C'est un lepidoptèriste distingué (lepi'net) qui me l'explique : la famille des Zygaenidae se compose des Procridinae (13 espèces en France), des Chaldosiinae (une espèce) et des Zygaeninae (26 espèces).
Dans le Finistère, les choses sont plus simples : il n' y aurait que trois zygaenidae : un procridinae, la Turquoise de la globulaire, et deux zygaeninae, la Zygène de la filipendule et la Zygéne du trèfle, dont j'ai relaté ma rencontre récemment.
J'étais donc curieux de rencontrer ce seul cousin bas-breton de mes Zygènes, et justement je découvre à Kerloc'h (Crozon) un coin ensoleillé où ils avaient installé leurs transats et entamés leur pique-nique. Surprise : loin de les trouver vêtus de ce débardeur à bretelles nommé "canotierra " en italie et "petit marcel" en france, je les surpris en grand apparat, drapés dans des tenues d'un bleu turquoise aux reflets irisés.
Madame (on la reconnaît à ses antennes filiformes) portait avec bonheur une robe fendue dans le dos, en satin de soie strassée avec sans-doute juste ce qu'il faut d' élasthane pour l'effet gainant, c'était bluffant
Monsieur, lui, ne se démarque de son épouse que par une paire d'antennes penniformes (en forme de peigne, attention aux faux amis), il porte un costume ajusté de la même étoffe à reflets en soie Chambray , mais dont l'encolure est ornée d'une douillette doublure de fourrure, tel un souverain dans sa cape royale de vair . Pour mémoire, le "vair" en héraldique est un champ d'azur chargé de petites pièces d'argent : quoi de plus seyant pour notre homme ?
Mais ces gens très collet monté avaient parfois des moments d'inattention, ou bien la femme de chambre avait reçu sa journée et Monsieur avait du s'habiller seul pour une fois, toujours est-il que je le surpris un peu déguenillé, le pan de chemise dépassant de son costume.
Mais qu'allait-il faire à chevaucher des balais en criant "hue dada" ?
Plus sérieusement :
Il s'agit non pas d'un couple de Turquoise de la globulaire, Jordanita globularia Hübner 1793., mais d' Adscita statices, beaucoup plus répandue, et que l'on reconnaît, chez le mâle, à l'antenne qui n'est pas pectinée jusqu'au bout. La chenille se nourrit de Rumex.
Les papillons mâles ont des antennes plus développées que les femelles car elles représentent leur organe olfactif : le mâle doit par ces antennes détecter la phéromone émise par les femelles, et on cite toujours l' Actia luna capable de déceler une femelle à onze kilomètres de distance, ce qui correspond à la détection d'une seule molécule de phéromone. On comprend que l'antenne doit être particuliérement importante chez le mâle. Elles sont tapissées de soies sensorielles, les sensilles, qui envoient leurs informations via un nerf antennaire à deux lobes antennaires Ceux-ci sont organisés en unités fonctionnelles spécifiques d'une odeur, les glomérules. Chez le mâle existe un sous-groupe de glomérules, le complexe macroglomérulaire, consacré à la reconnaissance de la phéromone sexuelle et au déclenchement de la réponse comportementale.
Le système antennaire de la femelle est voué, lui, à la reconnaissance de la plante hôte, celle qui nourrit les chenilles et où elle déposera ses oeufs. On a montré qu'il suffit à la femelle du Sphinx du tabac de reconnaître sept des soixante molécules du Datura sacré pour identifier cette plante.
Outre les phéromones sexuelles, il existe des phéromones de marquage de territoire, d'autres de balisage de trace, d'autres encore sont des signaux d'alarmes d'agression, d'autres évitent qu'une congénère ne viennent pondre ses oeufs trop près, ou suscitent un attroupement : une abeille dispose de 160 glomérules, donc de 160 centres dédiés à un signal.
Revenons à la Zygéne Zygaena trifolii pour nous rendre compte que les deux papillons sont très proche : on dirait seulement qu' un chercheur du Museum consacre son temps à capturer des Turquoises, leur applique des marques rouges sur les ailes et les relache pour en assurer le suivi : à qui dois-je signaler mon observation?
Lui aussi s'amuse à chevaucher les graminées :
Lui aussi craint les courants d'air et s'emmitoufle de petit-vair :
Lui aussi a adopté la tenue de soirée pour bricoler ou grimper à la corde lisse :