La Baie 217 du transept nord de la cathédrale Saint-Julien du Mans.
II. La Rose.
Voir : Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.
- Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans
- L'Arbre de Jessé de la baie 110 de la cathédrale du Mans
- L'arbre de Jessé du XIIIe siècle
- Les stalles de la sacristie :
- Les deux échiquiers de musique
- L'instrumentarium de la Chapelle de la Vierge.
Il s'agit plutôt d'une marguerite : car autour d'un cœur divisé par une croix pattée, une roue de vingt-quatre rayons groupés en douze pétales forme autant de loges que je numéroterais de 1 à 24. Comme au théâtre, chaque loge est occupé par un personnage. En périphérie, 24 trilobes séparés par des cœurs bilobés, et enfin 12 autre trilobes porteurs d'inscriptions.
Au centre : le Tétramorphe.
"Le tétramorphe, ou les « quatre vivants », ou encore les « quatre êtres vivants », représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d'Ézéchiel (Ez 1 ; 1-14). Leur origine remonte à la nuit des temps et on les retrouve dans diverses civilisations de l'Antiquité avant de les retrouver dans la Bible avec Ézechiel d'abord puis avec saint Jean dans l'Apocalypse (Apoc 4; 7-8). Plus tard, les Pères de l'Église en ont fait l'emblème des quatre Évangélistes " (Wikipédia)
— A gauche en haut : sur fond damassé bleu, l'AIGLE de Jean, nimbé de rouge avec l'inscription JO/US.
— A droite en haut sur fond damassé rouge le LION ailé nimbé de bleu de Marc, inscription MARCA(Y)
— A droite en bas sur fond damassé rouge l'HOMME (ici ANGE) de Matthieu nimbé de rose avec l'inscription S. MATT(OI).
— A gauche en bas sur fond damassé bleu le TAUREAU ailé nimbé de rouge de Luc, inscription SANCTUS LUC...
Deuxième cercle à 24 rayons.
Parmi les 24 lancettes ou pétales ainsi délimitées, la loge n°1 est réservée au Christ et la loge voisine 24 à la Vierge.
1. Loge n°1 : le Christ roi. Loge n°2 Ange thuriféraire.
Le Christ en manteau rouge et robe bleue, couronné, nimbe bleu, bénissant de la main droite, tient le globus cruciger ou orbe dans la main gauche. Il se tient assis sous un dais d'or et d'argent (blanc et jaune). Le fond est semblable à ceux des lancettes, rouge damassé constellé de couronnes jaunes serties en incrustation ou chef d'œuvre; il se prolonge dans la tête du pétale.
Les pupilles des yeux du Christ, comme celles de tous les personnages à suivre, sont rehaussées au jaune d'argent.
La robe de l'ange est ornée de trois balles vertes (deux à feuilles et une à pois) qui semblent venir en surimpression sur le personnage plutôt que de correspondre à un motif de la robe.
Loge 24 : Couronnement de la Vierge.
La vierge s'incline, à genoux, mains croisées sur la poitrine vers le Christ qui la bénit. Elle porte des couleurs inverses de son Fils, manteau bleu et robe rouge, avec le nimbe vert clair. Un ange (bleu) descend poser une couronne sur sa tête.
Loges n° 23 et 24 : Ange thuriféraire et Vierge couronnée.
La loge n° 12 est occupée par le Christ ressuscité assis sous un baldaquin et montrant les plaies de ses mains. Son nimbe rouge est crucifère. Manteau rose, robe bleue. Fond damassé vert clair à feuillage, sol en damier rouge et noir. Il est considéré par R. Barrié comme le Christ-Juge présidant au Jugement dernier, et est entouré de deux anges buccinateurs qui en annonce l'échéance. Il siège sur un arc-en-ciel (jaune -pourpre- vert-rouge) qui naît d'un soleil.
Les 21 autres loges sont occupées par des anges.
LE CONCERT SPIRITUEL
Les anges des loges 2 à 5 et 19 à 23 se livrent à un concert spirituel. Des anges, en pied, tournés vers la scène centrale, jouent de divers instruments :
- Échiquier d'Angleterre
- Olifant
- Trompe.
- Harpe
- Double flûte
- Cornemuse.
- Orgue portatif.
— Loge n°3 : Ange jouant d'un échiquier de musique.
Chapelle de la Vierge :
Deux liens pour découvrir cet instrument exceptionnel également présent dans la voûte de la chapelle de la Vierge:
- Le concert des anges de la Nuit des chimères du Mans sur You Tube.
- Le blog d'Anita la Sarthoise.
La robe blanche porte un motif rouge particulier ; il est certes possible de l'attribuer à la combinaison des plis laissant apparaître le revers de la robe, mais cet effet n'a pas la cohérence attendue. Le même motif apparaît en miroir sur l'ange n° 22, qui reprend le même carton retourné. et sur ceux des loges 16, 17 et 19. Ces motifs me semblent en réalité aussi gratuits que les balles de couleur qui décorent d'autres robes.
Les cheveux sont bouclés de manière particulière autour d'un serre-tête que l'on retrouvera aussi (agrémenté de perles) chez l'ange n° 7, et encore chez le joueur d'orgue n°23.
Loge n°4 : ange joueur de trompe (Cor ou olifant ).
Photographie précédente.
Le cor ou olifant est un instrument princier voire royal qui impressionne par sa puissance. Long de quelques 80 centimètres, il doit son nom au fait qu'il est parfois fabriqué à partir d'une défense d'éléphant, origine qui lui confère un prestige supplémentaire. Les nobles s'en servaient pour la chasse ou pour faire annoncer le repas du soir. Le plus célèbre est celui de Roland à Roncevaux, avec lequel il souffla si désespérément pour prévenir Charlemagne qu'il s'en rompit les veines du cou ou de la tempe.
On remarquera les bandes décoratives de la robe et des manches, ornées de lettres dont certaines peuvent correspondre à des caractères latins (F, V, A ) plus ou moins contorsionnés, et d'autres à des caractères pseudo-orientaux ou coufiques : ils sont semblables à ceux qui ornent certaines bordures des draps d'honneurs des donateurs. Simple variation d'ornementation fantaisiste ou cryptographie ?
Loge n° 5 et 6 : joueur de trompe et ange thuriféraire et naviculaire.
Les mêmes caractères "coufiques" se retrouvent sur les manches et le torse du thuriféraire, mais aussi sur la robe du musicien.
Le thuriféraire ou porteur d'encens ( thus = encens et ferre = porter) est aussi un naviculaire ou porteur de navette, ce récipient qui contient la réserve d'encens. J'ai d'abord cru qu'il tenait une cocotte en papier ou un de ces bateaux que, dans un lointain jadis, je fabriquais dans une feuille dûment pliée ; et la comparaison n'est pas si sotte, puis que "navette", du latin navis, signifie stricto sensu "petit navire".
Au dessus d'eux, une étoile en chef d'œuvre.
Loge 20 : harpiste.
Harpe à 12 cordes.
Loges n°21 : joueur de flûte double.
Une observation attentive permet de voir, sur la sorte d'écu que l'ange porte à son coté, cinq fleurs de lys circonscrites dans un soleil, et des feuilles (d'érable); Ce sont les mêmes motifs qui décoraient, dans le registre inférieur des donateurs, les draps de bordure et ceux qui recouvraient les prie-dieu.
La flûte double, dont les deux tuyaux sont réunis en un seul instrument selon un angle de 45°, permet de jouer la mélodie d'une main sur un tuyau percé de six trous et le bourdon de l'autre sur un tuyau plus court et non percé. Elle est aussi représentée sur la voûte de la chapelle de la Vierge
Loges n°22 et 23 : Cornemuse et orgue portatif.
a) Le joueur de cornemuse tient dans sa bouche l'embouchure avec laquelle il gonfle le sac. Le chalumeau de bourdon repose sur son épaule droite tandis que les doigts de ses deux mains s'activent sur les trous du chalumeau mélodique.
Cornemuse de la chapelle de la Vierge :
b) L'orgue portatif dispose d'une double rangée de 15 tuyaux; il se suspend par une sangle passée à l'épaule, et l'ange —ou plus communément le musicien, qui marchait en tête des processions— peut jouer de la main droite sur le clavier, et actionner de l'autre le soufflet.
La cathédrale possède deux autres représentations d'orgue portatif, l'une, très effacée, sur la voûte de la chapelle de la Vierge et l'autre en terre cuite dans la très belle Sainte Cécile. Ce dernier qui est plutôt positif que portatif prend place sur une console.
b) les anges n°7 à 10 et 14 à 18 portent les 9 instruments de la Passion ou Arma Christi.
De droite à gauche :
- les dès du tirage au sort de la tunique
- les verges ?
- l'éponge de vinaigre,
- la colonne de flagellation,
- la lance,
- la croix,
- Couronne d'épines,
- Les clous,
- le manteau de pourpre.
Loge n° 7 et 8 : Ange portant les dès ; portant deux bâtons .
On retrouve dans les robes blanches ces éléments graphiques bleus en bâtonnet correspondant peut-être aux plis.
Le damier sur lequel sont posés les trois dés m'intéresse puisqu'ils témoignent d'une étymologie ancienne de la fleur nommée fritillaire et des papillons fritillary (brièvement, les fritillaires, ou le groupe des Fritillary, dont les pétales ou les ailes sont en damier, tiennent ce nom du latin fritillus, "cornet à dés", les dés étant lancés sur un plateau sans-doute en damier. La preuve sur ce vitrail. Voir Fritillaire)
Ce plateau de jeu porte trois dès pourvus chacun de leur points : 5 ; 3 et 2 pour l'un, 4 ; 3 et 2 pour l'autre et 6 ; 2 ; 1 pour le troisième.
La minutie du peintre s'observe d'avantage encore en examinant le serre-tête de l'ange, qui comporte des motifs de perles organisés en cercles de six autour d'une perle centrale.
Loge n° 9 et 10 anges portant l'éponge de vinaigre et la colonne de flagellation.
l'éponge de vinaigre est présentée au bout d'une branche d'hysope (Jean 19:29)
Loges n° 15 à 17.
N° 15 :Ange portant la croix.
N°16 : Ange portant la couronne d'épine
N° 17 : Ange portant les clous (en bleu).
La robe de l'ange n°15 est ornée de ces boules à pois déjà observées sur celle de l'ange n°2, mais aussi dans les fonds ; et là encore, la distribution de ces boules ne respecte pas la cohérence des volumes du drapé. Elles appartiennent à la même logique que les bâtonnets bleus et les V inversés des autres robes, elles sont signes purs, graphèmes aussi dépourvus de sens que les caractères "coufiques", écriture sacrée inaccessible à nos esprits. Ou plutôt, ce sont des éléments rythmiques dans le concert des couleurs.
Troisième cercle : Gloire en haut et Jugement Dernier en bas.
I. La Gloire royale.
Au sommet, trois têtes du Christ au nimbe crucifère et aux cheveux réunis par une escarboucle centrale. (voir infra Inscriptions).
Illustrant les paroles du Gloria placées en périphérie, des anges présentent au sommet de la rose ce qui a été interprété comme des mitres, mais qui me semble correspondre à des triples couronnes, parfaitement cohérentes avec le thème du Couronnement, ou à la réunion de ces couronnes et de mitres. Puis viennent de chaque coté symétriquement :
- une couronne
- une mitre à triple couronne
- une couronne,
- une mitre
- une mitre.
Ces mitres et ces couronnes associent peut-être les évêques, le roi de France et les princes donateurs à la gloire divine.
II. Le Jugement.
Le Jugement Dernier n'occupe que la moitié inférieure de la rose, sous forme de scènes de résurrection des morts à l'extrémité de deux pétales : "bustes d'hommes dénudés et de femmes aux chevelures ondoyantes, sortant de terre et levant les bras dans un ultime et pathétique élan. "Tous sortent de la mort comme on sort d'un songe, dira au siècle suivant Agrippa d'Aubigné." (R. Barrié p. 14).
Il intègre donc le Christ de la loge n°12, l'arc en ciel de l'ébranlement cosmique et les deux anges, dont les trompettes annoncent l'heure du Jugement.
De la droite vers la gauche (pour changer) :
Pétales 9 et 10 : un pape et un évêque sortent nus du tombeau, tenant qui sa mitre, qui sa tiare ; un troisième personnage nu (féminin ?) . Fond damassé constellé de boules à pois ou de couronnes. Une nouvelle sorte de boules apparaît (en bas) divisées en quartiers alternativement vierges ou portant des pois.
Phylactère : IE FI LI V...NTE VENITE ADOR[EMUS]
Pétales 11 et 12 :
Trois autres personnages émergent de terre ou du tombeau et lèvent les bras en supplication. L'un semble encapuchonné par son suaire.
Phylactère : QUI TOLLIS MUDI INIPE DE P[er[E...M
Pétales 11 à 14 :
A gauche, le personnage du bas est une reprise du carton inversé de celui de droite. Dans les boules ou cercles du fond de sa mouchette sont inscrits des carrés contenant des fleurs (de lis).
Une femme vue de face sort de terre parmi les graminées et les fleurs. Une autre femme tend les bras ; ses cheveux recouvrent son dos.
Phylactère D[OMI]NE DE9 (DEUS) AGNUS DEI FILIUS
Pétales 15 et 16 :
Un homme sort de terre et lève les bras, de même qu'une femme aux long cheveux et qu'une autre femme vue de dos.
Inscription : DO[MIN]E DE9 RE[X] CELESTIS US P[er] OM.
Le corpus des inscriptions.
Négligé par les auteurs qui ont décrit cette fleur ou la baie où elle s'épanouit, ce corpus est pourtant essentiel puisque c'est lui qui exprime l'intention théologique du commanditaire. Il n'est pas là pourtant pour être lu, puisqu'il tourne tout autour d'elle à vingt métres du sol, mais il fonctionne comme un mantra, faisant tournoyer une parole sacrée dans un concert spirituel ; les chanoines à l'intention desquels la verrière avait été construite, leur apportant la lumière spiritualisée par son passage à travers le filtre coloré faisait monter leur chant dans la succession des heures canoniales rythmé par le même chiffre de 2 x 12 que les pétales de lumière. Musique et vibrations colorées se rejoignaient, mais cette musique et ces couleurs n'étaient pas dépourvus de sens, ils servaient la parole de Dieu Verbe incarné. Les mots sacrés Sanctus, Dominus, Filii et Gloria que nous allons découvrir repris par les anges étaient déjà prononcés dans le chœur, et leur inscription, loin d'être décoratifs ou superflus, étaient essentielles.
Ces inscriptions n'occupent (hormis, au centre, les noms des quatre évangélistes) que la périphérie, dans les douze triangles dessinés par l'interstice de la courbe des pétales. En outre, dans la demi-sphère supérieure, celle du concert spirituel, six autres inscriptions, réduites à un seul qualificatif divin, s'inscrit à la pointe des pétales. Soit dix-huit inscriptions, dont nous pouvons déjà donner le thème : le Gloria in excelcis Deo ou Grande Doxologie, chant de louange par excellence. Deux autre cercles encadrent la base de la rose, donnant place à deux anges à phylactère, soit vingt-deux citations.
Je les numéroterai à partir du Midi de l'horloge de verre : la mouchette triangulaire qui occupe l'intervalle entre le pétale occupé par Marie et celui occupé par le Christ sera le numéro 1 des mouchettes M1, puis, dans le sens des aiguilles de la grande montre viendra P1 dans la pointe du double pétale, et ainsi de suite. Mais ces inscriptions ayant une cohérence, je débuterai à 21 heures là où débute la série P.
On voudra bien pardonner mes erreurs de transcription et me les indiquer.
M10 : LAUDAMUS TE ADORAMUS TE GLORIA
P10 : SANCTUS
M 11 : GLORIA IN EX CELSIS
P11 : DOMINUS
M12 : au dessus d'une tête de Christ à nimbe crucifère bleu et rouge : FILI DEI IESU CHRISTI. Fond jaune orné de rinceaux et de boules noires à points rouges comme des mûres.
M1 : Position culminante : au dessus d'une tête du Christ au nimbe crucifère rouge à croix bleue : VITA ET VIRI , référence à Jean 14:6 Ego sum Via et Veritas et Vita, je suis la Voie, la Vérité et et la Vie. Fond vert constellé d'étoiles jaunes incrustées en chef d'œuvre.
P1 : ange à tête rouge : DOMINUS
M2 : Tête du Christ au nimbe crucifère bleu et rouge : MISERERE NOBIS
P2 : Ange à tête rouge : DOMINUS
M3 : ET ----RIA PERA VOLE LOUE ET IN TERRA
P3 : SANCTUS
M4 : Ange blanc nimbé de rouge :TIBI NU TUA(M) HA LIAM (Gratias agimus tibi magnam tuam...Hosanna ?)
M5 : Ange blanc aux ailes bleues : IE FILI VIN.NTE....VENITE ADOREMUS. (Domine Fili unigenite ..Venite adoremus)
M6 : QUI TOLLIS -- MU(N)DI INIPE DE P[re]E...M (rapprocher de : qui tollis peccáta mundi, súscipe deprecatiónem nostram)
M7 : l'inscription de cet élément central est remplacée par un ange musicien
M8 : D[OMI]NE DE[US] AGNUS DEI FILIUS
M9 : DO[MIN]E DE9 RE[X] CELESTIS US P[er] OM . Domine deus rex celestis Deus pater omnipotens
Voici maintenant le texte du Gloria dont je surligne en gras les passages cités :
Glória in excélsis Deo et in terra pax homínibus bonae voluntátis. Laudámus te, benedícimus te, adorámus te, glorificámus te, grátias ágimus tibi propter magnam glóriam tuam, Dómine Deus, Rex cæléstis, Deus Pater omnípotens. Dómine Fili Unigénite, Iesu Christe, Dómine Deus, Agnus Dei, Fílius Patris, qui tollis peccáta mundi, miserére nobis; qui tollis peccáta mundi, súscipe deprecatiónem nostram. Qui sedes ad déxteram Patris, miserére nobis. Quóniam tu solus Sanctus, tu solus Dóminus, tu solus Altíssimus, Iesu Christe, cum Sancto Spíritu: in glória Dei Patris. Amen
Les inscriptions des deux cercles à la base de la rose.
1. Cercle de droite : deux anges présentant l'Agnus Dei.
a) Ange aux ailes bleues : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI
b) Ange aux ailes rouges : AGNUS DEI MISERERE NOBIS
Ces paroles sont celles de l'Agnus Dei :
« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis. »
« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis. »
« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, dona nobis pacem. »
2. Cercle de gauche : deux anges présentant le Sanctus.
a) Ange aux ailes bleues :PLENI SUNT CELI ET TERRA GLORIA TUA HOSANNAH IN EXCELSIS
b) Ange aux ailes rouges : SCSUS SCS D[OMI]US DEUS SABBAOHT que je transcris en SANCTUS SANCTUS SANCTUS DOMINUS DEUS SABAOTH
Ce sont des extraits du Sanctus :
Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus, Deus Sábaoth !
Pleni sunt caeli et terra glória tua.
Hosánna in excélsis !
Benedictus qui venit in nómine Dómini.
Hosánna in excélsis !
Les inscriptions des anges des tympans
Ces inscriptions sont partie prenante du programme scripturaire de la rose : elles sont portées par les petites roses bilobées de l'apex des lancettes, chaque lobe renfermant un ange tenant un phylactère.
1. A gauche : Ange du haut : LAUDATUS IN .VENI IN UD. DU. Ange du bas : NAM EX ELSIS AMEN
2. A droite : Ange supérieur : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI
Ange inférieur : IN MUNDI -- E.CEL.IS
Les monogrammes.
a) La rose est encadrée à sa base par deux ensembles symétriques associant le monogramme du Christ et celui de Marie : IHS et M (A).
Les lettres IHS sont remarquables avec leurs hampes fleuries sur fond de rinceau, mais le monogramme marial, lui aussi remarquable par le déploiement refermé sur lui-même de la lettre M est resté énigmatique et rebelle à mes efforts de déchiffrer le signe blanc (lettre A ?).
La recherche calligraphique transforme ces initiales en formes pures.
b) Monogramme IETRUS
Dans l'écoinçon qui sépare les patriarches du tympan de gauche se loge ce monogramme que je lis IETR9 , soit IETRUS : faut-il comprendre PETRUS ? On remarque la lettre T dont la barre traverse le fût à la manière d'une croix.
c) Le monogramme IOTES.
En position symétrique dans le tympan de droite se trouve le monogramme IOTES.
Son sens m'échappe ; faut-il comprendre IOHANNES (Jean) ?
Une conception d'ensemble.
Prenons un peu de recul, et, avec Roger Barrié, resituons cette baie du transept nord dans sa position, à gauche du chœur qu'occupent les stalles des chanoines (fermé par le jubé ), et dans un vis à vis avec le transept sud achevé en 1392 et où les orgues seront installées vers 1530.
"L'intégrité du volume intérieur du transept est d'autant plus respectée que cet espace est le lieu privilégié des vibrations physiques engendrées par le mystère de la musique et de la lumière. A l'instrument installé sur la tribune méridional en 1529, qui dut avoir un prédécesseur dès le XVe siècle, même en projet seulement, correspondent les orgues lumineuses de la grande rose sur la façade septentrionale" (Barriè in Mussat 1981).
On sait que l'architecture romane glorifiait Dieu par le son, portant toute son attention à l'acoustique pour que les chants des clercs soient sacralisés par les phénomènes de résonnance et transformées dans un processus ascensionnel en voix des anges se rapprochant de Dieu. L'architecture gothique, au contraire, a donné la première place non plus au son, mais à la lumière, et il est significatif que l'on doive à l'abbé Suger l'un des premiers édifices gothiques à Saint-Denis (1135), mais aussi les premiers vitraux connus en France, dans une illustration de la pensée du Pseudo-Denis l'Aréopagique, Dieu est lumière.
En 1377, l'évêque du Mans avait fait peindre le magnifique ensemble des anges musiciens sur les voûtes de la chapelle axiale dédiée à la Vierge ; près de 50 ans plus tard, l'évêque Chastelain fait figurer les anges musiciens jouant des mêmes instruments, mais ils sont irradiés par la lumière solaire et leur musique spirituelle se met au service de la glorification de la royauté du Christ et de Marie. Les paroles sacrées des phylactères sont elles-mêmes spiritualisées et transformées en mantras (je n'ai pas de nom équivalent pour le catholicisme) scandant les mots Sanctus et Dominus ou récitant les formules du Gloria, du Sanctus et de l'Agnus Dei qui, pour les chanoines rompus au latin, sont prononcées "de cœur et de bouche". Plus encore, les monogrammes transforment les lettres des mots Marie et Jésus en formes pures, en chorégraphie vibrantes de lumière.
A ce concert de couleur et de lumière ("orgues lumineuses") déployant la gloire et la puissance de la royauté divine est associée la représentation de l'espérance du pardon des péchés et de la ressurection des morts au Jugement Dernier, selon le dogme énoncé par les douze articles de la Foi (Credo apostolique) : c'est dans cette espérance que les huit donateurs (trente-deux à l'origine dans tout le transept) sont agenouillés, tête levée vers la Source, VITA et VERI, la Voie, la Vérité et la Vie.
Sources et liens :
Je place en tête de cette liste l'article principal, que j'ai cité sans modération :
— GATOUILLAT (Françoise) "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans " in Bulletin Monumental 2003 Volume 161 pp. 307-324 J'en donnerai le résumé :
"Seule la rose nord de la cathédrale du Mans a conservé des vitraux figurés ; les trois fenêtres qui l'entourent comprenaient également à l'origine un rang de portraits accompagnés d'armoiries, décrites dans un manuscrit de 1798 qui relate un état plus ancien. Le texte permet d'identifier la plupart des personnages représentés et de restituer le programme de l'ensemble. Autour de la rose offerte par le roi de- France Charles VII - dont le portrait existe encore - et sa belle-famille d'Anjou, les autres verrières étaient des dons de Jeanne de Laval, veuve de du Guesclin, du clergé local, et d'Anglais parmi lesquels Edmond Beaufort, régent de France après 1435. L'étude de cette surprenante série conduit à nuancer la perception que l'on avait des relations entre les deux camps dans la phase finale de la guerre de Cent ans. Non seulement le chantier fut mené à terme dans la ville occupée de 1425 à 1448, mais des œuvres d'art chargées d'un message de propagande politique en faveur des Valois n'en furent pas bannies."
— BARRIÉ (Roger) 1981 "Les vitraux" in MUSSAT (A), La cathédrale du Mans, Paris p. 139-146.
— BERGEOT (Karine ) 2009 "Les conflits internationaux dans le vitrail en Sarthe". La foi dans le siècle, Mélange offert à Brigitte Waché. Collectif, Presses Universitaires de Rennes cf. En ligne 3 décembre 2009
— BOUTTIER (Michel), 2000, La cathédrale du Mans, Ed. de la reinette, 151 p.
— BRASSY (Christian), Anges musiciens du Moyen-Âge site en ligne. http://www.apemutam.org/instrumentsmedievaux/articles/anges.pdf
— CHARLES (Abbé Robert) 1880 Guide illustré du touriste au Mans page 39 https://archive.org/details/GuideIllustrDuTouristeAuMans
— Monographie de la Cathédrale du Mans en ligne http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005402304.pdf
— CHANTELOUP (Luc) 2009 Les Anges musiciens de la cathédrale du Mans, un concert céleste. Editions de la Reinette 32 pages.
— ESNAULT (Abbé Gustave ) "Le Transept septentrional de la cathédrale du Mans, architectes et bienfaiteurs (1393-1430)", Bulletin monumental, 1879, p. 63-79, Gallica
— FLAMAND Jean-Marie 2010 Les écoles de grec à Paris au XVe siècle Conférence donnée par Jean-Marie Flamand dans le cadre du séminaire d’histoire des bibliothèques anciennes : "Livres pouvoirs et réseaux savants à l’origine de l’Europe moderne (14e -17e siècles)", animé par Donatella Nebbiai, Paris, IRHT (26 mars 2010) http://www.europahumanistica.org/?Les-ecoles-de-grec-a-Paris-au-XVe-siecle [ concerne Guillaume Fillastre]
—FLEURY (Gabriel) La Cathédrale du Mans page 75-76.
— FÖRSTEL Christian, Guillaume Fillastre et Manuel Chrysoloras: le premier humanisme français face au grec. [paru dans : Humanisme et culture] http://hal.inria.fr/docs/00/90/74/28/PDF/Guillaume_Fillastre_et_Manuel_Chrysoloras_2002.pdf
— GATOUILLAT (Françoise) "Les verrières de la cathédrale du Mans" in 303. Arts, Recherches et Créations, 3e trimestre 2001, n. 70 pp 168-175.
— GATOUILLAT (Françoise) 2005 "L'épiphanie de la gloire des Valois : le vitrail au service de la propagande royale" [Charles VI à Évreux et Charles VII au Mans] in Glasmalerei im Kontext. Akten des XXII. internationalen Colloquiums des Corpus Vitrearum - Nürnberg : Germany (non consulté)
— HASENOHR (Geneviève)1993, "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge, premières approches" in Pensées, images et communications en Europe médièvale,Asprodic 1993p.178).
— HUCHER (Eugène) 1848 « Études artistiques et archéologiques sur le vitrail de la rose de la cathédrale du Mans » Bulletin monumental p. 345-372 Gallica
— LEDRU (Abbé Ambroise) "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)", Union historique et littéraire du Maine 1ère série t.2 n°5 mai 1874 page 82-91.
— LEDRU (Abbé Ambroise) 1879 "Le transsept septentrional de la cathédrale du Mans", Bulletin monumental T.7 vol. 45 pp. 63-79 en ligne sur Gallica
— LEDRU (Abbé Ambroise) Chavanon (Jules) "La Cathédrale Saint-Julien du Mans, ses évêques, son architecture, son mobilier", Bibliothèque de l'école des chartes 1900 Volume 61 pp. 536-545 (non consulté)
— MÂLE (Emile) Le Credo des apôtres in L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France page 246.
— MERLETTE (Abbé Pierre) « Guillaume Fillastre, ami de Pierre d'Ailly et l'humaniste au concile de Constance » http://www.histoire-compiegne.com/imageProvider.asp?private_resource=11094&fn=33-17.pdf
— RENOUARD (P), 1811 Essai historique sur la ci-devant Province du Maine, Le Mans, 1811, Tome 1 .
—TAPIA Nahmias (Rachel) "Le transept de la cathédrale du Mans : histoire et architecture", Mémoire de Master 2010 ?, thèse en cours à Paris 4 sous la direction de Dany Sandron: "Étudiante en archéologie médiévale à Paris IV Sorbonne, Rachel Tapia a réalisé son mémoire de Master 2 sur le transept Nord de la cathédrale Saint-Julien au Mans. À l’évidence, une étude exhaustive de l’intégralité de ce transept permettrait de déterminer les différentes étapes de sa construction, d’en analyser les influences et également de reconsidérer au profit du chapitre la maîtrise d’ouvrage jusqu’alors considérée comme « l’œuvre du roi ». Rachel Tapia propose de réaliser des études physico-chimiques pour enrichir ses recherches. Sa thèse de doctorat Histoire de l’art et Archéologie devrait permettre de sortir de l’ombre ce monument incontournable de l’architecture médiévale de la région du Maine."
— THOMASSY Raymond. 1842 "Guillaume Fillastre considéré comme géographe à propos d'un manuscrit de la Géographie de Ptolémée", Bibliothèque de l'école des chartes Volume 3 pp. 515-516
— Photographies : http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm5601/eg_StJulien_217.php