Les Vierges allaitantes du Finistère :
Notre-Dame de Tréburon et ses dauphines.
Si lavieb-aile se permet de titrer cet article Virgo lactans ou Miss Néné, ce n'est certes pas (ah ça non !) par goût malsain de provocation ou par un effet de cet esprit espiègle légué par le Pr lavieb, ni pour se livrer à des propos inconvenants ou pour profaner ce qui doit être respecté, mais parce que les sculptures de Vierges allaitantes ont toujours jouées d'une ambiguïté de leur thème iconographique, de l'oppositorum coinsidentia censé provoquer un élan mystique en confrontant la divinité hiératique de la Vierge avec la trivialité de sa maternité. Ambiguïté pleine d'attraits pour les fidèles qui retrouvaient ici une figure de déesse de la fécondité, de Magna Mater, de Venus Gemetrix, d'Isis lactans nourrissant Horus, d' Artémis d'Éphèse allaitant l'humanité par ses multiples seins. Mais ambiguïté irritante pour l'église, pour ses prêtres, ou pour des chrétiens pudiques qui tentèrent d'écarter, de voiler, de re-vêtir, voire de détruire ou d'enterrer (comme nous le verrons à Kerluan) ces attributs déplacés en reprenant l' injonction de Tartuffe à Dorine: "Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées" (Molière,Tartuffe, acte III, scène II, 860-862). Ambiguïté enfin pour un observateur contemporain, naviguant entre l'écueil de déceler abusivement les origines pré-chrétiennes des icônes chrétiennes, celui de projeter un jugement esthétique sur ce qui fut avant tout une manifestation de foi, et celui de dénoncer le tartuffisme et la pudibonderie de clercs dévoués et convaincus de leur rôle.
La fabrication de ces images peintes ou sculptées s'étend principalement du XIIème et surtout du XIVème au XVIème siècle, s'arrêtant en théorie après qu'en décembre 1563 le Concile de Trente ait décrété : "Le Saint Concile défend que l'on place en une église aucune image qui rappelle un dogme erroné et qui puisse égarer les simples. Il veut qu'on évite toute impureté, qu'on ne donne pas aux images des attraits provocants". Mais si les images ne furent progressivement plus fabriquées, celles qui existaient et qui ont échappé à la grande destruction qui a fait passer à la trappe tant de jubés, tant de vitraux, tant de sculptures ont continué à être l'objet de la dévotion populaire.
Le développement de ces Maria lactans s'accompagna aussi de représentations de Vierges gravides ou Vierges de l'Espérance, se plaçant également à la limite des dogmes théologiques. Et il s'accompagna aussi d'autres manifestations du culte du Lait de Marie : Grotte du Lait à Béthléem dont la poudre calcaire devient "relique du Saint-Lait"; légende de Saint-Bernard recevant trois gouttes de lait de la Vierge alors qu'il compose le Salve Regina ; légende de Saint Fulbert, évêque de Chartres, guéri du mal des ardents après que Marie ait déposé sur ses lèvres une goutte de son lait ; fioles du lait de la Vierge conservées en relique dans de multiples sanctuaires d'Europe, comme à Rome, Gênes,Venise, Naples, ou comme à Paris, à Amiens, à Reims, à Chartres où le lait aurait été recueilli sur les lèvres de Fulbert, fioles vénérées pour leur capacité à guérir les épidémies, à soigner les affections du sein ou de donner du lait aux nourrices mais qui furent si nombreuses que Calvin en dénonça le commerce dans son traité des reliques , écrivant : "Tant y a que si la Sainte Vierge eût été une vache, ou qu'elle eût été nourrice toute sa vie, à grand-peine en eût-elle pu rendre une si grande quantité".
Fondement théologique du culte rendu à la Vierge allaitante.
Ce culte trouve peut-être son fondement dans la citation de l'Évangile de Saint Luc, "Or il advint, comme il parlait ainsi, qu'une femme éleva la voix au milieu de la foule et lui dit : Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins que tu as sucés !" (Bible de Jérusalem, Luc XI, 27), bien que Jésus rétorque à cette femme "Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent" (Luc, XI, 28), ce qui condamne indirectement l'idolâtrie des organes maternels féconds et justifie le recentrage vers l'étude des textes et vers la pratique évangélique.
Aucun évangile canonique n'évoque que la Vierge donne le sein à son enfant; et la virginité de Marie semble en contradiction avec la possibilité de l'allaitement.
Au IIIème siècle, Clément d'Alexandrie en est convaincu, lorsqu'il écrit :" Cependant, si les femmes qui accouchent, en devenant mères, deviennent sources de lait, le Seigneur-Christ, fruit de la Vierge, n'a pas déclaré bienheureuses leurs mamelles; il ne les a pas jugées nourricières : lorsque le Père plein d'amour et de bonté pour l'homme a répandu la rosée de son Logos, alors il est devenu lui-même la nourriture spirituelle des hommes vertueux. Quel étonnant mystère !Il y a un seul Père de l'univers, un seul Logos de l'univers, et aussi un seul Esprit-Saint, partout identique. Il y a aussi une seule vierge devenue mère, et j'aime l'appeler l'Église. Cette mère, seule, n'eut pas de lait parce que, seule, elle ne devint pas femme ; elle est en même temps vierge et mère, intacte en tant que vierge , pleine d'amour en tant que mère ; elle attire à elle ses petits enfants et les allaite d'un lait sacré, le Logos des nourrissons. elle n'a pas eu de lait parce que le lait, c'était ce beau petit enfant, bien approprié, le corps du Christ : ainsi nourrissait-elle du Logos ce jeune peuple que lui-même le Seigneur mit au monde dans les douleurs de la chair et qu'il a lui-même emmailloté de sang Précieux" (Le Pédagogue, Livre I, chap. VI, cité par www.mariedenazareth.com)
En 649, la maternité virginale est érigée en dogme après le Concile de Latran. Puis il est admis que si, vierge, Marie a enfanté, alors vierge elle a allaité, et Marie nourricière de Jésus devient Marie Mère et nourricière de l'humanité : sous les noms de Panagia galaktotrophousa ou Mlekopitatelnitsa des icônes orthodoxes, Madonna del latte des primitifs italiens, Vierge Nourrice ou Vierge au lait, les Vierges allaitantes sont représentées et vénérées.
La théologie de l'incarnation, (qui affirme que Dieu est devenu homme en la personne du Christ et que par conséquent si celui-ci est pleinement Dieu, il est aussi pleinement homme) a inspiré aux artistes les thèmes de la Nativité et de l'Annonciation tout autant que le naturalisme de la Renaissance qui donne à voir les personnes divines dans leur aspect humain. Ainsi Albrecht Dürer lorsqu'il peint cette Vierge à l'Enfant endormi (Triptyque de Dresde, v.1496, Dresde Gemäldegalerie) fait paraître la Vierge dans une attitude maternelle très prosaïque. (je note aussi les longs cheveux défaits, qui participent à cette humanité presque triviale de Marie, et que nous retrouvons dans les sculptures bretonnes de Vierges allaitantes.)
Les Nourrices bretonnes et le culte de la Vierge allaitante.
Autour des différentes statues de Vierge allaitante, on retrouve très fréquemment la mention de leur vénération par des mères nourrices demandant par leurs prières d'obtenir plus de lait pour nourrir leurs enfants.
1. allaiter son enfant.
En avoir ou pas ? La question était cruciale à l'époque où seul l'allaitement au sein était envisageable, et où une poitrine trop sèche condamne l'enfant à la mort, à moins de trouver une nourrice. Ce n'est qu'en 1892 que Budin et Chavane, à l'Hopital de la Charité de Paris, firent l'essai sur 102 enfants d'un allaitement au lait de vache stérilisé, initiant un grand et rapide mouvement irréversible d'institution du recours au biberon de lait stérilisé. Mais auparavant, pour nourrir au sein un enfant jusqu'au sevrage (deux ans en moyenne dans la première moitié du XIXème siècle en France, jusqu'à 4 ans ou plus selon Van Gennep ), à une époque où la mortalité des femmes en couche était élevée (1 à 2% en France au XVIIIème) il fallait faire appel dans les villages à la solidarité paysanne créant un réseau de "frères et soeurs de lait".
Précisons qu'une mère allaite son enfant pendant trois heures par jour.
En 1900, 95% des enfants du Finistère étaient allaités au sein, (contre 62% en Morbihan, 41 % en Côtes-du-Nord et 2% en Ille-et-Vilaine), et ils étaient encore 60% en Finistère en 1911-1913. Sur le plan national, 63% des enfants étaient nourris au biberon à la fin du XIXème, et 94% en 1925-1926, ce qui n'exclue pas le recours à "des nourrices sèches" se louant "au biberon" et élevant alors plusieurs enfants.
Les biberons existait bien-sûr, comme ces biberons en bois tourné ou ces cornets à allaiter confectionnés dans une corne de vache, visibles ici :link, et que l'on remplissait de lait de chêvre, de brebis ou, pour les enfants de noble, d'anesse, ou d'une bouillie. Le lait de vache n'était donné qu'à l'enfant plus agé. Mais, comme l'écrit avec esprit le Dr Alexandre-Bidon ici :link, cet allaitement artificiel n'était jamais "qu'un pis-aller" !
2. Devenir nourrice.
Jean-Jacques Rousseau confiant ses enfants à une nourrice, Madame Bovary plaçant sa fille Berthe chez Madame Rolet, il était courant au XVIII et XIXème siècle de confier son enfant à une nourrice, (12% des enfants en France à la fin du XIXè) et c'était même, dans les familles aisées, un signe de supériorité sociale d'afficher sa nounou, sa nurse, au large bonnet enrubanné. On distinguait la "nourrice sur lieu", qui vivait dans la famille de l'enfant , et la "nourrice à emporter", qui accueillait l'enfant chez elle. En décembre 1874, la loi Roussel légifère sur la protection des enfants en nourrice, imposant par exemple par son article 8 qu'une mère attende sept mois avant de cesser d'allaiter son propre bébé pour devenir nourrice, article largement transgressé (dans près de 90% des cas entre 1876 et 1886) lorsque les jeunes mères délaissaient leur propre enfant pour nourrir contre finance celui d'autrui.
Ce furent d'abord les picardes, les morvandelles et les bourguignonnes qui furent nombreuses à rejoindre la capitale (Bécassine porte un costume plutôt picard) avant d'être rejointes par les bretonnes, et en 1901, elles étaient 5760 à Paris.
3. avoir du lait.
Voilà la grande affaire : avoir du lait, et que ça dure ! Lorsque la source se tarit, que faire? En France, s'adresser à Sainte Agathe (au nom proche du grec galaktos ( en grec "lait") ou de Galathée), la sainte aux seins coupés ou à Sainte Alaithe en se rendant à Lys (Nièvres) où elle est fêtée le 5 février ; ou à Sainte Brigitte ; où à Sainte Barbe qui eut les seins arrachés à la tenaille; ou à Sainte Balsamie, la nourrice de Saint-Rémi nommée Sainte Norrice puis Sainte Nourrice; ou à Nantes, où on priait Notre-Dame de Crée-Lait.
En Bretagne, il faut se rendre le premier mai au "pardon des nourrices" à Gestel (56) prier Notre-Dame de Kergornet, qui a aussi une chapelle à Pont-Aven.
Mais en Finistère, pour être une bonne laitière c'est une autre affaire et si on ne veut pas rester à sec on se rend à Gouezec ou à Briec.
Notre-Dame de Tréguron et ses dauphines :
En Finistère, dans l'arrondissement de Chateaulin, neuf statues de Vierges allaitantes en pierre polychrome sont réparties dans un rayon de 15 km autour de Cast, datant du XVI et XVIIème siècle et répondant toutes si fidèlement à un modèle commun que l'on évoque le travail d'un atelier unique.
Outre leur datation approximative (aucune date inscrite, une date de 1654 sur le socle à Tréguron) du fin XVI-début XVIIème corrigé à mon sens pour le dernier quart du XVIe, leur matériau (granit, kersanton), et leur théme ( Vierge allaitante), elles ont en commun leur taille (grandeur nature, 1m62 à 1m68), leur longue chevelure retenue par un large bandeau caractéristique (sauf à Saint-Venec, où la Vierge porte un voile, et à Locronan), leur vêtement (un corselet dégrafé), mais elles différent par la posture de l'enfant (seuls ceux de Tréguron-Gouezec et de Saint-Venec sont en train de téter), la posture maternelle (assise à Tréguron, debout ailleurs), les seins dévoilés (les deux à Tréguron, le sein gauche à Saint-Venec, le sein droit ailleurs), et par la présence éventuelle de lait ( visible à Tréguron et à Kerlaz, absent ailleurs), laquelle s'associe à une tenue du sein entre la paume de la main et le pouce, alors que les autres Vierges présentent le mamelon entre l'index et le majeur.
Ce sont :
-Notre-Dame de Tréguron, chapelle de Tréguron, Gouézec.
-Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Venec, Queméneven.
-Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Quillidoaré, Cast.
-Notre-Dame de Kergoat, chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéménéven.
-Notre-Dame de Tréguron, église Saint-Germain, Kerlaz.
-Notre-Dame de Kerluan, chapelle Notre-Dame de Kerluan, Chateaulin.
-Notre-Dame de Lannelec, chapelle de Lannelec, Pleyben.
-Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Bonne-Nouvelle, Locronan.
-Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Denis, Seznec, Plogonnec.
auxquelles j'ajoute deux vierges allaitantes plus petites, celle de la fontaine de Tréguron à Gouezec et celle conservée dans l'ossuaire de Pleyben, ce qui ferait un total de 11 statues.
Notre-Dame de Tréguron, chapelle de Tréguron, Gouézec:
Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges.
Vierge allaitante Mamm al leiz de la fontaine de Tréguron :
Notre-Dame de Tréguron, Chapelle Saint-Venec, Briec.
Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec. Notre-Dame de Tréguron et les autres statues.
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Quillidoaré, Cast :
Vierges allaitantes III : Chapelle de Quillidoaré à Cast, la Vierge..
Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéménéven:
Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la Vierge.
Notre-Dame de Tréguron, église Saint-Germain, Kerlaz :
Vierges allaitantes IV : Kerlaz, la Vierge.
Chapelle de Kerluan, Chateaulin :
Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin : la Vierge ressuscitée
Notre-Dame de Lannelec, chapelle de Lannelec, Pleyben
Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.
Vierge enterrée de l'ossuaire de Pleyben :
Photo Henri Moreau sur Wikipédia
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Bonne-Nouvelle, Locronan. Sans date.
Vierges allaitantes IX : Chapelle de Bonne-Nouvelle à Locronan.
Notre-Dame de Tréguron (?), chapelle Saint-Denis à Seznec, Plogonnec. sans date, niche de 1682.
On peut y ajouter, dans le même périmètre, la sculpture en ronde-bosse de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal ; mais nous sortons alors de notre sujet.
De même on trouve dans le Léon à Plougoulm, et n'appartenant pas au groupe précédent, cette statue:
Ou bien encore, je peux citer aussi la Vierge ouvrante de N.D du Mur en l'église Saint-Matthieu à Morlaix, ou la Vierge allaitante de la chapelle Sainte-Marine à Combrit : Chapelle Sainte-Marine à Combrit : la Vierge allaitante et la bannière Le Minor.:
Les photographies précédentes sont la propriété exclusive de lavieb-aile.
Bien-sûr, ces images rappellent immédiatement d'autres, celles de la favorite du roi Charles VII, Agnes Sorel peinte par Jean Fouquet (1420-1480) :
D'après Jean Fouquet, portrait d'Agnes Sorel, château de Loches.
Jean Fouquet, Madone entourée de séraphins et de chérubins, 1452, Musée Royal des Beaux-Arts, Anvers.
Si on cherche à retrouver la forme du corselet lacé s'ouvrant en large V par un soufflet sur le sein ainsi dénudé, on le retrouve, vers 1507 dans les différentes versions de la Sainte Famille de Joos Van Cleve, qui présentent un autre point commun avec nos sculptures, la longue chevelure dénouée : Ce peintre actif à Anvers entre 1511 et 1525 séjourna vers 1530 à la cour de François Ier dont il fit le portrait. Les échanges entre le Finistère, au commerce maritime très actif, et Anvers, sont parfaitement établis.
Joos Van Cleve, Sainte Famille, Metropolitan Museum of Art :
Joos van Cleve, Vierge à l'enfant, v.1528, Fitzwilliam Museum :
Quant à l'association de la longue chevelure, du thème de l'allaitement et de la posture de la main présentant le mamelon entre l'index et le majeur, on le retrouve dans la Vierge à l'écran d'osier de Robert Campin, National Gallery de Londres, 1430.
Le même peintre a aussi représenté une vierge allaitante en position debout dans ce tableau : Vierge debout, (v. 1410), Städelsches Kuntinstitut, Francfort.
En comparaison, un tableau photographié à Sienne à la Pinacothèque ,par Bernardino Fungai (1460-1516) :
Les avatars des allaitantes.
Dans l'imagerie chrétienne, la nudité est assimilée au péché, en lien avec le récit du péché originel en Genèse 3, "les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils en firent des ceintures" (Bible Louis Segond) (Cette feuille de figuier est l'origine de la "feuille de vigne"). Ainsi, dans cette imagerie, l'enfant Jésus ne fut figuré nu qu'à partir de 1400 ; de même, dans la peinture et la statuaire, seul Saint-Sébastien, l'exception qui confirme la règle, était représenté torse nu. Quand au Christ en croix, il est toujours porteur d'un perizonium ou pagne de pureté. Chez la femme, c'est Marie-Madeleine qui autorise la nudité, pour évoquer autant sa nature de pécheresse (repentie) que son statut de "femme des bois" vivant en ascète à Sainte-Baume. Mais dans ce cas, la longue chevelure permet un voilage partiel de la chair:
Gregor Ehrart, Marie-Madeleine, Musée du Louvre, début XVIè : Wikimedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Erhart-madalena.jpg
Sainte Madeleine, Sienne, pinacothèque :
Photographie lavieb-aile :
Sienne, pinacothèque : deux autres exemples (on excusera mes mauvaises images)
De 1400 à 1530, la nudité fut représentée plus librement, et en 1424, Masaccio n'hesita pas à peindre Adam et Éve expulsés de l' Eden dans leur nudité naturelle. (En 1680, Cosme de Médicis en fut offusqué et fit recouvrir les parties honteuses par des foglia di fico.) Le David de Michel-Ange est représenté nu, et le même artiste orne le plafond de la chapelle Sixtine de personnages nus.
En 1530, la décision du Concile de Trente de supprimer des églises les représentations choquantes entraina une reprise des oeuvres d'arts jugées licencieuses : on connaît le fameux "braghettone", surnom de Daniele da Voltera qui fut chargé de dissimuler les parties génitales peintes par son maître Michel-Ange par des "repeints de pudeur".
Témoin de cette ambiguïté qui leur est propre, ces statues de Virgo lactans ont été confrontées à divers traitements visant à atténuer l'effet de leurs charmes, tant en Finistère qu'ailleurs en France. Ainsi, à Combrit, la vierge allaitante de la chapelle Sainte-Marine se trouva pourvue d'un petit voile de pudeur, placé jusqu'en 1980 au pied de la statue pour masquer le sein virginal pendant la messe. De même, à Nancy, Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, une vierge allaitante du XVéme siècle, brisée en 1792, fut restaurée au Concordat en meulant le sein coupable et en sculptant par dessus une tunique, tandis que la tête de Jésus était recollée en la désaxant pour que la bouche ne soit plus dirigée vers le téton...(source :wwww.introibo.fr).
A Fougères, la statue de Notre-Dame des marais fait l'objet d'une vénération intense après avoir été perdue au XIème siècle et retrouvée dans un marais au XIVème siècle.
http://www.soeurs-christredempteur.catholique.fr/Pardon-de-N-D-des-Marais-a
Cette vierge au sein , lorsqu'elle est portée en procession, est habillée d'un grand manteau bleu et blanc très enveloppant.
A Trèguron, selon Annick Le Douget, la statue de la Vierge était drapée jusqu'aux années 1950 afin de cacher "son impudique poitrine".
http://www.cc-paysfouesnantais.fr/var/cc_paysfouesnantais/storage/original/application/phpkPxYwd.pdf
Le même auteur nous révèle que la statue de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle de Quillidoaré à Cast était habillée, ainsi que son enfant, d'un costume breton. Mais comme le bras droit qui présente le sein sur la statue ne s'intégrait pas à la nouvelle posture de sage paysanne endimanchée, un bras postiche avait été ajouté. A la page 7 de Chapelle Notre-Dame de Clohars-Fouesnant : la tradition de l'habillement de la Vierge du Drennec, Annick Le Douget, sd., on en voit la photographie prise en 1939 par Octave-Louis Aubert; et j'ai même l'impression que ce sont les deux bras qui sont factices, afin de les croiser pieusement sur le ventre.
Guy Leclerc, dans Les enclos de Dieu, ed. Gasserot, 1996, p. 26 signale qu'en Bretagne les statuts diocésains prescrivaient que ces statues allaitantes soient enfouies dans les cimetières.
On peut penser que la plupart des neuf statues de vierges allaitantes présentées ici étaient soient voilées, soit habillées, soit cachées dans des niches. Je remarque que le sein de celle de Quillidoaré est peint d'un voile de pudeur (peu visible car de couleur rose, mais qui prend l'allure d'une chemise au niveau du col) semblable à celui, plus visible car de couleur bleue, de la Vierge de Kerlaz : le non-sens de cette couche de peinture bleue constellée d'étoiles d'or alors qu'il recouvre un sein anatomiquement et manifestement nu et dont le mamelon laisse s'écouler trois gouttes de lait, ne choque pas le premier regard tant la consigne de pudeur est intériorisée par le spectateur !
A Seznec, un gilet à rayures jaunes et rouges est peint sur l'organe illicite.
Enfin, on lira l'histoire de la statue de vierge allaitante de Kerluan, qui fut enterrée par le recteur dans l'église sous le lourd socle d'une nouvelle statue tout-à-fait "religieusement-correcte".
Autres vierges allaitantes en Bretagne:
-Chapelle Notre-Dame du Traon, Plouguerneau
-Quimper, vitrail Cathédrale Saint-Corentin http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6985812.html
Combrit, sainte-Marine : http://fr.topic-topos.com/vierge-allaitante-combrit
Dinan : http://ns6899.ovh.net/vierge-allaitante-dinan
Plougoulm (?) http://fr.topic-topos.com/vierge-allaitante-plougoulm
Plouha (22) Chapelle Kermaria an'Iskit : statue de bois peint du XVIè, classée MH 1960, curieusement intitulée "piéta" dans l'article Wikipédia :http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Kermaria_2_Pi%C3%A9t%C3%A0.JPG
Pont-de-Buis les Quimerc'h, sur une croix monumentale :http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=MERIMEEIA29000040
Tonquedec : virgo lactens signalée par Pierre-Yves Castel : chapelle.