisserie même, et maintenant conservée au château de Compiègne, que Charles-Antoine Coypel a faite pour le duc d’Orléans et qu’on a grand tort de mépriser". Parmi les 15 panneaux qu'il a examiné, certains étaient-ils déjà inspirés par les gravures selon Coypel et qui dataient du XVIIIe ?
[Note personnelle.
G. Quaranta compte 11 panneaux du XVIe siècle, et 4 panneaux d'après Coypel, soit un total de 15, correspondant au nombre de panneaux observés par Montaiglon. Nous ignorons quand ont été peints ces 4 panneaux, qui ont pu l'être dès les premiers cartons de Coypel au début du XVIIIe, soit vers 1740 sous la même influence qui incita Grimod-Dufort à commander à Natoire un cycle du Quichotte, soit dans la première moitié du XIXe lorsque les cartons (des huiles sur toile) de Coypel puis ceux de Natoire furent conservés et exposés à Compiègne. D'où les éléments suivants :
Les tableaux de Coypel ( Paris, 1694 - id., 1752, qui fut protégé du Roi et de la famille d’Orléans, Directeur [Conservateur] des dessins et estampes du Roi, Directeur de l’Académie Royale de peinture) illustrant l’histoire de Don Quichotte sont peints entre 1715 et 1735. L’artiste exécuta le premier carton de cette série en 1715-1716. Il en produisit 24 jusqu’en 1727, dans un ordre différent de celui du roman. Trois nouveaux cartons furent peints entre 1731 et 1734 et le vingt-huitième et dernier, Don Quichotte reçu chez les filles de l’Hôtellerie, fut réalisé en 1751, un an avant la mort du peintre. Il est aujourd’hui perdu, mais on en connaît deux esquisses, l’une au musée Jacquemart-André, l’autre actuellement sur le marché de l’art anglais. Des tentures tirées de ces cartons de l’Histoire de Don Quichotte furent tissées au moins jusqu’en 1787. Destinés à servir de cartons de tapisseries pour la manufacture des Gobelins, ces peintures, abîmées par les passages successifs sur les métiers de la manufacture, furent dès le XVIIIe siècle restaurées par un élève de Coypel, Jean Valade. Coypel y propose à ses contemporains une lecture divertissante et humoristique du roman, dans une atmosphère où règnent l’élégance et la grâce, en accord avec la peinture aimable qui se développe, à la fin du règne de Louis XV, en réaction contre le « grand genre ». Vingt-quatre de ces 28 peintures sont conservées. Ce sont des huiles sur toile de 1,50 x 1,20 environ, jadis conservées au Louvre, mais qui ont été transportées au musée de Compiègne dans les années 1830 et décrites en 1837 dans la Petite Galerie du château sous les n° 59 à 85. Elles ont été plusieurs fois copiés pour la gravure (dès 1723 par L. Surugue etc) . Il est intéressant d'en connaître la liste des titres pour la comparer aux panneaux de Cheverny :
Peintures de Charles-Antoine Coypel :
Don Quichotte conduit par la Folie sort de chez lui pour se faire chevalier errant
Don Quichotte croit recevoir l’ordre de chevalerie Huile sur toile.
Don Quichotte prend le bassin d’un barbier pour l’armet de Mambrin
Sancho s’éveille et se désespère de ne plus trouver son cher Grison
Le Curé et Cardinio rencontrent Dorothée habillée en berger
La fausse princesse de Micomicon vient prier Don Quichotte de la remettre sur le trône
Don Quichotte endormi, combat contre les outres
Don Quichotte attaché à une fenêtre par la malice de Maritorne
Don Quichotte trompé par Sancho prend une paysanne pour Dulcinée
Entrée des bergers aux noces de Gamache
Entrée de l’Amour et de la Richesse aux noces de Gamache
Don Quichotte protège Basile qui épouse Quitterie par une ruse d’amour
Don Quichotte démolit les marionnettes qu’il prend pour des Maures
Don Quichotte fait demander par Sancho une audience à la duchesse
Don Quichotte est servi par les demoiselles de la duchesse
Poltronnerie de Sancho à la chasse
La Doloride affligée de sa barbe demande à Don Quichotte de la venger
Sancho part pour l’île de Barataria
Entrée de Sancho dans l’île de Barataria
Le repas de Sancho dans l’île de Barataria
La dame Rodrigue vient la nuit consulter Don Quichotte
Don Quichotte au bal chez Don Antonio Moreno
Don Quichotte consulte la tête enchantée chez Don Antonio Moreno
Don Quichotte est délivré de sa folie par la Sagesse (copie)
Mais il ne faut pas méconnaître aussi la série de Don Quichotte peinte par Charles - Joseph Natoire (Nimes, 1700 - Castel Gandolfo, 1777) car elle a été conçue pour l'embellissement d'un hôtel particulier, dans les années 1735-1742 , l'hôtel de Chamillard (Charenton-le-Pont) de Pierre Grimod Dufort. Ces huiles sur toile en dix tableaux ont été réalisée pour servir de cartons de tapisserie au tissage d'une tenture unique tissée à la Manufacture de Beauvais entre 1735 et 1744. Les toiles, conservées au château d'Orsay ont été saisies à la Révolution, transférées à Versailles puis au Musée du Louvre ; elles sont alors au nombre de treize, l'une d'elle (le Départ de Sancho Pansa) ayant été coupée par le fils de Grimod Dufort et une autre réalisée en complément décoratif. C'est en 1849 et 1850 que neuf œuvres de la série sont envoyées à Compiègne, la dixième plus récemment en 1977, et la onzième , Don Quichotte désarmé par les demoiselles de la duchesse, en 2012. Deux sont manquantes, Sancho amène la fausse Dulcinée à son maître et la Rencontre de Don Quichotte et la Duchesse.
En voici la liste conservée à Compiègne:
Charles Natoire : 11 Huiles sur toile.
Dorothée surprise par le curé, le barbier et Cardénio
Don Quichotte et la fausse princesse de Micomicon
Don Quichotte et le Chevalier des Miroirs
Don Quichotte et les oiseaux de la caverne de Montésinos
Fragment du Départ de Sancho dans l’île de Barataria
Fragment du Départ de Sancho dans l’île de Barataria
Partie centrale du Départ de Sancho dans l’île de Barataria
Repas de Sancho dans l’ile de Barataria
Sancho et la marchande de noisettes
Collation de Sancho dans la forêt
Don Quichotte désarmé par les demoiselles de la duchesse
Fin de cette note.]
Le peintre, tout en se basant sur le travail de Coypel, a mis en œuvre un processus de simplification radicale par lequel les gravures du XVIIIe siècle ont été adaptées à la taille et le ton du cycle de Cheverny, très différent de l'atmosphère rococco des modèles.
- Sancho nommé chevalier, Planche XXVIII
- Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre. (Planche XV)
- La peur de Sancho pendant la chasse au sanglier, (Planche XX)
- Don Quichotte enchaîné par le bras à la fenêtre par Maritorne , (Planche IX)
Sancho nommé chevalier est gravé par Tanjé selon un dessin de Trémolières ; la gravure illustre un épisode absolument étranger à l'histoire créée par Cervantès, mais inventé par l'écrivain français François Filleau de Saint-Martin, dans sa traduction du Don Quichotte de Cervantes, intitulée Histoire de l'admirable Don Quixotte de la Manche et parue en quatre volumes en 1677. C'est une peinture de meilleure qualité que les trois autres, ce qui amène à envisager, pour la série du dix-neuvième siècle, un travail de plusieurs mains.
Les trois autres panneaux dérivent tous des inventions de Charles Coypel.
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Sancho blessé alors qu'il est armé chevalier par don Quichotte, Cheverny, XIXe s, photo G. Quaranta (aimable autorisation).
Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre,Cheverny, XIXe s, photo G. Quaranta (aimable autorisation).
Don Quichotte enchaîné par le bras à la fenêtre de l'auberge par Maritorne, Charles Coypel, 1724. Gallica.
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2) Dix-neuf autres, qui se réfèrent à un modèle du dix-neuvième siècle : Tony Johannot.
Les 19 panneaux restants sont inspirés par quelques-uns des plus de sept cent dessins que l'artiste Tony Johannot avait créés pour l'une des éditions les plus célèbres et populaires de Don Quichotte jamais parue, publiée à Paris en 1836 à 1837 : L’ingenieux hidalgo Don Quichotte de la Manche, par Miguel de Cervantès-Saavedra, traduit et annoté par Louis Viardot, Paris, J.-J. Dubochet, . Voir l'édition de 1845 numérisée par Gallica : Bnf Réserve des livres rares RES-Y2-973
L'œuvre, en deux volumes, doit être comptée parmi celles qui ont marquées l' âge d' d'or de la xylographie. Tony Johannot était un vrai maître dans ce genre de produits et sera la star de la scène de l'édition française des années trente et quarante du XIXe siècle, pour laquelle il traduit en images de nombreuses grandes œuvres de la littérature désormais «classiques» . Les pages de Chateaubriand, Goethe, Walter Scott, Lord Byron, mais ausside Molière, Cervantes, ou Rousseau et même les versets bibliques ont trouvés dans Johannot un illustrateur vif, impliqués, et extrêmement ductile. Le Quichotte illustré par Tony Johannot fut l'un des principaux succès de l'édition de ces années: à partir de l'exemple des premières éditions xylographiques anglaises, mais en les dépassant, le peintre a conçu des dessins plein de vie qui jouent avec le texte, se mêlant avec lui, allant au-delà de la traditionnelle disposition en miroir par rapport à la page écrite.
Cet appareil illustratif redoutable fut souvent incorporé, en totalité ou partiellement, et régulièrement répété tout au long du XIXe siècle, en dépit de la concurrence des véritables chefs-d'œuvre, tels que l'édition Hachette accompagnée par les gravures de renommée mondiale de Gustave Doré. L'édition Dubochet a été littéralement «exportée» en Allemagne, en Angleterre, en Espagne elle-même et même au Mexique.
Les dix-neuf peintures de Cheverny sont une preuve de plus du succès tenace de l'édition Dubochet, qui a été choisie comme modèle trente ans après sa première parution en dépit du fait qu'on pouvait voir alors dans ces années un véritable déluge d'éditions donquichottesque : en 1863 seulement, par exemple, en collaboration avec Hachette il s'en est compté cinq autres. (d'après G. Quaranta)
Les 19 épisodes représentés sont:
- La mort de Don Quichotte;
- Sancho fouette un arbre à l'insu de Don Quichotte;
- L'aventure du cheval de bois ;
- L'aventure des moulins à vent;
- La bataille avec les outres;
- Don Quichotte dans les bras en présence de Dorothée;
- Rencontre avec les trois femmes;
- la paysanne qui a été considérée comme Dulcinée par Quichotte;
- Lors du mariage de Gamancio un cuisinier offre à Sancho une casserole pleine de nourriture;
- Sancho suivi par les cuisiniers;
- Sancho gouverneur à la table avec Pedro Recio;
- Sancho retrouve son âne.
- Sancho rendant visite à Dulcinée;
- Quichotte et Sancho lapidés par des forçats;
- La charge des béliers;
- Le repas de don Quichotte à l'auberge;
- L'aventure du bateau enchanté;
- Le vol de l'âne;
- Quichotte battu par un muletier.
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Le peintre qui a créé les peintures a tenté de rivaliser et de s'accorder, surtout d'un point de vue stylistique, avec Jean Mosnier, mais il est "trahi" par les changements de l'iconographie au XIXe siècle. La représentation du personnage de Sancho, ainsi, est tout à fait différente dans les peintures du XIXe siècle de celle de Mosnier. Un Sancho dodu, avec un pantalon large caractéristique et un chapeau rond à large bord , est caractéristique des panneaux du XIXe siècle, ainsi que le don Quichotte avec le casque en salade de Mambrin sur sa tête, plus dégingandé et incertain que ce que fait Mosnier.
Au total, parmi les 34 panneaux, 23 appartiennent indubitablement à ce moment, vers 1860, où le réaménagement du château a donné à la Salle à Manger et à la Galerie leur aspect actuel.
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2) Dix-neuf autres, qui se réfèrent à un modèle du dix-neuvième siècle : Tony Johannot.
Les 19 panneaux restants sont inspirés par quelques-uns des plus de sept cent dessins que l'artiste Tony Johannot avait créés pour l'une des éditions les plus célèbres et populaires de Don Quichotte jamais parue, publiée à Paris en 1836 à 1837 : L’ingenieux hidalgo Don Quichotte de la Manche, par Miguel de Cervantès-Saavedra, traduit et annoté par Louis Viardot, Paris, J.-J. Dubochet, . Voir l'édition de 1845 numérisée par Gallica : Bnf Réserve des livres rares RES-Y2-973
L'œuvre, en deux volumes, doit être comptée parmi celles qui ont marquées l' âge d' d'or de la xylographie. Tony Johannot était un vrai maître dans ce genre de produits et sera la star de la scène de l'édition française des années trente et quarante du XIXe siècle, pour laquelle il traduit en images de nombreuses grandes œuvres de la littérature désormais «classiques» . Les pages de Chateaubriand, Goethe, Walter Scott, Lord Byron, mais ausside Molière, Cervantes, ou Rousseau et même les versets bibliques ont trouvés dans Johannot un illustrateur vif, impliqués, et extrêmement ductile. Le Quichotte illustré par Tony Johannot fut l'un des principaux succès de l'édition de ces années: à partir de l'exemple des premières éditions xylographiques anglaises, mais en les dépassant, le peintre a conçu des dessins plein de vie qui jouent avec le texte, se mêlant avec lui, allant au-delà de la traditionnelle disposition en miroir par rapport à la page écrite.
Cet appareil illustratif redoutable fut souvent incorporé, en totalité ou partiellement, et régulièrement répété tout au long du XIXe siècle, en dépit de la concurrence des véritables chefs-d'œuvre, tels que l'édition Hachette accompagnée par les gravures de renommée mondiale de Gustave Doré. L'édition Dubochet a été littéralement «exportée» en Allemagne, en Angleterre, en Espagne elle-même et même au Mexique.
Les dix-neuf peintures de Cheverny sont une preuve de plus du succès tenace de l'édition Dubochet, qui a été choisie comme modèle trente ans après sa première parution en dépit du fait qu'on pouvait voir alors dans ces années un véritable déluge d'éditions donquichottesque : en 1863 seulement, par exemple, en collaboration avec Hachette il s'en est compté cinq autres. (d'après G. Quaranta)
Les 19 épisodes représentés sont:
- La mort de Don Quichotte;
- Sancho fouette un arbre à l'insu de Don Quichotte;
- L'aventure du cheval de bois ;
- L'aventure des moulins à vent;
- La bataille avec les outres;
- Don Quichotte dans les bras en présence de Dorothée;
- Rencontre avec les trois femmes;
- Automne du paysan qui a été considéré comme Dulcinée par Quichotte;
- Lors du mariage de Gamancio un cuisinier offre à Sancho une casserole pleine de nourriture;
- Sancho suivi par les cuisiniers;
- Sancho gouverneur à la table avec Pedro Recio;
- Sancho retrouve son âne.
- Sancho rendant visite à Dulcinée;
- Quichotte et Sancho lapidés par des forçats;
- La charge des béliers;
- Le repas de don Quichotte à l'auberge;
- L'aventure du bateau enchanté;
- Le vol de l'âne;
- Quichotte battu par un muletier.
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Le peintre qui a créé les peintures a tenté de rivaliser et de s'accorder, surtout d'un point de vue stylistique, avec Jean Mosnier, mais il est "trahi" par les changements de l'iconographie au XIXe siècle. La représentation du personnage de Sancho, ainsi, est tout à fait différente dans les peintures du XIXe siècle de celle de Mosnier. Un Sancho dodu, avec un pantalon large caractéristique et un chapeau rond à large bord , est caractéristique des panneaux du XIXe siècle, ainsi que le don Quichotte avec le casque en salade de Mambrin sur sa tête, plus dégingandé et incertain que ce que fait Mosnier.
Au total, parmi les 34 panneaux, 23 appartiennent indubitablement à ce moment, vers 1860, où le réaménagement du château a donné à la Salle à Manger et à la Galerie leur aspect actuel.
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Don Quichotte chargeant les moutons, Cheverny, XIXe siècle in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).
La charge des béliers, comparaison entre le panneau de Cheverny et la gravure de Tony Johannot, in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).
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Don Quichotte, L'aventure des moulins à vent : XIXe siècle. Cheverny , in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).
Don Quichotte, L'aventure des moulins à vent : comparaison entre le panneau de Cheverny et la gravure de Tony Johannot, in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).
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II. Les 11 panneaux de Jean Mosnier vers 1635.
Ils sont différents les uns des autres par leur taille et par leur forme. Tous sont encadrées par des cartouches à volute tors, de couleur blanche sur fond ocre: Ceux-ci se détachent sur un fond azur profond et sont pour certains extrêmement simples, et même triviaux, et pour d'autres plus élaborés, avec des motifs de branches et de petits grappes qui commencent à partir des coins.
Ces cadres ont certainement été repeints et en effet il est évident que presque tous les panneaux ont été coupés, surtout latéralement, même si nous pouvons dire que le cadrage d'origine ne devait pas être très différent, comme l'attestent deux tableaux qui ont gardés encore leur aspect d'origine.
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Deux panneaux de Jean Mosnier au musée de Blois.
A ces onze panneaux de Cheverny doivent être ajoutés deux autres, identifiés par G. Quaranta, et qui sont conservés à Blois, dans les magasins du musée du Château, après leur acquisition sur le marché de l'art ancien en 1982. Ils proviennent cependant certainement de la série de Cheverny, car ils sont parfaitement analogues tant des points de vue iconographique que stylistique, et l'un comme l'autre représentent deux autres événements très importants: Don Quichotte accueilli par des parents au retour de sa première sortie, et La lutte avec le Biscayen. On ne sait rien de l'histoire de ces deux tableaux avant l'achat par le musée: ils rendent encore plus complexe la reconstitution de l'histoire de la série des panneaux, , soulevant la question de la date de leur séparation des autres peintures.
Don Quichotte accueilli par des parents au retour de sa première sortie, et La lutte avec le Biscayen, Blois, Musée du Château, en dépôt, photographie illustrant la thèse de G. Quaranta (reproduction par son aimable autorisation).
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Tant Montaiglon que La Saussaye témoignent que les panneaux restant étaient au nombre de quinze lors de leur visite, ce qui signifie donc que par la suite, quatre n'ont pas trouvé place lors de la remise en place. Les deux panneaux de Blois pourraient appartenir à ce groupe de peintures, bien que les raisons de l' échec de leur réutilisation nous échappent. Dans la même série appartenait sans doute aussi la peinture que, même en 1931, Maurice Bardon pouvait voir abandonnée et en mauvais état dans l'Orangerie du château, car de toute évidence elle n'a pas été replacée dans le décor du XIXe siècle : malheureusement, le savant n'a pas réussi à identifier le sujet, nous privant d'une donnée qui aurait certainement été intéressante. Toutefois, il est raisonnable de voir dans les deux panneaux du musée de Blois un bon témoin du cycle initial. On y trouve des cadres un peu plus élaborés que ceux du château, mais sensiblement similaires, avec les mêmes tiges et des grappes de vigne, les mêmes volutes enroulées vers l'intérieur. Autour il y a une peinture blanche lourde qui a l'air d'être celle mentionnée par Montaiglon, alors que les scènes à l'intérieur - bien que l'état de conservation soit loin dêtre idéale - sont clairement lisibles, et peuvent en effet nous offrir un témoin certainement intact des tableaux donquichottesque par Jean Mosnier.
Nous ne devons pas oublier, avant de poursuivre, les deux autres éléments de cycle que, sans venir jusqu'à nous, nous connaissons encore avec le témoignage de Soussaye, à savoir les deux panneaux disposés sur les panneaux montants de cheminée, portant les deux épitaphes que Cervantes avait placé à la fin de la première partie du roman. L'épitaphe est transcrite selon la traduction de Quijote écrit par César Oudin en 1614, la première en français, qui restera en usage pendant plus d'un demi-siècle, jusqu'à celle de Filleau de Saint-Martin, publiée en 1678. Ce fut cette version du roman - qui a été en possession du commanditaire et du peintre.
C' est donc la matière sur laquelle nous pouvons raisonner sur le cycle de Don Quichotte de Cheverny : deux inscriptions et treize tableaux, d'état et de qualité d'exécution différentes, cette lacune en raison de l'intervention de l'atelier de Mosnier, comme cela se retrouve aussi dans les autres cycles du château, en particulier dans celui de l'Éthiopique et de Vénus et Adonis. Il est en effet impensable que Jean Mosnier ait mené seul l'ensemble du décor du château, une oeuvre d'effort considérable qui l'a impliqué dans la réalisation de plusieurs séries peintes, dont certains n'étaient pas d'un concept facile.
Ces panneaux sont ceux de :
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L'arrivée de Quichotte à l'auberge, après sa première sortie, (I Quijote, 2). Salle à Manger.
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La veillée d'armes (I, 3) . Salle à Manger.
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L'Adoubement de Don Quichotte (I, 3). Salle à Manger.
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Don Quichotte ramené à la maison par un voisin (I, 5), Salle à Manger. https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ing%C3%A9nieux_Hidalgo_Don_Quichotte_de_la_Manche/Premi%C3%A8re_partie/Chapitre_V
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Don Quichotte accueilli par la famille, le curé et le barbier (I, 5, au Musée de Blois)
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L'examen des livres (I, 6) . Galerie.
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la bataille avec le Biscayen (I, 8, au Musée de Blois) , https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ing%C3%A9nieux_Hidalgo_Don_Quichotte_de_la_Manche/Premi%C3%A8re_partie/Chapitre_VIII
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Don Quichotte blessé conduit à l'auberge par Sancho (I, 16),
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La femme de l'aubergiste et Maritorne soignent les blessures de don Quichotte (I, 16),
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Bagarre nocturne entre don Quichotte, Malitorne et le muletier. (I, 16),
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Sancho lancé en l'air avec la couverture (I, 17), Salle à Manger.
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Sancho conduisant le barbier et la Princesse Micomicona vers don Quichotte (I, 29 ), Salle à Manger.
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Don Quichotte battant le chevrier (I, 52). Salle à Manger.
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Don Quichotte, 4 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)
Les épisodes peuvent être répartis en trois groupes distincts basés sur la séquence narrative: les sept premiers panneaux en fait se réfèrent - dans une séquence assez serrée - aux huit premiers chapitres du roman. Le deuxième groupe suit également une séquence compacte avec quatre tableaux tous tirés des chapitres 16-17 du Livre I, concentrés sur le deuxième séjour à l'auberge. Le troisième groupe, enfin, se compose de deux tableaux, qui se réfèrent à des stades plus avancés de la nouvelle et non-consécutifs, traitant des événements de la Sierra Morena (Sancho accompagne le barbier et la Princesse Micomicona chez don Quichotte) et encore du retour à la maison de l' hidalgo, escorté par des amis et d'autres personnes qu'il a rencontrées au cours de la rocambolesque aventure (Lutte entre Quichotte et le chevrier, prise à partir de I, 52).
Les treize peintures conservées, par conséquent, sont tirées de la première partie du roman. la statistique est réellement impressionnante: même en tenant compte du fait qu'il ne s'agit que d'une partie du cycle original, et qu'un grand nombre de facteurs peut avoir déterminé leur sort, cependant, il est tout à fait remarquable que pas un seul épisode de la deuxième partie n'ait été sauvé de la destruction. On peut supposer que l'attention de Jean Mosnier et son acheteur a porté uniquement sur la première partie du Don Quichotte . En outre, il est un point de vue historique probable est confirmée par un examen comparatif : le choix et l'ordre des scènes de Cheverny ne semble pas différer beaucoup de ceux des autres rares tentatives d'illustration donquichottesque un peu plus tardives, au milieu du XVIIe siècle, ou les gravures de Jérôme David ( Les adventures du fameux chevalier de la Manche Don Quichotte et de Sancho Pansa son escuyer, à Paris, par Jaques Lagniet (environ 1650-1652), et cinq tapisseries du château d'Édimbourg.
En particulier, les gravures de Jérôme David montrent que le travail a été fait avec une perspective culturelle similaire, avec une grande prévalence des épisodes des premiers chapitres du roman et les aventures du deuxième séjour à l'auberge.
Caractères généraux.
—En premier lieu, ce qui reste du cycle montre une tendance à la dilatation narrative : c' est une caractéristique qui se trouve aussi dans les gravures de David, mais qui est beaucoup plus marquée et évidente dans les peintures de Jean Mosnier à Cheverny. Elle s'affiche, en effet, comme une caractéristique particulière et presque comme une sorte de "marque de fabrique", puisque nous trouvons la aussi dans le cycle des Éthiopiques, de l'étage du château de Cheverny.
— En second lieu, les scènes de Don Quichotte qui nous parvenues nous permettent de dire qu' au moins toute la première partie du roman a été représentée à Cheverny.
Si on évalue cela en relation avec les dimensions originales probables du cycle, une série d'une trentaine ou quarantaine de tableaux, il est clair que l'espace nécessaire destiné aux aventures de la deuxième partie du roman ne pouvait être que minime.
Les peintures de Jean Mosnier sont les toutes premières illustrations du roman et supposent de sa part une créativité et une attention de lecture remarquable : cette profonde attention au texte de Cervantès et à sa narration est indéniable. Gabriele Quaranta en donne plusieurs exemples :
1. Don Quichotte arrivant à l'auberge. La peinture, qui ouvre symboliquement la série dépeint don Quichotte devant l'uberge, à la porte de laquelle se tiennent deux jeunes filles "de vie libre". L' hidalgo est entièrement armé avec l'armure, la lance, la rondache et le casque: mais l'apparence est très étrange, car au moment de dépoussiérer les vieilles armes de ses ancêtres "au lieu d’un heaume complet elle n’avait qu’un simple morion. Alors son industrie suppléa à ce défaut : avec du carton, il fit une manière de demi-salade, qui, emboîtée avec le morion, formait une apparence de salade entière ". (Don Quichotte I,1)
La première chose qu’il fit fut de nettoyer les pièces d’une armure qui avait appartenu à ses bisaïeux, et qui, moisie et rongée de rouille, gisait depuis des siècles oubliée dans un coin. Il les lava, les frotta, les raccommoda du mieux qu’il put. Mais il s’aperçut qu’il manquait à cette armure une chose importante, et qu’au lieu d’un heaume complet elle n’avait qu’un simple morion. Alors son industrie suppléa à ce défaut : avec du carton, il fit une manière de demi-salade, qui, emboîtée avec le morion, formait une apparence de salade entière. Il est vrai que, pour essayer si elle était forte et à l’épreuve d’estoc et de taille, il tira son épée, et lui porta deux coups du tranchant, dont le premier détruisit en un instant l’ouvrage d’une semaine.
Cette facilité de la mettre en pièces ne laissa pas de lui déplaire, et, pour s’assurer contre un tel péril, il se mit à refaire son armet, le garnissant en dedans de légères bandes de fer, de façon qu’il demeura satisfait de sa solidité ; et, sans vouloir faire sur lui de nouvelles expériences, il le tint pour un casque à visière de la plus fine trempe.
Jean Mosnier représente bien le casque étrange avec le casque blanc de carton, mais aussi une armure qui, dans les années trente du XVIIe siècle, devait paraître assez anachronique. Il a également souligné l'habit : la couleur rouge de son pantalon suggère l'improbabilité du caractère et de la coupe soufflé avec des fissures blanches visibles qui fait également référence à une image sur la mode par rapport aux exigences de l'époque de Louis XIII.
2. Le chevalier apparaît en culottes et chemise vertes lors de l'épisode dela veillée des armes . Ici aussi, Jean Mosnier a tenu compte de l'histoire de Cervantes: don Quichotte veille, la lance à la main, les armes empilées dans la cour de l'auberge, à côté du puits qui causera peu de temps après le combat avec le muletier. Si le bonnet de nuit est comique avec un gland de couleur accordée avec celle de la chemise, cependant, l'œuvre particuliere - au dessus, en profitant de la concavité du cadre - cite textuellement ce passage du chapitre 3 :"La nuit se ferma tout à fait ; mais la lune jetait tant de clarté qu’elle pouvait le disputer à l’astre qui la lui prêtait, de façon que tout ce que faisait le chevalier novice était parfaitement vu de tout le monde. ".
Aussitôt tout fut mis en ordre pour qu’il fît la veillée des armes dans une grande basse-cour, au fond de l’hôtellerie. Don Quichotte, ramassant toutes les siennes, les plaça sur une auge, à côté d’un puits ; ensuite, il embrassa son écu, saisit sa lance, et, d’une contenance dégagée, se mit à passer et repasser devant l’abreuvoir. Quand il commença sa promenade, la nuit commençait à tomber. L’hôtelier avait conté à tous ceux qui se trouvaient dans l’hôtellerie la folie de son hôte, sa veillée des armes et la cérémonie qui devait se faire pour l’armer chevalier. Étonnés d’une si bizarre espèce de folie, ils allèrent le regarder de loin. Tantôt il se promenait d’un pas lent et mesuré ; tantôt, appuyé sur sa lance, il tenait fixement les yeux sur ses armes, et ne les en ôtait d’une heure entière. La nuit se ferma tout à fait ; mais la lune jetait tant de clarté qu’elle pouvait le disputer à l’astre qui la lui prêtait, de façon que tout ce que faisait le chevalier novice était parfaitement vu de tout le monde.
3. Dans les deux scènes du Retour à la maison de Don Quichotte après la première sortie , le voisin qui ramène l'hidalgo qui a été battu porte des pantalons, un chemisier blanc à manches longues, sur celle-ci un grand manteau à capuchon et une casquette arrondie avec un bord court. Cet habit n'a pas été choisi au hasard. Nous le trouvons presque identique dans une série de gravures d' Enea Vico intitulé Abiti di Spagna: parmi les différents personnages , le Laboureur de Castille présente un manteau similaire, tandis que l'Homme Basque porte, en plus de son manteau, une coiffure similaire. Jean Mosnier pourrait bien connaître les gravures d' Enea Vico non seulement parce qu'il avait vécu pendant sept ans en Italie, mais aussi parce qu'elles devaient être assez répandues, et il a décidé de les utiliser pour représenter un caractère «vraiment» espagnol. Toujours dans la série de gravure de Vico est la figure de la Cortigiana (Courtisane), avec des hauts "zeppe" (talons hauts ) pour soulever ses sabots, semblables à ceux que portent les deux jeunes filles à la porte de l'auberge.
4. Dans la même image du Retour à la maison sur la porte peut se reconnaître le barbier et le curé, ou Licenciado, bien reconnaissables à leurs vêtements, qui ne passent pas inaperçus et que nous trouvons aussi dans l'épisode de l'examen des livres. Le curé / licenciado est vêtu d'un habit qui se trouve de façon commune dans le théâtre de l'époque, dans le personnage du Médecin, il Medico, comme l'a représenté G. M. Mitelli dans une autre série de gravures: le même grand manteau, chapeau semblable, lunettes identiques.
5. Une référence explicite au théâtre et à la Commedia dell'Arte est offerte par l'épisode de l'Adoubement du chevalier , avec don Quichotte posant dans une nuit remarquable "aux chandelles", qui rappelle non pas tant lesexpérimentation du Caravage Caravaggio romain, que ses rivaux néerlandais, parmi lesquels on trouve des scènes de nuit semblables avec des masques et des couleurs vives.
6.La même atmosphère scènique transparît encore briller de façon pittoresque sur les deux panneaux dans lesquels la princesse Micomicona, vêtue logiquement d'un costume de carnaval, apparaît toujours, avec un masque pour couvrir les yeux.
7. Dans le même temps un rôle significatif devait être jouer au commanditaire, qui pouvait suggérer des idées et des solutions, suscitées par la lecture d'un roman si en faveur dans les milieux culturels et dans les salons aristocratiques. Une piste à cet égard provient de la peinture représentant Sancho lancé sur la couverture par les clients de l'auberge, un topos littéraire et iconographique de grande fortune dont l'écho s'est prolongé pendant encore deux siècles, au moins jusqu'à Goya. Une fameuse lettre de Vincent Voiture à Mlle de Bourbon décrit, autour de 1630, une scène similaire: V. Voiture, Lettre IX, Voiture à Mademoiselle de Bourbon (circa 1630), in Œuvres de Voiture, vol. I, pp. 40-44 : "Mademoiselle, je fus berné vendredi dernier, pour ce que je ne vous avais pas fait rire dans le temps que l'on m'avait donné pour cela."
Le texte ironique de Voiture rappelle explicitement le épisode de Cervantès et nous savons, par ailleurs, que l'écrivain était un admirateur de la première heure du Don Quijote en lequel, comme les autres membres du cercle de l'Hôtel de Rambouillet, il a vu certes un livre de chevalerie, mais néanmoins comique, qui s'attachait toujours aux valeurs d'honneur, de loyauté et de fidélité qui étaient de nouveau cultivées dans certains milieux aristocratiques parisiens.
Dans les mêmes années, l'image du saut sur la couverture a inspiré Gérard de Saint-Amant pour une satire intitulée précisément La Berne . (Gérard de Saint-Amant, La Berne, in Les Œuvres du Sieur de Saint-Amant, à Paris, de l’imprimerie de Rob. Estienne. Pour François Pomeray, et Toussainct Quinet. Au Palais, en la grande & petite galerie. M.DC.XXIX. Avec privilege du Roy)
La relation possible de ces textes avec le tableau de Cheverny apparaît à travers un détail: là où le texte de Cervantès parle de nombreux clients qui ont afflué pour soulever Sancho, les personnages représentés par Mosnier sont seulement quatre, tout comme les "tortionnaires" de Voiture et les personnages mis en cause par Saint-Amant. Vingt ans plus tard Jérôme David s'en souvient encore, mais à partir des années soixante, tant les éditions illustrées du roman que les images décoratives dans la peinture et la tapisserie d'ameublement vont suivre à la lettre l'histoire, dépeignant beaucoup plus de clients. Il est peu probable que Jean Mosnier ait pu avoir connaissance de la lettre de Voiture et peut-être même la satire de Saint-Amant, mais le comte de Cheverny ne devrait pas être sans rapport avec la circulation des idées et des textes, ce qui pourrait transparaître d'une certaine façon, même dans les choix picturaux.
Seuls ces exemples suffisent à suggérer une donnée très intéressante: Jean Mosnier construit ses images de Don Quichotte après une mûre réflexion, en commençant par une lecture soigneuse du texte et en sélectionnant soigneusement à partir de différentes sources les éléments iconographiques qui seront ensuite fusionnées dans un nouveau contexte. De ce point de vue, en dépit du sort inclément des peintures et l'état de conservation, le cycle de Cheverny apparaît comme une tâche d'une grande profondeur et d'une grande sophistication, car il compense l'absence d'une tradition antérieure avec un travail très minutieux de l'interprétation et de illustration du texte.
Le cycle de Don Quichotte participe, avec ceux de Chariclée (l'Éthiopique) et de l'Astrée, à renforcer l'image de Jean Mosnier comme peintre aux prises avec la représentation de textes littéraires récents ou de succès récents, mais aussi inhabituelle, et en tout cas tous d'une grande complexité narrative.
5.Une Salle Don Quichotte à Cheverny.
Cette «édition des images" remarquable du Quichotte, le premier dont nous avons la connaissance et le suivi, a trouvé une place dans les lambris de l'antichambre du grand appartement de l'est du rez-de-chaussée du château, qui introduisait - tout comme la Salle des Gardes - aux chambres du pavillon extérieur.
Il y avait là une chambre semblable à la Chambre du Roi, sur lequel le Proces verbal de 1724 s'est très peu attardée, et deux cabinets, dont l'un couvert d'un plafond "à l'anglaise" avec des peintures placées dans les coffres et l'autre - qui s'ouvre aussi sur une alcôve - avec des panneaux au plafond, dans lequel ils ont été intégrés des cadres et des portraits.
Blois, Archives Départementales du Loir-et-Cher, serie B, Baillage de Blois: visite de Cheverny, Procès verbal de Chiverny commancé le 21 septembre 1724 et finy le 24 octobre suivant concernant l’estat de la terre et seigneurie dudit Chiverny, les reparations qui y sont a faire et l’estimation d’icelles (...), c. 10
Toutes les chambres ont été équipées de riches cheminées en bois et en pierre, avec des sculptures, de dorures et de peintures sur le devant. Nous avons reconstruit les vicissitudes aventureuses de cette Salle du Quichotte, et nous avons fait allusion à ce qui devait être sa structure de XVIIe siècle: nous allons donc insister sur la mise en page du cycle et son rôle dans la structure décorative. Félibien dit explicitement que les peintures chisciotteschi ont été logés dans les panneaux : lesquels, tournaient tout autour du périmètre de la pièce, rompu seulement par des portes et cheminée.
Il est possible que même les portes des portes aient été décorées pour accueillir aussi des scènes du Don Quichotte , comme avec l'Ethiopique dans la Chambre du Roi. De même, la cheminée devait être au moins en partie intégrée au cycle, comme en témoigne De La Saussaye .
Peu de temps avant les peintures de Cheverny dédiées au Don Quichotte, en fait, étaient apparus en France deux autres "cycles décoratifs" dédiés à ce héros: non pas sous forme de peintures sur les murs d'une demeure, mais représentés dans les pages d'Adrien de Monluc et Antoine Gérard de Saint-Amant, sous forme de deux cas qualifiés par G. Quaranta d' ekphrasis du thème donquichottesque. Saint-Amant, dans La Chambre du débauché, paru en 1626, décrit ainsi la Berne de Sancho :
Proche de là le pauvre sot
Est contraint de payer l'escot
En especes de capriolles,
Allant conter au Firmament
Qu'on peut bien danser sans violles
Quand la berne sert d'instrument.
N.B : son poème La Berne vient presque immédiatement après La chambre du débauché.
Pour Quaranta, ces tableaux littéraires semblent tisser avec le Don Quichotte de Cheverny une toile de références croisées, l'ouverture d'itinéraires alternatifs, appeler d'autres lieux, d'autres textes, d'autres peintures. En un mot : voici la trace de ce contexte qui semblait manquer.
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Malgré cette thèse exceptionnelle et son riche corpus d'illustration, le cycle de Don Quichotte à Cheverny reste inédit, puisque les chercheurs ou les amateurs ne disposent pas d'une monographie avec les 34 illustrations des "lambris", un titre validé pour chaque panneau, une description muséographique qualifiée pièce par pièce, et une étude critique de cette œuvre.
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SOURCES ET LIENS.
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— CERVANTES, Les Principales avantures de l'admirable Don Quichotte, représentées en figures par Coypel, Picart le Romain et autres habiles maîtres, avec les explications des 31 planches de cette magnifique collection tirées de l'original espagnol de Miguel de Cervantès http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8613391m/f7
— CHARTIER (Roger) Cardenio entre Cervantes et Shakespeare: Histoire d'une pièce perdue, NRF Gallimard,
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— CHARTIER, (Roger) 2010, « Écrit et cultures dans l’Europe moderne », L’annuaire du Collège de France [En ligne], 109 | 2010, mis en ligne le 24 juin 2010, consulté le 23 août 2016. URL : http://annuaire-cdf.revues.org/371
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— FÉLIBIEN (André, 1619-1695 ), 1681, "Chiverny", in "Mémoires pour servir à l'histoire des maisons royales et bastimens de France", publiée par Anatole de Montaiglon. Société de l'histoire de l'art français, Paris, 1874.
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— FÉLIBIEN (André, 1619-1695 ), 1666-1668, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes
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ga.quaranta@alice.it
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— QUARANTA (Gabriele), 2006 Don Chisciotte nel Castello di Cheverny. Un ciclo dipinto del Seicento francese Il contributo si propone di illustrare quello che risulta essere il più antico ciclo pittorico ispirato alle vicende narrate nel "Don Quijote", ovvero quello realizzato dal pittore Jean Mosnier nel castello di Cheverny. CRITICA DEL TESTO, Anno 2006 - N.1-2 - Pag. 675-697
http://www.torrossa.com/resources/an/2407201?ref=http://www.viella.it/rivista/9788883342783/868
— QUARANTA (Gabriele), 2010, De la Maison d’Astrée aux tableaux de Cheverny: emblèmes, poèmes et «Chambres d’Amour» au temps de Tristan, in «Cahiers Tristan L’Hermite», XXXII, 2010, pp. 24-38.
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— TORRIONE (Margarita), « El Quijote en la educación de Felipe V", in Don Quijote: tapices espanoles del siglo XVIII, a cura di C. Herrero Carretero, J. Alvarez Barrientos, catalogo della mostra, Dallas, USA, Meadows museum (settembre-novembre 2005); Toledo, España, Museo de Santa Cruz, (dicembre 2005 - febbraio 2006) Toledo 2005.
— SAUSSAYE (Louis de la ), 1862 et 1867, « Blois et ses environs. Guide artistique et historique dans le Blésois et le Nord de la Touraine» .Blois, Paris
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— Don Quichotte, correspondances: Coypel, Natoire, Garouste : [exposition], Compiègne, Musée national du Château de Compiègne, 6 février-3 avril 2000
http://palaisdecompiegne.fr/sites/palaisdecompiegne.fr/files/dp_donquichottte.pdf
— Don Quichotte vu par un peintre du XVIIIe siècle, Natoire: Musée national du château de Compiègne, 14 mai-10 juillet 1977, Musée des tapisseries d'Aix-en-Provence, 20 juillet-21 septembre 1977 ..Odile Picard Sébastiani, Marie-Henriette Krotoff, Charles Joseph Natoire, Musée national du château de Compiègne, Musée des tapisseries d'Aix-en-Provence, Éditions des Musées nationaux, 1977 - 80 pages
— J. Vatout, Saint-Esteben, Victor Arthur Rousseau de Beauplan, Vict Herbic, Souvenirs historiques des résidences royal de France: Château de Compiègne Firmin Didot frères et cie, 1837 pages 595-597
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