L'église Notre-Dame de Carentan (Manche).
Où on voit le Vitrail du Débarquement, et moult autres détails qu'il m'a plu d'y adjoindre alors qu'ils n'avaient rien à faire là.
Je me suis rendu dans l'église Notre-Dame de Carentan pour photographier ses vitraux anciens ; mais j'ai constaté qu'ils ont déjà été mis en ligne avec beaucoup de soins sur ce site : http://saintleon-carentan-50.catholique.fr/vitraux_eglise_nd/vitraux_eglise_nd.htm
Et puis ces très belles verrières ont beaucoup souffert, et ne sont parfois qu'un puzzle disparate de fragments. Alors j'ai choisi de ne donner à voir ici que le vitrail commémoratif du débarquement américain du 6 juin 1940 sur la plage voisine d'Utah Beach. Mais je n'ai pas résisté à regarder aussi les inscriptions du XVIIe, si belles, et puis encore...mais commençons par le vitrail.
Le vitrail commémoratif du Débarquement alliè à Utah Beach.
Il m'interesse pour des raisons historiques, mais aussi pour des raisons affectives : j'ai passé dans la ferme de Brécourt des moments inoubliables de ma prime enfance, accueilli par mon oncle et parrain Louis Cordier et ma tante "Guite" (Marguerite de Vallavieille) pour profiter du bon air de la campagne et découvrir la vie d'une ferme normande. Or, on le sait mais je l'ignorais à l'époque, le manoir de Brécourt avait été le siège d'un épisode assez rude du Débarquement allié : link et, concernant Michel de Vallavieille, frère cadet de Marguerite et fondateur du Musée d'Utah Beach : link .
Ce vitrail m'intéresse aussi parce qu'il a été réalisé en 1955 par Paul Bony et son épouse Adeline Hébert-Stephens, dont j'ai déjà rencontré une réalisation, celle de l'église Saint-Louis de Brest : Les vitraux de l'église Saint-Louis de Brest : 2) commentaires.
Des travaux en cours avec l'établissemnt d'un échafaudage expliquent la qualité médiocre du cliché.
La baie est formée de quatre lancettes de sept panneaux chacune, et d'un tympan.
Dans le tympan, la Vierge à l'Enfant est entourée de deux personnages auréolés, deux saints tenant des objets que je n'ai pu identifier.
Les lancettes consacrent six de leurs panneaux à un registre supérieur où figurent de gauche à droite :
- Un saint, assis présentant les armoiries de Carentan (d'argent à l'aigle éployé de gueules, accosté de neuf billettes de même, au chef d'azur chargé de trois fleurs de lys d'or). En dessous est inscrit : ...Carentan 6 juin 1944. Dans la partie supérieure, un ange agenouillé, et dans les deux derniers panneaux, six parachutes stylisés au jaune d'argent.
- Jeanne-d'Arc, la libératrice du Royaume, en cuirasse et robe blanche frappée de croix, tenant son oriflamme. Au dessus, comme dans chaque lancettes, les six parachutes sont disposés géométriquement, comme s'ils descendaient dans le ciel normand.
- Saint-Michel, patron des parachutistes, terrassant le dragon, l'ennemi métaphorique, et portant sur sa cuirasse la croix des Croisades. Son index désigne le ciel.
- En symétrie par rapport à la lancette gauche, celle de droite montre également un ange en prière, puis un saint tenant un blason : c'est l'insigne d'épaule de la 101st Airbone Division, celui qui vaut à ses soldats le surnom de Screaming Eagle ou Aigles Hurlants. A la base, l'inscription 101ème Division Aéroportée : cette division célèbre fut parachutée en arrière de la côte pour assurer la jonction avec la 4éme division d'infanterie américaine débarquée à Utah Beach.
Le registre inférieur aligne sur un fond de ciel rouge embrasé quatre scènes : la première à gauche montre un parachutiste, en tenue camouflée, en position de combat avec, en arrière-plan, un clocher et des parachutes dans le ciel ; sur la seconde, un homme vêtu de vert porte l'index à l'oeil tandis qu'une femme étreint ses deux enfant souriants. La troisième semble montrer un homme en uniforme vert foncé et une femme (infirmière) soignant un homme à terre, en veste bleue. Le quatrième échappe à mon cliché, mais le site sur les vitraux de Carentan précise qu'il évoque le Dr Simon, médecin de Carentan qui soigna 70 civils pendant les six jours de la bataille de Carentan.
Le vitrail est signé en bas à gauche. Il a été financé par le produit de la vente des épaves américaines des plages du débarquement.
Au lendemain du débarquement, la libération de Carentan était cruciale pour contrôler ce verrou entre Utah et Omaha Beach, mais la ville est protégée par les rivières et les canaux qui sont autant de barrières naturelles. La bataille de Carentan eut lieu du 8 au 12 août 1944
J'ai admiré par ailleurs :
La Statue de Ste Catherine : pierre de Caen, XVe siècle, hauteur 1,00m.
Le tableau sur Le Martyre de saint Gorgon Bois, XVI-XVIIe siècle :
Gorgonus ou Gorgon est un saint martyr romain de l'époque de Dioclétien dont il était l'un des officiers. Il fut enterré avec son camarade Dorothée de Nicomédie dans une nécropole de la via Labicana à Rome.
Scènes de la vie de saint Pierre : la remise des clefs ; le martyre à Rome ; peinture à l'huile sur chêne, XVIe siècle :
L'épitaphe de Laurent Cornavin :
Épitaphe de Mr Laurens Cornavin prêtre natif et bourge(ois) en ce lieu de Care(n)ten.
Ci gist Laurens Cornavin, prêtre choriste en ceste église, lequel de coeur droict et bénin eut plus de XVI ans l'entremise des mortuaires et du plat s'acquita(n)t deume(n)t de sa charge. Prions Jésus nostre avocat que de ses pechez le décharge : et qu'au céleste firmament où dure la gloire éternelle son âme qui est immortelle puisse voir Dieu parfaictement. Amen.
Il décéda le 18 June de Avril : 1601.
Le patronyme Cornavin est attesté, un notaire de Carentan se nommant Jean Cornavin en 1678.
Épitaphe de Robert Le Rocquez :
Épitaphe de M(essir)e Robert Le Rocquez prestre :
O toy passant qui marches ce to'm)beau
Baissant tes yeux sus ceste dure pierre
Arreste-toi, non pour voir en la terre
Ce qu'elle enclôt qui n'est ni bo(n) ni beau
Les os d'un mort i sont avec la peau
Tous putrefaitz, ce qui ton coeur p(ar)terre
Ce cors poudreus qu'elle retie(n)t en serre
Est indigne de ieter au corbeau.
Mais plustost voi de l'oeil de la pe(n)sée
L'ire et douceur du gra(n)d Dieu bala(n)cée
Sur les mortelz dormans au monume(n)t
recorde toi que toute Humaine race
Co(m)paroistra un iour deva(n)t sa face
Pour recevoir son dernier Jugeme(n)t.
1660 RCR
FORS DIEU TOUT PASSE
Robert Le Rocquez est un poète de la Manche né et mort à Carentan ; prêtre et docteur en théologie, il est l'auteur d'un poème en octosyllabe dédié à François de Valois, fils aîné de Henri II.
Il est aussi l'auteur de
- Le Miroir de l'Éternité comprenant les sept aages du monde, les quatre monarchies et diversité des règnes d'iceluy,..., Caen, Pierre Le Chandelier 1589, in-8°, 350p. C'est un traité d'histoire, mentionnant les hommes illustres de chaque siècle, louant Marot, Rabelais, Ronsard, Du Bellay,
- Le Triomphe et les trophées de Jésus-Christ, 1593
- Les Premières oeuvres...1605, recueil de sonnets publié par son neveu Robert Le Rocquez.
Il est mort en 1559 ou en 1560, et, ce qui est curieux, l'épitaphe placée actuellement sur un pilier nord de l'église où il fut inhumé près de la chaire porte assez distinctement la date de 1660. On peut penser qu'elle fut en réalité placée par son neveu, en 1660, ce qui expliquerait les initiales RLR, Robert Le Rocquez, placées en bas à droite.
Source : Wikimanche : http://www.wikimanche.fr/Robert_Le_Rocquez
Je ne peux lire cet épitaphe, dont on admirera la graphie et dont on remarquera les tildes abréviatifs remplaçant le "n", sans l'entendre selon la déclamation et la gestique baroque.
Remarquez aussi le p barré abréviatif de p(ar)terre, qui se lit par- ou per-. Je suggére de comprendre "ce que ton coeur parterre" en fonction du sens de la locution "faire un parterre" attestée en 1630, "faire une chute", et de comprendre "ce qui fait chuter ton coeur, ce qui le fait chavirer, ce qui le retourne", bref "ce qui met ton coeur par terre".