Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces (22).
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Sur les derniers articles sur les sablières, voir :
- Les sablières et les blochets de la chapelle Notre-Dame-du-Tertre à Châtelaudren.
- Les sablières, les blochets et les statues de l'église Sainte-Pitère de Le Tréhou. I .
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Je les décrirai en partant de l'angle nord-est, à gauche du chœur, et en faisant le tour, comme n'importe quel visiteur, je terminerai à l'angle sud-est, à droite du chœur.
Les photographies ont été prises avec les moyens du bord, sans bénéficier de l'éclairage dont les sablières sont équipées, mais qui n'était pas allumé pour les Journées européennes du Patrimoine de septembre 2017. La voûte est assez élevée (6,50 m), les sculptures sont badigeonnées d'une peinture café-au-lait sur un fond lie-de-vin, avec des reste de peinture bleue, et j'ai fait ce que j'ai pu. J'suis pas photographe, mais touriste.
Les arches ogivales des quatre travées de la nef principale (je décrirai dans un autre article la nef du bas-coté droit) créent dans le vaisseau central une première partition, à laquelle s'ajoute celle que déterminent les nervures de la charpente lambrissée et les entraits à engoulants. Ceux-ci, au nombre de six, déterminent sur la voûte huit espaces à trois nervures, ce qui fait qu' entre ces engoulants, les pièces de bois placées en corniche et désignées sous le nom usuel de "sablières" sont donc au nombre de huit de chaque coté. Si je calcule bien, cela fait seize sablières à décrire, bon courage.
Mais leur description au fil du parcours d'un coté à l'autre ne fait pas apparaître la correspondance des thèmes entre les deux cotés. Je commence donc par une liste des thèmes iconographiques qui souligne cet accord fréquent entre nord et sud.
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Blochet Nord-est : lion ......................................... Blochet sud : ange.
N1. Combat contre des dragons.......................... S1 : Feuillage entre une femme et un dragon.
N2. Chasse au cerf. .............................................S2 : Chasse au lièvre.
N3. Course de renards dans une pampre...........S3 : Ivrognerie
N4. Tête de bélier. ................................................S4 : Rinceau tenus par un dragon
N5. Hommes, chiens et os........................... .......S5 . Fest-noz scatologique.
N6. Feuilles sortant d'un dragon.........................S6 : Feuilles sortant d'un dragon.
N7. Hommes sauvages attaquant des dragons. S7 : Lutte d'hommes contre des dragons
N8. Anges tenant un blason................................S8 : Anges tenant des phylactères.
Blochet N-O : contorsionniste exhibant son cul. Blochet sud : absent.
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I. LES SABLIÈRES DU COTÉ NORD.
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Première travée.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Cela commence mal, j'ai oublié de photographier le blochet nord-est : c'est un lion rugissant .
N1. Première pièce. Combat de dragons avec une licorne et un chien.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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La sablière débute (si on adopte ce point de départ) par la face en pleine lune d'un homme agrippé à un os (un fémur). Comme nous allons retrouver ces traits stylistiques, notons les yeux en amande (ou en pruneaux), largement ouverts, aux pupilles sculptées, et enfoncés dans deux vastes cratères ovales. Avant de lui attribuer la trop grande oreille gauche, il faudrait avoir écarté la possibilité que cela soit le repli de son bonnet. Mais ce qui nous marque le plus, c'est la double rangée de dents de son sourire. Une pub pour un dentifrice ? À d'autres ! Car l'homme semble plutôt en proie à la plus vive terreur, claquant des incisives en manipulant cet ossement. Est-il seulement encore humain, ou surgit-il d'entre les morts ?
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Puis vient le premier affrontement, entre un chien et un dragon (désolé, l'autofocus s'est intéressé au lampadaire, comme l'imbécile qui regarde le doigt et non la lune).
Le chien a les traits massifs, les larges oreilles, l'accentuation de la bosse occipitale, la queue fournie dressée en sabre, mais son poil lisse est interrompu, sur les antérieures, par une véritable crinière, une particularité que je ne retrouve dans aucun des chiens courants d'une chasse à courre, à corps et à cri comme l'Artois, le Poitevin, les français blanc-et-noir ou tricolore, pour ne rien dire du Porcelaine ou du Billy. La truffe haute, les babines retroussées, il expose toute la puissance de ses 42 dents.
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Le dragon a tous les traits de sa race : les yeux proéminents, l' haleine fétide (je la sens encore), l'infecte salive, la vilaine manie de tirer la langue, la peau écailleuse pendant en plis successifs sur les purulentes scrofules, les pattes à ergots crochus, et les ailes nervurées héritées d'une grand-mère ptérosaure.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Ce dragon s'est placé dos-à-dos avec son congénère, pour ne pas être attaqué par l'arrière, et il a renforcé cette défense en nouant sa queue avec celle de son jumeau. Cette queue n'est plus à présenter, et chacun sait qu'elle se dote d'une petite tête, plus pratique encore que vos caméras et radars de recul. Ici, elle bifurque en se greffant sur un épineux appendice caudal.
Sous l'effet d'un très vieil atavisme, et au mépris des liens du sang, les deux têtes s'aboient dessus mutuellement, comme un lion qui attaquerait son image spéculaire.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Son voisin de palier a fort à faire pour esquiver l'attaque d'une méchante licorne qui lui a enfoncé la corne dans le gosier. Aïe aïe aïe !
Dame licorne a plutôt l'aspect d'un hippopotame. Elle possède une paire d'ailes plissées rabattue en courte pèlerine.
Ce duel dragon-licorne évoque d'autres sablières, comme celle de la chapelle Notre-Dame-du-Tertre de Châtelaudren (16 km à l'est de Guingamp) avec un combat licorne-lion (et un couple de dragons, et une chasse à courre). Ou bien celle de Le Tréhou, où un homme tient les cornes de deux licornes.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N2. Chasse au cerf par trois chiens et un veneur soufflant dans sa trompe.
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À gauche, un veneur souffle dans une curieuse trompe de chasse, peu évasée mais dotée d'une embouchure. Il est vêtu d'une tunique plissée, à manches longues, et il est coiffé selon la mode des cheveux mi-longs formant deux épaisses masses de chaque coté. Comme Charles VIII.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Il mène trois chiens à l'assaut : Taïaut ! Le premier n'a pas de collier, ses oreilles sont pendantes. Tout le contraire des deux suivants, aux larges colliers et aux oreilles dressées. Le cerf n'en mène pas large, d'autant qu'il est acculé dans le fond de la sablière.
À Notre-Dame-du-Tertre, le chasseur mène son chien à l'assaut d'un sanglier, mais le principe est le même.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N3. Renards traversant un pampre de vigne tendu entre deux dragons.
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Une pampre (grappes de raisins, feuilles de vigne et vrilles) forme des spires que deux animaux s'amusent à traverser.
Cette pampre est tendue par deux dragons. À droite, il est facile à déterminer, mais celui de gauche ne propose que son échine dentelée pour l'identifier avec certitude. Comment sont les femelles des dragons ?
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les deux petites bêtes qui courent dans les tunnels végétaux comme dans une aire de jeu sont pour moi des renardeaux, mais je ne peux exclure que ce soient des hermines, car cette espèce affectionne beaucoup, dans le matériel héraldique des ducs de Bretagne, de se faufiler en criant "chat" dans des spirales de phylactères.
Hop ! Hop! Rehop!
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Ici, la tête caudale du dragon adopte la forme de celle d'un serpent.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N4. Tête de bélier et feuille d'eau.
Je passe.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N5. Homme et os, chiens et os.
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Le blochet reprend tous les caractères de notre homme archétypal de la pièce N, mais dans la version Joyeux Drille car il est hilare. Il trouve son homologue exact en face de lui, sur la rive sud.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Au centre, un homme sous son chapeau breton tient un os (toujours un fémur) dans la main gauche, ce qui entraîne la sortie immédiate de son chien hors du bosquet où il songeait (car que faire en un bosquet, à moins que l'on ne songe ?). De la main droite, il tend une bande d'étoffe, qui ressemble plus à sa serviette qu'à un muet phylactère.
Son second chien (il n'en n'a que deux) s'enfuit vers la gauche, un os entre les dents (*)
(*) J'ignore si vous connaissez cette expression de la bonne vieille marine à voile qualifiant un voilier toute voile dehors qui fait naître joyeusement de chaque coté de l'étrave deux vagues d'écumes : she's got a bone in her theeth. Elle eut son heure de gloire, en français, pour qualifier les performances jouissives du Libberdade de Joshua Slocum, ou celle du navire de Moitessier par Gérard Janichon ou celles de Pen Duick VI, ou sous la plume des journalistes de Voiles et Voiliers.
Cette débonnaire histoire de nonos à chien-chien serait assez banale si elle n'avait pas débuté en N1 par la funèbre représentation de l'homme au fémur, et si elle ne se prolongeait pas ensuite par d'autres épisodes troublants.
L'artiste ne manque pas d'humour, lorsqu'il joue de la ressemblance entre l'épiphyse fémorale supérieure ( c'est le fameux "col du fémur" !) et la tête des chiens, entre l'extrémité céphalique et la truffe ou le museau, entre le col fémoral et l'angulation entre front et chanfrein canin, et surtout entre le grand trochanter (dont il accentue à dessein la saillie) et les oreilles dressées. Irrésistible, non ? Un dessin ?
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N6. Feuillages sortant de la gueule d'un dragon et tenus par un homme.
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Le dragon est couché, hilare, sous une couverture de feuilles, mais il pointe ses yeux de grenouilles et le diastasis médian et paramédian de ses quenottes pour regarder, de l'autre coté, un humain complètement submergé par cette production végétale.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N7. Hommes sauvages combattants des dragons.
Nous retrouvons ici trois dragons (j'aurais dû les compter depuis le début) aux prises avec trois hommes sauvages armés de gourdins.
Le thème de l'Homme sauvage (wild man) est trop vaste pour épuiser le contenu d'une exposition au Cloisters du Metropolitan de New-York en 1980-81, (Husband, The Wild Man, medieval myth and symbolism) ou des travaux de l'Université de Toulouse sous l'égide de Sophie Duhem.
Ici, ces hommes sont velus hormis le visage, les mains et pieds. Leur nez épaté et leurs dents divergents en éventail et largement exposées, leurs grimaces simiesques, l'agilité de leurs gesticulations altèrent l'humanité de leurs traits. Ils ne sont pas si éloignés des dragons qu'ils combattent, ou des animaux qui les ont précédés sur les pièces précédentes, et s'ils sont sauvages, ils sont aussi sylvestres : ces hommes verts, ou hommes des bois, appartiennent à ce monde frontière entre humanité et animalité, civilité et sauvagerie qui est précisément celui qu'explore le Chasseur. Dans tous les mythes, le chasseur est exposé à des rencontres féeriques en raison de cette frontière entre deux mondes, et de ses dangers.
Ces êtres primitifs, pré-humains, sont à l'Homme ce que les Titans étaient aux Dieux grecs. Ils livrent de terribles combats de dimension cosmiques contre des Puissances déchaînées. Et ils le font ici avec un enthousiasme pétulant, enfonçant à qui-mieux-mieux leur pieu écoté dans la gueule des monstres, dans une variante de la licorne enfonçant sa corne.
Ces règlements de compte ne nous concerneraient pas, si nous n'adoptions pas spontanément le camp des Joyeux Drilles pour qu'ils nous débarrassent des vilaines bêtes qui nous font peur.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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N8. Deux anges tenant un blason ; Homme extrayant un os ; dragon dévorant un petit homme.
. Nous ne sommes pas débarrassés des Dragons, puisque la pièce commence, à droite, par une scène de dévoration d'un de nos congénères par un de ces Dangers Publics. L'artiste développe donc au fil des motifs un propos assez cohérent où il déploie sur l'encadrement des voûtes un vaste tableau de ce qui menace les fidèles réunis pour les offices : la Mort et ses ossements, le Mal, la violence d'un Autre Monde, les enjeux cosmiques passant bien au dessus des cheveux de monsieur et madame Tout-le-Monde. Très habilement (mais aussi très fidèlement aux traditions des ymagiers et huchiers), il ne se livre pas à un prêche dicté par le recteur, il ne fait aucune référence à Dieu ou à ses saints, aux Enfers ou au Paradis, à la lutte des Archanges contre les Diables, à une scène biblique ou Christique, mais il met en œuvre un bestiaire des personnages plaçant le pouvoir d'évocation ailleurs. Les personnages de son petit théâtre sont-ils celtiques, pré-chrétiens, ou archétypaux, chacun répondra à sa convenance, mais ce qui est certain, c'est que ces fémurs, ces chasseurs, ces bêtes féroces, ces dragons et ces hommes sauvages racontent, sur les huit pièces que nous venons d'examiner, une seule histoire.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Puis viennent deux anges tenant un blason. Comme celui-ci a perdu les meubles et les couleurs qui devaient y être peints, nous ne pouvons rien en dire.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le personnage qui ferme le cycle des huit sablières est allongé, une jambe droite repliée, et le visage grimaçant. Il tient (encore !) un fémur, mais seuls les 3/4 de l'os est visible ( les condyles fémoraux, le fût et le grand trochanter, encore attaché à un fragment du tendon) sont visibles, tandis que le col et la tête disparaissent...précisément à l'endroit de leur emplacement anatomique sur notre homme. Faut-il imaginer qu'il est en train de l'extraire de son propre corps, ou, au contraire, de tenter de le remettre en place ? Ses grimages de douleurs seraient bien justifiées.
Il est pieds nus,mais le sculpteur a représenté avec soins sa tunique à gros plis, et surtout sa manche, dont le soufflet est fermé par deux langeuttes à boutons.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Blochet Nord-ouest : acrobate exhibitionniste anal.
Le blochet annonce la veine dévergondée qui nous attend désormais du coté sud. C'est un acrobate ou contorsionniste qui réussit à fléchir ses hanches suffisamment pour mettre ses pieds – chaussés – contre ses oreilles. Or, il a pris soin de remonter sa tunique et de baisser ses chausses afin de présenter au public le spectacle obscène de son cul. Un "pète-en-gueule", comme il est courant d'en trouver sur les sculptures des sablières et autres pièces de charpente, sur les stalles, etc. Exemple à La Roche-Maurice.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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II. LES SABLIÈRES DU COTÉ SUD DE LA NEF.
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S8. Trois anges tenant des phylactères.
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Ces trois anges manquent un peu de grâce, et ressemblent plutôt, dans leur lourde robe plissée, à des magistrats en perruque. Le texte de leurs phylactère s'est effacé, et nous passerons à la sablière suivante après les avoir salués.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S7. Hommes combattants des dragons.
Cette sablière est faite de la réunion de deux pièces un peu différente. À droite, elle débute par un dragon ailé renversé sur le dos sous l'effet du choc d'un coup d'épieu. Le responsable, à la différence des sauvages qui lui font face en N7, est habillé et coiffé d'un bonnet, mais son rictus à pleines dents, ses sillons naso-géniens en parenthèses, ses larges narines et ses yeux abrités sou le vaste préau des sourcils le trahissent : une partie de son arbre généalogique servi à tailler les sablières nord.
Son voisin , dont le chaperon se termine par une tête de chat, s'apprête à lancer une pierre sur le premier qui approche.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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La pièce voisine montre un homme portant une chevelure frisée à gros rouleaux (les perruques ne seront à la mode que bien plus tard) ; il a l'air fort satisfait de lui, et il croise ses huit doigts sur son ventre bedonnant.
C'est tout le contraire, embonpoint et frisettes à part, avec l'homme nu qui bondit, gourdin en main, à l'attaque du dragon qui pointe sa gueule gourmande du coté gauche. C'est le retour de l'Homme sauvage coté sud.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S6. Feuillages sortant de la gueule d'un dragon.
Cet Intermède végétal dont les feuilles en raquette ou râpe à parmesan nous ont déjà été présentés en N6 sort de la gueule d'un nouveau dragon.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S 5. Une orgie : scène scatologique, buveurs, fou et sa marotte, joueur de cornemuse.
Enfin ! c'est maintenant qu'on s'amuse ! Et qu'on s'interroge.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Nous avons ici six personnages. Le premier, renversé en arrière, tient un bâton dirigé devant lui vers le sol. Il porte un accessoire rond à la ceinture. Il n'est vêtu que d'une tunique, mais ses jambes et ses cuisses sont nues.
Devant lui, un homme jeune (ou un garçon) entièrement nu tend un récipient sous le cul du suivant ; dans ce récipient, des "boulettes" qui ont sans aucun doute des crottes. Aussi se détourne-t-il en grimaçant, tandis que, de la main droite, il se gratte la fesse, à moins qu'il ne jette quelque chose derrière lui.
Le troisième sire a la tête et le haut du corps recouvert d'un vêtement à capuche, dont il a relevé le bas : fesses et jambes nues, il se soulage, comme nous l'avons vu. mais concommitament, il se nourrit ou, du moins, il penche son menton vers une assiette contenant ... ce que je lui souhaite être deux pommes bien mûres.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Nous voici maintenant face à un Fou. Un vrai, en habit de travail, qui inclut la cagoule à oreillettes et grelots, cagoule qui appartient à une tunique fendue sous la ceinture en pans triangulaires – avec leurs grelots– et dont les manches à crevés doivent dissimuler aussi quelques clochettes. Sous cette tunique, comme tous les convives, il est nu. Pour ce que j'en vois.
Comme tout Fou, il tient sa marotte, cette marionnette montée sur un manche de bois, et qui le regarde en lui renvoyant sa propre image.
De l'autre main, il tient ou tenait un autre objet.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Après le Fou, l'Ivrogne.
À plat ventre, les pieds nus repliés vers les fesses, complètement ivre, il tente de porter, les yeux clos, une chope à ses lèvres, mais il n'atteint que son menton. Il ne lâcherait son pichet pour rien au monde. Ses beaux cheveux bouclés sont coiffés d'un béret aux bords repliés.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le joueur de cornemuse est le seul qui soit resté chaussé. Un genou à terre, il écrase la semelle de sa bottine. C'est vraiment la mode des longs cheveux en boucles, car, comme les anges de S8, comme le Monsieur important de S6, ou comme les quatre co-locataire de sa sablière, c'est un vrai flot de belles anglaises qui ruissellent sous son chapeau breton. Les yeux presque fermés, il joue, les deux mains posées sur le chalumeau conique de son instrument tout en pressant le sac entre poitrine et bras droit. Le porte-vent frôle ses lèvres, non sans créer un effet comique en rappelant la posture du buveur. Le bourdon d’épaule est bagué d'une moulure à mi-corps et à l'attache du pavillon.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le blochet adossé à S5.
C'est le même que du coté nord : un Gargantua barbu, avec un orifice dans la bouche comme pour les gargouilles.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S4. Dragon tenant la tige de feuilles et de grappes.
Comme en N3, où des renardeaux couraient à travers les spires, c'est un pampre de vignes à vrilles, feuilles et grappes, et c'est un dragon, vu d'avion, et reconnaissable de manière infaillible grâce à son échine épineuse.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S3. Ivrognerie à sept buveurs.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sept hommes de cette confrérie des joyeux buveurs portent la même tenue, une tunique à cagoule très ajustée descendant à mi cuisses, des chausses, et des bottines. Ils sont si semblables qu'on pourrait penser à sept temps successifs de l'histoire du même héros, mais non. Le comique vient du fait que chacun est courbé comme dans un tunnel, dans une étroite promiscuité.
Le premier des sept est assis et boit, avec un gobelet énorme, le contenu d'une bouteille. Ou plutôt d'un tonnelet à bec verseur central et aux flancs cerclés. Il appuie son genou sur la fesse du suivant.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le deuxième et le troisième sont tournés l'un vers l'autre. Le premier enserre fermement le goulot d' une bouteille aux flancs bombés, aux faces plates et dotée d'un large pied. La main droite posée sur son crâne tant il a mal aux cheveux, il supplie (c'est mon interprétation) le tavernier de remplir sa sacrée bouteille, mais celui-ci, un bras sur le tonneau dont il a la garde, n'en manifeste pas l'intention.
Ce face à face en chien de faïence de part et d'autre d'un flacon ne manque pas d'humour.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Pendant que le tenancier est occupé par le client précédent, un autre s'approche subrepticement du fameux tonneau et remplit son pichet (en terre vernissé ou en étain) au robinet de soutirage placé de son coté.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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L'image suivante nous apprend que ce pilier de taverne est poussé par la main bien placé d'un collègue qui s'apprête à lui tendre une bouteille. L'artiste a pris plaisir à faire épouser la courbe des fesses du premier avec celle du ventre ballonné du second, et à souligner la tension qui s'exerce sur les boutons de la robe sous l'effet de cette pléthore à la Falstaff.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Hélas, dans cette suite de duos conflictuels, le quidam ne parvient pas à se saisir du flacon, à laquelle se cramponne avec l'énergie du désespoir assoiffé un avant-dernier convive : front contre front, trogne contre trogne, le regard chaviré, ils forment un couple truculent qui semble venir du Repas de Noces de Pieter Brueghel pourtant peint 50 ans plus tard, ou des danseurs d'une Kermesse flamande.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Enfin la série des sept buveurs se termine, toujours dans l'alternance tête à tête et cul à cul, par Dormeur, qui rêve de barriques en étreignant sa cruche. C'est très émouvant.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S2. Une chasse au lièvre.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S1. Frise de feuillage issue de la gueule d'un dragon et s'achevant vers une femme allongée.
Nous retrouvons ici les feuilles allongées et râpeuses, sortes de croisement de lambeaux de peau de saurien et de frondes de Fucus spiralis, dont les bordures détachent des replis spiralés. Du monstre qui les produit, nous ne voyons que la tête au chanfrein verruqueux et aux oreilles en feuille de muguet (Convallaria majalis).
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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En suivant les circonvolutions de la longue lanière, nous parvenons à la figure inattendue d'une femme en coiffe , couchée sur le coté, jambes croisées avec une désinvolture frisant le sans-gêne, et qui nous désigne de l'index son sein droit après s'être dépoitraillée. Que vient faire ici cette lascive femme de mauvaise vie et son geste d'invite, si ce n'est de clore la longue galerie des Vices et des Débauches, mise en parallèle avec le tableau de notre transformation en un sac d'os, dévoré par les Puissances chtoniennes ?
Rien n'incite à y voir la Grande Prostituée de l'Apocalypse 17, et les références bibliques sont absentes ici.
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Blochet sud-est : un ange.
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Pour boucler la boucle de notre circumduction le nez en l'air, le point final sera, avec une photo plus médiocre encore que les autres, le blochet sud-est .
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Les sablières (1506-1508) de la nef centrale de l'église Notre-Dame de Grâces. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Un prochain article examinera les sablières du bas-coté sud (il n'y en n'a qu'un, on ne peut pas se tromper).
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SOURCES ET LIENS.
— BARTHELEMY (Anatole de) et GUIMART (Charles), 1849, Notice sur quelques Monuments du département des Côtes-du-Nord Bulletin monumental / publié sous les auspices de la Société française pour la conservation et la description des monuments historiques ; et dirigé par M. de Caumont, Société française d'archéologie pages 5-54.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k310344/f42.item.texteImage
Notre-Dame-de-Grâce. Non loin de Guingamp, est l'église Notre-Dame-de-Grâce qui contient des reliques de saint Charles de Blois. C'est un édifice qui fut commencé en 1506 ainsi qu'il résulte de deux inscriptions gravées l'une sur une charmante frise en bois qui court tout le long de la nef principale et du collatéral de droite l'autre sur le pilier à gauche du portail, extérieurement. L'inscription de la frise et du pilier portent le doziesme jour de mars /CK de grace mil cinq centz et seix fut la première pierre de ceste chappelle assys. A côté on lit Le r". et ~fZ fut le lines ? de ceste chappelle assis ou quel estoit maigre Jehan le D. nece recteur de la paroisse de Plouisy, et gouverneurs de Jehan Telles.
La frise en question admirablement travaillée représente des chasses au cerf et au lièvre des vignes, des vendangeurs, des dragons, des dessins un peu lestes, des diables un lion combattant une licorne etc.
— BAKHTINE M., L'oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sons la Renaissance, Paris. 1970.
— DUHEM (Sophie) 1997, Sablières sculptées de Bretagne : images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérite bretonne (XVe-XVIIe s.). Thèse de doctorat en Histoire. Sous la direction de Alain Croix. Soutenue en 1997. à Rennes 2 .
— DUHEM (Sophie) 1998, Les Sablières sculptées de Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, 390 pages.
— MATTE (Jean-Luc), Iconographie de la cornemuse.
http://jeanluc.matte.free.fr/invg.htm
"Cornemuseux en buste à l’extrémité d’une section de sablière, à sa gauche un buveur puis un fou reconnaissable à son bonnet et à sa marotte
Début XVIème
1 bourdon d’épaule à moulure presque médiane et pavillon mouluré, chalumeau conique
Cité par Edmond Rebillé dans le n°89 de la revue "Musique bretonne"
S. Duhem, op.cit. (dessin p.357 et photo.N.B. p. 228)
Cat. expo. Dastum, "Instruments du diable, musique des anges" op. cit. (photo.)"
— ROPARTZ (Sigismond), 1851, Guingamp et le pélerinage de Notre Dame de Bon-Secours, Périssé, 1851 - 408 pages page 95
https://books.google.fr/books?id=yo3IIXTsyPIC&dq=gr%C3%A2ces+guingamp+rabelaisien&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
Les bornes de cet ouvrage ne me permettent pas d'entrer dans l'étude détaillée de cette admirable chapelle, monument complet, sorti tout entier de la pensée du même artiste, dernière fleur du style ogival éclose sur le sol breton.
Ce qu'il y a de très-remarquable, c'est que les sculptures de Grâces ne sont autre chose qu'un long poème où sont stigmatisés tous les vices, sous la figure de Franciscains paresseux, avares et gourmands. Etait-ce une leçon de morale, était-ce une sanglante satire ? Quoi qu'il en soit, ces sculptures sont magnifiques de verve grotesque, et, pierres ou bois, dénotent certainement un très-habile ciseau et une luxuriante imagination. Voyez cette gargouille, c'est un gros Cordelier qui presse de ses deux mains son ventre trop plein, et dont la bouche grimace pour vomir ; étudiez l'une après l'autre les scènes rabelaisiennes, ciselées comme dessinait Callot, le long de la corniche du lambris : ici, c'est un moine ivre qui roule sous une tonne immense et se noie dans une mer de vin ; là, c'est un moine encore dont la sordide avarice se livre à un métier que ma plume ne peut décrire ; ailleurs, un diablotin lubrique brouette en enfer une charretée de nones ; tout cela est encadré dans un merveilleux fouillis de feuillage et d'arabesques, qu'animent des chasses fantastiques et que peuplent tout un monde d'animaux bizarres. La conclusion de ce poème étrange, c'est un bas-relief isolé où deux anges en pleurs montrent au peuple la sainte face du Christ, sanglante, meurtrie et couronnée d'épines, expiation éternelle de tous les désordres et de tous les scandales dont l'artiste vient de vous offrir la représentation cynique.
La pensée franciscaine, on le voit, remplit chaque détail de cette curieuse chapelle, et pourtant Grâces n'appartint aux Frères-Mineurs que cent ans après sa fondation ; mais on n'a pas oublié qu'un Franciscain, en bâtissant en ce même lieu un oratoire de mottes et de feuillage, avait été la première cause de la dévotion à Notre-Dame, et de la construction du monument.
— ROPARTZ (Sigismond), 1859, Guingamp: études pour servir a l'histoire du tiers-état en Bretagne, Prud'homme, Volume 1 page 115
https://books.google.fr/books?id=o-oYAAAAYAAJ&dq=gr%C3%A2ces+guingamp+rabelaisien&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— TOULET (Simonne), 2010, L'église de Grâces et ses sablières, Bulletin des Amis du Patrimoine de Guingamp n°48.
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_89/Les_Amis_du_Patrimoine_de_Guingamp_nA_48.pdf
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