Le gisant (kersanton, XVIe siècle) de Gilles de Texue au château de Brest (Musée de la Marine).
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— Sur les gisants, voir ici :
Seigneur de Sainte-Marie du Mont, et ami de Henri IV "mon cousin" Henri-Robert Aux-Épaules. (1607)
Le gisant de Troïlus de Mondragon au Musée Départemental Breton de Quimper (vers 1545).
Le gisant d'Olivier de La Palue au château de Kerjean (Saint-Vougay), (vers 1505).
.L'enclos paroissial de Dirinon VI: le gisant de sainte Nonne (vers 1450).
Le gisant de François de Tournemine (Maison prébendale de St-Pol-de-Léon) et son soubassement à Landivisiau. (XVIe siècle)
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Le 11 juillet 1898, lors des travaux de réfection du pavage de l'église Saint-Louis de Brest, des ouvriers découvrirent derrière le maître-autel une pierre tumulaire dont la face avait été renversée contre le sol. La dalle de kersanton retournée laissa voir un sujet sculptural parfaitement conservé. Un chevalier, tête nue, le visage rasé, était couché, les mains jointes sur la poitrine; deux anges soutenant un voile sur lequel repose sa tête, tandis que ses pieds s'appuyaient sur un lion tenant un écu. L'examen de l'écu, qui est seulement chargé d'un chef plein sur un champ plein, et les détails précis du costume, permirent à M. Jourdan de la Passardière d'identifier le personnage ainsi représenté. Ce serait, d'après lui, Gilles de Texue, gouverneur de Brest en 1500, et dont la famille s'est éteinte au XVIe siècle. Comme l'église Saint-Louis n'a été crée et construite que dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, et ne pouvait être la première résidence de cette tombe, on en déduisit qu'elle venait de la chapelle du château qu'il avait occupé lors de ses fonctions de gouverneur. Cette chapelle ayant été détruite lorsque l'in édifiait Saint-Louis, on y aurait transporté la dalle en même temps que beaucoup d'autres
Gilles de Texue (1478 - 1514) fut capitaine et gardien du château de Brest de 1499 jusqu'au moins 1508.
Il fut écuyer de la reine Anne de Bretagne et fut choisi par la reine pour devenir capitaine et gardien du château de Brest en 1499. Le château est alors un site stratégique majeur. Il y recevra d'ailleurs Anne de Bretagne, durant l'été 1505, à l'occasion de son pèlerinage. Il fut remplacé dans cette charge par le voyer de Trégomar, entre 158 et 1516, probablement en 1516.
LA FAMILLE DE TEXUE
Texue, aujourd'hui grosse métairie dans la paroisse de Pacé, était au moyen-âge un manoir qui donna son nom à une noble famille portant pour armoiries : d'argent au chef de sinople. Le premier auteur connu de cette maison fut Guillaume de Texue, mentionné par Dom Morice I.1517 dans un sauf-conduit délivré en 1357 par le roi d'Angleterre à certains écuyers de la suite de Charles de Blois. Il épousa, selon du Paz, Marie de la Roche-Épine. Robert de Texue, fils de ce Guillaume et son héritier, figure comme écuyer dans quatre monstres de Du Guesclin, une montre d'Eon de Baulon à Dinan, et une montre de Robert de Guitté à Paris. (Dom Morice).
– En 1414, Alain, écuyer, avec 13 autres écuyers de sa compagnie, fait partie du corps de 3000 hommes d'armes et 1500 hommes de trait sous Richement.
– En 1419, Geoffroy, écuyer de la retenue du maréchal de Dinan, a sous ses ordres Bonabes et Bertrand de Texue, aussi écuyers, et accompagne avec eux le comte de Richement à Angers.
– Bertrand, qui avait suivi le duc Jean dans son voyage à Paris en avril 1418, aux gages de 12 livres pour un mois, et qui servait aussi dans le retenue de Bertrand de Dinan, s'arme en 1420 pour le recouvrement du duc, et figure encore en 1426 dans une monstre de Guy, sire du Gâvres.
– Bonabes prête serment au duc en 1437.
– En 1457, on trouve Noël; chevalier, l'un des gens d'armes du Maréchal de Malestroit. En 1471, il est lieutenant de Bertrand du Parc. En 1474 et 1477, il préside en cette qualité les monstres de Dinan. De 1480 à 1488, il est capitaine de Hédé.
GILLES DE TEXUE
Quant à Gilles de Texüe, il déute en 1480 comme coustilleur dans la compagnie de 20 lances et 30 archers commandée par Thomas de Kerazret, qui devint plus tard, en 1489, capitaine de Brest.
En 1486, il reçoit mandement de rassembler la noblesse et de la conduire à Clisson pour résister aux ennemis du duc.
En 1488, il est envoyé en mission près du roi de France, et il est compris dans le béguin du duc François II pour 6 aunes de noir, pour faire robe et chaperon.
En 1489, il est capitaine de 20 hommes d'armes.
En 1495, il fallait se procurer de l'argent pour subvenir à la conquête du royaume de Naples : on fit des réductions de solde et de gages. Un état dressé à Lyon porte une réduction de 100 livres sur ceux de Texüe.
En 1489, il est compris au béguin de Charles VIII pur quatre aunes de drap noir. Il fait paryie de la maison de la Reine aux gages de 300 livres et figure au nombre des 50 hommes d'armes de sa garde, sous la charge du seigneur de Maillé.
Cette même année, il est capitaine de 20 hommes d'armes et 40 archers à la petite paye, et pourvu de la capitainerie de Brest, en remplacement de Guillaume Carrel ou Carreau.
En 1501, Gilles du Texue avait 800 livres de gages.
En 1506, il figure dans les comptes du duché comme écuyer d'écurie de la Reine Anne.
En 1508, il avait comme lieutenant à Brest Jehan de Saint-Hilaire.
Son décès se place probablement entre cette dernière date et 1516, époque à laquelle Bertrand Le Vayer de Trégomar, seigneur de la cour, est désigné comme capitaine de Brest aux gages de 700 livres. D'après Guillotin de Corson (Grandes seigneuries de Bretagne); Gille de Texüe mourut le 12 juillet 1514. Sa veuve Louise de Bintin lui survécut jusqu'en 1518.
La famille de Texüe s'est éteinte au XVIe siècle, et la terre de Texüe est entrée dans la famille de Brüllon en 1570 à la suite du mariage de Bonne de Texüe avec Pierre, chevalier de l'ordre du roi, veuf de Françoise de Sangay. Sébastien Brüllon, siuer de Texüe, issu de ce mariage, épousa en 1587 Claude du Chastel, et mourut sans postérité.
Son gisant en pierre noire de Kersanton, remarquablement conservé, est désormais exposé au musée naval du château de Brest ; il se trouve dans l’oratoire où Anne de Bretagne se recueillit lors de sa visite de 1505.
Au XVe siècle, la tour Duchesse Anne du château de Brest abritait le logis réservé à la résidence du duc ou de son représentant. On y trouvait, du rez-de-chaussée au deuxième étage, des celliers abritant les vivres, une vaste cuisine et deux salles de réception. Le troisième étage abritait les espaces privés de l'occupant des lieux, des chambres et un lieu de culte, l'oratoire.
Dans cette pièce à l'ornementation très simple, les arcs nervurés soutenant la voûte reposent sur des consoles sculptées qui représentent les symboles des quatre évangélistes, le lion de saint Marc, l'aigle de saint Jean, le bœuf de saint Luc et l'homme de saint Matthieu. Les baies ont gardé leur disposition d'origine, notamment celle située à l'est, pourvue de bancs occupant chacun de ses ébrasements. L'ensemble est en kersanton, une pierre extraite aux environs de Brest que l'on retrouve dans de nombreux calvaires.
Je reprends la description qu'en a donnée en 1898 Abel Chabal, président de la Société des architectes de l'arrondissement de Brest (et bien connu, avec son fils Gaston, comme architecte exclusif de la S.A de la Plage de Morgat).
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Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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La dalle est en kersanton. La tête est nue. Les cheveux sont longs. La large chevelure bouclée, à frange, était à la mode sous Louis XI et Charles VIII, alors que les hommes d'armes portaient jusqu'au milieu du XVe siècle les cheveux courts.
Le visage est rasé. Deux anges soutiennent un voile, sur lequel repose la tête. L'armure se compose d'un haubergeon dont les mailles apparaissent au cou et entre les tassettes.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Les jambes sont recouvertes par les cuissards, avec genouillères articulées, et les grèves en deux pièces. Les cuissards sont forgés d'une seule pièce au lieu d'être à lamelles articulées . La chaussure est celle dite "pieds d'ours", courte et large à l'extrémité : ces solerets furent à la mode de 1500 à 1530 (Wikipédia) ou entre 1485 et la fin du XVe siècle, préférées aux "poulaines " car elle n'empêchaient pas de marcher.
Les pieds sont posés sur un lion, qui tient entre ses pattes de devant un écu retourné vers la tête du chevalier. Cet écu est rattaché au cou du lion par une courroie bouclée.
. Toute la sculpture est assez bien exécutée et, à part quelques cassures, dans un bel état de conservation.
Au côté gauche une épée, droite, large, très forte et de section losangée, soutenue par deux bélières.
Gilles de la Texue serait mort dans son lit, si on en juge par la position de son casque. Certains auteurs rapportent en effet que les chevaliers qui perdaient la vie sur un champ de bataille étaient représentés le casque en tête et l'épée à la main.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Sur la cuirasse, une cotte d'armes rembourrée et courte, avec pèlerine (abandonnée sous Charles VII, elle fut reprise sous Louis XI). Un pli de cette cotte agrafé par un bouton forme la manche. Les mains sont jointes. Au côté droit de la figure sont posés, un casque du genre armet, et des gantelets articulés.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Le lion présente l'écu d'argent, au chef de sinople (blanc, avec la partie haute verte) de la famille de Texue.
Pour Pol de Courcy (Nobiliaire et armorial de Bretagne, 1890)
https://fr.wikisource.org/wiki/Nobiliaire_et_armorial_de_Bretagne/T
Texue (de). sr dudit lieu, par. de Pacé, — de la Rivière, par. de Noyal-sur-Vilaine, - de Launay-Milon et de la Gouzée, par. de Gévezé, — de Sèvedavy et de’la Gérardière, par. de Saints, — de Glairefontaine, par. de Vignoc, — de Lesnen, — de Trénault. Réf. et montres de 1427 à 1513, dites par., év. de Rennes et Dol. D’argent au chef de sinople.
Qeoffroi, épouse vers 1417 Jeanne de Saint-Pern ; Gilles, capitaine de Brest en 1500. La branche ainée fondue dans la Ferrière ; la branche de la Rivière fondue dans Brullon.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Le capitaine de Brest contemple fixement le plafond.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Effectivement, au croisement des nervures de l'oratoire s'est suspendu un hurluberlu nu et saugrenu qui montre son cul pour hanter le dernier sommeil d'un vieux soldat.
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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Juste au dessus du gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.
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Notre défunt appellera sur lui la protection du Lion de saint Marc...
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... et de l'Homme (ici chenu et barbu et aux oreilles velues) que les spécialistes considèrent paraît-il comme l'attribut de l'évangéliste Matthieu.
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SOURCES ET LIENS.
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— DUCREST DE VILLENEUVE (M.E.), 1898, "Pierre tombale découverte à Saint-Louis de Brest", Bulletin de la Société archéologique du Finistère T.XXV pages 248-254.
— L'ORME (M.A. de) 1911, "Le Tombeau de Gilles de la Texue", in "L'église saint Louis de 1870 à 1911", in "Histoire de l'église Saint-Louis", Bulletin de la Société académique de Brest, Imp. Kaigre, Brest, page 79
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207703m/f79.image
—JANNIC DE KERVIZAL (H. Le ), 1898-1899, « Une explication de la pierre tombale de l'église Saint-Louis de Brest », Bulletin de la Société académique de Brest, XXIV, 1898-1899, p. 171-192.
Cet auteur décrit le gisant, donne des informations sur Gilles de Texue, mais ne croit pas que le gisant soit le sien . C'est cependant l'identification le plus souvent retenue.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2076476/f169.image
—Lobineau Mémoires : La Texue Archier en 1498
https://books.google.fr/books?id=53nLJ6X1NykC&pg=PA1597&lpg=PA1597&dq=gilles+de+texue&source=bl&ots=M0XcPJmYs2&sig=H7CisMYliuvfiyRLg86mQDnuk4U&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiKvbmxtrrZAhWD8RQKHWWzArkQ6AEIRDAF#v=onepage&q=gilles%20de%20texue&f=false
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