La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit.
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—Voir sur cette chapelle :
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Le porche de la chapelle de Kermaria-an-Iskuit en Plouha I. Les peintures de la voûte (fin XVe).
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L'intérieur du porche (fin XVe) de Kermaria an Iskuit. II. Vierge à l'Enfant, Anges et culots.
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La cloche de 1638 de la chapelle de Kermaria-an-Iskuit en Plouha et son blason.
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PRÉSENTATION.
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Comme l'a montré Geneviève Le Louarn-Plessix, la chapelle de Kermaria an Iskuit a été construite en trois étapes : la partie occidentale de la nef (quatre travées) date du XIIIe siècle, cette nef a été agrandie au premier tiers du XIVe siècle vers l’est de trois travées avec la greffe de la chapelle sud et la construction du chœur, et enfin l’édifice aurait subi des transformations entre 1702 (date sur une pièce de charpente de la tour ouest) et 1720, date de la création des fenêtres sud de la nef, de la destruction du jubé, de celle de l’arc-diaphragme et du badigeon des peintures macabres peu conformes à la somptuosité de la Contre Réforme.
C'est néanmoins du XVe siècle que datent les quatre ensembles de peintures murales : Anges de la voûte du porche, Danse macabre de la nef, Dit des trois vifs du collatéral nord et fresque des seigneurs dédicaçaires de la chapelle sud, ainsi que la peinture du lambris du collatéral nord consacrée au Combat des vices et des vertus.
Après 1856, ces peintures furent découvertes sous le badigeon des murs de la nef, elles furent relevées en 1861 par Alexandre Denuelle, décrites et dessinées par Paul Chardin en 1894 et restaurées à partir de 1960. Il ne reste aujourd'hui presque plus rien de la peinture du lambris, et le Dit des trois vifs et des trois morts est très dégradé.
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Datation.
À la lecture des auteurs de référence, affiner la datation de ces peintures est manifestement une affaire délicate, y compris sous les plumes de Geneviève Le Louarn-Plessix (2013) et de Tania Levy (2015). Les Anges des voûtains du porche montrent une parenté avec ceux du chœur de la cathédrale de Tréguier (1450) et du transept nord de Kernascléden (v.1470). Xavier Barral i Altet place la réalisation du Combat des vices... dans la deuxième moitié du XVe siècle (et la présence de fleurs de lys d'or sur le fond pourrait même la rendre postérieure au mariage de Charles VIII et d'Anne de Bretagne après 1491). Le Dit des trois vifs daterait de la fin du XVe siècle.
La datation de la fresque dédicaçaire de la chapelle sud dépend presque complètement d'une interprétation des motifs héraldiques qu'on y voit sur la cotte du couple de droite : elle serait postérieure à 1481, date du mariage de Guillaume III de Boisgelin et Anne du Vieux-Chastel.
La fameuse Danse macabre pourrait être postérieure à 1486 et même 1492, date discutée de parution de la danse macabre publiée par Antoine Vérard, car on y voit un usurier flanqué du pauvre, qui n'apparait pas dans la publication de Guiot Marchant en 1485 . Mais il semble que la scène figurait aussi au cimetière des Innocents (1424) : l’auteur des peintures de Kermaria pouvait l’y avoir vue s'il s'était rendu à Paris. Faut-il, avec Emile Mâle, tenir compte des dates des épidémies de peste [Quimper 1472 et 1480, diocèse de Tréguier 1463, 1472 et 1473] qui pourraient en expliquer le choix ? Ou tenir compte, encore avec Emile Mâle, des costumes qui placeraient la peintures dans les années 1460 ? Doit-on estimer, que la Danse a été réalisée en même temps que la fresque des donateurs seigneuriaux, alors que les détails des chaussures pointues ou des manteaux ne sont pas compatibles avec la fin du XVe siècle?
Sous la Danse macabre, des Prophètes occupaient, avec leur phylactère, les écoinçons sur un fond de fleurettes rouges et de quintefeuilles vertes. Sont-ils contemporains de la Danse ? Ce fond se retrouve sur la fresque dédicaçaire...
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Présentation générale.
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Seule la moitié droite est aujourd'hui conservée, mais le relevé d'A. Denuelle suggère que plusieurs couples se succédaient, et que la fresque s'achevait à gauche avec un seigneur agenouillé présenté par un saint, et deux femmes à hennins.
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Dans la partie aujourd'hui conservée, nous voyons clairement deux couples seigneuriaux, l'homme étant présenté par un saint. Mais nous ne voyons pas la scène religieuse qu'ils vénèrent. Il devait s'agir de la Vierge à l'Enfant patronne de la chapelle, sous forme d'une peinture située à droite, d'une statue, ou d'un vitrail.
Voir par exemple la peinture de la chapelle de Merléac, où les seigneurs de Rohan, leur épouse respective et leurs enfants sont agenouillés devant la Vierge et l'Enfant, peinture murale datant selon Laurent Hablot de 1410-1420.
Deux cartes postales montrent la chapelle sud vers 1920 avec, au dessus de l'autel, la statue de la Vierge à l'Enfant dans un retable. Si cela correspond à la disposition du XVe siècle, cela permet de replacer cette suite de seigneurs donateurs dans sa logique.
Le lieu était en particulier orné de la collection des albâtres de Nottingham, datant du XVe siècle.
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Il y avait donc là cinq couples. On sait qu'encore en 1857, les armes des Taillart (d'hermines à la bande fuselée de gueules) associées à Harscouët (d'azur à trois coquilles d'argent), Boisgelin (écartelé : aux 1 et 4 de gueules à la molette d'argent ; aux 2 et 3 d'azur plein), Boisgelin en alliance avec Vieux-Chatel (burelé d'argent et de gueules de dix pièces) et d'un juveigneur des Harscouët (au lambel de gueules) en plein ou en parties ornaient un vitrail de la fenêtre est de la même chapelle. Voir : de Keranflec'h, « Une frairie bretonne… » et P. Chardin pour le relevé de ces armoiries.
Keranflech décrit aussi les armes en relief des Taillart sur le pignon [sud] du transept, et suppose que le bras du transept était leur chapelle seigneuriale avec leur sépulture. Il y décrit —puis après lui Paul Chardin en 1894 — une baie du XVIIe siècle portant au centre un écu "déchiqueté à l'allemande" mi-parti de Taillart et de gueules au chevron d'or accompagné en chef de deux molettes et en pointe d'un greslier de même lié d'azur et à droite et à gauche un autre écu en bannière mi-parti de Lannion et d'Aradon entouré du cordon de Saint-Michel (armes de Pierre, comte de Lannion (1582-1633) baron du Vieux-Chastel et de Renée d'Aradon, puis Taillart plein, et enfin mi-parti de Taillart et de Boisgelin.
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Ce dernier tympan armorié a été relevé en 1919 par H. de la Messelière sur un croquis reproduit par R. Couffon ; mais en bas à droite, l'écu mi-parti de Taillart et de Boisgelin a disparu. Les armes en alliance sur l'écu du centre sont attribuées par P. Chardin à Le Vayer, ou Voyer de Trégomar, qui porte pourtant selon Potier de Courcy d'argent à trois haches d'armes de sable... Ce sont, écrit Chardin, "les armes en alliance de Guillaume Taillart sieur de Lisandré et de Gillette Le Vayer, dont le contrat de mariage porte la date de 1488"
En dessous de ces armes, Chardin signale aussi l'écu mi-parti d'Yves Pinart, sénéchal de Plouha en 1516 et de Marguerite |ou Jeanne] de Boisgelin fille de Sylvestre [ou Jacques] de Boisgelin sieur de la Noë Verte. Leur fils Roland, conseiller au Parlement de Bretagne épousera en 1526 Louise Taillart, dame héritière de Lisandré, puis en 1534 Catherine Taillart.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le seigneur agenouillé en donateur en tête est, selon la règle, tête nue, mains jointes, en armure. Son tabard porte ses armes, peu distincte, mais dont on peut affirmer qu'elles sont divisées en quatre quartiers, deux clairs en 1 et 4, deux foncés.
Ces armes sont compatibles avec celles de Boisgelin,et ne sont pas compatibles avec celles des autres familles présentées sur les vitraux. Les Boisgelin portent écartelé : aux 1 et 4 de gueules à la molette d'argent ; aux 2 et 3 d'azur plein.
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Paul Chardin :
"Au dessus de la grande ouverture qui donne accès au transept, on voit le fragment d'une importante composition en partie détruite. C'est un groupe de six personnages représentant deux seigneurs et leurs femmes, en oraison, assistés de deux saints. À en juger par les costumes, cette peinture remonte au XVe siècle. Le premier de ces personnages, qui porte un écartelé sur sa cotte d'armes et est assisté d'un saint en costume épiscopale, doit être Guillaume de Boisgelin qui épousa Anne du Vieux-Chastel et servit comme archer de la garde du corps du duc François II en 1481.
Effectivement, la plus petite des baies qui éclairent encore le transept conserve encore dans son vitrail les armes pleines du Boisgelin, et en alliance avec du Vieux-Chastel.
Le second des seigneurs agenouillés est assisté de saint Jean-Baptiste et accompagné de cette invocation inscvrite en caractères gothiques : Sanctes Johannis Batista Ora pro nobis. Nous pensons qu'il doit représenter Jean Taillart, mentionné dans la montre de l'évêché de Tréguier de 1469, parmi les nobles de la paroisse de Plouha dont dépend Kermaria. Les Taillart avaient comme seigneur de Lisandré aux XVe et XVIe siècle des prééminences et droits d'enfeu dans la chapelle de Kermaria, où on voit encore leurs armes plusieurs fois reproduites en sculptures .
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Paul Chardin accompagne sa description des croquis des armes de Boisgelin pleines ou en alliance avec celles d'Anne du Vieux-Chastel, d'azur au château d'or sommé de 3 tourillons de même.
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1°) La famille de Boisgelin en Pléhédé.
Les Boisgelin possédaient le manoir du même nom en Plehedé, paroisse voisine de Plouha. Ce manoir est éloigné de la chapelle de Kermaria de 5 km. Selon l'acte de Réformation de 1669, se succèdent :
Guillaume I du Boisgelin, Geffroy du Boisgelin, Alain du Boisgelin, Ollivier du Boisgelin, Richard du Boisgelin, un autre Geffroy, Guillaume II du Boisgelin, qui eut pour fils aisné, de Margilie Kerascoët, Jean du Boisgelin, sieur du Boisgelin, heritier principal , qui décéda sans enfants vers 1500. La succession duquel serait échue à damoiselle Claude du Boisgelin, fille de Guillaume III, frere puisné dudict Jean, laquelle étant aussy décédée sans enfants, la succession fut recueillie par Gilles du Boisgelin et Françoise de Botloy, sa femme, descendu d’un autre puisné de la maison, d'où, Pierre du Boisgelin et de Mauricette de Kernechriou, d'où Robert du Boisgelin, etc....
C'est Guillaume III, décédé avant 1502 qui épousa Anne du Vieux-Chastel. La date de son mariage n'est pas connue (à la différence de ce qu'écrit Geneviève Le Louarn-Plessix, qui donne la date de 1481 pour ce mariage) mais en 1502, Anne était veuve et leur fille Claude était mineure. Celle-ci épousera avant 1528 Guillaume Poulart, sieur de Kerbezau mais n'eut pas d'enfant.
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2°) Le manoir de la Noë-verte, des Boisgelin aux Pinart.
Par ailleurs, un autre manoir, celui de la Noë-verte est situé à Lanloup, commune également voisine de Plouha : il revint à une branche puînée des Boisgelin de Boisgelin, si je puis dire :
Le premier seigneur connu Sylvestre Boisgelin, fils de Richard [généalogie précédente] décédé après 1436 épousa Marguerite Gueslin. L'un de leurs fils Guillaume de Boisgelin, écuyer, seigneur de la Garenne décédé après 1477, épousa Jeanne de Trévidic. D'où un fils Tristan (décédé avant 1478), puis Jean puis Gilles etc. Un autre fils de Sylvestre, Prigent, hérita du titre de sieur de la Noë-Verte et épousa Typhaine de Trélever. Leur fille Marguerite épousa Yves Pinart.
3°) La seigneurie de la Noë-Verte des Boisgelin aux Pinart :
Le manoir revint donc en 1506 à Yves Pinart sieur de Kerveziou, conseiller au Parlement de Bretagne. Son fils Roland Pinart fut marié en 1526 à Louise Taillart dame de Lizandré, puis en 1534 avec Catherine Taillart, dont il eut deux filles ; l'aînée mourut en laissant le titre de dame de la Noë-verte et de Lisandré à sa sœur cadette Julienne qui épousa François de Lannion, Seigneur de Gruguil.
De ce mariage naquirent trois fils, mais c'est le troisième fils, Jean de Lannion, Seigneur des Aubrays qui reçut en partage la Noë Verte. C'est lui qui est entré dans la légende par ses hauts-faits d'armes. Il fut enterré, comme tous les seigneurs de la Noë Verte, en la Chapelle de Kermaria en Isquit.
https://gw.geneanet.org/brouvillois64?lang=fr&pz=bertrand&nz=rouvillois&p=guillaume&n=du+boisgelin&oc=2
4°) La seigneurie de Lisandré à Plouha : des Taillard aux Pinart :
https://man8rove.com/fr/blason/rkvcia6-taillard-alias-taillart
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- Rolland Taillard ( - ap 1426), écuyer, seigneur de Goaz-Noyou ✕ N N
- Morice Taillard ( - ap 1422), écuyer, seigneur de Kerdaniel, époux de Jeanne Boschier, nièce de l'abbé de Beauport.
- Alain Taillard ( - ca 1435), écuyer, seigneur de Kerdaniel et de Lysandré ✕ N N . Page d'Olivier de Blois en 1418 qu'il accompagnait au voyage de Chateauceaux, lors de la trahison des Penthièvre en 1420. Il fut complice avec son père dans les attentats de 1420 et 1422 contre le duc .
- Roland Taillard ( - ap 1440), écuyer, seigneur de Kerdaniel en Goudelin et de Lysandré en Plouha ✕ Julienne Le Long 1405. Il prête serment au duc le 28 11 1437 parmi les nobles du Goêllo.
- Guillaume Taillard ( - en 1512 ou ap. 1513), écuyer, seigneur de Kerdaniel et de Lysandré ✕ Jeanne de Keralio. Par acte du 26 avril 1500, Guillaume Taillart , seigneur de Lisandré, fait échange, avec Guillaume Ollivier, de ses prééminences et droits honorifiques en l'église de Plouha (ne pas confondre avec la chapelle), et lui abandonne, en particulier, les tombes armoriées situées sous le porche, ainsi que l'écusson surmontant ce dernier.
- Guillaume Taillard II , écuyer, seigneur de Lizandré ✕ (1488) Gilette Le Vayer, dame de La Guérais
- Catherine Taillard , dame de Lourcière ✕ (1488) René de Quelen ( - 1545), écuyer, seigneur de Saint-Bihy, puis ✕ Yves Dollo, écuyer, seigneur du Pontlo-Kergroas.
- Jeanne Taillard (ca 1490 - ), dame de Goaz-Noyou ✕ (1505) Rolland de Kernec'hriou (ca 1480 - ), écuyer, seigneur de Kernec'hriou
- Yvon Taillard (1499 - 1525), écuyer, seigneur de Lizandré ✕ Marguerite de Kerbuzic, dame de Keranglas
- Louise Taillard (ca 1510 - 1528), dame de Lizandré ✕ (1526) Roland Pinart, seigneur de La Noë Verte
- Catherine Taillard (ca 1518 - ), dame de Lizandré ✕ (1534) Roland Pinart, seigneur de La Noë Verte
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Conclusion.
a) Si, dans la majorité des vitraux bretons (où les donateurs nobles se faisaient représenter plus souvent que sur les murs), nous ne voyons qu'un seul couple de donateurs, ou parfois deux, que nous identifions par leurs armoiries, il ne faut pas oublier que ce sont cinq couples qui sont figurés ici, et que, comme à Merléac (ou sur la baie 18 de l'église de Beauvais, par exemple), le couple donateur principal, en tête, est sans-doute suivi de ses enfants. La date d'exécution ne peut donc pas être assimilée à la date de leur mariage. De même, sur le tableau de la famille Jouvenel des Ursins peint entre 1445 et 1449 pour leur chapelle de la cathédrale Notre-Dame de Paris (où ces seigneurs avaient leur sépulture) pour Jean Jouvenal des Ursins († 1431), prévôt des marchands de Paris et sa femme, Michelle de Vitry († 1456) , ces donateurs sont suivis de leurs neuf enfants, les fils portant le tabard aux mêmes armes que leur père. La datation est estimée à 15 ans après le décès du donateur.
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b) L'identification des donateurs repose ici sur un indice assez faible, puisque seul le tabard du donateur principal, parce qu'il est un écartelé, peut permettre de reconnaître les armes des Boisgelin. L'opposition des quartiers, blanc et noir au premier abord, peut évoquer l'opposition rouge et bleu des Boisgelin. La robe de son épouse ne peut nous orienter vers une alliance particulière.
c) L'identité des saints donateurs est un autre indice, et celle de saint Jean-Baptiste, au deuxième rang, est certaine. Non seulement il est vêtu du manteau en poil de chameau et il tient en main gauche l'agneau, mais le phylactère le nomme. Il est probable que le deuxième seigneur se prénommait Jean.
Par contre, le saint évêque du premier rang avec sa crosse, sa mitre et sa chasuble, ne peut être identifié. Il s'accorde certes avec saint Guillaume (évêque de Bourges).
d) Si nous acceptons cette identification hypothétique d'un Guillaume de Boisgelin, nous devons envisager tous les Boisgelin qui pouvaient prétendre à des droits prééminenciers sur la chapelle sud. Or, il me semble que le choix de Guillaume III de Boisgelin et de son épouse Anne du Vieux-Chastel ne s'impose pas, et qu'il serait préférable d'élire un seigneur de Lisandré, ou, à défaut, de la Noë-Verte. Ou un membre de la famille Boisgelin dont les descendants portèrent ce titre. Certes, je n'ai pas de candidat à proposer, dont, en plus, le fils aîné (ou le frère) se prénomme Jean, et qui ait eu quatre enfants.
e) Nous ignorons la date du mariage de Guillaume de Boisgelin et d'Anne du Vieux-Chastel, mais si c'est lui que nous voulons reconnaître ici, la datation devrait être repoussée, en raison de la présence de leurs enfants, à 1502, date du veuvage de son épouse. Son frère Jean (décédé en 1500) serait représenté au deuxième rang. Guillaume et Jean serait représentés de manière posthume par leur descendance. Mais encore une fois, cette descendance n'a pas de prééminence à Kermaria.
f) La datation de la peinture peut reposer sur les costumes, et notamment par les hennins, très hauts, des femmes et les solerets pointus des écuyers. Ou par la coiffure mi-courte des hommes.
La datation par les hennins n'est pas précise. En effet, ceux-ci sont représentés dans la peinture flamande de 1430 à 1490. Certes les coiffes de la peinture murale de Kermaria an Iskuit sont hautes, et s'achèvent par des voiles, à la différence des hennins à cornes, mais cette distinction ne permet pas de définir un créneau de datation plus étroit. De même, les hennins représentés sur les enluminures françaises (Jean Fouquet notamment) indiquent une datation culminant vers 1460, mais s'étendant jusqu'en 1485.
Dans les œuvres étudiées en Bretagne sur mon blog, je retiens l'existence d'un hennin à double cornes sur le gisant du premier quart du XVe siècle de Perronnelle de Boutteville était la fille de Jean de BOUTTEVILLE, décédé en 1340.
Sur les sablières de l'église Notre-Dame de Quimperlé datant de 1430 une femme portant un hennin à deux cornes.
Une femme portant un hennin conique est sculpté sur un appui-main n°38 des stalles de 1504 de la cathédrale Saint-Pol-de-Léon , mais cette scène comique ne constitue pas un témoin fidèle de la mode de l'époque.
Je lis sur Wikipédia : "Le hennin ne tarda pas à atteindre des proportions tellement extravagantes qu'il devint l'objet d'ordonnances restrictives spéciales de la part de l'Église. Mais c'est seulement au début du XVIe siècle que cette mode disparut."
Aucune représentation d'Anne de Bretagne (1477-1514) ne la montre portant un hennin, mais toujours son bonnet noir. Ses Heures n'en montrent pas parmi les personnages des enluminures.
Sa mère Marguerite de Foix morte en 1486, n'en porte pas sur le monument funéraire de la cathédrale de Nantes.
La duchesse de Bretagne Marguerite d'Orléans (1406-1466) ne porte pas un hennin, mais un escoffion, sur l'enluminure qui la représente en prière sur son Livre d'Heures.
Les solerets pointus "à la poulaine" sont portés de 1300 à 1490, avant l'usage de solerets à extrémité arrondie.
L'écriture gothique de l'inscription est celle en usage au XVe siècle, sans plus de précision.
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En conclusion, dans mon approche, la datation ne peut être précisée ni par des données d'archives, ni par l'héraldique, ni par les détails de costume, ni par référence aux autres peintures murales de la chapelle. La date de 1481 proposée par Geneviève Le Louarn-Plessix reste un repère plausible, mais il me semble qu'elle ne peut s'appuyer sur celle du mariage du couple de donateur.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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La donatrice est présentée par le même évêque que son mari : le saint pose sa main droite derrière son dos . Elle porte le haut hennin conique d'où retombe, presque jusqu'au sol, un long voile transparent.
Elle est vêtue d'un surcot ouvert doublé de fourrure (traditionnelement de l'hermine) et une robe longue. Je ne sais comment interprêter les lignes courbes bien nettes du bas de cette robe, traits sombres trop pointus pour dessiner des chaussures.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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Saint Jean-Baptiste est peint avec un cou très court, une figure longue et une barbe pointue. Il tient en main gauche son attribut, l'agneau pascal, qu'on discerne mal. Le manteau en poil de chameau est peint el lignes courbes exubérantes.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le deuxième donateur, qui porte sans doute le prénom de Jean, est figuré agenouillé mains jointes, en armures (dont les pièces inférieures, et notamment le soleret pointu, sont bien conservées) et portant le tabard dont les motifs ont disparu. Il porte l'épée au côté gauche.
Le phylactère porte l'inscription SANCTE IOHANNES BAPTISTA ORA PRO NOBIS.
Il faut imaginer que pour les contemporains, cette invocation apparaissait chantée, et non énoncée, par le donateur, car c'est le texte et la graphie exacte de la litanie du Kirie chanté dès le XIIIe siècle.
https://cantus.uwaterloo.ca/chant/671301
Cette invocation, toujours avec la même orthographe, se retrouve sur le vitrail de l'Arbre de Jessé de la basilique Notre-Dame de La Guerche, datant du début du XVe siècle : le chanoine y prie le saint patron de Jean Ier d'Alençon. Sur le même vitrail, Marie de Bretagne, épouse de Jean d'Alençon, porte un escoffion à la mode en ce début du XVe siècle.
L'inscription est tracée en lettres gothiques soigneuses, aux hampes des lettres h, b et p bifides.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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Détail des jambières et solerets.
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La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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La deuxième donatrice porte, comme la première, le surcot ouvert et un hennin, dont on devine les voiles descendant à terre. Elle aussi est présentée par Jean-Baptiste dans un geste du bras droit.
La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale (dernier quart XVe) de la chapelle seigneuriale de Kermaria an Iskuit. Photographie lavieb-aile 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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— AUBERT (Octave Louis), [1928] , La chapelle de Kermaria-Nisquit, édition de la Bretagne touristique, 16 pages.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/3460
— BARRAL I ALTET, (Javier) 1987, Décor peint et iconographie des voûtes lambrissées de la fin du Moyen Âge en Bretagne
Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 1987 131-3 pp. 524-567
—BÉGULE (Lucien), 1909, La chapelle Kermaria-Nisquit et sa Danse des morts, H. Champion, Paris, 1909, 52 p.
— CHARDIN (Paul), 1894, La chapelle de Kermaria-Nisqit en Plouha, Revue archéologique 1, pages 246-259
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203636c/f249.item
—COUFFON, René. Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. Saint-Brieuc : Les Presses Bretonnes, 1939. p. 374-375
—COUFFON, René. Quelques notes sur Plouha. Saint-Brieuc : Francisque Guyon éditeur, 1929. p. 27-35
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3346690r
— JONES, (Michael) et MEIRION-JONES, (Gwyn), 2013, “Boisgelin en Pléhédel, Côtes-d'Armor : une famille noble, son histoire et son domaine,” Mémoires SHAB
https://m.shabretagne.com/scripts/files/5f46bc8ae55f09.53095498/2013_53.pdf
— KERANFLEC'H (Charles de), 1857 « Une frairie bretonne, Kermaria-Nisquit, suivie du testament du seigneur des Aubrays », Nantes, Imprimerie de Vincent Forest, 1857, 29 p. 1 grav., extrait de la Revue de Bretagne et de Vendée, t. II, 1857, 2e semestre, p. 281-301.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1102459/f280.item
—LE LOUARN-PLESSIX (Geneviève ) , 2013, Plouha, Chapelle de Kermaria an Iskuit Mémoires SHAB
https://m.shabretagne.com/scripts/files/5f464c1e917b93.94134739/2013_50.pdf
https://docplayer.fr/108538314-Plouha-chapelle-de-kermaria-an-iskuit.html
—LÉVY (Tania), 2015, « La chapelle Kermaria-an-Isquist. Les peintures murales », Congrès archéologique de France. 173e session. Monuments des Côtes-d'Armor. « Le Beau Moyen Âge ». 2015, Société française d'archéologie, pp. 303-311 (ISBN 978-2-901837-70-1).
— PICHOURON ( Patrick) - L'HARIDON ( Erwana) 2005, La chapelle de Kermaria-an-Isquit Inventaire général ; Dossier IA22005349
"La chapelle Kermaria-an-Isquit a été fondée au cours de la 1ère moitié du 13ème siècle par Henry d'Avaugour, comte de Goëlo. Elle a été agrandie au 15ème siècle...
— THIBOUT (Marc), 1949, « La chapelle de Kermaria-Nisquit et ses peintures murales », Congrès archéologique de France. 107e session. Saint-Brieuc. 1949, Société française d'archéologie, 1950, p. 70-81.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k32118665/f72.item
— TUDCHENTIL, Boisgelin
https://www.tudchentil.org/spip/spip.php?article163