Iconographie de Saint Christophe : les vitraux de la cathédrale d'Angers, I. La baie 105, vers 1550.
—– Voir dans ce blog à propos de l'iconographie de saint Christophe :
Petite iconographie de Saint Christophe à Séville. IV: à l'Alcazar
- Iconographie de saint Christophe : la cathédrale de Burgos.
— Et sur les vitraux d'Angers :
La cathédrale Saint-Maurice d'Angers renferme actuellement deux vitraux dans lesquels figure saint Christophe, la baie 105 (MH 26) du XVIe siècle, et la baie 117 (M.H 15)
J'emprunte le plan de situation (avec la numérotation MH) au site http://quercus49.over-blog.fr/article-la-cathedrale-d-angers-les-vitraux-54448736.html, mais j'utiliserais la numérotation du Corpus Vitrearum :
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I. LA BAIE 105 (Baie 26 M.H).
C'est une lancette à trois registres mesurant 7,75 m de haut et 1,35 m de large, restaurée en 1931. Cette une baie étroite à l'entrée de l'hémicycle du chœur est associée à la baie 106 (MH 42, ou 34 sur le plan) de même taille, de même date (vers 1550) et de même provenance. Elle associe de façon composite un soubassement et une bordure du XIXe siècle, quatre panneaux très restaurés en registres inférieur de bustes d'apôtres sous des arcades (saints Pierre, André, Barthélémy et Paul), et dans son registre supérieur la grande figure de saint Christophe sous une arcade ornée de motifs végétaux.
La représentation de Christophe est conforme aux images contemporaines du XVIe siècle : sous un ciel bleu — notez l' étoile "en chef-d'œuvre" au dessus de la tête du saint —, le saint à taille de géant porte sur l'épaule gauche l'Enfant en Sauveur du Monde (geste de bénédiction et globus cruciger) tandis qu'il s'aide d'une perche pour progresser dans la traversée du gué dont il est le passeur. La hampe est tenue main gauche en supination, ce qui est plaisant par évocation de la technique professionnelle assurée d'un nautonier. La rive à atteindre se présente comme une falaise abrupte. Je retrouve les divers éléments déjà observés dans mes articles sur Séville. Ici, le saint a le visage d'homme mûr ou de vieillard, non nimbé, avec une longue barbe. La couleur de son manteau rouge à fermail est parfaitement conventionnel. Il recouvre une tunique bleue en haut et blanche en bas resserrée par une ceinture jaune. L'eau est figurée par du verre bleu, sans détail de dragons, de sirènes ni de poissons.
On peut ajouter que, comme dans les autres exemples iconographiques du XVIe siècle, la représentation n'est plus celle, frontale au regard apotropaïque, du XIVe, mais qu'elle est animée par une torsion qui démarre par les pieds de profil dirigés vers la rive, se poursuit par le bassin et les épaules qui se présentent de trois-quarts, et s'achève par le visage et le regard dirigé vers le haut et l'arrière, c'est à dire vers l'Enfant. aux traits trop restaurés pour savoir s'il regardait lui-aussi le saint.
En 1921, le chanoine Charles Urseau avait trouvé dans les traits du saint un je-ne-sais-quoi grossièrement canin qui l'avait conduit à y voir un Christophe cynocéphale, ce qui pouvait traduire des influences byzantines ou du moins primitives de l'hagiographie. Mais pour ma part, je ne lui trouve, à ce saint Christophe d'Angers, tout au plus que le bon regard d'un brave toutou.
L'intérêt principale que je trouve dans cette baie tient en deux points, d'ailleurs liés l'un à l'autre. D'abord, bien formé à l'iconographie par mes précédents articles, je note une absence remarquable, celle du dévot ermite qui, ailleurs, éclaire de la lumière de la Foi saint Christophe dans la périlleuse aventure de sa conversion au Christ, en agitant sa lanterne sur la rive à atteindre. Point d'anachorète ici ? Si-fait, mais égaré dans une autre baie par les hasards du remontage de panneaux. Or, cette baie est la baie 106, dont nous savons qu'elle est la jumelle de la 105 . Le second intérêt est que ces deux baies proviennent du prieuré de Sainte-Croix-du-Verger. A suivre...après les photos.
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La baie 106 et l'ermite à la lanterne.
La Baie 106, date également de ca.1550 et mesure également 7,75 x 1,35m. Elle adopte la même composition avec une figure principale en registre supérieur ( saint Pierre sous une arcade surmontée de deux anges tenant une coquille) et quatre bustes d'apôtres dans deux registres médians, saint Thomas et saint Jacques le Mineur (partie haute du registre médian) , saint Jean et saint Jacques le Majeur (partie basse du registre médian). Il est vraisemblable que le même artiste soit l'auteur de saint Christophe et de saint Pierre. Mais à la différence de la baie 105, on trouve ici en registre inférieur un ermite portant une lanterne et saint évêque. Sans l'associer précisément à la figure de saint Christophe, Martine Callias Bey & al. indiquent que cet ermite "provient de la baie 105".
Le moine solitaire tient ici un bâton, ce qui en fait un pèlerin ou un marcheur, mais s'écarte du schéma habituel.
Il semble donc nécessaire d'associer, dans notre esprit, le saint Christophe de la baie 105 et l'ermite de la baie 106 dans une verrière initialement plus large, accueillant peut-être les douze apôtres.
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Saints Jean et Jacques le Majeur. vers 1550, Baie 106, cathédrale d'Angers, photo lavieb-aile
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La provenance des deux baies : la chapelle du prieuré de Sainte-Croix-du-Verger.
Les deux baies 105 et 106 étaient occupées au XIXe siècle par les vitraux de saint Maurice et de la Vierge, mais le chapitre s'est plaint au conseil de fabrique en 1852 que le chœur se trouvait assombri de la pose très récentes de ces verres trop fortement colorés, et demanda des modifications pour que les chantres puissent lire sans bougie durant les offices en plein jour. On déplaça donc ces vitraux pour les remplacer en 1895 par le Saint Christophe et le Saint Pierre actuel. (De Farcy page 155).
Ces deux verrières provenaient de la chapelle du prieuré de Sainte-Croix-du-Verger, et avaient été placées, après la destruction du château du Verger en 1776-1783, dans l'abside du chœur, parmi les lancettes du XIIIe siècle, ce qui faisait "le plus mauvais effet". En 1895, on mis à la place la "Vie de Jésus" du XIIIe.
Ces baies 105 et 106 rassemblent donc des verres qui proviennent de la chapelle du prieuré de Sainte-Croix-du-Verger à Seiches-sur-le-Loir (Maine-et-Loire), chapelle consacrée par Jean de Rély, confesseur de Charles VIII et évêque d'Angers, en 1494.
De la même chapelle provenaient aussi deux autres verrières de la cathédrale, occupant les baies 122 et 130 et représentant saint Maurice et une Crucifixion, décrites par de Farcy pages 152-153, avant d'être détruites par un bombardement de 1944.
Selon de Farcy page 153, les biens de cette chapelle furent mis en vente, et certains vitraux furent acquis par le vitrier en charge de l'entretien de la cathédrale, et/puis vendus par son successeur le vitrier Tournon à des collectionneurs comme Grille (un vitrail représentant un évêque et un ange debout l'un face à l'autre, vendu en 1829 ; 23 panneaux de cette chapelle dans le cabinet Grille) et Mordret (dont un qui représentait le Maréchal de Gié agenouillé, se situait jadis près du maître-autel).
Le grand collectionneur et dessinateur de vitraux Gaignières en donne deux exemples, dans le fonds conservé par la Bnf et disponibles sur Gallica :
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Vitrail de la chapelle du château du Verger, du coté de l'Évangile proche le grand autel dans le chœur, où est représenté un chevalier à genoux portant une cotte armoriée de Rohan Gié : c'est Pierre de Rohan] : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6934915g
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Vitrail de la chapelle du château du Verger, du coté de l'épître, sur lequel est représentée une dame agenouillée : c'est Françoise de Penhoët, première femme de Pierre de Rohan . http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69349179.r=Vitrail+de+la+chapelle+du+ch%C3%A2teau+du+Verger.langFR
Les vitraux sont donc antérieurs au 15 juin 1503, date du mariage de Pierre de Rohan avec Marguerite d'Armagnac, après la mort de Françoise de Penhoët qu'il avait épousée en 1476.
Selon Bernard de Monfaucon, "les mêmes vitres nous font voir les trois fils du Maréchal de Gié et de Françoise de Penhoët, à genoux et priant Dieu, savoir Charles de Rohan, qui fut seigneur de Gié et continua la postérité ; François de Rohan, qui fut archevêque de Lyon ; et Pierre de Rohan, qui se maria et eut des enfants". Thrésors des Antiquitez de la couronne de France, p. 20. ,
Au total, en ajoutant les trois précédentes verrières du chœur consacrées au donateur et à sa famille les deux baies 105 et 106 de la cathédrale (issues peut-être d'une seule verrière) et les deux baies 122 et 130 de la cathédrales aux vitres détruites en 1944, ce sont sept baies qui viennent préciser notre documentation. Martine Callias Bey & al. signalent aussi page 309 un Calvaire, une Vierge, saint Jacques, comme autant d'éléments perdus. Je mélange peut-être à tort la "chapelle du château du Verger" et la "chapelle du prieuré de Sainte-Croix-du-Verger". Deux vitraux actuellement dans la chapelle du Lord Maire de Bristol représentent un faucon et un chien avec écu de Rohan-Gueméné..
Le château, et non plus la chapelle, possédait aussi ses vitres "de cristal" (Gaignères) :
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Vitrail où sont rassemblées des armoiries et des devises http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6937701p.r=%22ch%C3%A2teau+du+Verger%2C%22.langFR
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Vers 1512, Charles de Rohan, fils de Pierre de Rohan, commanda pour le chœur de la chapelle une tenture en cinq pièces des Anges aux instruments de la Passion, aujourd'hui conservée au chœur de la chapelle du château d'Angers. Cela montre la magnificence de la chapelle.
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Rappel : glané sur la toile (cf. sources et liens)
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....Au xve siècle, Pierre de Rohan fera édifier à Seiches-sur-le-Loir, Maine-et-Loire, un grand château, le château du Verger, qui sera par la suite, en partie détruit par le cardinal de Rohan : Il a été construit durant la deuxième moitié du xve siècle et la première moitié du xvie siècle par Pierre de Rohan-Gié, maréchal de France, et l'architecte Colin Biart. Le domaine et le château ont été construits pour le maréchal de Gié à son retour d'Italie. Après 1504, le maréchal néglige ses autres domaines pour embellir le Verger. C'est là que fut signé le Traité du Verger stipulant que l’héritière du duché de Bretagne ne peut se marier sans l’accord du roi de France. De 1776 à 1783, le château est démantelé par le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg. (Wikipédia)
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...il l’avait fait bâtir peu de temps après avoir acquis, le 9 mars 1482, le vieux castel du Verger, sis en la paroisse de Seiches, résidence qui par ses soins et ses larges dépenses devint bientôt la plus imposante du pays. (J.L. Deuffic)
....Le nom apparaît pour la première fois en 1274 (Célestin Port). Ce serait en 1320 que la chapelle aurait été fondée par un des seigneurs de la région. A quelques mètres du château du Verger, cet édifice avait été intégré au prieuré Sainte Croix du Verger (Prieuré fondé par Pierre de Rohan lors de la construction du château en 1493, et où il fut enterré). La dernière restauration de la chapelle date de 1985".
...Le 2 août 1791, le district de Baugé procéda à la vente du mobilier du prieuré du Verger
... Prieuré de l'ordre des Mathurins...
...Dotée de précieuses reliques...
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Un lien entre la Bibliothèque de Rohan et le vitrail de saint Christophe ?
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L'étude de la baie 105, déjà intéressante sur le plan iconographique, a vu son intérêt s'accroître lors de l'ajout du motif de l'ermite à la lanterne de la baie 106, puis de la découverte de la richesse du Prieuré de Sainte-Croix-du-Verger, et de l'inventaire partiel de sept à dix témoignages de ses vitraux. Outre Pierre de Rohan, Jeanne de Penhoët et leurs trois fils Charles, François et Pierre, on remarque la grande figure de saint Pierre, bien compréhensible puisque elle se réfère au prénom du fondateur, et la non moins grande figure de saint Christophe, à coté de huit apôtres.
Une hypothèse permet peut-être d'éclairer ces derniers motifs à la lumière de l'inventaire dressé par Jean-Luc Deuffic de la bibliothèque de Rohan Soubise. En effet, l'ouvrage suivant, du XVe siècle y est signalé :
Histoire de la Bible & de plusieurs saints, entr'autres des Apôtres ; de s. Christophe, en vers ; s. Georges, en vers ; le Trou de s. Patrice, & la patience de Griselidis, marquise de Salmes (sic, pour Saluces) ; sainte Julienne, en vers, (de la fin du quatorzième siècle). In-f° Ms sur vélin, avec des miniatures à chaque sujet. 78 miniatures par un suiveur du Maître de l'Apocalypse de Berry.
Outre la proximité, dans le titre, de "entr'autres des Apôtres ; de s. Christophe" qui évoque le contenu des baies 105 et 106, ce qui est intéressant est la mention d'une légende versifiée de saint Christophe. Ne peut-on suggérer que la possession d'un tel poème a incité le Maréchal de Gié à en donner une illustration en vitrail, éventuellement inspiré de l'enluminure correspondante de son manuscrit ? Cette légende occupe les 12 pages des folios f. 174 à f. 186 . Christophe. « Seigneurs Jay oy dire souvent en aucuns lieux // Que a bien commencier on doit appeler dieux // Et la vierge sa mere qui a le cuer piteux … » .
Or, cet incipit Seigneurs j'ay oy dire souvent en aucuns lieux est connu (P. Meyer p. 344) comme appartenant à une Vie de saint Christofle de 746 vers en quatrains d'alexandrins, du XIVe siècle notamment contenu dans Bnf fr. 25549. Ce manuscrit de 108 feuillets contient une Bible Abrégée, la Vengeance Vespasien, les Enseignements Saint Louis, la Vie de Saint Louis, la Vie de Saint Christofle (ff. 70-90) et le Purgatoire Saint Patrice.
Meyer cite deux autres versions versifiées de l'hagiographie, l'une en octosyllabes du XIIIe siècle En nom de sainte Trinité, et l'autre, de 200 vers environ, du XIVe siècle, Bnf fr.1555 f. 126v Poy a de bien en ceste siecle mortal.
Les légendes en prose sont contenues dans des recueils de Vies de saints. Paul Meyer cite le Bnf nouv. acquis. fr 10128 fol. 96 Mout puet estre liez a qui Nostre Sires donc tant de sa grace qu'il ne li desplest mie a oïr les paroles qui de lui sont et les vies des seinz martyrs . Dans ce recueil de 42 légendes, la Vie de saint Christophe vient en 17ème position après celle des apôtres, seulement précédée par les légendes des saints Longin, Sébastien, Georges et Vincent, ce qui souligne son importance. Cette place se retrouve dans les autres manuscrits étudés par P. Meyer page 407, 410, 412, 417, 436 et 439. Dans une Notice sur le Ms Bnf 6447 traduisant divers livres de la Bible et divers vies de saints, P. Meyer donne l'extrait suivant : (Fol. 182) Ci commence li vie et li martyres monsignor S. Cristofie. Molt puet estre liés a cui Nostre Sires donc tant de sa grasce qu'il ne li desplaist mie a oïr les paroles ki de lui sont et les vies des sains martirs qui mort rechurent por essaucier la sainte loi et la sainte creance Nostre Signor. En cel tans ke sainte Eglise conmença a montepliier et li saint home preechoient de novel, estoit uns hom ki Cristofles estoit apielés, sages de toutes doctrines et poissans de toutes vertus. Cil hom estoit nés de Genoragie, une contrée, et si estoit dessamblables a tous cels dou pais de cors et de viaire et de parole, et por ce fu il envoiés par nostre signor Jhesucrist en la terre de Syre preechier et amonester les gens qu'il se baptizaissent. Mais premiers fu baptiziés et reçut la grâce Nostre Signor qu'il autrui renouvelast eu la sainte ewe de baptesme. ..
Si je pouvais consulter le texte du poème de l'ouvrage de la bibliothèque de Rohan au château du Verger, ou, à défaut, celui du manuscrit Bnf Fr 25549 qui lui est identique si on en juge sur l'incipit, je pourrais dresser un parallèle entre le texte, et le vitrail. Mais je n'ai pas trouvé accès à ces textes. J'utiliserai un moyen indirect : selon Graham Runnalls, ce poème, initialement écrit "dans la première moitié du XIVe siècle, peut-être même plus tôt" a servi de modèle à la rédaction d'un Mystère de saint Christofle" rédigé dans la seconde moitié du XIVe siècle, et publié entre 1515 et 1517 à Paris par la veuve de Jehan Trepperel. Deux exemplaires de l'édition de ce Mystère, c'est-à-dire cette pièce de théatre, sont conservées à la Bnf sous la cote Réserve Yf1606 , et le texte en a été établi et annotè par G. Runnals. Cet auteur remarque que le Mystère, et donc le Poème qui lui sert de source, ne sont pas une versification de la Vie de saint Christophe qui apparaît dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine, et dans sa traduction par Jean de Vignay : tout en suivant de près la Légende Dorée, Le Mystère de Saint Christofle "suit le conte de Jean de Vignay non seulement dans ses grandes lignes, mais aussi dans quelques détails. Pourtant, il y a suffisamment de divergences entre notre mystère et le conte de la Légende Dorée pour nous empêcher d'affirmer que notre dramaturge ait employé Jean de Vignay comme source. Par exemple, certains éléments de la légende traditionnelle sont modifiés: le roi est effrayé par une tempête (dans la Légende Dorée, c'est un jongleur qui l'effraye, en répétant le nom du diable); le texte de Yf 1606 ne fait aucune allusion aux scènes de la Légende Dorée où le roi, et ensuite le diable, refusent de révéler à Rebrèbe le nom de la personne dont ils ont peur; l'ermite recommande à Rebrèbe de prier et de se faire baptiser (dans la Légende Dorée, I'ermite lui recommande de prier et de jeûner, mais Rebrèbe s'y refuse); la voix du Christ se fait entendre une seule fois (trois fois dans la Légende Dorée); et on peut relever d'autres changements et différences. Il est évident qu'il faut chercher ailleurs la source du Mystère de Saint Christofle."
: je vais donc y lire le passage consacré à la Traversée du gué :
http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/christof/chritxt1.htm
Saint Michel remonte au Ciel; Christofle revient à l'ermite.
316 Baptesme, ce debvés sçavoir
320 Sans que je diray avant.
324 Qui a ton col passer vouldront
328 Et se tu le faiz vrayement,
Celluy verras visiblement
332 Je y vois et n'en partiray
336 En allant la.
340 S'il te plaist dysie (?)
344 Sus mon col monte.
348 Pour vray le dy.
352 Tu ne me sembles qu'une pelote.
356Enfant, je ne sçay vrayement
360 Et les jambes, tant es pesant.
Dieu
364 Si doibs sçavoir.
368 Mais quant m'oultre passé auras.
372 Puisque de l'eaue sommes hors.
376 A mon advis.
380 Et si as tu; scais tu comment ?
384 Et vint sa bas en une vierge,
388La fut homs Dieu, c'est verité;
392 Ensemble tous communement
396 Je vueil que plus cy ne demeures,
400 Devant contes, devant roys,
404 Adieu, mon pere esperitable,
408 De Paradis.
412 Ma voulenté et mon desir
416 Sire, impetre moy eloquance,
-
Beau pere, j 'ay prins vrayment
-
S. Cristofle
Or me faictes celuy vëoir
Dont mon cueur a tant desir.Christofle, il te fault assavoir,
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L ' ermite
Vois tu celle riviere grant?
Ilec demours yras
Et tous ceulx oultre passerasEt qui pour Dieu te requerront.
Tien cest bourdon; metz en ta main
Si t'en apoye a ton besoing.Que tu demandes.
Sire, puisque tu le commandes,
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S. Cristofle
Jamais, tant que veü l'auray.
Icy vouldray faire un mesnaige;
De celuy seray le passaige,Christofle s'installe près de la rivière; bientôt Dieu arrive,
sous la forme d'un enfant qui veut traverser.-
Christofle amy, de venir sa,
Pour Dieu, te vueilles avancer,
Et moy oultre l'eaue passer,-
Dieu
-
Actens, ne t'en ennuie mye.
Je m'en vois a toy par dela,
Et toy, qui veulx passer deça,-
S. Cristofle
Christofle, ne puis a brief conte,
Car tu es mallement hault.
Aulcun lieu amonter me fault;-
Dieu
-Adonc flechit son corps.
-
Je te monteray; sié toy ci,
Qui m'as donné ceste avanture.-
S. Cristofle
A ! com es povres de charnure;
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Deulx vingz come toy en une hotte
Emporteray, ce m'est advis.
Je m'en vois sans long devis.Si tu joues d'enchantement,
Mais tu poises come pelon en masse.
Advis rn'est que le dos me casseNe t'en va mye merveillant,
Christofle, se grant sens t'abonde,
Quant sur toy portes tout le monde;Comment puis tant force avoir ?
Saincte Marie !Ne le te diray ore mye,
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S. Cristofle
Dieu
Bien apercevoir tu t'en pourras,
Certainement.Dessens, dessens, inellement,
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S. Cristofle
Oncques mais cuivre, ors
Aportez tant ne me greva,
Ne si pesant ne me sembla,Christofle, il t'est bien advis,
Je t'ay desja bien enhorté,
Car tout le monde as porté,-
Dieu
Je suis celluy certainement
Qui ciel et terre et mer crea,
Qui pour toy es cieulx trespassa,Que feis de deïté consierge.
Car en la vierge descendy,
De qui virginement nasqui.Ne la chair ne fut deïté
Ne la deïté chair aussi,
Tant furent comprinsez ciEn Crist de sauvabtent ( ?)
Je suis des fors honoré et prins,
Pourquoy tu as baptesme prins.Mais veulx qu'aultrement labeures.
Je vueil que mon nom prescher voises
Devant bourgois, devant bourgoises,Et que par le tourment des roys,
Que te fera* pour moy sentir,
Tu puisses la vie digne offrir.Pour avoir gloire perdurable
Je te donne ma benisson,
Et si m'en vois en la maison-Adonc se mest a genouIx.
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S. Cristofle
A ! Sire, a toy louer tousdis
Doy bien mettre mon intention;
Certes, toute ma façon,
Sont et seront a toy servir.
Je vois pour ton nom* exaulcer
En celle ville la prescher.Dieu remonte au Ciel; Christofle quitte
la rivière et s'approche d'une ville.-
Et me donne telle fïance
Que ta loy puisse estre exaulcee
Par moy et l'ambe avancee. (?)-Adonc va prescher.
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Dans ce texte, à la différence de celui de Jean de Vignay, Jésus n'annonce pas à Christophe que son bâton va fleurir lorsqu'il sera revenu dans sa "maisonnette". Le miracle de la verge refleurie ne survient qu'au vers 540, plus de cent vers après la traversée, tandis que Christophe prie Dieu et lui demande un signe. Une femme qui l'observe constate la refleurie miraculeuse. Elle court à la ville pour en témoigner devant la foule, et devant les chevaliers de l'empereur Dagus. Voici les vers 531-563 :
S. Cristofle : Sy me fault mettre a genouillons / En aourant mon createur. /Sire Jesus, par vo doulceur / Vous m'avez cy reconforté. / Ce baston sec cy ay planté / En ceste place devant moy. /Tresdoulx Dieu, se c'est vostre otroy / Que vostre nom voise preschant, / Et la vostre foy exaulsant,/ Si me monstrez en ceste place / Vertus qui soit, de vostre grace, / Que ce baston sec puist florir / Par devant moy, et reverdir./ Hé! Sire, Dieu, de cueur louer / Vous doy je bien et reclamer. / Or scay je bien que vous m'aymés, / Quant les vertus vous me monstrez./ Jamais ne tourment ne martire : Ne doubteray, c'est au vray dire, / La montance* d'ung vieil coudray. / Ainçois tous apresté seray / De tout souffrir.
La femme : Meshuy roses ne quiers cueillir / Ains m'en iray tantost sans guille / Plus tost que pourray a la ville/ Ceste vertu manifester. Doulce gent, vueillez escouter / La noble vertu qu'ay veüe. / À un baston tout sec planté ;/Mais tantost quant son Dieu prïé, /Il porta fueilles et reverdist. / Ce bel miracle pour luy fist / Son Dieu, qui est roy souverain.
Bien qu'elle ne soit pas mentionnée comme telle par G.A. Runnalls, il s'agit, pour l'iconographie, d'une différence de taille avec la Légende Dorée, car alors, sur l'image dans laquelle Christophe porte l'Enfant et franchit le fleuve, il tient en main un simple bourdon ou une perche de passeur, et non un tronc coiffé d'une sommité verte, ou un palmier, comme dans les peintures d'Espagne présentées jusqu'ici. Or, à Angers, c'est un bâton sec sans feuillage qui figure sur le vitrail de la baie 105. J'avais d'abord pensé que le vitrail avait été amputé de l'extrémité du bâton, mais j'y vois maintenant un argument pour penser que la source de ce vitrail est le poème en vers, et non le texte en prose de la Légende Dorée en français.
Dans le second Mystère Saint Christofle, celui de Chevalet de 1527, le "signe" du bâton miraculeux est traité comme dans la Légende Dorée, annoncé juste après la traversée dans les vers 8012-8020, et qui est exposé dans les vers 8434-8437.
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Il me semble que j'ai été, une fois de plus, fort long. Je reporte l'étude du second vitrail dédié à saint Christophe — la baie 117 d'André Robin — à un deuxième article.
SOURCES ET LIENS.
— Site Patrimoine-histoire :
http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Angers/Angers-Saint-Maurice.htm
— Site The Medieval stained glass , Painton Cowen :
http://www.therosewindow.com/pilot/Angers/table.htm
Sainte-Croix-du-Verger : http://start1g.ovh.net/~matheflo/verger.htm
— Inventaire général des richesses d'art de la France, Volume 4. 1907, Commission de l'inventaire général des richesses d'art de la France, E. Plon et cie. page 50-51 : en ligne INRA
http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/5012-inventaire-general-des-richesses-d-art/
— Université de Rennes II : Mystère de saint Cristofle selon Bnf Réserve Yf 1606, texte établi et présenté par Graham A. Runnalls
http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/christof/Chri_int.htm
— BOULANGER (Karine), 2001, Les vitraux de la cathédrale d'Angers, 303, Arts, recherches et créations, n° 70 Ed. Conseil régional des Pays de la Loire, Nantes, pp. 75-83
— BOULANGER (Karine), 2009, "Les Vitraux de la cathédrale d’Angers", Corpus vitrearum – France, « Monographies » III, Paris, CTHS, non consulté.
— CALLIAS BEY (Martine) , Louis Grodecki, Françoise Perrot - 1981 - Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire page 292
— DEUFFIC (Jean-Luc), 2015 : Essai de reconstitution d'une collection de manuscrits médiévaux >
La bibliothèque de Rohan Soubise
https://sites.google.com/site/bibliothequerohan/home/v-identifications
— ERLANDE-BRANDENBURG (Alain) 1974, À propos d'une exposition. La tapisserie de chœur des anges porteurs des instruments de la Passion, dans la chapelle du château d'Angers Journal des savants 1974 Volume 1 pp. 62-69
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1974_num_1_1_1296#
— LE MYSTÈRE DE SAINT CHRISTOFLE (Bibliothèque Nationale, Réserve Yf 1606 ; entre 1512 et 1517) Texte établi et présenté par Graham A. Runnalls, Textes littéraires, collection dirigée par Keith Cameron XI En ligne sur le site de l'Université de Rennes http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/christof/Chri_int.htm
— FARCY (Louis de), Monographie de la cathédrale d'Angers : Les immeubles ; pages 155 et
http://1886.u-bordeaux3.fr/viewer/show/9604#page/n250/mode/1up
— GILMORE-HOUSE (Gloria) 1982, The mid-fifteenth century stained glass by André Robin in Saint-Maurice Cathedral, Angers, France xii, 336 p. : ill., maps. Bibliography: p. [199]-[211]. Thesis (Ph. D.)--Columbia University, 1982. Non consulté.
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— URSEAU (Chanoine Charles-Théodore - ,1860-1940) , 1921, "Contribution à l'iconographie de saint Christophe", Actes du Congrès d'Histoire de l'Art (1921), Presses Universitaires de France, Paris, 1924 p. 168-169: à propos d'un saint Christophe cynocéphale du XVIe siècle à la cathédrale d'Angers.
— URSEAU (Chanoine Charles-Théodore - ,1860-1940) , 1921 A propos d'un vitrail de la cathédrale d'Angers - In: Mémoire de la Société d'Agriculture Sciences et Arts d'Angers Ser. 5, vol. 24 (1921) p. 17-27