Le peintre Jules Noël rétrograde ? Persiste et signe à Quimper !
Le 1er juin 2013, j'ouvrais le débat dans ces colonnes: le peintre Jules Noël est-il délibérémment rétrograde ou emploie-t-il un N rétrograde pour signer ses œuvres par caprice passager, par égarement spéculaire ou par dysorthographie ou autre trouble de la Constellation des dys ?
Voir : Jules Noël à Brest, un peintre délibérément "rétrograde".
Mes arguments pour une atteinte structurelle et durable et non pour un trouble cyclique ont du paraître particulièrement convaincants, car je n'ai reçu aucun commentaire.
Néanmoins, je renforce ma thèse avec de nouvelles preuves, tirées d'une visite au Musée des Beaux-Arts de Quimper. En effet, ce temple de l'art a acquis la boite de peinture de l'artiste, et, dans ce lieu intime que le peintre ne décore que pour lui même, en dehors de toute parade ostentatoire, je découvre qu'il a signé sa pochade (guère si vilaine) en commettant la faute d'inversion de la lettre capitale.
Jules Noël (Nancy, 1810 - Alger, 1881) : Boite de peinture ayant appartenu à l'artiste. Acquisition 2000.
Lorsque l'on aura zoomer (cliquez pour agrandir) sur le fond de contreplaqué pour admirer la signature, ou les formes pleines de la chaloupe de Morlaix mis au sec le temps d'une marée sous un moulin pour ravauder la voile, qu'on se sera demandé si le matelot porte, ou pas, une boucle d'oreille, que l'on aura observé la planche servant d'échelle, la femme en coiffe accroupie sur la grève, ou quelqu'autre détail du gréement, il sera temps de jeter un œil aux deux toiles de Jules Noël exposées dans cette salle.
L'une est une vue du port de Brest, l'autre montre une rue de Morlaix.
Le port de Brest en 1849.
A l'instar des Vernet ou des Ozanne qui ont été séduits par la plus belle rade du monde, ses lumières, les mouvements permanents de ses navires ou le pittoresque des diverses embarcations ( Plougastel, Kerhorres aux mœurs bohémiennes), Noël a peint à plusieurs reprises le port de Brest de 1839 à 1864 : il s'agit de la quatrième vue de l'arrière-port le long des rives de la Penfeld : à vos jumelles ! Vous verrez en zoomant l'image les bagnards vêtus de rouge, dont certains se reposent au premier plan alors que d'autres gravissent la rive, sous de grands arbres.
Inutile d'ajouter que la signature du maître fait encore un pied-de-nez aux conventions.
Les navires sont mouillés devant les bâtiments tout en longueur de la Corderie, du Bagne (254 m) et de l'Hôpital Maritime. Le drapeau (un pavillon) tricolore a été rétabli en 1830.
Au second plan de cette vue de détail, les petits nains se révèlent être une équipe de sept bagnards portant un lourd madrier, et suivis par un surveillant. A l'arrière-plan, je crois reconnaître les bâtiments du plateau des Capucins, construits de 1841 à 1845. Il s'agit de trois grandes halles parallèles larges de 15 mètres et longs de 150 mètres.
"Une rue à Morlaix en 1830", tableau de 1870.
Sous l'église gothique Saint-Mélaine et au pied des escaliers, l'animation bat son plein, ce qui donne l'occasion à mon auguste homonyme de multiplier les détails à observer. Mais qui pourra me donner le nom, ou m'expliquer le fonctionnement du véhicule hippomobile stationné devant le ferblantier, et qui semble dépourvu de roues, la caisse paraissant suspendue entre les deux chevaux ?
Voir aussi La vie cachée de Joyeux Noël le brestois, conte.
Sur l'exposition Jules Noël aux Musée des Beaux-Arts de Quimper en 2005 :http://www.latribunedelart.com/jules-noel