L'arbre de Jessé de la cathédrale Sainte-Marie de Burgos.
Retablo del Árbol de Jesé (Capilla de la Concepción, Catedral de Burgos).
Jesse Tree, Cathedral of Burgos, Chapel of the Conception and St. Anne.
Cet article complète ma série sur les Arbres de Jessé de Bretagne dont on trouve la liste ici / all my Jesse Tree are here : Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56).
Voir aussi
Le Baiser de la Porte Dorée à la cathédrale de Burgos
Ma visite de la cathédrale de Burgos restera certainement un très grand moment : débutant par la découverte d'une Vierge allaitante, puis d'une Sainte-Anne trinitaire, elle trouva son point-d'orgue à la chapelle Sainte-Anne, Capilla de Santa-Anna, dédiée à sa sainte éponyme, mais aussi à l'Immaculée-Conception.
Cette chapelle aussi nommée Capilla de la Concepcion a été construite en 1477-1488 par les architectes Jean et Simon Cologne comme chapelle funéraire pour l'évêque Luis de Acuña y Osorio. Elle renferme deux chefs d'œuvre, le grand retable de l'Arbre de Jessé et de la Sainte-Parenté, et le tombeau Renaissance de Luis de Acuña.
"Capitale du royaume de Castille et de Leon depuis le XIe siècle, Burgos était au XVe siècle un des centres artistiques les plus importants d'Espagne, bénéficiant à la fois de la présence de la Cour et de celle de grands ecclésiastiques du royaume. De véritables famille et communautés d'artisans, issues de régions différentes, en particulier du nord de l'Europe, y étaient actives, donnant un caractère bien particulier à la production artistique castillane.
C'est dans ce contexte que prend place la réalisation du retable de l'Immaculée Conception sculpté par Gil de Siloé et peint par Diego de la Cruz, destiné à la chapelle funéraire de l'évêque de Burgos, Luis Osorio Acuña, situé dans la cathédrale. Première œuvre attestée de Gil de Siloé, quelques années avant son intervention au couvent de Miraflores, cet ensemble monumental est resté toutefois longtemps ignoré voire méprisé des historiens de l'art car recouvert depuis 1868 d'une épaisse couche de peinture. Il apparaissait trop transformé et très archaïque. Une restauration récente a permis de le débarrasser de cet épais badigeon et la polychromie originelle est apparue dans un état de conservation remarquable. En outre, la découverte de peintures murales dans la partie supérieure venant compléter le groupe sculpté de la Crucifixion a introduit de nouveaux éléments." (C. Chédeau, 2002)
Le retable de l'autel.
De style gothique tardif, il est dû au sculpteur flamand Gil de Siloe entre 1483 et 1486, bien qu'on attribue à un autre artiste, le "Maître aux grandes mains", la taille de certains prophètes. Son thème est consacré à l'arbre de Jessé autour de Joaquim et Anne, parents de la Vierge Marie. Les couloirs latéraux abritent, sous de fins dais, de nombreuses petites statues de saints et de prophètes, des scènes mariales, des hagiographies et une image de l'évêque fondateur.
La profusion des figures et des dorures émerveille le spectateur, mais lui impose bientôt d'organiser avec rigueur sa démarche : il discernera d'abord le rectangle central parcouru par l'arbre de Jessé et ses arborescences, rectangle dont la partie médiane monte en trois registres, l'un consacré à Jessé, l'autre à Anne et Joachim sous la Porte dorée, le troisième à la Vierge et l'Enfant. Latéralement, l'Arbre monte en deux bras de chandelier où s'échelonnent douze rois de Juda, et entourant la Vierge, l'Église et la Synagogue.
Deux couloirs latéraux sont occupés de trois tableaux chacun, et ces couloirs sont encadrés de colonnes gothiques où trouvent place des personnages.
Au dessus de cet ensemble, on découvre successivement des armoiries encadrées de griffons puis un calvaire avec la Crucifixion, Marie et Jean sur des culots, et les larrons crucifiés peints sur la paroi.
Enfin, il reste à décrire l'étage inférieur, composé au centre d'un bas-relief de la Résurrection, puis de sculptures de Pierre et Paul et des Évangélistes.
Sans oublier de très nombreux détails qu'on nommera marginalia et dont chacun mériterait une attention complète.
Résumons :
A. Ensemble central.
- Anne et Joachim au centre.
- Arbre de Jessé aux douze rois.
- Vierge à l'Enfant entre l'Église et la Synagogue.
B. Couloirs latéraux.
- couloir gauche bas: Saint Hubert évêque donateur
- couloir gauche médian : Nativité de la Vierge
- couloir gauche supérieur : Anne rejetée par les prêtres
- couloir droit bas : Annonce faite à Joachim.
- couloir droit médian : présentation de Marie au Temple.
- couloir droit supérieur : la conversion de saint Hubert.
C. Registre inférieur.
- "prédelle" : 4 évangélistes ; Pierre et Paul ; Résurrection.
- marginalia.
D. Registre supérieur.
- Calvaire : Crucifixion, Marie et Jean, les larrons peints.
E. Marginalia.
La particularité principale de cet arbre de Jessé est d'être centré par le couple Anne-Joachim et entouré par les scènes de la nativité et de l'enfance de Marie. Le thème de la généalogie de Jésus selon Matthieu 1, 1-4 menant de Jessé à Marie, épouse de Joseph par les douze rois de Juda se double ainsi d'une argumentation sur la naissance virginale de Marie, et sur la conception virginale de Jésus, basée sur le Protévangile de Jacques. Mais les prophètes et personnages des colonnes, dont la présence est tout-aussi importante, illustrent la généalogie spirituelle développée tout au long de l'Ancien Testament dans les prophéties et les préfigurations typologiques du Christ Messie. Si on y ajoute le thème de l'Église et la Synagogue, nous nous trouvons face à un programme théologique complet et complexe sur les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption, qui amplifie les représentations plus réduites des Arbres de Jessé à quinze personnages (Jessé = 12 rois + Vierge à l'Enfant), mais développe fidèlement l'axe typologique initié sur les vitraux de Saint-Denis et de Chartres au XIIe siècle.
On voudra bien être indulgent pour la qualité des photographies : venant de Brest, craignant de trouver la cathédrale fermée, ignorant ce que j'allais trouver, déjà comblé par les découvertes du début de ma visite, j'ai découvert le retable au fur à mesure que je le photographiais, sans savoir où donner de l'objectif. J'allais voir les autres chapelles, le chœur, le cloître, le musée, puis je partais pour la cathédrale de León.
Comme j'y retournerais volontiers, parcourant les 1092 km pour préciser tel détail, prendre telle photo oubliée, telle photo floue, ou, tout simplement, m'abandonner —enfin !— à la simple contemplation !
A. L'ensemble central : Arbre de Jessé centré par Anne et Joachim.
I. Registre inférieur.
Le fils d'Obed est allongé sur le dos, la tête soutenue par un coussin, la main contre l'oreille ; l'autre main est posée sur la jambe gauche, fléchie et croisée. On détaille du regard le vénérable visage, le bonnet et le turban qui le coiffent, le manteau terne, la ceinture nouée à la diable, et, bien-sûr, le pantalon rouge et le fin mocassin. Ce n'est que plus tard qu'on réalise la manière monstrueuse par laquelle le tronc de l'Arbre prend naissance de la poitrine du rêveur par un lacis grouillant de tentacules avides. au dessus, telle la ramure d'un cerf exposée en trophée, le tronc s'élève et se divise immédiatement en deux branches maîtresses.
II. Registre moyen : Anne et Joachim.
L'artiste représente les deux époux se rencontrant sous la Porte dorée de Jérusalem, et l'étreinte qu'ils échangent.
Livre de la Nativité de Marie : "Ainsi, selon la prescription de l'ange, ils partirent tous les deux du lieu où ils se trouvaient et montèrent à Jérusalem. Et, lorsqu'ils arrivèrent au lieu désigné par la prophétie angélique, ils allèrent à la rencontre l'un de l'autre. Heureux de se revoir et rassurés par la certitude de l'enfant promise, ils rendirent dûment grâce au Seigneur, qui élève les humbles. Ensuite, après avoir adoré le Seigneur, ils retournèrent à la maison et attendirent la promesse divine avec certitude et allégresse. Aussi Anne conçut-elle et enfanta-t-elle une fille et, selon l'ordre angélique, les parents lui donnèrent le nom de Marie."
Toute la problématique de la conception virginale de Marie tient en cette scène. Les neuf mois de grossesse débutent-ils lorsque (voir les panneaux latéraux) Joachim et Anne reçoivent la visite de l'ange qui leur annoncent cette grossesse, où bien là, sous la Porte dorée, par cette chaste étreinte, ou bien, comme les autres humains, un peu plus tard et de façon plus intime ?
Conception virginale ou pas, Marie est, de toute façon, vouée à Dieu par sa mère, vouée à être chaste.
Au dessus de la chaussure d'Anne, le galon de la robe porte une inscription dont je ne distingue que IA.
III. Registre supérieur : La Vierge et l'Enfant.
Un bouton floral vient éclore pour supporter la Vierge, assise, couronnée, tenant son Fils sur se genoux. Ses cheveux sont retenus par un voile particulier à qui j'ai consacré un article : Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.
La Mère et l'Enfant tiennent ensemble le Livre, celui des Écritures, qu'ils présentent aux fidèles. C'est le même livre qu'Anne tenait sur son lit d'accouchée, le même livre que, sur toutes les Annonciations, Marie est en train de lire, le même livre que les évangélistes, sur la prédelle, recopient, celui que, dans le tableau de la Présentation de Marie au Temple, Marie découvrira, celui que des personnages tiennent ouverts sous les Prophètes, celui qui est incarné partout.
Un ange, descendu si vite que sa robe flotte encore au dessus de lui, vient remettre à l'Enfant une tige noueuse, qu'une traverse vient compléter en croix : c'est une allusion au rejeton issu de la tige de Jessé.
Deux autres anges jouent de la musique : l'un joue de la flûte ou de la chalémie, l'autre du luth.
IV. Les bras latéraux : les douze rois de Juda.
Voir l'article wikipédia des noms des ancêtres de Jésus en catalan :http://ca.wikipedia.org/wiki/Genealogia_de_Jes%C3%BAs
Posés sur les boutons floraux de l'Arbre, ils sont très richement vêtus, tous couronnés au dessus de chapeaux luxueux, et ne portent pas de sceptres : ils retiennent, pas des gestes particulièrement gracieux, des phylactères dont certains seulement portent le nom du roi. Sept sont barbus, les autres glabres ; les cheveux sont longs (tombant sur les épaules) et souvent bouclés.
1. David.
2. Roi de Juda
Photo manquante.
3. Roi de Juda
4. Roi Salomon
REI ..AMON . L'orthographe Salamon est attestée sur les vitraux bretons du XVIe.
5. Roi de Juda
..IO.O
6. Roi Joaqim.
REI IOASHIN ? aussi connu en catalan sous les noms de Coniah ou Jehoiachin, Joakim , il correspond à l'hébreu Jehoiakim /Eliakim, avant-dernier roi de Juda, fils de Achaz ou Joachaz et père de Jéconiah.
7. Roi Roboam.
REI ROBOAM
8. Roi de Juda
REI...DAN8L
9. Roi de Juda.
REI ..
10. Roi OZIAS
11. Roi de Juda
Photo manquante
12. Roi de Juda
V. Autour de la Vierge à l'Enfant : l'Église et la Synagogue.
Si l'Église et la Synagogue Ecclesia et Synagoga sont des figures qui entourent souvent les Crucifixions médiévales, elles prennent tout leur sens au sommet d'un Arbre de Jessé dont l'argumentation est de montrer comment la Vierge et le Christ réalisent la prophétie d'Isaïe et comment le Royaume du Christ achève sur le plan spirituel la royauté initiée par David.
Si je n'ai pas rencontré beaucoup d'exemples parmi les Arbres de Jessé de Bretagne, l'Eglise et la Synagogue sont présentes dans d'autres Arbres de Jessé :
—Bible de Lambeth, 1150-1170.
Bien-sûr, le mariage d'Isabelle la Catholique avec Ferdinand d'Aragon en 1474, juste avant le début de construction de ce retable, puis, en 1478, l'établissement de l'Inquisition placent ces figures sous un jour particulier qui n'est plus celui de l'exégèse biblique, mais du conflit entre Chrétiens et Juifs, de l'antijudaïsme et de la persécution contre les convertis marranes.
L'Église.
Comme son modèle iconographique de la cathédrale de Strasbourg, elle tient le calice de la main gauche, l'étendard chrétien dans la main droite, elle est couronnée et regarde fièrement en avant. Mais nous sommes loin de la sobriété romane, avec une profusion d'or, un luxe ostentatoire des accessoires, et la pruderie exagérée de la guimpe trop soucieuse de ne laisser dépasser aucun cheveu.
La Synagogue.
Elle est le contrepoint symétrique d'Ecclesia mais l'étendard est remplacé par une lance brisée, le calice par les tables de la Loi, le regard clairvoyant par le bandeau sur les yeux, la guimpe par la chevelure dénouée sur les épaules et le décolleté carré.
B. LES COULOIRS LATÉRAUX.
I. Les colonnes d'encadrement.
Elles comportent 34 figures de l'Ancien Testament, de petite et de moyenne taille ; la plupart ne portent pas de nom, mais sont des prophètes, patriarches et Juges d'Israël. A leur pieds, sous le piédestal, d'autres personnages surgissent, présentant un phylactère, ou un livre ouvert sur une citation. Il faudrait étudier cet ensemble pour révéler l'appareil scripturaire qu'il porte. A défaut, on y verra la Bible démultipliée comme par un miroir à facettes en ses innombrables prophéties.
Je ne les ai pas tous photographié.
Josué ?.
Le phylactère du personnage de droite porte le nom IOZOE : est-ce Josué ?
Balaam.
Je lis Bailan., avec un N rétrograde.
L'intérêt de sa présence est que ce prophète est associé, dans la Biblia Pauperum, à l'Arbre de Jessé : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Armel de Ploërmel.
Le prophète Elie.
II. Les tableaux latéraux du couloir de gauche.
1. L'évêque Luis de Acuña y Osorio.
Luis Osorio y Acuña (né en Jaén vers 1430. mort en Flandre en 1496) fut chanoine et archidiacre d'Astorga, président de la chancellerie royale de Valladolid, aumônier et/ou grand chambellan du prince Jean puis évêque de Burgos de 1456 à 1495 en succession de Alonso Garcia de Carthagène (évêque de 1435 à 1456) et évêque de Jaén entre 1482 et 1496.
Aussi connu sous le nom de Luis Osorio de Rojas Núñez de Guzmán y Manrique, il est le fils de Pedro Álvarez Osorio, (lui-même fils de Juan Álvarez Osorio et d'Aldonza de Guzmán ), premier comte de Trastamare, seigneur de Villalobos y Castroverde, et de son épouse ISABEL de Rojas Señora de Cepeda. Son frère Álvar Pérez Osorio (-Sarria 1471) fut le second comte de Trastamare et premier marquis de Astorga.
Cet évêque fut un haut personnage, qui joua un rôle de mécène artistique important dans la ville de Burgos. Il participa tous les événements politiques et sociaux qui ont marqué le règne d'Henri IV de Castille, prenant parti (avec l'ensemble de la noblesse) contre ce dernier dans le grand soulèvement organisé autour de l'infant Alfonso avant que cette fronde ne soit vaincue et que le prince Alphonse ne décède prématurément. Luis Osorio et la noblesse prennent alors le parti d'Isabelle, demi-sœur du roi, avant de se ranger derrière le roi Henri et sa fille Jeanne, la Beltraneja. Finalement, le mariage d'Isabelle avec Ferdinand le Catholique oblige chacun à rétablir de bonnes relations avec le pouvoir, mais on comprend que l'évêque, après s'être retiré dans son château de Rabé de la Calzadas et avoir été rappelé par la reine Isabelle, devait donné des gages de fidélité aux souverains et à la religion en participant avec faste à l'embellissement de la cathédrale.
Luis de Acuña y Osorio est représenté à genoux, dans la posture du donataire, priant en lisant le livre saint que lui présente un assistant. Ce dernier pourrait être identifié selon J.Y. Luaques à l'archidiacre Fernando Diaz de Fuentepelayo, son confident enterré à l'entrée de la chapelle.
Il est "présenté" par un personnage noble, si on en juge par sa toque ornée de bijoux, et par les deux chiens de race qui l'accompagnent. Classiquement, on s'attendrait à ce que ce patron tutélaire qui présente le donateur soit saint Louis, mais il s'agirait ici de saint Hubert ou de saint Eustache. Les trois autres personnages portent la tonsure et le bonnet carré qui les identifieraient comme clercs.
L' évêque porte une chape pluviale historiée qui mérite, à elle seule, un article particulier : La chape de la chapelle de Burgos. On remarquera aussi ses gants pontificaux ou chirothèques et les nombreuses bagues ou anneaux.
Cet évêque est aussi connu par le pontifical qu'il fit réaliser par Guillaume Durand et qui est conservé à la Bibliothèque nationale d'Espagne à Madrid. Le compte-rendu ("Manuscrit en castillan datant de la seconde moitié du XVe siècle, richement enluminé et contenant de superbes miniatures. Cet ouvrage se distingue notamment par la qualité des enluminures de la page XII, en forme de frise végétale et animale, et la représentation des ornements pontificaux. La scène de la Crucifixion de la page 22v est la copie d’une estampe de Martin Schongauer. L’influence de cet artiste est également évidente dans le Christ pantocrator représenté à la page 23r. Les partitions destinées au chant utilisent la notation grégorienne carrée sur portée rouge.") laisse imaginer, si sa consultation était possible en ligne, un approfondissement de l'analyse de ce retable.
2. La Nativité de la Vierge.
a) Protévangile de Jacques chapitre V :
"Le lendemain, il présenta ses offrandes en se disant en son cœur : « Si le Seigneur m'a béni, qu'il y en ait pour moi un signe manifeste sur la lame des ornements du grand-prêtre. » Et Joachim offrit ses dons et il regarda la lame ou bephoil, lorsqu'il fut admis à l'autel de Dieu et il ne vit pas de péché en lui. Et Joachim dit : « Je sais maintenant que le Seigneur m'a exaucé et qu'il m'a remis tous mes péchés. » Et il descendit justifié de la maison du Seigneur et il vint dans sa maison. Anne conçut et le neuvième mois elle enfanta et elle dit à la sage-femme : « Qu'ai-je enfanté? » et l'autre répondit : « Une fille. » Et Anne dit : « Mon âme s'est réjouie à cette heure. » Et Anne allaita son enfant et lui donna le nom de Marie."
b) Gesta infantiae salvatoris folio 7r : "apres ces choses et neuf mois accompliz Anne enfanta une fille laquelle fut appellée Marie. Et quant elle leut allaictée pour lespace de troyes ans. ioachim et elle la mene..."
c) analyse :
Cette Nativité de la Vierge rassemble sept personnages.
— Anne porte la guimpe recouvrant entièrement les cheveux et la gorge, comme une veuve ou une vieille femme ; elle est en train de lire, et ce livre est celui des Saintes Écritures, dans lequel elle déchiffre la volonté et le dessein divin. Cela témoigne de sa piété, mais aussi de sa prescience du destin qui attend sa fille Marie. Ce livre, ou plutôt les Écritures, est l'un des fils conducteurs de l'ensemble du retable.
— Près d'elle, une servante présente un objet rond : est-ce le brouet de l'accouchée, dédaignée par Anne ? J'admire les détails vestimentaires, notamment la chevelure retenue en natte par le voile, tressé par un cordon noir.
— Au pied du lit, une femme richement vêtue et coiffée d'un turban semble présenter un linge. Dans la tradition, Anne avait une sœur, Ismèrie, mère de sainte Élisabeth.
— Deux femmes prennent soin de la jeune Marie : l'une d'elle est une servante, l'autre porte une guimpe de veuve qui la désigne volontiers comme une sage-femme. Un brasier remplace, ici, la cuvette du premier bain. Celui-ci a pu être considéré superflu, Marie étant (seulement pour certains à l'époque) Immaculée.
Je remarque, sur la sage-femme, les manches amovibles, boutonnées comme des guêtres sur la chemise
— Qui est la femme qui entre dans le couloir ? Que tient-elle à la main ? Son bonnet?
3. L'expulsion de Joachim.
a) Protévangile de Jacques, chapitre 1er (trad. G. Brumet).
"On lit dans les histoires des douze tribus d'Israël, que Joachim était fort riche et il présentait à Dieu de doubles offrandes, disant en son cœur : « Que mes biens soient à tout le peuple, pour la rémission de mes péchés auprès de Dieu, afin que le Seigneur ait pitié de moi. » La grande fête du Seigneur survint et les fils d'Israël apportaient leurs offrandes et Ruben s'éleva contre Joachim, disant : « Il ne t'appartient pas de présenter ton offrande, car tu n'as point eu de progéniture en Israël. » Et Joachim fut saisi d'une grande affliction et il s'approcha des généalogies des douze tribus en disant en lui-même : « Je verrai dans les tribus d'Israël si je suis le seul qui n'ait point eu de progéniture en Israël. » Et en recherchant il vit que tous les justes avaient laissé de la postérité, car il se souvint du patriarche Abraham auquel, dans ses derniers jours, Dieu avait donné pour fils Isaac. Joachim affligé ne voulut pas reparaître devant sa femme; il alla dans le désert et il y fixa sa tente et il jeûna quarante jours et quarante nuits, disant dans son cœur : « Je ne prendrai ni nourriture ni boisson, mais ma prière sera ma nourriture. »
b) L'élément original et intriguant est de voir Anne représentée dans cette scène, alors qu'elle n'apparaît pas dans le texte. L'artiste a pu s'inspirer, afin de placer la mère de Marie au premier plan, de la Gesta infantiae savatoris, comme en témoigne la miniature du manuscrit d'une version française MS Douce 237, quasi contemporaine (1470-1480) : folio 2r, Bodleian Library, Oxford.
Il s'agit d'une traduction en français de Sanctae Mariae et infantiae salvatoris gestia, traduction dont l'incipit est En certains jours entre ceulx du peuple disrael estoit ung homme qui avait nom Joachim, de la lignée de Juda. Le folio 2r comporte le texte Or advint que es jours de feste et de solennites ioachim appareilla ses dons et sacrifices pour porter et offrir au temple et si trouva avecques ceulx qui faisoient loblacion deuceus. Et ce voyant le sarbe du...
III. Les tableaux du coté droit.
1. L'Annonce faite à Joachim.
a) Le texte du Protévangile de Jacques est (chapitre III à V):
"Sa femme Anne souffrait d'un double chagrin et elle était en proie à une double douleur, disant : « Je déplore mon veuvage et ma stérilité. » La grande fête du Seigneur survint et Judith, la servante d'Anne, lui dit: « Jusques à quand affligeras-tu ton âme? Il ne t'est pas permis de pleurer, car voici le jour de la grande fête (03). Prends donc ce manteau et orne ta tête. Tout aussi sûre que je suis ta servante, tu auras l'apparence d'une reine. » Et Anne répondit : « Éloigne-toi de moi ; je n'en ferai rien. Dieu m'a fortement humiliée. Crains que Dieu ne me punisse à cause de ton péché. » La servante Judith répondit : « Que te dirai-je, puisque tu ne veux pas écouter ma voix ! C'est avec raison que Dieu a clos ton ventre afin que tu ne donnes pas un enfant à Israël » Et Anne fut très affligée, et elle quitta ses vêtements de deuil ; elle orna sa tête et elle se revêtit d'habits de noces. Et, vers la neuvième heure, elle descendit dans le jardin pour se promener, et, voyant un laurier, elle s'assit dessous et elle adressa ses prières au Seigneur, disant : « Dieu de mes pères, bénis-moi et écoute ma prière, ainsi que tu as béni les entrailles de Sara et que tu lui as donné Isaac pour fils. »
"En regardant vers le ciel, elle vit sur le laurier le nid d'un moineau et elle s'écria avec douleur. « Hélas! à quoi puis-je être comparée? à qui dois-je la vie pour être ainsi maudite en présence des fils d'Israël? Ils me raillent et m'outragent et ils m'ont chassée du temple du Seigneur. Hélas! à quoi suis-je semblable? je ne peux être comparée aux oiseaux du ciel, car les oiseaux sont féconds devant vous, Seigneur. Je ne peux être comparée aux animaux de la terre, car ils sont féconds. Je ne peux être comparée ni à la mer, car elle est peuplée de poissons, ni à la terre, car elle donne des fruits en leur temps et elle bénit le Seigneur. »
"Et voici que l'ange du Seigneur vola vers elle, lui disant : « Anne, Dieu a entendu ta prière; tu concevras et tu enfanteras et ta race sera célèbre dans le monde entier. » Anne dit : « Vive le Seigneur, mon Dieu ; que ce soit un garçon ou une fille que j'engendre, je l'offrirai au Seigneur, et il consacrera toute sa vie au service divin. » Et voici que deux anges vinrent lui disant : « Joachim, ton mari, arrive avec ses troupeaux. » L'ange du Seigneur descendit vers lui, disant : « Joachim, Joachim, Dieu a entendu ta prière, ta femme Anne concevra. » Et Joachim descendit et il appela ses pasteurs, disant : « Apportez-moi dix brebis pures et sans taches, et elles seront au Seigneur mon Dieu. Et conduisez moi douze veaux sans taches, et ils seront aux prêtres et aux vieillards de la maison d'Israël, et amenez-moi cent boucs et ces cent boucs seront à tout le peuple. » Et voici que Joachim vint avec ses troupeaux, et Anne était à la porte de sa maison et elle aperçut Joachim qui venait avec ses troupeaux, elle courut et se jeta à son cou, disant : « Je connais maintenant que le Seigneur Dieu m'a bénie, car j'étais veuve et je ne le suis plus ; j'étais stérile et j'ai conçu. » Et Joachim reposa le même jour dans sa maison."
b) Le Livre de la Nativité de Marie :
"Mais, alors qu'il y séjournait depuis un certain temps, un jour où il était seul, un ange du Seigneur lui apparut dans une immense lumière. Comme il était troublé devant cette vision, l'ange qui lui était apparu apaisa sa peur en disant : « Ne crains pas, Joachim, ne sois pas troublé par ma vue. Je suis en effet un ange que le Seigneur t'envoie pour t'annoncer que tes prières sont exaucées et que tes aumônes sont montées devant lui. Il a regardé et vu ta pudeur, et il a entendu le reproche de stérilité qui te fut adressé injustement. Car Dieu est le vengeur du péché, non pas de la nature. Aussi, lorsqu'il ferme un sein, il le fait pour l'ouvrir plus miraculeusement ensuite et pour que l'on sache que ce qui naît n'est pas le fruit de la concupiscence, mais un don divin. La première mère de votre nation, Sara, ne fut-elle pas inféconde jusqu'à ses quatre-vingts ans ? Et pourtant, dans une vieillesse avancée, elle a mis au monde un fils, Isaac, à qui avait été promise la bénédiction de toutes les nations. Et Rachel, tellement agréable au Seigneur, tant aimée par saint Jacob, fut elle aussi longtemps stérile, et elle a néanmoins donné naissance à Joseph, non seulement seigneur d'Égypte, mais aussi libérateur de très nombreuses nations menacées par la faim. Qui parmi les chefs fut plus fort que Samson ou plus saint que Samuel ? Et pourtant ils ont eu tous les deux des mères stériles. Si la raison ne te convainc pas de donner foi à mes mots, donne au moins créance aux exemples qui montrent que les conceptions longtemps différées et les naissances stériles sont d'habitude plus miraculeuses. Aussi ta femme Anne enfantera-t-elle pour toi une fille, et tu lui donneras le nom de Marie. Elle sera consacrée au Seigneur dès son enfance, comme vous l'avez promis, et elle sera remplie du Saint-Esprit dès le sein de sa mère. Elle ne mangera ni ne boira rien d'impur, et elle ne vivra pas parmi le peuple, au-dehors, mais dans le Temple du Seigneur, pour qu'on ne puisse rien ni dire ni même soupçonner de méchant à son sujet. Et avec le progrès de l'âge, de même qu'elle naîtra de façon miraculeuse d'une femme stérile, de même, vierge, elle engendrera de façon incomparable le fils du Très-Haut, qui sera appelé Jésus : son nom indique qu'il sera le sauveur de toutes les nations. ? Et voici le signe de ce que je t'annonce : quand tu arriveras à la porte Dorée de Jérusalem, tu rencontreras ta femme Anne, qui, pour l'instant pleine d'inquiétude à cause du retard de ton retour, se réjouira alors à ta vue. » Sur ces mots, l'ange le quitta."
c) Voir les miniatures correspondantes du manuscrit :
Gesta infantiae salvatoris folio 3r
Gesta infantae salvatoris folio 4r. :
" En ce temps et mesmes en celui jour un iouvenceau apparut a ioachim entre les montaignes ou il paissait les bestes et luy dist. Ioachim pourquoi ne retourne tu à ta femme. et ioachim respondit. elle ..."
Gesta infantiae salvatoris folio 5r :
d) analyse de l'image :
L'artiste a profité de ce cadre champêtre pour accumuler les détails amusants ou bien observés de la vie animale : moutons et béliers noirs et blancs, chêvres broutant les feuilles les plus hautes, chien poursuivant un lièvre, loup (?) noir aidant un chevreau blanc monté sur son dos, singe touchant son postérieur, chien lèchant ses parties génitales, agneau à la mamelle...
On s'intéressera aussi à la houlette : ce n'est pas l'image stéréotypée en forme de crosse d'évêque digne des pastorales de Scudery, c'est une vraie houlette de berger : sa forme de pelle servait à jeter de petites mottes de terre sur les moutons "pour les faire aller plus vite ou leur faire rebrousser chemin" (J.L.M. Daubenton, Instructions pour les bergers, 1810, planche I. ). Un crochet permettait de les saisir par la patte. Le chien fasciné ici par l'apparition de l'ange, est l'un de ces chiens de troupeau "actifs et dociles à qui on coupait le bout de l'oreille pour qu'ils entendent mieux" (id)
2. La présentation de Marie au Temple.
a) Protévangile de Jacques.
"Quand Marie eut deux ans, Joachim dit à Anne, son épouse : « Conduisons la au temple de Dieu, afin d'accomplir le vœu que nous avons formé et de crainte que Dieu ne se courrouce contre nous et qu'il ne nous ôte cette enfant » Et Anne dit: « Attendons la troisième année, de crainte qu'elle ne redemande son père et sa mère» » Et Joachim dit : « Attendons. » El l'enfant atteignit l'âge de trois ans et Joachim dit : « Appelez les vierges sans tache des Hébreux et qu'elles prennent des lampes et qu'elles les allument» et que l'enfant ne se retourne pas en arrière et que son esprit ne s'éloigne pas de la maison de Dieu. » Et les vierges agirent ainsi et elles entrèrent dans le temple. Et le prince des prêtres reçut l'enfant et il l'embrassa et il dit : « Marie, le Seigneur a donné de la grandeur à ton nom dans toutes les générations, et, à la fin des jours, le Seigneur manifestera en toi le prix de la rédemption des fils d'Israël. » Et il la plaça sur le troisième degré de l'autel, et le Seigneur Dieu répandit sa grâce sur elle et elle tressaillit de joie en dansant avec ses pieds et toute la maison d'Israël la chérit."
b) Livre de la Nativité de Marie.
Et, lorsque le cycle des trois ans se fut déroulé, et que le temps de l'allaitement fut terminé, ils conduisirent la Vierge avec des offrandes au Temple du Seigneur. Or il y avait autour du Temple quinze marches à monter, conformément aux quinze psaumes des montées. Car le Temple étant construit sur une montagne, l'autel des holocaustes, qui se trouvait à l'extérieur, n'était accessible que par des marches. Aussi déposèrent-ils la Vierge sur la première de celles-ci. Et, tandis qu'ils ôtaient leurs vêtements de voyage et qu'ils mettaient des vêtements plus soignés et plus propres selon la coutume, la Vierge du Seigneur monta toutes les marches l'une après l'autre, sans la main de quiconque pour la guider et la soulever, de telle façon que l'on crut que, sur ce point du moins, rien ne manquait à sa maturité. En effet, déjà dans l'enfance de la Vierge, le Seigneur accomplit un grand acte et montra d'avance par le signe de ce miracle quelle grandeur elle atteindrait. Lorsqu'ils eurent donc célébré le sacrifice selon la coutume de la Loi et qu'ils eurent accompli leur voeu, ils laissèrent la Vierge dans l'enceinte du Temple avec les autres vierges qui devaient être élevées en ce même lieu, et eux-mêmes retournèrent à la maison.
c) analyse de l'image.
Celle-ci montre deux détails originaux : le grand prêtre est mis à l'écart et c'est un ange qui accueille Marie au sommet des quinze marches (onze sont visibles) de l'escalier ; et cet ange présente à l'enfant un livre ouvert. Ce livre rappelle bien-sûr celui que sa mère Anne lisait sur son lit d'accouchée.
3. Tableau inférieur droit. Conversion de saint Hubert.
La scène représente Hubert de Liège (Huberto de Lieja en espagnol), puissant seigneur du Languedoc suffisamment impie pour partir à la chasse un Vendredi Saint : un cerf blanc portant une croix lumineuse entre ses bois lui apparut pour lui dire :"Hubert! Hubert! Jusqu'à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts? Jusqu'à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ?" Converti, il succéda à saint Lambert à la tête du diocèse de Tongres-Maastricht.
Quel est le rapport avec l'évêque Luis Osorio ? Lui aussi était d'une ancienne maison d' Espagne, les comte de Castille, marquis d'Astorga. Il avait été marié et avait eu des enfants, avant d'être ordonné prêtre après son veuvage. Était-il un chasseur impénitent?
C. REGISTRE INFÉRIEUR Les évangélistes et la Résurrection.
1. Saint Jean.
L'apôtre préféré de Jésus, l'apôtre imberbe est accompagné de l'aigle qui est son attribut en tant qu'évangéliste, dans la partition des quatre termes du tétramorphe. Parmi les quatre évangélistes, il est le seul ici à ne pas être en train d'écrire, le seul à ne pas avoir un phylactère blanc, mais noir avec quelques lettres discernables, OR MOR.
2. Saint Marc.
Accompagné de son lion, l'évangéliste a chaussé ses bésicles pour écrire la lettre G de l'inscription SEQUENTIA SANCTI EVANGELI SECUNDUM MARCUM. Comme tous les copistes dans leur scriptorium, il a posé devant lui le canif lui servant à tailler sa plume et un calame de rechange. Il écrit en s'aidant de son grattoir avec lequel, à défaut de gratter ses erreurs, il cale son manuscrit. La Bible qu'il copie est posée davant lui, avec ses lettrines à l'encre rouge — rubriques — et ses ornements de marge. Je ne parviens pas à lire cette Bible mais cela semble presque possible, en s'aidant des lettres rehaussées, d'y parvenir.
Les premières bésicles, lunettes sans monture et pinçant le nez, date du XIIIe siècle. le mot forme bericle en 1328, bezique en 1399, besicle en 1555) vient de béryl, pierre précieuse servant à faire des verres grossissant, et de escarbocle, "variété de grenat rouge". Les premières sont des bésicles cloutantes, aux verres réunis par un rivet, alors que les bésicles à pont arrondi n'apparaissent qu'au XVe siècle (en 1404 sur le nez d'un apôtre peint par Conrad von Soest)
Un autre phylactère porte les mots ILLO TENPORE DIXIT II: c'est un fragment de la formule "Sequentia sancti Evangelii secundum Matthæum. In illo tempore: Dixit Jesus discípulis suis" qui débute la lecture de l'évangile de nombreux offices. Les deux dernières lettres désignent peut-être le chapitre Marc 11.
A l'arrière de Marc, un personnage debout montre du doigt un passage d'un livre : pourquoi pas Isaïe désignant sa prophétie Isaïe 11,1 sur la tige de Jessé ?
3. Saint Luc.
Coiffé d'un bonnet, l'évangéliste médecin et patron des peintres est représenté de face, ayant cavalièrement accroché la Bible qu'il copie (et son plumier) contre les cornes de son taureau ailé qui servent ainsi de lutrin !
Comme saint Marc, il copie la phrase SEQUENTIA SANCTI EVANGELI SECUNDUM LUCAM.
On notera que le N du mot EVANGELI est rétrograde.
Quelle élégance dans le geste de la main !
Le fauteuil est sculpté de personnages qui portent des phylactères : l'Écriture est partout. On compte dix petits personnages sur cette seule image.
4. Saint Matthieu.
On sait que, parmi les quatre termes du tétramorphe, Matthieu s'est vu décerné l'Homme, ou Ange. C'est donc un ange qui sert de lutrin à l'évangéliste, fort occupé à tailler sa plume d'oie. Il est en train d'écrire son propre nom dans l'inscription SEQUENTIA SANCTI EVANGELI SECUNDUM MATTHAEUM.
Cette fois-ci, le livre saint présenté par l'ange semble encore plus près d'être lisible ; il comporte de très nombreuses lettrines, rouges, vertes, (je lis clairement un A) non seulement en ma
juscule initiale, mais aussi dans le corps du texte, ce qui évoque plus un missel ou un livre de chant qu'un évangéliaire ou une Bible.
5. La Résurrection.
Il n'y aurait que cette seule scène, cela serait déjà sublime.
Elle est très bizarrement construite en associant la déréliction des Ecce Homo, des Mises au tombeau et des Vierges de Pitié avec le coup de tonnerre du matin de Pâques et de la gloire de la Résurrection. La consternation et les affres de la mort sont encore visibles sur tous les visages et tous les corps, comme si la sortie du tombeau était, à l'immédiat, en train de se produire.
Saint Jean (dont on reconnaît la chevelure aux mèches collées sur le front qui était la sienne dans son portrait comme évangéliste) retient Marie qui tombe en arrière. Le visage du saint est défait et rougi par les pleurs et la fatigue.
Au centre le Christ est celui des Flagellations et des Outrages, visage tuméfié et front sanglant, cheveux gras témoignant des sueurs de sang, stigmates à peine sèches. Il porte le manteau rouge et or de la gloire de la Résurrection.
Les six anges ressemblent plutôt aussi à ceux qui l'accompagnaient sur la croix pour recueillir son sang, les traits tristes, les pommettes comme marquées par des coups, les gestes las. Ils tiennent les instruments de la Passion que sont la Colonne et les verges de la flagellation, l'éponge de vinaigre au bout d'un bâton, la lance, le marteau et la tenaille, l'échelle de la déposition. Deux anges placent un coussin de velours sous ses pieds.
A droite, Marie Madeleine essuie encore ses larmes. Elletient le flacon d'aromate. Ses longs cheveux tombent sur sa robe rouge damassée d'or au revers vert.
Qui est la dernière Sainte Femme ? Marie Salomé ? Une veuve sans-doute, voilant ses cheveux d'un tissu blanc et or, mais dont la robe vert et or vient étendre un large pan sur le galon duquel on peut lire des lettres : SAUVER HA VITADVIIORAM VSAR..
6. Saint Pierre.
L'apôtre est placé immédiatement à gauche de la "Résurrection souffrante" (nommons la ainsi) et ses yeux sont aussi rougis par les larmes que ceux des autre protagonistes. Malgré la différence d'échelle, il appartient à la scène centrale et à sa compassion.
Sur un mode plus léger, j'ai été un instant interloqué par l'objet doré qui pend devant le ventre du Premier Évêque : cela ressemblait à une extrémité inférieure de diaphyse fémorale, mais avec des condyles asymétriques. Ou bien, cela pouvait évoquer...qui avait pu accrocher ainsi une sorte d'ex-voto ? Je finis par comprendre qu'il s'agissait d'un porte-clef, comme on en utilise sans-doute en Léon et en Castille.
Comme pour les sculptures précédentes, la cathèdre et le dais architectural gothique tardif donne l'occasion de dissimuler les statues des petits personnages : leur passage du monde vétérotestamentaire au Nouveau Testament s'est fait au prix d'une réduction drastique, et, s'il sont là pour rappeler la continuité de la Parole divine, de son Alliance et de son Plan de rédemption de l'humanité à travers les deux piliers des Écritures, ils semblent plutôt souffler en catimini l'inspiration de l'Esprit-Saint aux braves pêcheurs de Galilée.
7. saint Paul.
Saint Paul occupe, après la place d'honneur à gauche de l'autel, la seconde place, celle de l'épître, et c'est justice pour celui dont la vocation, juif converti devenu apôtre des païens fut de préciser comment le scandale de la Révélation fut une rupture, mais aussi un accomplissement de l'Ancienne Alliance.
On le reconnaît à son attribut, l'épée par laquelle il fut décapité à Rome.
Lui aussi semble presque pleurer face au Christ ensanglanté qui surgit du tombeau.
D. LE REGISTRE SUPÉRIEUR : CRUCIFIXION.
Il faudrait insister sur l'importance et l'originalité de ce Calvaire placé en sommité de l'Arbre de Jessé, puisque, sur les autres exemples iconographique de cet Arbre, à débuter par les vitraux de Saint-Denis et de Chartres, l'Arbre s'achève par la Mère et le Fils, au début de la vie de Jésus. Ces Arbres-là se consacrent exclusivement au mystère de l'Incarnation, et à la double nature du Christ, homme par sa filiation à la race de David et à la royauté de Juda, et dieu par la filiation spirituelle avec les prophètes annonçant un Messie, et par le caractère virginal de sa conception.
Pour un Arbre centré sur la rencontre d'Anne et de Joachim sous la Porte dorée, et qui déploie une grande partie de ses descriptions à la vie de Marie, ce premier thème, l'Incarnation, semblait très largement suffisant, avec tout le champ de l'engendrement de la maternité et de la nativité, ses espoirs et ses joies. Rappelons que si l'invocation de Jessé faisait partie de la liturgie, c'était dans le temps de l'Avent, dans le troisième Antienne en O du 19 décembre : O Radix Iesse , qui stas in signum populorum, super quem continebunt reges os suum, quem gentes deprecabuntur : veni ad liberandum nos, iam noli tardare.
Pourtant, c'est par la Passion que cet arbre trouve son couronnement, affirmant ici que la finalité de l'Annonciation n'était pas, comme pour Abraham et Sarah accédant miraculeusement à la paternité malgré le grand âge, comme pour Isaac et Rebecca, comme pour Jacob et Rachel avec la naissance de Joseph, Zacharie et Elisabeth avec celle de Jean-Baptiste et même comme pour Joachim et Anne, simplement de vaincre la malédiction de la stérilité par une intervention divine, ni même, pour Jessé, de voir ses fils fonder une dynastie royale prospère, mais rien de moins que de sauver l'humanité du Péché originel.
Ce qui culmine, c'est donc la Mort sur la croix, le Sacrifice, le Don rédempteur : le mystère de la Rédemption. Comme l'indiquent les deux astres du ciel, un évènement de dimension cosmique.
Comme l'indique le crâne (celui du Vieil Adam) au pied de la croix, le Christ, est l'homme parfait qui restaure dans la descendance d'Adam par le scandalum Crucis la ressemblance divine altérée par la chute. (Encyclique Redemptor hominis Jean-Paul II).
1. Crucifixion.
2. Armoiries épiscopales de Luis y Osorio Acuña.
Deux griffons ailés entourent les armoiries épiscopales . Je reconnais parmi les quartiers :
— les armoiries de la famille Osorio "En campo de oro, dos lobos desollados, pasantes, de gules y puestos en palo"
— celles de la maison de Manuel de Villena.
3. La Vierge
4. Sain Jean.
E. Marginalia et curiosita.
Les armoiries du Portugal.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
.
Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile
Liens et Sources.
— Article Wikipédia http://es.wikipedia.org/wiki/Capilla_de_Santa_Ana_de_la_Catedral_de_Burgos
— Joaquim Yarza Luaces, Gil Siloe. El retablo de la Concepcion en la capilla del obispo Acuna. Burgos, Asociacion Amigos de la catedral de Burgos, 2000 (compte-rendu dans Catherine Chédeau Bull. Monumental 2002 Volume 160 pp. 423-425)
— escultura castellana de Luis Planas Duro :
http://esculturacastellana.blogspot.fr/2013_01_01_archive.html
http://esculturacastellana.blogspot.com.es/2011/08/marginalia-i.html
Liens et Sources.
— Article Wikipédia http://es.wikipedia.org/wiki/Capilla_de_Santa_Ana_de_la_Catedral_de_Burgos
— Joaquim Yarza Luaces, Gil Siloe. El retablo de la Concepcion en la capilla del obispo Acuna. Burgos, Asociacion Amigos de la catedral de Burgos, 2000 (compte-rendu dans Catherine Chédeau Bull. Monumental 2002 Volume 160 pp. 423-425)
— escultura castellana de Luis Planas Duro :
http://esculturacastellana.blogspot.fr/2013_01_01_archive.html
http://esculturacastellana.blogspot.com.es/2011/08/marginalia-i.html