Zoonymie des Odonates. Avant l'ère des noms, celle des enluminures. Les manuscrits français de la BnF (base Mandragore).
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Voir aussi :
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Zoonymie des Odonates. La période pré-linnéenne. Le nom "Demoiselle" (1682).
Zoonymie pré-linnéenne des Odonates : origine du nom de genre Libellula, Linnaeus, 1758.
Zoonymie des odonates. Le nom de genre Aeshna Fabricius 1775.
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Résumé : une quarantaine de libellules, peintes dans 19 manuscrits enluminés des collections de la Bibliothèque nationale de France entre le 13e et le 17e siècle, sont étudiées pour enrichir l'histoire des Illustrations en Entomologie d'une part , et de l'Odonatologie d'autre part. Ou comment les insectes sont devenus objets du regard artiste, puis objets de connaissance scientifique.
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LES LIBELLULES DU SITE MANDRAGORE DE LA BNF.
Toutes les images sont soumises à l'obligation d'identification de leur origine :
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Les enluminures sont classées par ordre chronologique comme faire ce peut, et accompagnées d'extraits des Notices de la BnF.
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LE TREIZIÈME SIÈCLE.
2 manuscrits, 2 enluminures..
— Français 19093, Album de Villard de Honnecourt (vers 1230-1240) fol. 7v.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc482952
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10509412z/f16.image
http://expositions.bnf.fr/utopie/pistes/grand/vill.htm
Villard de Honnecourt est un maître d'œuvre né près de Cambrai vers l'an 1200, est célèbre par son Album. Le manuscrit de Villard de Honnecourt, un carnet de format réduit, d'environ 14 cm sur 22, est composé de feuilles de parchemin portant des dessins sur les deux faces et réunies en cahiers. 66 pages persistent de la centaine de feuilles initiales. La Faune y tient une place importante, à coté de personnages, de croquis d'architectures et de dessins géométriques : on trouve un aigle et un lion, un porc-épic ou un pélican. Leur représentation est étonnamment précise.
Sur le folio 7v figurent à coté d'un labyrinthe deux chats, une écrevisse, une mouche et un Orthoptère (doté d'oreilles !). La libellule dessinée est un Anisoptère (ailes étendues horizontalement) aux yeux contigus en une zone étroite, aux ailes postérieures plus larges, à leur base, que les antérieures, et à l'abdomen légèrement dilaté à son extrémité ; les appendices anaux sont figurés. Les annelures de l'abdomen ne correspondent pas aux dix segments des Odonates. La précision du contour est remarquable eu égard à la date, et aux autres images qui vont suivre.
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— Latin 10483 Breviarium ad usum fratrum praedicatorum Bréviaire de Belleville, enluminure par Jean Pucelle vers 1323-1326 fol. 24v,
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc785374/ca59930198497994
Le peintre et enlumineur Jean Pucelle est actif entre 1319 et 1334. .
"Jean Pucelle a introduit dans l'art de l'enluminure parisienne, jusqu'alors routinier, une nouvelle conception de l'espace dans la peinture venue d'Italie. Inspiré de l'art siennois et notamment de Duccio di Buoninsegna, il en reprend aussi le sens plastique. Cette inspiration italienne est tellement prégnante que certains historiens ont même avancé l'hypothèse qu'il pourrait s'agir d'un artiste italien (Giovanni Pucelli) venu s'installer à Paris. Il insuffle en tout cas un nouvel élan dans l'enluminure parisienne qui se perpétue dans de nombreux suiveur jusqu'à la fin du xive siècle dont le plus célèbre est Jean le Noir. D'après les rares manuscrits qui lui sont directement attribués, son style semble cependant très hétérogène et la part des collaborateurs est difficile à déterminer, si bien que l'on préfère parler d'un style pucellien" Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pucelle
Image :image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451634m/f50.image
La libellule appartient à l'encadrement d'une page consacrée au Psaume 38 et illustrée par le roi Saul menaçant le jeune David de sa lance. La marge proche montre un démon jouant de la flûte traversière, et une femme voilée tenant un miroir ou n instrument à archet. Plas bas se trouve un faisan, un singe tenant un papillon identifiable (Aglais urticae), un escargot et un autre papillon. Les fleurs bleues sont des Ancolies du Genre Aquilegia. Cette précision dans les représentations naturalistes peuvent nous inciter à penser que la libellule n'est pas imaginaire, mais basée sur l'observation. Ses ailes sont étendues latéralement comme celles d'un Anisoptère, ses deux yeux en perle sont légèrement écartés comme ceux des Gomphes, le thorax est ovoïde et l'abdomen est annelé et peut-être velu. Le corps est bleu-vert. Les ailes sont translucides avec le tiers distal noir, comme celles du Calopteryx splendens. Finalement, aucune détermination, fut-ce de Famille, n'est possible pour moi.
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LE QUATORZIÈME SIÈCLE.
1 manuscrit, 1 enluminure.
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— Français 13096 Apocalypse de saint Jean, bible nt ap glos. Par Colin Chadewe Belgique 1313, fol. 80.
Wikipédia Apocalypse de 1313 :
" L'ouvrage a été achevé en octobre 1313 par un enlumineur du nom de Colin Chadewe ou Chadelve, un peintre mosan actif à Liège à l'époque. Il s'agit de l'un des plus anciens manuscrits signés exécutés par un laïc.
Le manuscrit pourrait avoir été réalisé pour Isabelle de France, fille de Philippe le Bel et épouse d'Édouard II d'Angleterre.
Les miniatures, très nombreuses (162), insistent particulièrement, et ce pour une des premières fois, sur la représentation de l'Enfer. Plusieurs images sont consacrées au supplice des différents métiers de l'artisanat, chacun étant supplicié avec les outils traditionnel de son activité."
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc439794
A la fin (f. 167), on lit : « L'an de l'Incarnation M.CCC. et XIII, le semedi après le sain Donis fut parfais cis Apokapse. Colins Chadewe l'ordinat et l'enluminat. » — Très nombreuses miniatures dans la première partie du volume.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10533304x/f167.image
L'enluminure représente un ange tendant une baguette vers un édifice dans lequel les 12 apôtres, reconnaissables par leurs attributs, occupent des loges individuelles : sans-doute une représentation de l'Église placée en haut de dix degrés.
Dans l'encadrement, quatre libellules occupent les coins de l'enluminure, comme si elles la portaient dans les airs tels des anges. Elles diffèrent toutes par les couleurs (associant le rouge, le vert pâle et le brun) du corps et des ailes. celles du haut à gauche porte un plumet et deux petits cercles à l'extrémité de l'abdomen. Ici, à la différence du travail de Jean Pucelle, le but est majoritairement décoratif sans aucune autre inspiration naturaliste que de pouvoir se dire : "tiens, ce sont des libellules".
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LE QUINZIÈME SIÈCLE.
12 manuscrits, 30 enluminures.
— Français 263, Titus Livius, ab urbe condita (trad. Pierre Bersuire), Les Décades de Tite-Live Paris, 1400-1405, fol. 356.
L'illustration est due au peintre appelée par Millard Meiss le Maître du Virgile, d'après le manuscrit Med. Pal. 69 de la Bibliothèque Laurentienne , daté de 1403.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_de_Virgile
Le manuscrit contient rois grandes peintures au début de chaque Décade : f. 10 ( 150 x 180 mm.; f. 198 (140 x 180 mm.); f. 356 (165 x 180 mm.), et 26 miniatures (80 x 80 mm) en tête de chaque Livre.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc78552b
Le folio 356 comporte un titre LE PREMIER LIVRE DE LA TIERCE DECADE, au dessus d'une enluminure divisée en quadrants représentant Les envoyés athéniens à Rome; les Romains en prière; une bataille; le triomphe de Cornelius Lentulus. Une frise à fleurs de lys libère un rinceau d'encadrement, où nous pouvons découvrir dans les marges inférieure et droite 5 oiseaux, une perruche, trois papillons, et une libellule.
Cette libellule de corps et de tête bleus et aux ailes grises possède deux très longues antennes dignes d'une sauterelle. Les yeux sont déportés sur le coté de la tête. Les ailes sont étendues mais ne sont pas perpendiculaires au corps. Le fin abdomen se termine par deux fins appendices. Au total, toute détermination est impossible.
Image :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451118s/f713.image
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— Latin 1156 B horae ad usum romanum, Heures de Marguerite d'Orléans, Rennes vers 1430, fol. 160.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc590877
Les enluminures sont attribuées au Maître de Marguerite d'Orléans, actif à Bourges, Rennes, Angers et Poitiers entre 1428 et 1465. C'est vers 1430 qu'il réalise son chef-d'œuvre pour Marguerite d'Orléans, l'épouse de Richard d'Étampes, le fils du duc de Bretagne.
Le maître anonyme est particulièrement doué pour ses décorations marginales dans lesquelles il fait preuve d'une grande originalité. Pour le reste, il réemprunte des modèles du Maître de Boucicaut, aux Limbourg ainsi que ses propres modèles qu'il réutilise dans un style de plus en plus lourd jusqu'à la fin de sa carrière
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Le folio 160 montre le Christ-Roi Sauveur assis sur un trône et entouré de chérubins bleus. Cette ilage sacrée est encadrée une première fois par une scène où un couple royal (siège azur fleurdelisé) et leurs enfants reçoivent deux archers tenant leurs flèches et des bilboquets. Un couple d'oiseaux et un couple de papillons sont placés dans la colonne droite de ce premier encadrement. Le second encadrement accueille une scène de tournoi entre deux hérauts, deux cavaliers et autres personnages, des oiseaux au nid, et enfin un couple de libellules, parmi de nombreuses fleurs.
Les libellules sont bleues, aux ailes grises étendues latéralement, au thorax dilaté et à l'abdomen fin. Aucune suggestion naturaliste n'est possible.
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Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52502614h/f331.image

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— Latin 1156 B horae ad usum romanum, Heures de Marguerite d'Orléans, Rennes vers 1430, fol. 172,
Le folio 172v montre le miracle de saint Nicolas. L'encadrement est occupé par cinq femmes évoluant parmi des fleurs et entourées d'abeilles et de quatre papillons.
Les libellules sont les mêmes que pour le folio 160, mais placées l'une derrière l'autre et non en position spéculaire. Leurs ailes sont désormais dressées verticalement.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52502614h/f355.image.

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— Latin 1156 B horae ad usum romanum, Heures de Marguerite d'Orléans, Rennes vers 1430, fol. 177.
Le folio 177 qui appartient aux Suffrages montre les Apôtres avec saint Paul face à saint Pierre, au dessus du texte Salvator Mundi, Salva nos omnes. L' encadrement floral (fleurs bleues et fleurs blanches donnant des fruits verts et bruns en forme de courges ou concombre) abrite cinq papillons et quatre oiseaux.
Une seule libellule est représentée, de même type que les précédentes, aux ailes dressées, buvant au calice d'une fleur de Liseron, au mépris de toute réalité naturelle.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52502614h/f365.image
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— Français 130 Boccace, de casibus virorum illustrium (traduction en 1409 par Laurent de Premierfait, clerc du diocèse de Troyes), Paris, 3eme quart XVe (1450-1475) fol. 278v,
Notice http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc43933v
Le folio 278v débute le 7ème Livre et montre un homme poursuivi par des assaillants et prenant refuge au pied d'une statue. L'encadrement de rinceaux ( baie, campanule, chardon, fraisier, giroflée, mouron, pâquerette, pervenche, sainfoin, véronique ) contient un serin et une libellule.
Cette libellule est bleue aux ailes blanc-gris dressées verticalement. L'abdomen fin, cylindrique, est divisé en dix segments. Le sous-ordre des Zygoptères pourrait être évoqué, mais les yeux sont ici contigus, et non séparés.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10532640k/f562.image
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— Français 328, Le Livre des hystoires du Mirouer du monde, 3eme quart XVe (1450-1475) Français fol. 23r
Le folio 23r et le folio 23v relatent la guerre de Troie. Les rubriques indiquent : Comment le roy priant [Priam] fut doulant quant on luy porta la nouvelle que troye estoit destruite et son pere occis, et Comment le roy priant de troye tint conseil comment il se pourroit venger des grecz.
Les encadrements des enluminures, construits selon un schéma constant, associent des rinceaux à fleurs et baies avec une scène allégorique en bas et une scène cocasse en haut entre un motif central et un motif périphérique. Les deux folio 23r et 23v répètent dans l'encadrement supérieur la même scène où un archer en buste sur le calice d'une fleur vise une libellule anthropomorphe. Seules les quatre ailes en croix autour du buste permettent de parler ici d'une "libellule".
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc497362
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52000962r/f51.item.zoom
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— Français 328, Le Livre des hystoires du Mirouer du monde, 3eme quart XVe (1450-1475) Français fol. 23v
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc497362
Image http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52000962r/f52.image
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— Français 995, Dit des trois vifs et des trois morts, XVe siècle folio 22v
Martial d'auvergne 1430 — Mort à Paris le 13 mai 1508
dragons, papillons, mouches, escargots
Folio 22v encadrement inférieur
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f24.item.zoom
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f38.item.zoom
https://www.arlima.net/mss/france/paris/bibliotheque_nationale_de_france/francais/00995.html
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f23.image
Cette libellule,et celles des pages qui vont suivre, sont dotées de quatre ailes en forme de feuille, d'un thorax en ballon de rugby et d'une tête de lapin. Leurs abdomen est tronçonné en chapelet.
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— Français 995, Dit des trois vifs et des trois morts, XVe siècle folio 25
Folio 25 encadrement inférieur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f27.image
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— Français 995, Dit des trois vifs et des trois morts, XVe siècle folio 31
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f32.image
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— Français 995, Dit des trois vifs et des trois morts, XVe siècle folio 33
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f34.image
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— Français 995, Dit des trois vifs et des trois morts, XVe siècle folio 36v
Folio fol. 36v, Encadrement inférieur .
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f37.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 4,
encadrement
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc70997z
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f19.image
Peintures à mi-page, avec encadrements ornés de fleurs, fruits, personnages et animaux ; calendrier avec encadrement du même type orné de médaillons peints. Grandes initiales peintes, trois historiées ; petites initiales d'or sur fond bleu ou bleu sur fond rouge à filigranes. Bouts de ligne peints. Rubriques.
Là encore, comme dans Français 995, nous avons une représentation médiévale, presque archaïque de l'insecte, juste suffisante pour reconnaître qu'il s'agit d'une libellule, mais sans aucun souci de réalité. Une autre époque, avant l'arrivée des artistes de Bruges.
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 8r
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f27.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 33.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f77.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 58v
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f128.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 71.
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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f153.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 76r.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f163.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 81.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f173.image
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— Nouvelle acquisition latine 3115 horae ad usum parisiensem XVe, fol. 122
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550008032/f255.image
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— Rothschild 2973, Chansonnier cordiforme de Montchenu. Recueil de Chansons italiennes et françaises. Savoie, Vers 1475. Fol 7.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc37421r
Provenance : Jean de Montchenu, évêque d’Agen puis de Viviers ; ex-libris Giuseppe Orazio Pucci, chevalier de Malte (1782-1838) ; anciennes collections Chédeau, notaire de Saumur (Cat. 1865, n°587), baron Jérôme Pichon (1812-1896, Cat., 1869, n° 636 ; 1897, n° 900) et baron James de Rothschild (1844-1849) ; legs du baron Henri de Rothschild (1872-1947) à la Bibliothèque nationale (1949).
Joyau de la collection Rothschild, ce célèbre manuscrit cordiforme a été exécuté dans les années 1470-1475 pour Jean de Montchenu, ecclésiastique savoyard de souche noble au caractère belliqueux et à la réputation sulfureuse. Après avoir débuté sa carrière comme Frère de l’ordre hospitalier de Saint-Antoine et protonotaire apostolique, celui-ci fut successivement conseiller de l’évêque de Genève Jean-Louis de Savoie, commandeur du prieuré de Saint-Antoine de Ranverso en Piémont, évêque d’Agen en 1477, puis de Viviers de 1478 à 1497. Très engagé dans la vie politique de son époque, il eut de nombreux démêlés avec l’évêque de Genève et prit un temps le parti de Charles le Téméraire, avant de se ranger aux côtés de Louis XI qui le récompensa en lui donnant l’évêché d’Agen. Surmontées d’un chapeau de protonotaire, les armes qui ornent le frontispice de ce recueil de chansons, écartelé, aux 1er et 4e de gueules à la bande engrêlée d’argent chargée d’une aigle d’azur, et accompagné en chef d’un tau d’or, aux 2e et 3e pallé d’or et d’azur, indiquent que Montchenu en fut le commanditaire. L’aspect et la couleur du chapeau, qui est celui d’un protonotaire et non d’un évêque, permettent de situer l’exécution du manuscrit entre 1460 et 1477, époque où Jean de Montchenu était protonotaire, et non évêque. Le contenu du répertoire musical et la comparaison avec d’autres chansonniers contemporains permettent d’affiner cette datation dans les années 1475.
Cet étonnant volume se distingue par sa sa forme : un cœur en position fermée, deux cœurs accolés en position ouverte, une forme rarissime dont nous ne connaissons pas d’autre témoignages matériels, à l’exception d’un livre d’heures à l’usage d’Amiens (Paris, BnF latin 10536), du XVe siècle, et de deux recueils poétiques italiens du XVIe siècle à Pesaro (Biblioteca Oliveriana, ms. 1144 et 1145).
Ce manuscrit renferme une remarquable sélection de 43 chansons amoureuses issues des répertoires français et italien, les unes signées par de grands compositeurs de l’époque, tels Dufay, Ockeghem, Busnois, Binchois, van Ghizeghem, les autres anonymes. A l’image de la Savoie, véritable creuset d’influences nordiques et méridionales de par sa position charnière entre la France et l’Italie, le contenu du chansonnier se répartit entre 13 chansons italiennes, placées en tête, et 30 chansons françaises. La qualité et la diversité des pièces, qui offrent un échantillonnage équilibré et représentatif de la production musicale de l’époque, et la présence de chansons parodiques, un genre très en vogue dans les années 1460-1470, font de ce chansonnier un recueil unique.
image :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525044884/f23.image
C'est sans-doute la peinture, peu soucieuse de réalisme, d'un Zygoptère, aux ailes redressées, aux ailes vertes semblables à des feuilles, à l'abdomen incurvé vert et blanc-crème, au thorax brun et aux antennes exagérées.
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— Rothschild 2973, Chansonnier cordiforme de Montchenu. Recueil de Chansons italiennes et françaises. Savoie, Vers 1475, fol. 7v.
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Ce nouvel exemple est semblable au précédent.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525044884/f24.image
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— Rothschild 2973, Chansonnier cordiforme de Montchenu. Recueil de Chansons italiennes et françaises. Savoie, Vers 1475 fol. 30.
Les ailes sont bleues, les yeux contigus, le thorax indistinct, l'abdomen vert et blanc effilé dans la moitié distale, avec une paire d'antennes qui ressemblent à une quatrième paire de pattes.
image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525044884/f69.image
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— Rothschild 2973, Chansonnier cordiforme de Montchenu. Recueil de Chansons italiennes et françaises. Savoie, Vers 1475, fol. 30v.
Ce spécimen n'est pas plus convaincant que les précédents, avce ses ailes brunes.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525044884/f70.image
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— Français 2643, Chroniques de Jean Froissart, Bruges, vers 1470-1475, fol. 207.
Notices :
http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc491411
http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc491411/ca19799287
"Le manuscrit de Gruuthuse est un manuscrit illuminé richement illustré en quatre volumes et contenant un texte français issu des Chroniques de Jean Froissart. Ces manuscrits sont actuellement conservés à la Bibliothèque nationale de France sous les cotes Français 2643 à 2646.
Le texte de Jean Froissart qu’il contient a été recopié de manière manuscrite en plus de 100 exemplaires. Le manuscrit de Gruuthuse en est un des mieux illustrés, commandé par Louis de Gruuthuse, un noble flamand passionné de livres, dans la première moitié des années 1470. Les quatre volumes contiennent 112 miniatures de tailles variées peintes par certains des meilleurs artistes brugeois de l’époque.
Loyset Liédet réalisa les soixante miniatures des deux premiers volumes. Il était un brillant réalisateur d’enluminures, travaillant principalement sur les manuscrits pour Philippe III de Bourgogne et sa cour. Il avait probablement des assistants, même s’il est difficile de l’affirmer en observant ses travaux.
Les deux derniers volumes [dont celui-ci, Fr. 2643], plus fins, furent illustrés par des artistes anonymes désignés sous le nom de Maître d'Antoine de Bourgogne, du Maître de Marguerite d'York, et de Maître du Livre de prières de Dresde, assistant du premier."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chroniques_de_Froissart_(manuscrits_Gruuthuse)
Le Maître du Livre de prières de Dresde (actif à Bruges entre ca 1465 et 1515) : Nommé à partir d'un Livre d'heures conservé à Dresde (Dresden, Sächsische Landesbib., A311 ; plus 2 miniatures détachées à présent au Louvre (Paris), inv. 20694 et bis), cet enlumineur prolifique a travaillé sur une cinquantaine de manuscrits, surtout apprécié pour ses vignettes illustrant les marges des calendriers, où son art s'est pleinement épanoui. On lui doit entre autres :
Livre d'heures du Fitzwilliam Museum ;
Heures de Jean Carpentin, seigneur de Graville vers1470 (Coll. part.);
Les Heures Salting (vers 1470-1475), ou Marmion Hours, Londres, Victoria and Albert Museum
Heures Crohin-La Fontaine Ms 23 (1480-1485), Jean Paul Getty Museum ;
Bréviaire de la reine Isabelle de Castille,1480, London, BL, Add. 18851 ;
Les Heures Huth (1485-1490), London, British Library Add MS 38126
Heures Emerson White Van Sinderen (calendrier), Université Harvard, bibliothèque Houghton, Typ. 443-443-1.
Pierpont Morgan Library M 1077 (1475-1485) [Images ici]; Pour ce qu'en montrent les images présentées, les bordures fleuries n'utilisent pas le procédé de trompe-l'œil par ombrage, et ne contiennent que peu ou pas d'insectes.
Livre d'heures de la British Library, Egerton 1147;
"Avec plus de cinquante manuscrits conservés, ce peintre compte parmi les enlumineurs flamands les plus productifs et les plus originaux du Moyen Âge tardif. Formé peut-être à Utrecht, il apparaît à Bruges à la fin des années 1460. Ses premiers travaux pourraient être quelques miniatures dans deux volumes d'un Froissart pour Louis de Bruges, seigneur de Gruuthuse, enluminés par l'atelier du Maître d'Antoine de Bourgogne (Paris, BnF, Fr. 2645-2646). Le Maître du Livre de prières de Dresde connaissait parfaitement le style de ce dernier ; dans un livre d'heures extrêmement original réalisé pour un noble normand, Jean de Carpentin (collection privée anglaise), il en imite même la facture picturale particulière, avec des pigments d'or et d'argent sur fond noir. En collaboration avec d'autres enlumineurs, le Maître du Livre de prières de Dresde copie, également pour Louis de Bruges, le fameux Livre des tournois de René d'Anjou (Paris, BnF, Fr. 2693). Enfin, il enlumine deux Valère Maxime, respectivement pour Jean de Gros, secrétaire du duc de Bourgogne, et pour Jean Crabbe, abbé de l'abbaye des Dunes à Bruges (Leipzig, Universitätsbibliothek, ms. Rep. I. 11.b, et Bruges, Groot Seminarie, ms. 157/188-159/190). [...] Probablement à la demande de Maximilien Ier d'Autriche, il enlumine jusqu'en 1487-1488 un somptueux bréviaire destiné à Isabelle la Catholique (Londres, British Library, Add. ms. 18851), qui demeurera inachevé. En effet, le soulèvement en Flandres incite le peintre à se rendre d'abord dans l'évêché de Tournai (bibliothèque de la Ville, Cod. 4.A : cartulaire de l'hospice Saint-Jacques), puis à Amiens, où il peint quatre livres d'heures ainsi qu'un évangéliaire pour le maïeur de la ville Antoine Clabault (Paris, bibliothèque de l'Arsenal, ms. 661). Après la pacification des Flandres, il retourne à Bruges avant 1500 et reste en activité pendant deux décennies encore, alors que sa vue semble baisser. Pourtant, on lui confie encore deux doubles pages dans les superbes Heures Spinola enluminées vers 1515-1520 par des artistes plus jeunes, probablement pour Marguerite d'Autriche (Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, ms. Ludwig IX 18).' .http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/artistes/0/2988-MAITRE-DU-LIVRE-DHEURES-DE-DRESDE
"Ce peintre témoigne d'une extraordinaire originalité. À une époque où les artistes privilégiaient les costumes élaborés et les postures artificielles, cet enlumineur donnait à ses personnages une qualité plus douce et plus innocente. Il avait une capacité particulière pour introduire de l'humour ou de l'ironie dans une scène familière, et il montre une sympathie particulière pour les personnages grossiers ou simples. La nouveauté de ses couleurs - incluant l'orange éclatant, le bleu canard et le rouge bourgogne, les bleus riches et parfois le noir , souvent arrangées dans des combinaisons surprenantes, témoigne encore plus de l'originalité rafraîchissante de son art." Adaptation-traduction de la notice du Paul Getty Museum, site sur lequel on trouvera de nombreuses enluminures de cet artiste.
http://www.getty.edu/art/collection/artists/1160/master-of-the-dresden-prayer-book-flemish-active-about-1480-1515/
"C'est un maître anonyme enlumineur actif en Flandre des années 1460 à 1520. Les plus anciennes miniatures qui lui sont attribuées appartiennent à deux manuscrits de Froissart, réalisés pour Louis de Gruuthuse par le Maître d'Antoine de Bourgogne. Il fait sans doute partie de cet atelier, où il participe à la réalisation de plusieurs manuscrits pour la cour des ducs de Bourgogne. Il illustre le Livre des tournois de René d'Anjou pour le même Louis de Gruuthuse, et deux manuscrits de Valère Maxime, l'un pour Jean de Gros, secrétaire du duc, l'autre pour Jean Crabbe, abbé de l'abbaye des Dunes. Il collabore alors fréquemment avec les plus grands enlumineurs flamands de la période : Simon Marmion, le Maître viennois de Marie de Bourgogne, Gerard Horenbout, Alexander Bening. Il est aussi amené à diriger la réalisation de plusieurs manuscrits avec leur collaboration.
Dans les années 1470, il réalise plusieurs manuscrits comportant des miniatures dont le décor marginal sur fond coloré, aux ornements en trompe-l'œil, contribuent à forger le style de l'école ganto-brugeoise." (Wikipédia)
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84386043/f437.image
Le folio 207 est précédé de la rubrique Ci parle de la bataille de poitiers entre les prince de galles et le roy jehan de france. La bataille de Poitiers a eu lieu en 1356. L'enluminure la met en scène dans une fenêtre au dessus des deux colonnes du texte. L' encadrement occupe les deux cotés et la partie inférieure de la page. En bas, un cerf poursuivi par un piqueur sonnant de la trompe et harcelé par quatre chines se dirige vers une femme, parmi des fleurs d'ancolie. La marge gauche est occupée par un oiseau parmi des pâquerettes, des véroniques, du houx aux baies rouges. La libellule occupe la marge droite, sous un enfant nu tenant un chapeau, accompagnée d'un singe présentant les armoiries de France, d'un oiseau parmi les roses, les bleuets des violettes et les fraises des bois.
On pouvait espérer trouver ici une bordure en trompe-l'œil avec des effets d'ombres et de lumière propre au style ganto-brugeois, mais ce n'est pas le cas. Néanmoins, la libellule possède certains traits témoignant des préoccupations naturalistes de cette école. Nous pouvons préciser qu'il s'agit d'un Zygoptère, dont les deux yeux en perle sont séparés et écartés. Les ailes, étroites, sont dressées verticalement. Elles sont brunes, sans ptérostigmas, sans détail des nervures. L'abdomen fin et cylindrique est divisé en 9 segments par des traits noirs. Le thorax trapézoïdal est nettement distinct de l'abdomen. La tête, les yeux, le thorax et l'abdomen sont verts. Les six pattes sont noires, ciliées de soies ou de barbes. Une fleur cache les appendices anaux. Tout cela permet d'affirmer le sous-ordre des Zygoptera sans aller au delà de cette précision.
Par contre, si nous considérons la saynète composée par l'enfant et l'insecte, il est possible de suggérer que nous sommes devant une peinture, assez rare, de chasse entomologique au chapeau, bien attestée pour les papillons.
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— Arsenal 638 Livre d'Heures, en latin, Manuscrit dit du "Maître-aux-fleurs", fin XVe siècle (entre 1465 et 1515), folio 4v.
N.B : le second volume Arsenal ms 639 complètement exploré ne montre pas de libellule.
Ce manuscrit, qui se poursuit par l'Arsenal Ms 639, a peut-être été commandité par un breton, car on y trouve des saints bretons dans le calendrier, comme Gildas, Salomon, Yves Donatien, Corentin ou Malo. Il tient son surnom (Heures du Maître-aux-fleurs) de son décor de fleurs et d'insectes dans le style "ganto-brugeois", qui serait dû en réalité à trois grands maîtres de l'enluminure flamande, le "Maître du livre d'heures de Dresde", le le Maître des Livres de prières, et enfin un disciple de Simon Marmion. Mais le folio 4v, comme les enluminures du Calendrier de ce manuscrit sont attribuées au Maître du Livre de prière de Dresde, actif à Bruges entre ca 1465 et 1515. C'est à dire l'auteur du folio 207 du Français 2643 que nous venons d'examiner.
Le calendrier est disposé en douze doubles pages décorées de façon identique : le calendrier proprement dit est placé dans un encart qui occupe la moitié de la surface, tandis que l'autre moitié est celle des bordures à rinceaux et insectes.
Le calendrier proprement dit comporte dans une ornementation végétalisée signe de la croissance du temps, les deux lettres KL pour Kalendae. Puis vient le nombre de jours solaires et lunaires (Aprilis habet dies XXXI et luna XXX). Les sept lettres dominicales sont énumérées verticalement selon le décompte, comme ici G, A, B, C, D, E, F, G, A, B, C etc. Devant la plupart des lettres est indiquée la fête liturgique, à l'encre noire, ou, dans certains cas, en couleur bleue.
Pour le mois d'Avril, ces saints sont :
–Au folio 4v, Marie egypciace (9 avril) , Ambrosii episcopi (Saint Ambroise évêque), Vincenti (Vincent Ferrier, 5 avril), Sixte pape (6 avril), Perpetui episc. (Saint Perpétue, évêque 8 avril) Prothex dyacre, Ézéchiel prophète, Leonis pape (11 avril), Jule pape (12 avril), Tyburcii [Valeriani et Maximi martyrum ] (14 avril). Les jours des fêtes sont indiquées par moi selon Pétin 1850.
Saint Vincent Ferrier ayant été canonisé en 1455, c'est une indication supplémentaire pour la date de ce manuscrit.
–Au folio 5r, nous trouvons : petri diaconi, Victoris pape, Jan pape, Georgi martyris (Saint Georges, martyr 23 avril), alexandre, martyr (24 avril), Marc, évangéliste, (25 avril), Cleti pape (Saint Clet, 26 avril), Anastacy pape (Anastase Ier, patriarche, 21 avril) puis les mentions Pet[rus] de ordis p[re]dic[atorum] (*), Vigilia. (* on trouve aussi Petri martyri de ordine sancti domini ; il s'agit de Pierre de Vérone, martyr, fêté le 28 ou 29 avril sur les missels et bréviaires du XVIe siècle, ou fin XVe)
Enfin, le calendrier est bordé par une vignette consacrée à une seule fleur, selon un procédé qui rappelle celui employé par Bourdichon dans les Grandes heures d'Anne de Bretagne. Février reçoit la Rose de Provins et la Pervenche, Mars bénéficie du Compagnon rouge et de la Gesse, et Avril de la Rose blanche et de la Bourrache, Mai se réserve l'Ancolie. (sous réserve)
Les bordures renferment quatre à six médaillons délimités par des tronçons de tiges, et renfermant pour chaque mois : -le signe du Zodiaque (ici, un taureau f.5r) ;- l'activité du mois (janvier, se chauffer au feu ; février couper du bois ; ici, planter des arbres) ; -et les fêtes principales avec leur saint. Les deux saints représentés ici sont saint Georges (dont la fête tombe le 23 avril) et saint Marc (qui tombe le 25 avril). Ces fêtes sont importantes pour la vie paysanne car ces deux saints appartiennent aux « cavaliers du froid » qui arrivent entre le 23 avril et le 3 mai, avec l’équinoxe de printemps et les gelées blanches : Saint Georges (23 avril), saint Marc(25 avril), Saint Eutrope (30 avril). Ils marquent dans certaines régions les dernières gelées ont lieu en avril et s'étendent sur une quinzaine de jours. Ailleurs ils déterminent les semailles : "A la saint Georges , bon homme, sème ton orge ; à la saint Marc , il est trop tard". C'est peut-être en fonction de ces considérations que le médaillon de l'activité du mois d'avril montre un homme coiffé d'un bonnet rouge dans un champ cultivé, entre deux arbres, tenant sur son épaule un arbrisseau et dans la main gauche le manche d'un outil (bêche ?) ou de son épée. Cet homme n'a pas la tenue d'un paysan, et le médaillon homologue des Huth Hours montre, sur une route, un seigneur aux interminables poulaines, accompagné de son épouse en robe, collier, hennin et voile, et de leur garçon. Les deux hommes tiennent un arbrisseau sur l'épaule, ils vont manifestement participer à un rite de plantation plutôt que de se livrer à des travaux agricoles. Ce serait ici une représentation de la tradition de planter un arbre le 1er mai, ou le dimanche précédent le 1er mai, ou dans la nuit entre le 30 avril et le 1er mai. Ce rite ancestral, "patrimoine immémorial de l'humanité", célèbre dans le monde celte la fin des calendes d'hiver Kala-Goañv et le début des calendes d'été Kala-Hanv selon la partition du calendrier breton. Il y est moins question de plantation que d'offrande d'une branche reverdie à la femme aimée, dans un culte de la fécondité et la célébration du désir amoureux, et la branche d'arbre était soit accrochée sur une porte, soit promenée comme par procession, ce qui éclaire mieux les deux médaillons d'Ars. 638 et de BL add 38126.
Les bordures se déploient sur un fond uni, couleur beige ponctué de points d'or simili cuir, sauf mai et novembre qui bénéficient d'un très beau bleu. Ce sont soit les arabesques de rinceaux de tiges distribuant leurs fleurs et leurs feuilles, soit des fleurs coupées, comme jetées ou posées sur le parchemin. C'est le cas pour le mois d'avril, et on identifie facilement sur le folio 4v la Rose, la Pensée sauvage Viola tricolor et la Violette blanche Viola alba, la Pervenche, la Véronique, le Lys orange, une feuille de fraisier, ainsi que deux papillons.
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Pour apprécier ce calendrier, il faut le comparer à celui du livre d'Heures Arsenal Ms 290 : attribué au même enlumineur, on y trouve deux médaillons, celui du Taureau zodiacal et celui de l'homme plantant un arbrisseau, très comparables comme sujets mais beaucoup plus fruste comme qualité. Le fond est blanc, le calendrier est pauvre (5 fêtes), les bordures (uniquement pour le recto) occupées par des rinceaux répétitifs à une seule sorte de fleur et sans effet de trompe-l'œil, et sans insectes. La structure globale est la même, mais sans aucun souci de réalisme dans la représentation de la Nature.
On le comparera aussi, comme nous venons de le faire pour le médaillon, avec le calendrier de BL. add 38126 . Les saints sont Quinciani martiris, Ambrosii episcopi, Marie egypciace, Leonis papae, Tyburcii Valeriam, Eleutherii confessor, Georgii martyris, Marci euvangeli, Petri martyris. Les deux médaillons s'inscrivent dans un cercle d'or ; j'ai décrit le premier, où le couple galant promène l'arbre de mai, et le second représente un berger jouant un air de flûte à son chien, sous le signe du Zodiaque. Au folio 4v, un rinceau d'acanthes produit des fleurs aux improbables combinaisons de bleu, de rouge et de blanc, mas ces plantes peu naturelles bénéficient d'un effet d'ombrage en trompe-l'œil. Le folio 5r s'enrichit d'un papillon brun à ocelle noir dont il est possible de préciser, si ce n'est le genre, du moins la famille, celle des Nymphalidae, et la sous-famille, celle des Satyrinae. Et un esprit peu pointilleux pourrait souffler le nom du Grand Nègre des Bois. Enfin, dans le même folio 5r sont figurées la Véronique (Petit-chêne ?) et la Pensée sauvage Viola tricolor . Ce manuscrit présente donc des similitudes importantes avec l'Arsenal 638, mais ne comporte pas ses fleurs jetées au naturel sur la page qui a donné à ce dernier le nom de Manuscrit du Maître-aux-fleurs".
Un troisième manuscrit s'offre à la comparaison, Houghton Typ 433.
https://iiif.lib.harvard.edu/manifests/view/drs:49314349$1i
Le calendrier occupe là encore la moitié de la surface du folio, mais n'est pas orné d'une vignette monoflorale comme Arsenal 638. Le fond de la bordure varie de couleur à chaque page, il est mauve pour le folio 4v d'Avril. L'artiste place dans ses bordures soit des rinceaux entrecroisés où des fleurs et insectes sont insérés, soit le "jeté" de fleurs au naturel comma dans le folio 4r de mars. On trouve un seul médaillon par page. Pour la première page d'Avril, le jeune homme se promène avec sa bien-aimée sur une route traversant des vergers aux arbres en fleurs. Il s'appuie sur une canne, mais ne porte aucun arbre ou ne tient aucune branche. Il est toujours très élégant, avec un beau bonnet à plume. Les fleurs de cette page sont des roses blanches, des Véroniques, des Bourraches, des Violettes, à coté d'une fraise des bois. Sur le médaillon de la page suivante, le même galant, parvenu au village, tend une fleur à sa belle, sous le signe du Taureau. On remarque parmi les fleurs sont l'œillet rouge et l'Ancolie. Aucun insecte, mais un passereau à gauche. Les ombres portées des tiges ou des fleurs ne sont pas oubliées. Ce manuscrit est daté entre 1485 et 1490. Si on admet, avec le temps, une préoccupation accrue de cet artiste pour rendre fidèlement les objets naturels comme les fleurs et les animaux, et une meilleure maîtrise de sa peinture, cela suggérerait qu'Arsenal 638 est plus tardif qu' Arsenal 290, que BL. add 38126 et peut-être même que Houghton Typ. 433, dont il est le plus proche. Or, je découvre, au folio 7 de celui-ci, pour le mois de juin, une libellule bleue, une Demoiselle dont les ptérostigmas n'ont pas été oubliés.
Enfin (parce que c'est l'ordre de mes recherches, mais il aurait fallu commencer par cela), on consultera le calendrier du Livre d'Heures éponymes à l'usage de Rome Dresde SLUB A 311. Ce manuscrit est daté vers 1470, et pour le calendrier, une enluminure représentant à la fois le signe du zodiaque et l'activité du mois, sans texte, alterne avec la page des renseignements calendaires. Le mois d'avril occupe les folio 4v et 5. L 'enluminure en pleine page représente un couple élégant, l'homme tenant la branche fleurie sur l'épaule droite, et une lance dans la main gauche (ce chasseur est accompagné de son lévrier). Une jeune femme, en coiffe à hennin, lui donne le bras.L'arrière-plan montre des arbres à fleurs blanches témoignant du renouveau printanier, une église et un château à poivrières. En bordure, ce sont des rinceaux stylisés bleus, verts et or, de rares plantes au naturel (pâquerette et fraisier), et des chimères issus des drôleries médiévales. Les saints sont les mêmes que ceux des autres calendriers, sans Vincent Ferrier. Je ne vois aucun insecte dans ces bordures. Il figurerait volontiers parmi les plus précoces de notre ensemble.
Après ce long préambule, étudions la libellule d'Arsenal 638. Elle est brune sur l'ensemble du corps, ses yeux sont écartés autour d'une sorte de bec, elle n'a que deux ailes, transparentes sans ptérostigmas. L'abdomen est segmenté, cylindrique sans marques notables (peut-être des triangles noirs en périphérie). Elle projette son ombre sur le papier. Il s'agit sans-doute d'un Zygoptère, mais il est décevant de constater que l'artiste ne place ici aucun indice qui témoignerait de l'acuité de son observation d'un spécimen naturel.
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Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc798470
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55008559f/f13.item.zoom
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Arsenal 638 Livre d'Heures, en latin, Manuscrit du "Maître-aux-fleurs", XVe siècle (après 1465) , folio 4v et 5r. Source gallica .bnf.fr/BnF
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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55008559f/f12.image
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55008564m
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— Français 9197, Évrard de Conty, « Libvre des eschés amoureux, ou des eschés d'amours » Hainaut, vers 1490, enluminé par le Maître d'Antoine Rolin : Pluton et Proserpine, 164v.
Commentaire en prose, composé vers 1400 par Évrard de Conty, , du poème "Les Échecs amoureux" composé à Paris par le même auteur vers 1370.
" La trame narrative du poème des Eschés amoureux et de son commentaire moralisé est empruntée au Roman de la Rose mais on comprend vite qu’il s’agit ici d’enseigner à un jeune homme, appelé à devenir prince, les préceptes qu’il faut suivre pour bien gouverner et bien se comporter dans la vie amoureuse. Pour faciliter l’apprentissage de cette science délicate qu’est l’amour, ses règles sont allégorisées et moralisées grâce au recours à une vraie partie d’échecs, d’où l’œuvre tire son titre. En réalité, nous avons affaire, dans les deux versions – en vers et en prose – à une véritable encyclopédie, qui offre au lecteur des chapitres entiers consacrés, entre autres, aux arts libéraux et à l’astronomie. Par rapport au poème, le commentaire moralisé est certes plus encyclopédique que didactique. À preuve, l’ajout d’un traité de mythographie qui donne lieu à un cycle iconographique important consacré aux seize dieux et déesses du panthéon grec, dans les deux exemplaires enluminés parvenus jusqu’à nous."
[Le manuscrit Paris, BnF, fr. 9197 a été réalisé à Valenciennes, ou en tout cas en Hainaut, par le Maître d’Antoine Rolin, un artiste qui se pose comme le continuateur de Simon Marmion et dont le nom de convention évoque l’un des meilleurs clients de l’artiste en la personne du fils même du grand chancelier Nicolas Rolin. C’est bien Antoine Rolin, grand bailli et grand veneur du Hainaut, et son épouse Marie d’Ailly qui furent, sinon les commanditaires, en tout cas les possesseurs de l’exemplaire bourguignon des Eschez amoureux moralisés dont la Bibliothèque nationale de France a proposé un fac-similé en 1991.
[C']est celui qui a appartenu au fils même du chancelier Rolin, le grand bailli du Hainaut Antoine Rolin, et à son épouse Marie d’Ailly, un exemplaire luxueux doté de vingt-quatre miniatures – vingt-huit à l’origine – réalisées par le Maître d’Antoine Rolin autour de 1490. Tout dans ce manuscrit rappelle ses possesseurs, jusqu’à la miniature consacrée à la déesse de la chasse Diane qui sert de prétexte à souligner le titre de grand veneur du Hainaut que portait aussi Antoine Rolin depuis qu’il l’avait acheté à Guillaume de Lalaing en 1454 . "(Légaré 2007)
Le folio 164v qui nous occupe appartient au traité de mythographie, et plus précisément à la présentation de Pluton, dieu des Enfers et de Proserpine. Le dieu trône, assis sur le chien à trois têtes Cerbère, au séjour des morts, ce qui explique la couleur noir qui est choisie pour le fond. L'enluminure narrative occupe le coin supérieur gauche et le texte est encadré par une bordure fleurie où sont placés, éparses, des fleurs ( fraisier, groseillier, pâquerettes, pensées, rosiers, œillets rouges) et des rinceaux, trois corbeaux, un escargot, et deux libellules.
C'est peut-être le seul exemple où la libellule est peut-être choisie, en complément des trois corbeaux, en raison de sa réputation néfaste : on connaît ses noms vernaculaires anglais (adder-fly ou dragon-fly — mouche-vipère ou mouche-dragon —), mais elle est aussi nommée “ pou de serpent ” dans l’Est de la France et la Suisse romande, “ épouille de serpent ” en Languedoc, “ valet de serpent ” dans les Pyrénées, et en Bretagne, Paul Sébillot l’a trouvée sous les noms d’“ agent du diable ”, “ cheval du diable ”, “ aiguille ” ou “ aiguille-serpent ” ; en Basse-Normandie, où elle était réputée aussi venimeuse que la salamandre, elle portait le même nom que celle-ci : “ mouron ”, qui désigne aussi le lézard vert et le triton. En Wallonie où les lézards, les salamandres et les serpents étaient indifféremment appelés “ scorpions ”, Eugène Rolland notait à leur propos cette croyance selon laquelle ils se transformaient en libellule, laquelle était réputée mortelle et appelée aussi “ scorpion ” ou encore “ marteau du diable ” : on craignait, là, d’en être frappé au front. La libellule était, à Lyon, réputée jeter une liqueur aux yeux de ses agresseurs. Un peu partout, elle est réputée mordre et son nom “ d’aiguille ” associe, comme pour le frelon, la dent et le dard. (Corinne Boujot 2001).
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Voir les 27 photos (de résolution médiocre) de la RMN :
https://www.photo.rmn.fr/CS.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC6BM87FS
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc570218
Image : http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08015188&E=1&I=45643&M=imageseule
Ces deux libellules, à gauche et en bas de l'encadrement, sont semblables, mais l'une est bleue et l'autre brune. Leurs ailes transparentes sont dressées comme celles des Zygoptères, et leurs ptérostigmas noirs sont visibles. L'abdomen porte des marques blanches médianes.
L'ombre qu' elles portent est réelle mais mal perceptible sur l'image proposée par la RMN, néanmoins les autres enluminures sur fonds clairs en rendent bien compte : ces peintures sont bien dans la tradition ganto-brugeoise. Les autres enluminures abritent quelques papillons, mais aucun ne semble identifiable, à la différence des plantes. Voir par exemple l'Iris sur le folio 187v consacré au dieu Pan.
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— Néerlandais 1 Boèce, De Consolatione Philosophiae, 1491, texte latin avec traduction et commentaires en flamand. Enluminures par le Maître du Boèce flamand fol. 12v,
Ecole ganto-brugeoise. Ce manuscrit appartient à la très riche collection de la bibliothèque de Louis de Gruuthuse, comme les Chroniques de Jean Froissart du Français 2643 enluminé par le Maître du Livre de prières de Dresde (supra). Louis de Bruges joua un rôle politique de premier plan jusqu'à la fin de sa vie. Il fut à la cour de Bourgogne - après Philippe le Bon - le plus remarquable bibliophile du XVe siècle et, après sa mort, survenue en 1492, sa bibliothèque revint à Louis XII. La plupart des volumes sont profanes et de langue française ; abondamment illustrés et de très grand format, ils se rapportent souvent à l'histoire antique et aux chroniques. Ce sont soixante-quinze titres répartis en plus de cent dix volumes. Ces manuscrits forment un corpus artistique homogène, puisqu'ils sont principalement produits à Bruges, plus rarement à Anvers ou à Gand, par des artistes choisis. Si certains sont identifiés (Guillaume Vrelant, Loyset Liédet, Jean Hennecart ou Lieven van Lathem), beaucoup restent anonymes malgré la qualité de leur art.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc89761w
Le Maître du Boèce flamand (actif 1478-1490) désigne par convention un enlumineur actif entre 1478 et 1492 à Gand et Bruges. Il doit son nom à manuscrit de la Consolation de Philosophie de Boèce traduite en néerlandais pour Louis de Gruuthuse (1422-1492). (Wikipédia)
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Le corpus de cet enlumineur a été défini à partir d'un manuscrit de Boèce, la Consolation de Philosophie, qui a été traduit en néerlandais. Paul Durrieu a proposé de l'identifier à Alexander Bening mais cette hypothèse a été rejetée. L'historien de l'art allemand Friedrich Winckler l'a désigné sous le nom de pseudo-Alexander Bening. Son nom de convention actuel est utilisé pour la première fois en 19811 et couramment utilisé depuis.
Il travaille à la décoration de manuscrits pour de grands commanditaires : Édouard IV d'Angleterre, Philippe II de Bourgogne, Philippe de Clèves, Louis de Gruuthuse ou encore Wolfert VI van Borssele. Il semble se spécialiser pour les ouvrages laïcs plutôt que religieux, avec une prédilection pour les manuels pratiques. Installé probablement à Gand où il travaille avec les scribes David Aubert et Jan Kriekenborch, il collabore à plusieurs avec différents enlumineurs de cette période installés à Bruges tels que Philippe de Mazerolles, le Maître aux inscriptions blanches ou le Maître d'Édouard IV.
Son style est proche d'artistes comme Alexander Bening, ce qui explique les confusions avec ce dernier, et montre une influence d'Hugo van der Goes et de Hans Memling dont il reprend des motifs. Il mêle une monumentalité dans la composition de ses miniatures, avec des personnages longilignes et souvent dans une attitude solennelle. Il s'attache à représenter des décors réalistes et utilisant les débuts de la perspectives, se plaçant à la jonction avec les primitifs flamands. Il adopte d'ailleurs au cours de sa carrière les marges fleuries en trompe-l'œil comme ses collègues de l'école dite ganto-brugeoise. Il fait preuve, avec ses collaborateurs, d'originalité dans les décorations des lettrines ornées, les signes des paragraphes ou des bouts-de-ligne en y introduisant de petits détails symboliques comme des devises ou des symboles héraldiques. À l'inverse, il répond aussi à des commandes de copies strictes de manuscrits reprenant fidèlement les miniatures de ses prédécesseurs." (Wikipédia)
Le Maître du Boèce flamand est (https://d-nb.info/997762705/04) l'enlumineur des ouvrage de Louis de Bruges suivant :
- Français 11-16 : Flavius Josèphe, les Antiquités judaïques et la Guerre des Juifs
- Français 38 : Jules César, Commentaires
- Français 181 : Ludolphe de Saxe, Vie de Jésus-Christ; La Vengeance de la mort de notre Seigneur
- Français 190: Jean Gerson, Le Secret parlement de l'homme contemplatif à son âme; Jean Gerson, Livre de contemplation; Saint Bonaventure, Livre de dévotions; etc.
- Français 9136: Matthieu Platearius, Livre des simples médecines; Jean de Mandeville, Lapidaire; Recettes
- Latin 8733 A : Nicole Oresme, Tractatus de origine et natura, iure et mutationibus monetarum
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Le folio 12v.
La Consolation de Philosophie (latin : De consolatione philosophiae ) est un dialogue philosophique écrit par Boèce vers 524. Il s'agit de l'une des dernières grandes œuvres de l'Antiquité et parmi les plus influentes au Moyen Âge.
Les manuscrits de Louis de Gruuthuse portent sa "devise", c'est à dire son mot "PLVS EST EN VOUS et son image, la bombarde et son boulet. Le folio 12v correspond à l'incipit du texte de Boéce. La bombarde est présente dans la lettrine C initiale du texte. La devise est inscrite cinq fois en lettres d'or sur les murs gris.
Le texte latin dit :
Carmina qui quondam studio florete peregi: Flebilis heu mestis cogor inire modos . Ecce michi lacere dictat scribeda Camene. Et ueris elegi fletibus ora rigant. [Has saltem nullus potuit peruincere terror]
Ce qui peut se traduire en moyen français par :
Je, qui sueil dicter et escripre
Les livres de haulte matire
et d'estude avoye la fleur
Faiz or dis de dueil et de pleur (Trad. par Jean de Meun)
Ou bien
Le bonheur, qui jadis inspirait mes accents
A fait place aux sombres alarmes ;
C'est une Muse en deuil qui me dicte ces chants,
Aujourd'hui trempés de mes larmes (Trad. Judicis 1861)
Ces vers sont illustrés par les deux cotés de la peinture, où Boèce, à gauche rédige ses ouvrages chez lui, dans son bureau d'études, et, à droite, désormais en prison, allongé sur son lit de douleurs, pleure tandis que Philosophie le console par la lecture qu'elle lui propose.
Voir Mazarine 3859 f 001 et Rouen Leber 817
Le panneau central montre deux hommes autour d'une femme couronnée. Les sept degrés conduisant à la chambre portent les mots Grammatica, Logica, Retorica, Musica, Arismetrica, Geometria et Astronomica. Ce sont les sept Arts qui mènent à la Philosophie. Un examen attentif montre que la robe de la femme porte une lettre P qui la désigne comme Philosophie. Sa poitrine est nue, et les vieillards tendent leurs lèvres vers ses seins.
Cela correspond au texte Livre I chap. II où il est écrit "Sur le bord inférieur de sa robe était brodé un Π ; sur le bord supérieur un Φ. " Un peu plus loin dans le texte se trouvent ces passages : "Est-ce bien toi, toi qui, jadis abreuvé de mon lait, nourri de mon pain, avait puisé dans ce régime une vigueur d'âme toute virile ? […] Je ne l'eus pas plus tôt examinée que je reconnus ma nourrice, dont le toit m'avait abrité dès mon adolescence : la Philosophie."
Le fonds de l'encadrement est de cette couleur beige ou crème destinée à rendre l'aspect de cuir du parchemin. Des rinceaux d'acanthes gris argentés courent,avec des glands, laissant la place à des fleurs au naturel comme des roses de Provins, des Ancolies, des Vesces Vicia sativa, peut-être la Giroflée Erysimum cheiri. Parmi les animaux, citons d'abord la Chouette, et le Geai, la Faisane (?) Passons sur les deux escargots ou la chenille hérissée de pustules bleues et noires, et dénombrons les Papillons : quatre sont blancs à ocelles comme les Piérides du Navet, deux ont les ailes brunes à ocelles, l'un est un Hétérocère aux ailes blanches à lignes ondées brunes et un dernier est entièrement sombre. Terminons avec les deux mouches en haut à gauche. Tous ces objets naturels sont en trompe-l'œil avec ombre projetée.
La libellule est brune, ses yeux en perle contigus sont comiquement dotés d'une pupille bleue, ses deux ailes sont dressées verticalement l'une contre l'autre. L'abdomen, divisé en une quinzaine de segments, est parcouru par une double ligne de triangles effilés les uns bleus les autres noirs. Le thorax, saillant, est zébré de marques noires.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84511055/f28.item.r=Flamand.langFR
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— Français 6440, Histoires d'Alexandre, traduites en français Quinte-Curce. Hainaut, fin du XVe siècle, fol 163.
Exemplaire enluminé aux armes de la famille de Vere, en Zélande. Typique des manuscrits flamands de la fin du XVe siècle, la bordure marginale dorée de ce manuscrit présente un monde délicatement éphémère d'oiseaux, de papillons et même de chenilles et d'escargots qui fait un contraste saisissant avec la miniature centrale et son combat de la flotte macédonienne débarquant en Asie mineure.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc56181j
Les images disponibles sont en noir et blanc, et de mauvaise qualité. Les libellules ne sont pas passionnantes.
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90604270/f391.image
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— Français 6440, Quinte-Curce, Histoires d'Alexandre, traduites en français . Hainaut, fin du XVe siècle fol. 173.
Notice : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc56181j
Encadrement
Image :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90604270/f415.image
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SEIZIÈME SIÈCLE.
2 manuscrits, 4 enluminures.
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— Latin 8880 Psalterium Pauli III, 1542, folio 159v, et folio 185v,
lettre ornée
http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc62410x
Signalement dans la base Mandragore, sans images
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— Latin 10564, Heures de François de France, duc de Brabant, peintes en 1582 par "Joannes Bol." Preces Anvers 1582 Hans Bol fol. 5v
La libellule est à coup sûr un Zygoptère ; elle est perchée au dessus de l'abdomen de la sauterelle.
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— Latin 10564, Heures de François de France, duc de Brabant, peintes en 1582 par "Joannes Bol." Preces Anvers 1582 Hans Bol fol. 16v.
Notice :http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc72282m
C'est toujours une Demoiselle ou Zygoptère, bleue.
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— Latin 10564, Heures de François de France, duc de Brabant, peintes en 1582 par "Joannes Bol." Preces Anvers 1582 Hans Bol fol. 21v.
Cette fois-ci, la libellule (noire et blanche ?) est posée sur la queue du paon. Cherchez aussi la mouche, l'oiseau, le papillon.
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— Français 712, « L'Istoire des successeurs d'Alixandre, extraicte de Dyodore Sicilien (liv. XVIII, XIX et XX) et quelque peu de Plutarque », traduction de Claude de Seyssel, évêque de Marseille. Bourges, 4ème quart 16e siècle (1575-1599), fol. 298v.
Malgré la date de ce manuscrit la libellule de l' encadrement est très fantaisiste, avec ses deux antennes, ses deux pattes, les ocelles des ailes.
Notice http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc50966w
Image : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9058121p/f335.item
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DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.
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— Latin 8828 Graduale et antiphonale ad usum S.Ludovici domus regiae Versaliensis. 1684-1686 folio Bv.
http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc62360s
Décoration à pleine page : bouquets de fleurs dans un vase, dans différents tons : bleu et vert, avec papillons et libellule (f.Bv), jaune (106), bleu, avec libellule (126), au naturel (138, 154), bleu, avec la fleur dite «couronne impériale» (174), au naturel (180), rouge (188), au naturel (196, 204), en camaïeu ocre (212), au naturel (222).
- Je la cite pour être complet.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550073187/f8.image
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RÉSULTATS.
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J'obtiens un corpus de 19 manuscrits du 13e au 17e siècle, soit de 37 enluminures et 1 dessin, soit 40 libellules au total. Le 15e siècle est le plus représenté avec 12 manuscrits et 30 enluminures. Deux groupes se distinguent immédiatement : ceux de la période ou de la tradition médiévale, où ces petits personnages ailés animent les marges de leurs silhouettes sans aucun souci de respect de l'échelle, et surtout de la réalité zoologique, puis, après avoir franchi la borne temporelle des années 1470-1475, les peintures inspirées de l'école de Bruges et de Gant, caractérisée par la représentation d'espèces botaniques fidèlement rendues, par la présence de nombreux insectes (mouches, papillons et libellules, plus rarement Orthoptères) associés à des escargots et des oiseaux, en trompe-l'œil.
Je place dans le premier groupe 15 manuscrits.
Le second groupe, le plus intéressant sur le plan de l'iconographie en entomologie, est fait des quatre manuscrits suivants :
- Français 2643, Bruges, par le Maître du Livre de prière de Dresde. Vers 1470-1475.
- Arsenal 638, Bruges par le le Maître du Livre de prière de Dresde. Fin XVe-début XVIe
- Français 9197, Hainaut, par le Maître d'Antoine Rolin. Vers 1490-1495.
- Néerlandais 1, Bruges/Gand, par le Maître du Boèce flamand. 1491.
Cette production est donc limitée dans le temps et dans l'espace. Elle était pleine de promesses, puisque les espèces botaniques sont souvent parfaitement déterminables et que certains papillons sont proches d'espèces ou de genre reconnaissables. Mais hélas, les cinq libellules peintes de façon très convaincantes de leur naturalisme ont résisté à mes tentatives de détermination.
J'ai omis de placer ici, parce que je l'ai traité à part, la pièce principale de ces manuscrits, le BnF Latin 9474 des Grandes Heures d'Anne de Bretagne par Jean Bourdichon enluminé entre 1503 et 1508, et ses 91 libellules. C'est bien-sûr dans un jeu de mise en relation réciproque que ces quatre manuscrits doivent être placées face à ces Grandes Heures, afin d'évaluer le tour de force de Bourdichon, mais aussi les influences dont il relève.
C'est donc une lente maturation et évolution de la représentation des objets naturels, et notamment des insectes que nous voyons se dérouler, pendant laquelle ces objets servent d'abord d'ornements périphériques ludiques et participent à des saynètes avec les singes, les chimères et les archers, puis participent à une mise en scène de l'image narrative en la plongeant dans un décor d'allure naturelle, décor recréant l'illusion d'un Jardin idéalisé ou de Nature primordiale avec ses valeurs d'innocence, de beauté et d'harmonie. Mais ce sont d'abord les plantes, et particulièrement les fleurs, qui sont les vedettes de cette mise en scène pour lesquelles "l'exactitude de l'illusion naturelle" est recherchée. Cette exigence s'étend en tâche d'huile aux Lépidoptères. Et enfin aux Odonates, précisément entre le dernier quart du XVe siècle et le premier quart du XVIe, mais sans encore parvenir, dans le corpus de la BnF excepté le Latin 9474, à reproduire un modèle naturel qui ne soit pas contaminé par des siècles d'habitudes et par une incapacité à s'assujettir à l'observation. L'imprimerie, qui va mettre un terme à la production des miniaturistes, va nous imposer de rechercher la suite de cette aventure ailleurs que dans les collections de la Bibliothèque nationale de France.
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SOURCES ET LIENS.
MÉLY, (Fernand de), 1913 Les primitifs et leurs signatures. [Tome 1] Les miniaturistes Paris P. Geuthner
https://archive.org/details/lesprimitifsetle00mluoft
https://archive.org/stream/lesprimitifsetle00mluoft#page/94/mode/2up/search/Chadewe
2007-2008, Simon Bening als landschapsminiaturist. Eigen stijl & evolutie binnen het oeuvre en zijn invloed op de ontwikkeling van het landschap in de schilderkunst van de zestiende eeuw.
https://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/001/414/918/RUG01-001414918_2010_0001_AC.pdf
— DURRIEU (Paul), 1910, L’enlumineur flamand Simon Bening, In: Comptes rendus des séances de L’Académie des inscriptions et Belles lettres, Parijs, 54ᵉ année, N. 3,1910, p. 162-170
DOI : 10.3406/crai.1910.72606
www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1910_num_54_3_72606
— KREN Thomas (e.a), Illuminating the Renaissance: the triumph of Flemish manuscript painting, LA: J. Paul Getty Museum / London: Royal Academy, Getty Trust Publications, 2003
— KREN Thomas, Landscape as leitmotif: a reintegrated Book of Hours illuminated by Simon Bening, in: Illuminating the book: makers and interpreters: essays in honour of Janet Backhouse, London, British library, 1998, p. 209-232
— KREN Thomas, Simon Bening and the development of landscape in Flemish Calendar illumination, in: Flämischer kalender: Clm 23638, Bayer. Staatsbibliothek, München, 1988, p. 204-273
— KREN Thomas, Simon Bening, Juan Luis Vives, and the observation of nature, in: Tributes in honor of James H. Marrow: studies in painting and manuscript illumination of the late Middle Ages and Northern Renaissance, Londen, 2006, p. 311-322
— LEGARÉ (Anne-Marie), La réception du poème des Eschés amoureux et du Livre des Eschez amoureux moralisésdans les États bourguignons au XVe siècle, in Le Moyen Age, Revue d'histoire et de philologie 2007/3 (Tome CXIII) Pages 591-611.
https://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2007-3-page-591.htm#re7no6
— MARTIN (Henri), 1885, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal , Plon, Paris, tome I.
https://archive.org/details/cataloguedesman01bibl
Initiale puzzle à filigranes : apparaissant vers les années 1 140, ce type d'initiale dont le cadre est découpé comme un puzzle, est peint en deux couleurs (normalement rouge etbleu) séparées par un filet de parchemin réservé, le tout agrémenté de filigranes. Lettre champie : cette invention du dernier tiers du xne siècle consiste en une lettre dorée surfond peint rouge et bleu, rehaussé de filets blancs. Les plus anciens exemples ont souvent un chromatisme plus riche et varié.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_du_Bo%C3%A8ce_flamand
http://bvmm.irht.cnrs.fr/consult/consult.php?mode=ecran&panier=false&reproductionId=15213&VUE_ID=1389388&carouselThere=false&nbVignettes=4x3&page=6&angle=0&zoom=moyen&tailleReelle=
— PETIN, 1850, Dictionnaire hagiographique: ou, Vies des saints et des bienheureux, honorés en tout temps et en tous lieux depuis la naissance du christianisme jusqua̓̀ nos jours, avec un supplément pour les saints personnages de lA̓ncien et du Nouveau Testament, et des divers ages de le̓́glise, auxquels on ne rend aucun culte public, ou dont le jour de fête est inconnu, Volume 2 https://books.google.fr/books?id=tmYAAAAAMAAJ&dq=saint+pierre+diacre+avril&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— USUARIUM, a digital Library and database for the study of latin liturgical history in the Middle Ages and Early Modern Period
http://usuarium.elte.hu/calendarlabels/1087
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