Une partie de cache-cache avec la Grande Sauterelle verte Tettigonia viridissima autour de la rivière de l'Aber.
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Sur les Orthoptères, voir aussi :
- Gryllus campestris, le grillon champêtre.15 mai à l' Aber à Crozon
- Chorthippus binotatus : le lutin des ajoncs: landes de Tresigneau-Kermoal, 7 juillet 2011.
- La ponte de l'Éphippigère de la vigne Ephippiger ephippiger (Fiebig, 1784) . 30 septembre 2012.St-Hernot, Presqu'île de Crozon.
- La Decticelle bariolée Metrioptera roeselii. 21 juin 2011 ; l'Aber, Crozon (29)
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PRÉSENTATION.
Cette prairie de Poraon sur les bords de la rivière de l'Aber à Crozon était un de mes sites naturalistes préférés lorsqu'elle était fauchée, mais elle est aujourd'hui en friche et envahie par les prunelliers et les aubépines. Pourtant, écartant les tiges des ombellifères et me prenant les pieds dans les ronces, je parviens à l'endroit où, en 2018-2020, je venais jouer avec de belles sauterelles. Oh surprise, elles sont au rendez-vous, et sautent comme des grenouilles pour accueillir ma progression.
Ces Tettigonidées ont le chic pour déceler votre approche (par les vibrations), et, aussitôt, se dissimuler derrière une tige tout en ne vous quittant plus des yeux. Si vous avez affaire à un mâle, il cesse aussitôt de striduler. Vous vous accroupissez parmi les épines. Vous tentez de vous déplacer vers la droite ; mais une fois à genoux, vous vous sentez comme Gulliver dans un pays de géant, dans une forêt vierge dont le seul mérite est d'embaumer la menthe. Chaque mouvement de votre bras déplace des brins d'herbes devenues des taillis, ce qui fournit immédiatement des indices à votre partenaire : Tettigonia tourne aussitôt et vous place dans son axe de visée. Vous allez à gauche ? Elle pivote à nouveau, et vous vous feriez encore longtemps tourner ainsi en bourrique.
La force du naturaliste, fût-il fort amateur, c'est la patience : ce sont les insectes qui la lui ont enseignée.
Vous ne bougez plus. La bestiole verte s'étonne ; sans doute elle ne voit bien que par les vibrations qu'elle ressent, et désormais, vous vous confondez avec le fond vert tout autant qu'elle tout à l'heure. Elle penche la tête sur le côté. Coucou ! Lentement, mais alors très lentement (vos jambes sont engourdies et vos bras tenant l'appareil photo sont gagnés par les crampes), elle fléchie la cuisse (vous avez tout le temps nécessaire pour vérifier que celle-ci est dépourvue de vrais épines, à la différence des tibias), avance une patte (vous voyez bien les coussinets ventouse de la troisième pièce du tarse et vous vous demandez si c'est de la feutrine ou du caoutchouc), et puis, devenue très désinvolte, elle se place tête en bas et elle parcourt pas à pas sa perche.
Si elle croise une liane (en réalité une herbe des près, fléole, fétuque ou paturin), elle l'adopte, avec la même assurance que vous sur un échangeur d'autoroute. Vous vous gardez bien de vouloir la suivre, car au moindre faux-pas elle reprendra la partie de jeu de l'oie à la case départ. Malgré les graminées, vous vous retenez d'éternuer, et vous continuez à suivre ses pérégrinations avec votre télé-objectif, absorbé par de minutieux réglages de mise au point.
Voici donc, choisis au hasard, un couple, encore immature car leurs ailes formeront bientôt, à partir de mi-juillet, une longue queue-de-pie derrière leur dos. Chacun pourra alors s'envoler et surtout convoler, plutôt que de sautiller d'herbe en herbe. Ils vivront six mois.
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I. Le mâle.
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Les antennes mesurent une fois et demi la longueur du corps : j'ai essayé de ne pas trop les couper dans mon cadrage.
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Notez les pelotes des trois premiers articles du tarse, placés entre les griffes, et surtout développés — lobés en cœur — sur la face postérieure du troisième article. Pour faire savant, nommez-les "arolia" (arolium au singulier). Ces structures adhésives souples permettent à l'insecte de grimper verticalement sur les surfaces lisses même par grand vent, lorsque les griffes se déclarent dépassées . Une glande permet de sécreter un film liquide adhésif qui majore l'effet mécanique d'adhérence. Des études ont montré sur d'autres espèces que ces arolia ne sont pas nécessaires à la détection vibratoire des proies. Ces structures sont des petits prodiges du Vivant. Le nom, sans étymologie claire, apparaît en zoologie vers 1850.
Voir Y.K Jiao et col, The attachment pad of the Tettigonia viridissima.
https://www.researchgate.net/figure/The-attachment-pad-of-the-Tettigonia-viridissima-A-Ventral-view-of-the-tarsus-of-the_fig2_12495823
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Et on repart vers le haut. Quand on n'a pas de tête !
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II. La femelle.
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Linné, en sa sagesse, qualifia l'espèce de viridissima : "très très verte". Comme les herbes !
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a. Ca y est, je suis cachée !
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b. Trouvée !
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Elle traine derrière elle une tarière, un oviscapte droit et long comme un poignard.
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SOURCES ET LIENS.
— Heiko Bellmann et Gérard Luquet (trad. de l'allemand), Guide des sauterelles, grillons et criquets d'Europe occidentale, Paris, Delachaux et Niestlé, 2009, 383 p.
http://files.biolovision.net/www.faune-charente-maritime.org/userfiles/Ortho/CledesorthoPC/CldesOrthoPCPARTIE2Clsauterelles.pdf
https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/65774/tab/fiche
http://aramel.free.fr/INSECTES4ter-1.shtml