Le retable de Saint Yves entre le Riche et le Pauvre de l' église Saint-Yves de La Roche-Maurice (29). XVIIe siècle.
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Voir aussi :
a) sur les groupes de Saint Yves entre le Riche et le Pauvre :
La chapelle Saint-Adrien à Plougastel (3) Groupes : Saint Yves, saint Martin et saint Éloi.
L'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault V : Le triptyque de saint Yves entre le Riche et le Pauvre. (XVIIe siècle)
L'enclos paroissial de Saint-Herbot à Plonévez-du-Faou II. La chapelle saint-Yves : ses Niches et son vitrail de saint Yves. (XVIIe siècle)
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b) sur l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice :
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Yves Hélory de Kermartin, né probablement le 17 octobre 1253 au manoir de Kermartin, près de Tréguier , où il est décédé le 19 mai 1303, est un prêtre et official du diocèse de Tréguier, sous le règne de Jean Ier de Bretagne. Il consacra sa vie à la justice et aux pauvres, aussi fut-il canonisé le 19 mai 1347 par le pape Clément VI.
L'église Saint-Yves, qui date du XVIème siècle, a été édifiée à l’emplacement de l’ancienne chapelle castrale, laquelle fut dédiée depuis 1363 à Saint Yves, 16 ans après la canonisation, ce qui en fait le plus ancien édifice mentionné, en Bretagne, comme placée sous son patronage.
En 1363, en effet, dans son testament, Hervé de Léon, fondait deux chapellenies , affectant à cette fondation une somme de cent livres. Il léguait la même somme à l’hôpital Saint-Yves du Bourg-Blanc. Dom H Morice , Mémoires pour servir de preuves à l’Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Paris, 1742, col. 1561-1562.
« item creo et fundo duas perpetuas cappellanias in capella beati Yvonis apud Rochammorvam per duos Capellanos in perpetuum obtinendas quorum electionem prima vice committo probitati & discretioni Domini Hamonis Taule Praesbyteri & ipsis primis duobus Capellanis cedentibus vel decedentibus presentationem futurorum & sequentium Capellanorum dictarum Capellaniarum & jus patronatus ipsarum in futurum michi & meis heredibus retineo & reservo ; collationem vero seu institutionem earumdem ad Dom. Episcopum Leonensem pro tempore pertinere & quemlibet dictorum Capellanorum onero de celebrando pro salute mea & praedecessorum meorum animarum in dicta capella unam Missam qualibet die in perpetuum : ad quorum Capellanorum sustentationem & dictarum Capellaniarum dotationem do, lego & concedo & realiter tradi volo centum libras, videlicet cuilibet ipsorim quinquaginta libras annui & perpetui reditus, levabiles lituandas in patrochis de Sizun, de Trenou & de Plebedin.
"Il est difficile, faute d’attestations, de connaître le nombre d’édifices qui lui furent dédiés dès le XIVe siècle. Si on sait que les Bretons de Paris furent autorisés dès 1348 par l’évêque de la capitale à fonder une confrérie et à bâtir une chapelle en son honneur, on peut penser qu’en Bretagne, on ne fut pas en reste et qu’un certain nombre de lieux de culte furent aussi précocement placés sous sa protection. Nous avons recensé pour le XIVe siècle neuf mentions, dont la moitié proviennent de bulles d’indulgences papales : dans le diocèse de Léon, Le Bourg-Blanc (1363), La Roche-Maurice (1363), Saint-Renan (1388) et Saint-Pol-de-Léon (1387), dans celui de Rennes, Fougères (1380) et Vitré (1369), dans celui de Tréguier, Ploulec’h (1381), dans celui de Quimper, Plobannalec (1372), dans celui de Vannes, Vannes (fin XIVe siècle). La moitié de ces édifices (Bourg-Blanc, Saint-Renan, Saint-Pol-de-Léon, Fougères et Vitré) sont des chapelles d’hôpitaux. " (B. Tanguy).
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L'église actuelle a été construite à partir des années 1520 et jusqu'en 1589 (sablières : vers 1520 et 1559/1561 ; maîtresse vitre : 1539 ; portail ouest 1589) c'est à dire alors que la paroisse dépendait des enfants et petits enfants de Jean II de Rohan : Jacques de Rohan qui meurt en 1527, Anne de Rohan morte en 1529, mais surtout René Ier de Rohan qui meurt en 1552 et René II de Rohan ( de 1550 à 1586).
Saint Yves est aussi honoré par une statue en kersanton au dessus du porche ouest, par l'un des médaillons de l'ossuaire (1640), par une bannière de procession . Une de ses reliques est conservée dans une chasse-reliquaire de la fin du XVe siècle.
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Le retable.
Il occupe le coté droit du chœur ; à gauche, en vis à vis, se trouve le retable de Notre-Dame-du-Bon-Secours, mais seulement depuis le XXe siècle puisque ce dernier provient de l'église de Pont-Christ.
La datation précise du retable n'est pas connue, il serait "du XVIe siècle". Puisqu'il est placé à droite de la maîtresse-vitre, il n'est sans-doute pas antérieur à 1539. Mais la moustache et es détails vestimentaires du Riche peuvent orienter vers une datation au XVIIe siècle.
Il était jadis fermé par des volets et n'était ouvert que lors des fêtes.
Il s'agit d'un groupe à trois personnages selon le sujet bien connu de Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, dans lequel l'artiste doit montrer que le Provincial (juge pour les affaires ecclésiastiques, mais dont les attributions sont larges) prête une oreille attentive au pauvre sans se laisser corrompre par l'argent du riche. Virginie Montarou a pu dénombrer 123 exemples de ce thème, dont 111 en Bretagne (y compris 22 disparus) sur tout support. Parmi ceux-ci, 12 retables sculptés. Ils prédominent au XVIe et XVIIe siècle, non pas en Trégor (saint Yves est né près de Tréguier), mais dans le Léon et la Cornouaille. Sur les 98 groupes bretons conservés, 2 datent de 1400-1499 33 de 1500-1599 38 de 1600-1715 et 25 de 1716-1999.
J'ai présenté dans ce blog le triptyque de l'église de Dinéault (XVIIe) et la niche à volets de Saint-Herbot. On peut aussi citer le retable de la chapelle de Port-Blanc de Penvenan (22), celui d'Irvillac (29), les statues de l'église de Pleyben, etc.
Un coffre en bois, hexagonal, contient les trois statues en ronde-bosse. La notice de l'Inventaire signale une hauteur (des statues ?) de 80 cm.
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Le retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Saint Yves.
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Saint Yves porte sur la tête un bonnet (une barrette ?) rouge à crête médiane, recouvert par un capuchon ou chaperon rouge qui entoure le visage et retombe sur les épaules. Puis vient un surplis blanc frappé d'hermines au dessus d'une cotte, également rouge, qui descend jusqu'aux chaussures de cuir noir. Il tient dans la main droite un rouleau de parchemin (un placet , écrit adressé à une personne détenant le pouvoir pour plaider sa cause). Sa tête est légèrement incliné vers la droite et donc vers le pauvre, son regard est dirigé vers le sol, et il semble en train de réfléchir et de s'entretenir avec son interlocuteur, comme en témoignerait aussi la position de sa main gauche. Le pied droit est en ouverture vers la droite, alors que le pied gauche trace par son axe une sorte de barrage à l'égard du Riche.
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Le retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le Pauvre.
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Le Pauvre ne se contente pas d'être plus petit que les deux autres, ce qui lui impose de lever la tête d'un air benêt, mais il plie le genou gauche en signe de déférence, à moins que cela ne soit le signe du handicap qui lui impose le port d'une méchante canne, un morceau de bois mal écoté. Car sa jambe droite est beaucoup plus courte que l'autre.
Il contraste aussi avec ses voisins par ses cheveux coupés ras, dégageant ainsi ses grandes oreilles.
Il a suspendu les deux grands sacs contenant les pièces justificatives de sa cause à sa ceinture, mais il a appris à ses dépens qu'en matière de justice civile, la validité de ses droits et la quantité des preuves qui les appuient ne valent rien face à l'argent. Il serre son chapeau rond contre son ventre vide.
La différence de statut social s'affiche non seulement par la tenue vestimentaire (une tunique d'épaisse étoffe, des houseaux usés et de pauvres sandales), mais par cette sorte de loi somptuaire qui lui interdit de prétendre aux coûteuses couleurs : il ne se paye que du gris poussière, de l'écru et du brun.
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Le Pauvre, retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le Riche.
Tout le talent du sculpteur est de faire du Riche l'antithèse du Pauvre : il est de grande taille, il garde son chapeau sur sa tête, il affiche un habit vert ourlé d'or et à revers rouge, assorti à son couvre-chef, il porte à sa ceinture une aumônière plus efficace qu'une sacoche de placets, et il tend, argument suprême de son juste droit, une pièce d'or entre pouce et index.
Il est chaussé de souliers noirs sur des bas de soie blancs.
Enfin, sa fine moustache en forme de parenthèse me donne du souci, car elle n'est à la mode que sous Louis XIII, vers 1610 : ce retable serait donc du XVIIe siècle !
Enfin son chapeau est si particulier qu'il devrait nous aider. Les avis seront les bienvenus.
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Le Riche, retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le Riche, retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le coffre et son décor.
Tout le pourtour du coffre est encadré par une frise faite d'un rinceau de vigne avec ses grappes de raisins. Le toit est soutenu par deux lions prenant appui sur une volute.
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Retable de "Saint Yves entre le Riche et le Pauvre" de l' église de La Roche-Maurice. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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SOURCES ET LIENS.
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— MONTAROU (Virginie), 2003, "Saint Yves entre le riche et le pauvre", in Saint Yves et les Bretons, culte, images, mémoire (1303-2003), Presses Universitaires de Rennes
https://books.openedition.org/pur/22412?lang=fr
— MONTAROU (Virginie), 1998, Saint Yves entre le riche et le pauvre. L’évolution de sa représentation iconographique en Bretagne aux xvie et xviie siècles, mémoire de maîtrise, 2 vol., université Rennes 2, 1998.
— BASE PALISSY PM 29000955
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=REF&VALUE_98=PM29000955
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_5=LBASE&VALUE_5=PM29000955
— CASTEL (Yves-Pascal), "Saint Yves et ses statues", in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003) par Jean-Christophe Cassard et Georges Provost © Presses universitaires de Rennes, 2004 page 199-213
http://books.openedition.org/pur/22411?lang=fr
— CHOQUER (Jean-Yves), 2017, L'église de La Roche-Maurice. La traversée de cinq siècles. Histoire d'une restauration 2014-2017. Ed. Roc'h Morvan, 96 pages.
— COUFFON
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/ROCHEMAU.pdf
— INFOBRETAGNE
http://www.infobretagne.com/roche-maurice.htm
— MAIRIE :
http://www.larochemaurice.fr/fr-fr/patrimoine/l-eglise-saint-yves-et-l-enclos-paroissial
— SPREV :
http://www.sprev.org/centre-sprev/la-roche-maurice-eglise-saint-yves/
— TANGUY (Bernard) 2004, "Les lieux de culte à saint Yves", in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003) par Jean-Christophe Cassard et Georges Provost © Presses universitaires de Rennes, 2004 page 125-139
http://books.openedition.org/pur/22404?lang=fr
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