La verrière de saint Claude (Engrand Le Prince, vers 1525) et du crucifiement de saint Pierre (vers 1500-1510) de la baie 24 de l'église Notre-Dame de Louviers.
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1. Sur Louviers :
- Iconographie de saint Christophe : La peinture murale de saint Christophe à Louviers (vers 1510).
- La verrière du Baptême du Christ et de la Procession des drapiers (baie 26, Maître de la vie de saint Jean-Baptiste vers 1500-1510, et anonyme vers 1490-1500) de l'église Notre-Dame de Louviers.
2. La liste de mes articles sur les vitraux.
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PRÉSENTATION.
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Cette baie à 2 lancettes trilobées et un tympan en forme de fleur de lys à 5 ajours et 8 écoinçons mesure 4,40 m de haut et 1,40 m de large.
Ses deux lancettes forment un ensemble composite :
La lancette de droite, datée vers 1500-1510, nous montre le crucifiement de saint Pierre.
La lancette de gauche, attribué à Jean ou à Engrand Le Prince, verriers de Beauvais, montre saint Claude, ainsi que Claude Ier Le Roux (1494-1536), dans un ouvrage plus tardif réalisé vers 1525 pour la chapelle familiale des Le Roux.
Ce caractère hétérogène résulte d'une recomposition en 1903 par Maurice Muraire. Il restitua (créa) les deux panneaux inférieurs et les couronnements d'architecture et les têtes des lancettes ainsi que les ajours latéraux du tympan auparavant en losanges ou vitreries à bornes
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Elle occupe l'extrémité ouest du bas-coté sud, juste après la baie 26 des Drapiers (cercle 14 du plan ci-contre) puis la chapelle des fonts baptismaux et sa peinture de saint Christophe.
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chapelle des Le Roux et chapelle des Fonts , église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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I. LA LANCETTE DROITE. LE CRUCIFIEMENT DE SAINT-PIERRE
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La lancette de droite, datée vers 1500-1510, nous montre le crucifiement de saint Pierre, la tête en bas, comme le mentionnent les Actes de Pierre et la Légende dorée de Jacques de Voragine.
"Qui est-ce qui n'aurait pas pleuré quand fut rendue la sentence qui condamnait Pierre à être crucifié et Paul à être décapité ? Tu aurais alors vu la foule des gentils et des Juifs les frapper et leur cracher au visage. » Or, arrivé l’instant où ils devaient consommer leur affreux martyre, on les sépara l’un de l’autre et on lia ces colonnes du monde, non sans que les frères fissent entendre des gémissements et des sanglots. [...]Quand saint Pierre fut arrivé à la croix, saint Léon et Marcel rapportent qu'il dit : « Puisque mon maître est descendu du ciel en terre, il fut élevé debout sur la croix; pour moi qu'il daigne appeler de la terre au ciel, ma croix doit montrer ma tête sur la terre et diriger mes pieds vers le ciel. Donc, parce que je ne suis pas digne d'être sur la croix de la même manière que mon Seigneur, retournez ma croix et crucifiez-moi la tête en bas. »(Légende dorée)
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La source la plus proche de peinture sur verre (stylistiquement et chronologiquement) est la gravure polychrome des Chroniques de Nuremberg, qui datent de 1493 :
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Cette vignette de l'école nordique s'oppose aux représentations d'influence italienne du saint vêtu d'un pagne, et souvent inter duas metas, entouré de deux pyramides :
- Giotto, Polyptyque Stefaneschi (v. 1320), Rome, Pinacotecca Vaticana
- Massacio Prédelle du polyptyque de l'église du Carmine à Pise, 1426. Berlin, Staatliche M
- Jean Fouquet, enluminure des heures d'Etienne Chevalier v. 1452 (cf. Nicole Reynaud p. 160-161)
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Les deux commanditaires (selon l'ordre de Néron) du martyre se tiennent en arrière : ils se signalent par le luxe de leur habillement, et en particulier de leur coiffure, un chaperon cramoisi à droite, un bonnet rouge et vert à joyau frontal et étoffe damassée à gauche.
Notez le verre à filets rouges, sur les manches du bourreau de gauche.
Sur le plan technique, ces verres à filets colorés (ou verres vénitiens) ne sont pas des verres rouges dont on aurait abrasé (on dit "gravé") le fin doublage de verre rouge : selon Michel Hérold :
"Seul le soufflage en manchon autorise la fabrication de ces verres précieux, appelés verres vénitiens, ou à filets colorés. Ils sont produits à la façon des verres creux dits filigranés : leur principe est d’intégrer des baguettes, ou des fils de verre, le plus souvent rouges, mais aussi bleus, rose violet, ou autres, dans le verre blanc encore en fusion du manchon en cours de façonnage. On reconnaît ces verres à leur absence de relief et à la régularité des stries globalement parallèles et rectilignes, qui ne peuvent suivre, même dans leur usage le plus habile, ni les choix de coupe, ni le détail du dessin. Ces sortes de « rubans » de couleur sont intégrés dans la matière même du verre, mais en restant le plus souvent en surface ou presque. Avec ces repères, il n’est pas possible de confondre verres vénitiens et travaux de gravure sur verre ou encore avec la peinture à l’émail, qui cherchent souvent à les imiter. En France, ces verres sont repérables d’une façon significative à partir des années 1460 environ, et ne sont plus guère employés au-delà de la décennie 1540-1550. Ils sont vraisemblablement très coûteux, si bien que leur usage désigne des verrières dont l'exécution a bénéficié de soins et de moyens financiers particulièrement importants. Voir Lafond Jean, 1962, « La technique du vitrail : aperçus nouveaux », dans Arts de France, II, p. 248. Un excellent exemple d’imitation de verre vénitien à l’aide de jaune d’argent et d’émaux peut être signalé dans la scène de la vision de saint Pierre à Joppé de Saint-Étienne de Beauvais (baie 16, 1548). D’autres verres « précieux » sont en usage au même moment, des verres aspergés (dans ce cas, la pâte, presque toujours rouge, s’est répartie d’une façon plus aléatoire à l’intérieur même du verre), marbrés etc. Tous semblent soufflés en manchon." (Michel Hérold, Le verre des vitraux (xve-xvie siècles) Approche méthodologique)
La finesse du trait des portraits, digne d'un graveur, le dynamisme des gestes, la délicatesse des couleurs (le rose du pourpoint à crevé du bourreau de droite) sont remarquables.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Le bourreau qui serre les liens retenant le bras gauche est coiffé d'un large chapeau au revers d'hermines, ceint d'un ruban où sont inscrit des chiffres et lettres (1 2 NAZNSN) pseudo-coufiques cherchant à souligner l'altérité de l'individu, voire son origine hébraïque. Les traits patibulaires du visage vont dans le même sens, tout comme les chausses rayées et donc condamnables pour la tradition médiévale.
"...la foule des gentils et des Juifs les frapper et leur cracher au visage." (Légende dorée)
n.b Ce type d'inscription, coufique cette fois, peut rendre compte d'une appartenance au peuple Juif sans stigmatisation, comme sur la robe de saint Etienne présentant Etienne Chevalier dans les Heures de ce dernier, enuminées parJean Fouquet vers 1452 .
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Dans le panneau restitué par Muraire, deux anges tiennent les attributs de Pierre, le livre et les clefs.
Le nimbe rouge porte une inscription (XIXe ?) : NORMO NVOS IAVORVM
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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La tête de lancette contient une inscription DNE AMO TE : "Domine amo te"
Cette inscription, si elle est d'origine, est intéressante, car elle renvoie à l'évangile de Jean 21:15-19.
Elle est même cruciale, au dessus de cette représentation de la Mort de Simon Pierre, lorsqu'on lit le texte d'où est extrait la citation :
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Après qu'ils eurent mangé, Jésus dit à Simon Pierre: Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que ne m'aiment ceux-ci? Il lui répondit: Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit: Pais mes agneaux.
Il lui dit une seconde fois: Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu? Pierre lui répondit: Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit: Pais mes brebis.
Il lui dit pour la troisième fois: Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu? Pierre fut attristé de ce qu'il lui avait dit pour la troisième fois: M'aimes-tu? Et il lui répondit: Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit: Pais mes brebis.
En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas.
Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. Et ayant ainsi parlé, il lui dit: Suis-moi.
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Certes, le texte de la Vulgate donne la triple réponse de Pierre sous la forme QUIA AMO TE.
Mais la forme DÑE AMO TE (Domine, amo te, "seigneur je t'aime") est attestée dans la relation de l'évangile de Jean dans l'Historia Scholastica de Petrus Comestor (Pierre le mangeur) dans une édition de 1500 et une autre de 1526. Nul doute qu'on puisse trouver également dans l'un des 800 manuscrits antérieurs, ou dans des éditions non disponibles en ligne, de cette œuvre majeure par sa diffusion depuis sa rédaction au XIIe siècle.
La version de la Scholastica publiée par Migne donne Domine amo te.
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Cette inscription transforme la représentation picturale en une profonde méditation (qui résonne avec le triple Reniement) sur le martyre de Pierre, tandis que la ceinture spectaculairement placée au centre du panneau (avec sa boucle à ardillon acéré, les fleurs des œillets et son passant noué) ou les quatre cordages entravant le saint viennent scander les mots ET ALIUS TE CINGET, ET DUCET QUO TU NON VIS pourtant invisibles.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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II. LA LANCETTE GAUCHE : SAINT CLAUDE PRÉSENTANT CLAUDE LE ROUX EN DONATEUR.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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C'est une mise en scène très traditionnelle d'un donateur, dans laquelle celui-ci, agenouillé devant un prie-dieu (ici en pierre), est présenté par son patron. L'inscription ST CLAUDE ayant identifié le saint évêque (ou plutôt l'archevêque car il tient une croix processionnale à deux traverses, et non une crosse) — Saint Claude fut archevêque de Besançon— , il est logique d'identifier le donateur comme Claude Le Roux, puisque la baie occupe l'emplacement de la chapelle de la famille Le Roux.
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LA FAMILLE LE ROUX.
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La famille Le Roux, originaire de Louviers, favorisa de ses dons plusieurs églises . Cette famille est présentée ici par Prévost (c'est un abrégé de son texte)
"...la persistance, pendant trois siècles, d'une richesse exceptionnelle, permettant aux membres de cette famille de donner l'essor à leurs aspirations vers les arts.
Ce double phénomène se rencontre, en Haute-Normandie, pendant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, dans la famille Le Roux, qui porta, entre autres noms, ceux de Le Roux du Bourgtheroulde, Le Roux de Tilly, Le Roux de Saint-Aubin, Le Roux d'Acquigny et Le Roux d'Esneval; famille à laquelle sa fortune, ses alliances, ses services dans la robe, dans l'armée et dans la diplomatie ont donné un éclat exceptionnel et un rang hors de pair parmi la noblesse normande pendant les trois derniers siècles.
Rien que dans le cours du XVIe siècle, il n'est pas, dans l'étendue des départements de la Seine-Inférieure et de l'Eure, moins de quatorze édifices dans lesquels nous ne trouvions le nom des Le Roux, et, sans doute, il nous en est échappé. ( Citons, de suite, l'hôtel du Bourgtheroulde à Rouen, et le château de Boisset-le-Châtel)
Il est vrai que tous ne sont pas leur œuvre exclusive il est certain que toutes ces oeuvres ne sont pas de premier ordre; malheureusement, nombre de ces oeuvres n'existent plus aujourd'hui. Mais, parmi ce qui subsiste, il en est qui sont des joyaux artistiques, de nature à faire amèrement regretter ce qui a disparu .
Tout à l'heure, nous passerons en revue, dans une rapide énumération, ces œuvres, de mérite et d'importance diverses.
Auparavant, voyons quelles sont les origines de cette famille si heureusement, si exceptionnellement douée, sous le double rapport du sentiment artistique et de la richesse cherchons, s'il est possible, dans quel milieu et dans quelles conditions se sont développés l'un et l'autre.
Denis Le Roux était seigneur de Becdal, en 1455 ; Il avait acquis ce petit fief, en 1443, au prix de 100 livres tournois, plus 60 sols de vin. Dans l'acte du 14 juillet 1456, il est qualifié conseiller en cour laye.
Divers autres documents le mentionnent comme exerçant, soit successivement, soit cumulativement, à Louviers, les fonctions de receveur de Mr l'archevêque de Rouen, seigneur de Louviers, conseiller de Mgr l'archevêque, procureur de M. l'archevêque avocat et conseiller de Monseigneur. A ces derniers titres, il recevait des gages annuels de !0 livres.
Sa femme s'appelait Guillemette Du Buisson Tous deux obtinrent, en 1428, l'autorisation de reconstruire, en en changeant légèrement la place, un pont sur la rivière d'Eure pour faire communiquer divers héritages, bornés par Phlipote, veuve de feu Guillaume Du Buisson, mère d'icelle femme.
C'est, très vraisemblablement, lui qui, de concert avec trois autres habitants de Louviers, signa la capitulation de Louviers avec le roi d'Angleterre, en 1431.
Denis Le Roux fut inhumé à Louviers.
Son fils Guillaume est qualifié seigneur de Becdal, de Villette et d'Escrovitte il acheta les fiefs de la Fontaine-près- Tilly et de Vironvé.
Dés 1450, on le trouve remplissant les fonctions de vicomte d'Elbeuf pour le compte des seigneurs d'Elbeuf. A la fois administratives, fiscales et judiciaires, ces fonctions, dont le nom n'avait rien qui emportât une distinction nobiliaire, étaient, en revanche, fort lucratives. Le vicomte d'une grande seigneurie était, à vrai dire, le représentant, le fondé de pouvoir et le principal officier du seigneur. Souvent, il était en même temps son secrétaire et son intendant.
Il avait épousé Alison du Fay. Il semble qu'il vivait encore en 1490. Il fut, comme son père, inhumé à Louviers .
Aucune qualification nobiliaire n'accompagne jamais le nom de Denis Le Roux dans les actes le concernant qui sont venus à notre connaissance. Il en est encore ainsi de ceux qui touchent son fils Guillaume, au moins pendant une certaine partie de son existence
Dans quelques actes de la fin du XVe siècle, au contraire, le titre d'écuyer suit le nom de Guillaume Le Roux.
De ce rapprochement nous sommes porté à conclure que Guillaume Le Roux, vicomte d'Elbeuf, propriétaire de plusieurs seigneuries, sera devenu noble, comme quelques centaines au moins de familles normandes, en vertu d'un édit de Louis XI, du mois de novembre 1470, par lequel tous les non nobles, possesseurs de fiefs à cours et usages furent déclarés. anoblis en masse, par le seul fait de cette possession.
3. Guillaume I" Le Roux eut pour fils Guillaume II, qui fut seigneur des mêmes terres que son père, et acquit, en outre, celles de Bourgtheroulde, de Tilly, du Val, de Lucy et de Sainte-Beuve .
Il succéda également à son père dans ses fonctions de vicomte d'Elbeuf et, vraisemblablement, il était lieutenant général du vicomte d'Elbeuf, son père, en 1490.
Lorsqu'en 1499 l'Echiquier fut déclaré permanent, il fut appelé à y siéger comme conseiller.
Il avait épousé, en 1483, Jeanne Jubert, fille du lieutenant général du bailli de Gisors, et en eut seize enfants. Il mourut en 1520
Il a fait bastir la maison de Rouen paroisse Saint-Eloi, dit la généalogie recueillie dans les manuscrits Bigot . Il fit élever dans ses terres de Bourgtheroulde, de Tilly, de Lucy, de Sainte-Beuve,. etc.
Nous rappellerons les noms de trois seulement de ses enfants nous les retrouverons, en effet, souvent en parlant des œuvres d'art ou des monuments dus à l'initiative de leur famille:
4a . Guillaume, l'aîné, seigneur du Bourgtheroulde, abbé d'Aumale, prieur du Mont-aux-Malades-lèsRouen, chanoine de la cathédrale de Rouen, renonça à ses droits d'aîné en faveur de son frère Claude, et mourut en 1532.
4b Claude, vicomte d'Elbeuf, puis conseiller au parlement après la mort de son père, épousa, en premières noces, Jeanne Calenge, fille de Jean, sieur d'Infreville. Il fut seigneur de Tilly, puis du Bourgtheroutde et mourut en mars avant Pâques 1537.
4c Nicolas, sieur de Saint-Aubin-d'Escroville et de Becdal, fut conseiller-clerc au parlement de Rouen, abbé d'Aumale par la résignation de son frère Guillaume, et prieur du Mont-aux-Malades, chanoine de Notre-Dame de Rouen, et mourut doyen de Notre-Dame en 1565
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Dès lors, la famille, qui prend d'abord les noms de Le Roux du Bourgtheroulde et de Le Roux de Tilly, a conquis un rang distingué dans la ville de Rouen et dans le parlement de Normandie, au sein duquel elle ne compte pas moins de dix alliances ou parentés plus ou moins rapprochées. Elle se trouve la première, sous le rapport de la richesse, parmi les familles de robe.
Cette circonstance, secondaire en elle-même, si l'on veut, va lui permettre de donner l'essor à ses goûts pour les constructions civiles ou religieuses, la peinture sur verre, les objets d'art, les somptueux ameublements. D'où venait cette opulence ? Il ne semble pas qu'elle ait ses origines dans des opérations commerciales ou financières hardies et couronnées par le succès. L'une de ses sources doit provenir des fonctions exercées par Denis Le Roux, par Guillaume son fils, et, aussi, par les générations suivantes. Conseiller, avocat, procureur de l'archevêque de Rouen à Louviers, ce pouvait être des fonctions très lucratives non pas par les émoluments fixes qui y étaient attachés, mais parce qu'elles comportaient un peu le rôle de banquier, d'intendant, quelque chose comme les responsabilités et, conséquemment, les profits des fonctions de fermier généra! .u siècle dernier, ou de trésorier général sous le premier Empire.
Il en était de même de la charge de vicomte dans une grande seigneurie comme Elbeuf; surtout quand on la cumulait avec celle d'intendant d'une maison quasi princière comme celle de la comtesse de Vaudemont.
Ainsi s'explique ce fait, que, longtemps après son entrée au Parlement, la famille Le Roux du Bourgtheroulde a conservé ces fonctions lucratives de vicomte d'Elbeuf'. En effet, Guillaume 11 les a exercées avant d'aller s'asseoir sur les bancs de l'Echiquier. En y montant, il les a laissées A son second fils Claude. Mais, comme celui-ci était encore trop jeune pour les remplir lui-même, son beau-père (ou futur beau-père) a géré la vicomté d'Elbeuf jusqu'à ce que Claude eût atteint l'âge requis. Claude l'a ensuite reprise jusqu'au jour où, son père Guillaume II venant à mourir (1520), il lui a succédé comme conseiller au parlement, abandonnant alors à un de ses frères ce fructueux office de vicomte d'Elbeuf.
Les alliances contractées par divers membres de cette famille ont aussi dû contribuer à l'enrichir.
Guillaume avait, on s'en souvient, épousé Jeanne Jubert. Cette famille devait être riche. Le père de Jeanne, lui aussi, avait contribué, de sa bourse, à des travaux à l'église de Vernon. Son opulence, sans doute, avait excité l'envie de quelques mécontents, dont l'un tenta de le faire inscrire aux rôles de la taille comme se mêlant du fait de marchandise (en 1~82). Mais la cour des aides repoussa cette prétention, et plusieurs bourgeois attestèrent que Guillaume Jubert était noble et issu de parents nobles et n'avait jamais fait le commerce
Il est temps, maintenant, d'énumérer les édifices auxquels est attaché le nom d'un des membres de cette famille constructions privées, hôtel et châteaux, élevés exclusivement par eux, à leurs frais et pour eux monuments religieux a l'édification,ou même, simplement, à la décoration desquels ils ont pris une part quelconque.
Toute classification méthodique aurait ses inconvénients et ses dangers. On ne peut suivre l'ordre personnel, plusieurs générations ayant pu coopérer au même monument et, surtout, l'auteur de quelques-uns ne pouvant parfois être nettement déterminé. La valeur artistique relative de chaque œuvre serait un procédé téméraire.
Il est plus simple d'énumérer, dans l'ordre chronologique, chacune de ces œuvres.
— ÉGLISE DE NOTRE-DAME DE LOUVIERS. Louviers a été considéré par les Le Roux du Bourgtheroulde comme le berceau de leur famille. Non seulement Denis, mais encore Guillaume I (vicomte d'Elbeuf) y furent enterrés. En 1510 Guillaume II, conseiller au Parlement de Normandie, en souvenir sans doute de son père et de son grand-père, délaissa à l'église de Notre-Dame la somme de cinquante livres . En outre, il donna à cette église un, sinon plusieurs vitraux, dont l'un représente la Vierge et saint Nicolas.
Ses armes – d'azur au chevron d'argent accompagné de 3 têtes de léopard d'or posées 2 et 1 – se voient sur une des fenêtres, et sur une autre elles sont parties de celles de sa femme Jeanne Jubert, dont la famille portait coupé : d'azur à 5 rocs d'argent et d'azur à la croix d'or.
II parait, ajoute un historien de Louviers, qu'à cette époque la famille Le Roux fit de nombreuses donations à l'église de Notre-Dame, car ses armes se retrouvent encore sculptées sur les clefs de voûte des sous-ailes du coté du sud.
— ÉGLISE SAINT-JEAN D'ELBEUF.
un des membres de la célèbre famille parlementaire des Bigot, cette généalogie porte, en effet, que Guillaume [~ « a fait bastir la chapelle de Notre-Dame en l'église Saint-Jean d'Ellebeuf, où il est représenté avec sa femme en la vitre de darriére l'autel, et leurs armes sont en la voute, et Guillaume son fils aisné et sa femme sont représentés aux deux autres vitres avec leurs enfants; tous avec leurs armes.
— HÔTEL DU BOURGTHEROULDE A ROUEN. A lui seut, un tel monument suffirait à illustrer la famille qui en a doté sa ville.
— SAINT-SEBASTIEN-DE-PREAUX.
— CHAPELLE SUR LE FIEF DE L'ESPREVIER.
— Le BOURGTHEROULDE. -L'Eglise. -Le Bourgtheroulde est une des premières seigneuries importantes acquises par la famille Le Roux qui, immédiatement, en prit le nom. Renonçant à Louviers, leur berceau, plusieurs s'y firent enterrer Vraisemblablement donc, ils durent faire réédifier l'église, au moins en partie.
— SAINTE-BEUVE-EN-RIVIÈRE.
— BOISSET-LE-CHATEL. Seul des superbes bastimens dont nous parlons, le château de Boisset est encore debout. [voir https://chateaudetilly.fr/histoire/]
— ABBAYE DE SAMT-MARTIN D'AUCHY LES-AUMALE. –
— SAINT-AUBIN-D'ESCHEVILLE.
— EGLISE SAINT-ETIENNE-DES-TONNELIERS, A ROUEN. Messieurs de Tilly, dit un ancien historien de Rouen, ont beaucoup contribué à faire la nef (de cette église). Ils en ont donné la première et la dernière arcade. Leurs armoiries s'y voient encore, aussi bien qu'à la grande vitre qui est derrière la contretable qu'ils ont fait faire de même. Jeanne Çhalenge, première femme de Claude Le Roux de Tilly, y fut inhumée en t t.
— EGLISE D'INFREVILLE-PRËS-LE-BOURGTHEROULDE. –"
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En effet, c'est grâce aux libéralités de Guillaume Le Roux qu'en l'église de Louviers, on entreprit une nouvelle façade côté sud avec un grand porche réalisé à partir de 1506.
C'est à l'extrémité ouest de cette façade su que semble s'être concentré l'effort de mécénat de la famille Le Roux et de ses alliances :
La chapelle de la famille se trouvait au niveau des deux dernières travées du bas-coté sud, à coté de la fresque de Saint-Christophe, en la chapelle des fonts, qui fut offerte par le bailli Jehan de Chalenge, beau-père de Claude Le Roux. On trouvait dans la chapelle de la famille Le Roux les panneaux anciens actuellement en place en baie 19, avec la verrière à grands personnages offerte par Guillaume le Roux et Jeanne Jubert, où ils figurent en donateurs avec leurs armoiries et où Claude Le Roux est représenté. Ou encore les panneaux de Saint Nicolas avec les armoiries de Guillaume II, actuellement en baie 17. On décrit ainsi la chapelle Saint-Nicolas fondée par Nicolas Le Roux ; et la chapelle Saint-Claude fondée par Claude Le Roux, en 1500.
La famille Le Roux offrit aussi des vitraux à Bourgtheroulde (trois verrières commandés sans doute aux le Prince), à Infreville, et à Saint-Vincent de Rouen (4 verrières).
Rappel :
Guillaume II Le Roux, Conseiller de l'échiquier de Rouen, président à mortier du parlement de Rouen, Vicomte d'Elbeuf, époux en 1487 de Jeanne Jubert, d'où Claude Le Roux, seigneur de Bourtheroulde & Tilly, conseiller en la cour du parlement décédé en 1537, époux de Jeanne Chalenge, dame de Cambremont & Infreville décédée en 1531, d'où Claude II Le Roux, Conseiller du Roi en son parlement de Rouen, maître des comptes à Rouen, époux en 1551 de Marie Potier |
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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L'inscription présentée dans un cartouche par un putti n'est pas facile à déchiffrer, en raison des plombs de casse. D NF SOIT MOT ? Les deux mots extrêmes comportent des tildes abréviatifs pour omission de N. Je lis :
-- N~F SOIT MÕT. l'inscription est a priori en français. La devise des Le Roux ?? Elle dit Expugna impugnates me domine.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Le vitrail est attribué à Jean Le Prince ou à son fils Engrand, dont on reconnaît immédiatement l'usage virtuose du jaune d'argent.
Jean Lafond écrivait :
"Le Saint Claude de Louviers a endossé une chape de drap d'or. Pour s'harmoniser avec ce somptueux vêtement sa dalmatique d'or pâle se réchauffe d'une large tache orangée, appliquée sur la manche droite, et dont le contour, très nettement arrêté, suit la courbe du pli principal. En haut, c'est à dire dans l'ombre de la chape, cette tache est presque rouge."
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On remarquera aussi les fabriques sur verre bleu (teinté de vert par le jaune d'argent) et le verre violet. Ou encore ces visages si particuliers, .
Il se trouve (hasard?) que l'atelier des Le Prince connaît bien saint Claude, puisque Engrand a réalisé un vitrail de saint Claude, patron des Tanneurs, à Gisors en 1526 et que Nicolas, fils d'Engrand, a consacré à sa Vie une verrière pour l'église Saint-Etienne de Beauvais en 1527 .
- Le vitrail de Saint Claude (baie 26) offert par les tanneurs en 1526, en l'église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors : une œuvre d'Engrand Le Prince..
- Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. La baie n°9, saint Claude.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Le donateur est coiffé d'un bonnet à trois pointes et vêtu, au dessus d'une robe bleue, d'une houppelande rouge aux manches et à la bordure inférieure fourrée. Les chausses vert tendre et les chaussures roses rappellent les tenues des drapiers sur la baie 26.
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Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Enfin, dans la partie basse, restituée, deux anges aux ailes rouges ou violettes nous informent de ceci :
RESTAURATION OFFERTE PAR Mlle. JULES GILLES NÉE O DUTUIL [??] EN 1903.
Cette dame avait offert un vaste terrain rue Pampoule pour y construire une école catholique des Frères, en 1888.
Baie 24 (1500-1510 ; vers 1525, 1903), église Notre-Dame de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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LE TYMPAN
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Vierge à l'Enfant (tête de la Vierge restituée).
Le Christ portant le bois de la croix.
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SOURCES ET LIENS.
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Office du tourisme Seine-Eure :
http://www.tourisme-seine-eure.com/images/06-QUE-FAIRE/1-culture-patrimoine/B1.2-ND-Louviers/Circuit-Bilingue-EGLISE-ND-LOUVIERS.pdf
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2001,"Les vitraux de Haute-Normandie", Corpus vitrearum Recensement VI, CNRS éditions, page 171
— FOSSEY (abbé Jules), 1896, L'église Notre-Dame à Louviers, La Normandie monumentale., page 6
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— HÉROLD (Michel),1995, Louviers, église Notre-Dame, les verrières, Rouen, 16P (Nonconsulté)
— LAFOND Jean, 1963, Les vitraux de Notre-Dame de Louviers, par Jean Lafond . Louviers et Pont-de-l'Arche. Nouvelles de l'Eure, n° 15, Pâques 1963. (pp. 42-47). Non consulté.
— LE MERCIER (E.) Monographie de l'église Notre-Dame de Louviers Ch. Hérissey et fils, 1906 - 212 pages
— PREVOST (Gustave-Amable ), 1896, L'influence de la fortune et de l'initiative privées sur l'architecture : une famille normande et la Renaissance en Haute-Normandie, impr. de C. Hérissey (Évreux) pages34 et suiv.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5502915c/f37.image
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63528p/texteBrut
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