Le retable de Notre-Dame-du-Bon-Secours de l' église de La Roche-Maurice (29), provenant de l'église de Pont-Christ.
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Cet article fait suite à celui sur le Moulin de Brezal, et à celui sur les ruines de l'église de Pont-Christ :
- Les crossettes et l'inscription gothique (kersanton, 1533) de l'église de Pont-Christ à La Roche-Maurice.
- Les crossettes et l'inscription gothique du moulin de Brezal (Plounéventer / Pont-Christ).
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La chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours a été fondée en 1533 par le seigneur Guillaume de Brezal et son épouse à Pont-Christ, trève de Ploudiry, il ne reste de celle-ci, depuis l'effondrement de la charpente à la fin du XIXe siècle, que les murs et le clocher. Le retable de la Vierge patronne du sanctuaire a été mis à l'abri dans le chœur de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice, paroisse à laquelle Pont-Christ fut rattaché en 1791.
L'église Saint-Yves vient d'ouvrir à nouveau en avril 2017 après une restauration de la charpente débutée en 2014 : elle forme un magnifique écrin au retable de Notre-Dame, placé à la place d'honneur à gauche du chœur tandis que le retable de saint Yves occupe la partie droite.
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Il s'agit d'une niche en bois, trapézoïdale, au couronnement et à la base assez récente, au fond bleu, et seulement orné de deux demi-colonnes. On lit l'inscription récente NOTRE DAME DE BON SECOURS. La Vierge et son Fils sont placés au centre d'une mandorle de rayons d'or, réalisée par une couronne ovale blanche à frise d'or.
Ces rayons, ainsi que le croissant de lune sur lequel Marie pose ses pieds, font de cette statue une Vierge de l'Apocalypse, selon un courant iconographique très présent en Bretagne au XVIe siècle, notamment sous la forme des retables des Arbres de Jessé et des Vierges à la Démone, dont je me suis attaché à donner de nombreux exemples dans ce blog (onglet "recherche" en haut à droite).
Ici, la Vierge présente au Monde son Fils Sauveur, pieds nus, vêtu d'une tunique, bénissant et tenant l'orbe ou globus cruciger. Elle porte une robe rouge très cintrée à la taille sous une ceinture dorée dont la boucle, l'aiguillon, le passant et le renfort sont soigneusement sculptés. Le haut de la robe sans bretelle est souligné par un galon doré et laisse apparaître une chemise remontant jusqu'au cou, sans col. La robe réapparaît aux manches, légèrement plissées aux avant-bras, serrées aux poignets, et ornées du même galon doré. Deux chaussures noires montrent leur museau, le pied droit se montrant le plus téméraire.
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Retable de Notre-Dame-de-Bon-Secours,bois polychrome, XVIe siècle, église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le manteau.
Le manteau bleu, lui-même doté d'un galon doré, ne couvre que le bas des épaules. Le pan gauche contourne le bras, trace une large cuvette qui dévoile le revers blanc, et revient se fixer sous la taille, sans-doute à la ceinture bien que l'artifice soit caché par le coude droit. On reconnaît là les caractéristiques très habituelles des Vierges de Basse-Bretagne, explorées ici dans mes articles sur les "Vierges allaitantes" et "Vierges à la Démone".
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Le chouchou.
De même, je reconnais ce voile ou bandeau de cheveu que je m'obstine à désigner sous le sobriquet de "chouchou" pour le retrouver plus facilement sur mon moteur de recherche, tant il revient comme un leitmotiv de la sculpture sur bois ou sur pierre du milieu du XVIe siècle : dès 2012, j'avais commencé à lui consacrer un article en recensant les occurrences, puis je me suis contenté d'égrener ce terme onglet dans mes articles.
http://www.lavieb-aile.com/article-vierges-allaitantes-le-bandeau-de-cheveu-101326653.html
Mais ici, le peintre qui a restauré l'œuvre a peint de la même couleur le bandeau (habituellement blanc avec de fines rayures) et la chevelure. C'est un peu dommage, non ? Le rôle de ce morceau d'étoffe est de rassembler les cheveux au niveau de la nuque avant d'en libérer le flot de boucles en nattes sur les épaules.
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Retable de Notre-Dame-de-Bon-Secours,bois polychrome, XVIe siècle, église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le visage.
Il est nettement triangulaire. Les sourcils sont fins car épilés, comme l'est aussi le front selon les canons de l'élégance féminine du temps. Les yeux sont ronds, sans aucune tendance à l'amande. Le nez est long, fin et étroit. La bouche est petite ; quand au menton, avec l'avancée décidée de sa pointe, c'est lui qui donne un peu de caractère à ce visage idéal et presque absent.
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La poire.
On connaît la Vierge à la poire de Dürer (Offizi, 1526), dont la date précède d'assez peu celle de la fondation de la chapelle. J'ai décrit ici la Vierge à la poire de l'Arbre de Jessé de Cléguerec, une Vierge du XVIe siècle à "chouchou" aux pieds posés sur un croissant de lune ...
L'Enfant de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle à Quillidoaré (du XVIe siècle à "chouchou" , ...) tient un fruit qui est peut-être une poire.
Il existe une Vierge à la poire en l'église de Pont-Croix (29) datant du XVe siècle.
Le don de la poire à l'Enfant par Marie peut être vue comme une allégorie du don de soi, tant les qualités de douceur, de suavité, de bonté et de vertu du fruit peuvent s'appliquer à la Mère du Christ. C'est aussi une façon de montrer, dans la grande métaphore chrétienne de l'arbre, et de la Vierge comme médiatrice, un fruit, tout en évitant la pomme, symbole entaché par la notion de péché.
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Retable de Notre-Dame-de-Bon-Secours,bois polychrome, XVIe siècle, église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le culte de Notre-Dame-de-Bon-Secours.
Par contre, je n'ai pu retrouver l'origine du culte de Notre-Dame-de-Bon-Secours . Wikipédia en recense quelques sanctuaires notamment en France (une abbaye, quatre basilique, six églises, huit chapelles) https://fr.wikipedia.org/wiki/Notre-Dame-de-Bon-Secours
... mais il faudrait explorer les graphies Notre-Dame de Bonsecours, de Secours, sans oublier Notre-Dame de Secore mentionnée sur l'inscription de Pont-Christ. Il faudrait découvrir quand la basilique de Guingamp a porté ce nom, ou retrouver la date de fondation des différents sanctuaires, et des pèlerinages qui s'y rapportent, pour comprendre ce qui a motivé le seigneur de Brezal.
Un des éléments probants est la fondation de la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours de Nancy par le duc René II le Lorraine sur les lieux de sa victoire contre Charles le Téméraire en 1477 ; la statue du retable date de 1502. Sous son influence, de nombreuses Vierges de Miséricorde seront sculptées en Lorraine.
Je note la présence d'une Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours édifiée au XVIIème siècle au Conquet (et liée à Dom Michel de Nobletz)
Il faudrait aussi débrouiller les liens entre Notre-Dame-du Bon-Secours et Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle.
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SOURCES ET LIENS.
— ANDRÉ CROGUENNEC :
http://andre.croguennec.pagesperso-orange.fr/eglise-PC.htm
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/ROCHEMAU.pdf
— LA SPREV:
http://www.sprev.org/centre-sprev/la-roche-maurice-eglise-saint-yves/
— Retable de l'église de Notre-Dame-du Bon-Secours, Les Sallelles,Lozère :
https://inventaire-patrimoine-culturel.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/PHOTO005246/v0001.simple.selectedTab=record
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