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20 janvier 2020 1 20 /01 /janvier /2020 11:39

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La première chapelle du bas-coté sud.

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Les deux poutres est et ouest portent un décor sculpté où prédominent les dragons  à queue dotée d'une gueule, et qui menacent ou dévorent des épis ou des humains tout en crachant des langues de feu. La proximité est donc forte, sur le plan thématique, avec les sablières du chevet (vers 1544), mais nous ne retrouvons pas ici les caractéristiques du "maître de la nef de Plomodiern" propres à ces dernières. Par exemple, les trous de foret, marques de gouges en C et en I ou les médaillons sont absentes, et le bois (non peint) est soigneusement poncé et poli tandis que les reliefs linéaires à type de nervures sont fines et soigneuses.  Nous avons affaire à un sculpteur de charpente bien averti des différentes réalisations qui décorent les monuments du Cap Sizun et du sud du Finistère, qui a enrichi sa mémoire visuelle et ses carnets de croquis des travaux effectués ailleurs, mais qui affirme son style. Il est peut-être l'auteur des sablières les plus orientales  de Confort-Meilars.

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"L'église de Pont-Croix abrite un autre ensemble de sablières, placées à la jonction des deux chapelles du bas-coté sud sans doute au moment des modifications apportées à l'édifice au milieu du XVIe siècle. Le travail d'ornementation est élaboré, composé d'images de dragons déglutissant des végétaux, de personnages grotesques et de grylles monstrueux à plusieurs têtes. Il semble que l'auteur de cet ouvrage ait participé à la décoration des poutres de l'église de Confort, située à quelques kilomètres de là. La conception de cet ensemble est très hétérogène mais on reconnaît à l'observation de quelques détails la facture de Pont-Croix. Les représentations, que l'on retrouve également dans l'église de Plouhinec, attestent les contacts visuels, et par conséquents la circulation des sculpteurs dans la pointe du Cap Sizun à cette époque." (S. Duhem)

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1. La poutre du coté est.

Deux registres.

 Six dragons à queue céphalisée (donc 12 gueules au total) dévorent ou menacent des êtres humains, des épis, ou un chien, lorsqu'ils ne crachent pas des flammes ou des rubans. Les blochets ajoutent à ce total trois dragons, l'un dévorant une tête humaine, les autres présentant un écu bûché.

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1. Le blochet de gauche: dragon tenant dans sa gueule un humain.

Ce blochet est d'un grand intérêt car il éclaircit l'interprétation du motif du dragon dans l'ornementation médiévale et Renaissance des monuments religieux. Si les dragons sont quasi constants en Bretagne, et notamment en Finistère, au XV et XVIe siècle, et si on ne les compte plus à l'intérieur sur les sablières, les blochets ou sur les entraits sous forme d'engoulants, et à l'extérieur sur les crossettes ou sur les façades, leur tête souvent débonnaire et leur attitude n'incitent pas à prendre vraiment au sérieux la peur théâtralisée et baroque qu'ils voudraient susciter. Bien-sûr, ils menacent souvent (notamment à Pont-Croix) des figures humaines ou semi-humaines de leurs crocs acérés, mais ni l'animal ni l'humain ne semblent vraiment croire à l'acte qu'ils mettent en scène. Le dragon est-il une figure du Diable ? Ou de la Mort ? S'inscrit-il dans une pensée chrétienne rappelant aux paroissiens les risques pour leur âme d'une conduite peccamineuse ? Annoncent-ils les tableaux que les missionnaires comme Michel Le Nobletz puis le père Maunoir  vont peindre au XVIIe siècle pour conduire les fidèles dévoyés vers les confessionnaux ?

Au contraire, relèvent-ils de la résurgence de croyances animistes, ou celtes, ou ésotériques ?

J'en doute fort, et j'y vois plutôt une farce gaillarde, l'expression pleine d'entrain de paysans adoptant une mode d'ornementation très en vogue, car ils en apprécient, précisément, la neutralité : dans les espaces intermédiaires qui échappent au champ liturgique, ils laisseraient une place à l'imaginaire. Mais de façon néanmoins très codée, voire ritualisée, puisque les artisans sculpteurs répètent, chacun avec son talent et ses inventions stylistiques, des modèles communs.

Ces animaux fabuleux sont à rapprocher de ceux qui figurent sur les armoiries : leur présence est plus emblématique que signifiante (en terme de croyance) ou narrative, même s'ils renvoient aux dragons foulés par saint Michel, asservis par saint Pol-de-Léon, et à celui dont sainte Marguerite s'est libérée.

Ici, ce dragon semble bien prendre son rôle de grand méchant loup très au sérieux, et la créature humaine (ou ce qui en reste, disons l'âme) n'en mène pas large. Ce passage à l'acte n'est pas fréquent pour des bêtes qui se contentent habituellement d'ouvrir  une large gueule, voire de tendre une langue gourmande vers les humains. Pourtant, dans une paroisse voisine, à Confort-Meilars, un blochet de la charpente de Notre-Dame de Confort est identique à celui-ci, ce qui incite à créer un cousinage (de date ou d'auteur) entre les deux réalisations sculptées. La même scène est représentée selon S. Duhem sur un blochet de l'église de Plouhinec (même secteur géographique, même époque) ainsi qu'à Bieuzy en 1560.

Nous tenons donc ici un détail qui a une haute valeur sémiologique pour le pisteur en patrimoine monumental.

Le style est néanmoins différent dans cette chapelle de Pont-Croix par rapport à Confort-Meilars. Certes, le haut du museau se retrousse en volute, l'œil est large et de face, mais le haut du corps accumule des nodosités creusées en leur centre, comme des petites pommes resserrées, pour rendre les pustules infectes de la bête. Le sourcil forme un éventail de plumes.

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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Partie gauche.

En haut : un chien aboie contre un animal, né de la queue d'un dragon ailé. Épillet et bouton floral d'un rinceau.

En bas : un masque humain de 3/4 est léché par un dragon né de la queue d'un dragon ailé. Épillet et  et bouton floral d'un rinceau.

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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Scène suivante :

En haut : le rinceau est bûché (ou usé), puis apparaît une gueule de dragon, crachant une tige à épis de grains.

En bas : le rinceau naissait en fait de la gueule d'un dragon, mêlé à des volutes (langues de feu ?). Là encore, il s'agit d'un dragon ailé à queue céphalisée, où l'autre gueule lance également des langues de feu.

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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De l'autre coté du blochet central.

En haut, la pièce a été entièrement bûchée, nous devinons seulement le cheminement d'un rinceau.

En bas, un rinceau s'échappe d'une deux hommes se battent (l'un frappe l'autre avec un bâton ), mais le premier est avalé par sa chevelure par le dragon de gauche, tandis que la victime des coups de bâton, à la figure vultueuse, voit son bras gauche avalé par le dragon de droite.

 

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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Le blochet central : deux dragons présentant un blason(bûché).

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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Le blochet de droite (moderne).

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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2. La poutre du coté ouest.

Deux registres.

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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Pièce de droite.

Restauration récente avec remplacement de parties.

En haut (entièrement moderne ?) un lion et un dragon aux extrémités et un dragon à queue céphalisée crachent une tige à épillets.

En bas, un dragon ailé crache une tige à épillet picorée par un oiseau. Un masque humain de profil crache à son tour un épillet. À gauche, un lion (moderne) présente un écu avec un lion de la pièce de gauche.

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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Pièce de gauche.

Dragons ailés et lions crachant des tiges à épis.

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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

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La chapelle du Rosaire du bas-coté sud.

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Les corniches sculptées des retombées ouest et est du lambris peint nous offrent un exemple d'une façon de faire très différente des frises précédentes, puisque les pièces de bois montrent à intervalle régulier des têtes en haut-relief d'hommes et de femmes dont les coiffes ou chaperons enturbannés supportent une tablette, inoccupée.

 

Sophie Duhem  les datent du début du XIVe siècle et remarquent leur parenté avec celles de Fouesnant et de Penmarc'h.

" Quelques sablières anciennes placées dans le bras sud du transept présentent des décors qui datent très probablement du début du XVIe siècle. Les figures principales sont constituées de bustes féminins et masculins coiffés de chapeaux et de turbans. Des représentations d'une facture très proche apparaissent dans les sanctuaires de Fouesnant et de Penmarch semblant attester un déplacement de sculpteur jusqu'au sud du diocèse." (S. Duhem)

http://www.lavieb-aile.com/article-les-sablieres-et-poin-ons-de-l-eglise-notre-dame-et-saint-michel-de-quimperle-123158720.html

Seuls les blochets à gueule de dragons créent un lien avec les autres charpentes de Pont-Croix.

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Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

Sablières (début XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.

 

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SOURCES ET LIENS.

 

 

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COUFFON (René)

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/e2b9737d7806ae456f45f5edb17ba812.pdf

http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_82/Notre_Dame_de_Roscudon_et_lAtelier_de_Pont_Croix_.pdf

https://m.shabretagne.com/scripts/files/51d0571f3eb5e5.73808665/1951_01.pdf

— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... préface d'Alain Croix. , Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997. Pont-Croix cité aux pages 18 ; 19 ; 63 (mutilations des sablières) ;  84 (atelier de sculpture sur pierre) ; 139 ; 141 à 143 ; 156 ; 179 ; 239 ; 267 ; et 301.

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Sablières

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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