Le calvaire (kersanton, seconde moitié du XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin.
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Voir sur cette église :
—Voir sur Châteaulin :
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Vierges allaitantes VI : Chapelle Notre-Dame de Kerluan à Châteaulin : Les vitraux et les statues.
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La chapelle de Kerluan à Châteaulin : inscriptions et crossette.
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Le calvaire (Roland Doré, 1639) de la chapelle Notre-Dame de Kerluan à Châteaulin.
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Voir sur le calvaire d'Argol :
POURQUOI CE CALVAIRE M'INTÉRESSE-T-IL ?
1. C'est l'un des plus anciens de Basse-Bretagne.
2. Il comporte un motif rare : le Jugement dernier.
3. Un calvaire semblable se trouve devant l'église d'Argol.
4. Il porte une belle inscription qui reste à élucider.
5. Il est en kersantite.
6. Il permet de découvrir l'ancienne chapelle Notre-Dame, dont les plus anciennes parties dateraient du 13e ou 14e siècle et qui porte les dates de 1722 et 1753.
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C'est l'un des plus anciens de Basse-Bretagne.
Après ceux de
- Le Folgoët (kersantite, 1443)
- Rumengol (kersantite, v. 1433-1457)
- Plomodiern (kersantite, v. 1433-1457)
- Pleyben, porte des morts (kersantite, XVe)
- Lesneven, croix du cimetière (kersantite, XVe)
- Coat-Meal, croix de Castel-Huel (kersantite, XVe)
- Scaer, croix du cimetière (granite, 1400)
- Saint-Jean-Trolimon, calvaire monumental de Tronoën, (granite, 1470)
- Quinze calvaires de l'atelier de Tronoën (granite, 1470) à Guengat, Quéménéven, Châteauneuf-du-Faou, Saint-Hernin-Kerbreudeur , Laz, Saint-Goazec, Collorec, Gourin, Guiscriff, Langonnet, Le Moustoir, Plusquellec et Peumerit-Quintin).
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Il comporte un motif rare : le Jugement dernier.
Le Christ ressuscité lève les bras et montre les plaies de ses paumes. Il est assis sur un arc-en-ciel ; ses pieds reposent sur le globe terrestre. À sa gauche, la vierge implore. À sa droite un ange sonne la trompe du Jugement au son de laquelle les morts ressuscitent. Ils sont symbolisés par trois petits personnages nus qui sortent de la terre : deux hommes au centre, une femme à droite.
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Un calvaire semblable se trouve devant l'église d'Argol.
Le calvaire d'Argol résulte dans son état actuel de plusieurs restaurations successives puisqu'il porte les dates de 1593, de 1617, et le blason de Jean Briant abbé de Landevénnec de 1608. à 1632. À son revers, le Christ du Jugement Dernier est assis sur un arc-en-ciel (en forme de trapèze), présentant les paumes de ses mains, les pieds reposant sur la boule terrestre, tandis qu'un ange aptère joue du cor et qu'à sa gauche une femme lève les mains devant la poitrine.
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/Calvaire/8ec861c2-6392-403d-bd43-6de18e724bad
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Il porte une belle inscription qui reste à élucider.
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La banderole qui surmonte le tout porte une inscription qui à ce jour n'est pas totalement déchiffrée : « GARDE... QU'IL FERA SELO(N) SES... JUGERA" (Selon YP Castel, à rapprocher du texte de la banderole du calvaire d'Argol qu'il comprend comme : « Garde qu'il fera, le roy estant jugera », que l'on peut traduire en français moderne : « Prends garde à ce qu'il fera, celui qui est le roi te jugera » ; un rappel aux fidèles catholiques bretons que leur véritable roi n'est pas Henri de Navarre, suspect à leurs yeux, mais le Christ qui les jugera). Le calvaire serait donc contemporain à Henri de Navarre qui abjura le catholicisme en 1576."
Si nous préférons la leçon SELON à celle LEROI, cette hypothèse ne tient pas.
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Il est en kersantite, ou pierre de kersanton, un matériau remarquable par son grain serré, sa teinte gris sombre et sa résistance à l'altération. Elle doit son nom à l'un de ses sites d'extraction en rade de Brest. Les principaux ateliers qui l'ont sculptée étaient installés à Landerneau.
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PRÉSENTATION.
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Au Xeme siècle, les seigneurs de Châteaulin érigèrent un château fort sur la butte dominant de 35 mètres les premiers gués sur l'Aulne et le Hent Haès, le chemin menant de Carhaix à Camaret, dont ils contrôlaient l'accès.
Une impressionnante forteresse de schiste était entourée d'une enceinte de 544 mètres par des murs atteignant 2 mètres d'épaisseur.
L'église Notre-Dame, construite à flanc de coteau sur la face sud-ouest de la butte, doit son origine, comme chapelle seigneuriale, à la construction de ce château fortifié au sommet de la butte et à l'établissement d'une bourgade au lieu-dit Le Vieux-Bourg.
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Sur cette photo satellite, la croix rouge correspond à l'église (cliquez).
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La chapelle fut l'église de Châteaulin jusqu'au début du XVIIIe siècle en concurrence avec l'église prieurale de Saint-Idunet, située sur l'autre rive de l'Aulne, et dépendant du prieuré de Landévennec.
Au XIXe siècle, on pénétrait dans l'enclos après avoir gravi un grand escalier, qui fut détruit pour aménager une route. Il laissait à gauche la porte monumentale, (Pors ar Maro, la Porte des morts) datant — comme le calvaire — de la seconde moitié du XVe siècle. Sa grille ne s'ouvrait que pour laisser passer le convoi funéraire.
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Le calvaire de 6 mètres de haut, placé entre la porte monumentale et le porche sud , date de la seconde moitié du XVe siècle. Le fût à pans, posé sur les trois degrés en granite (le premier à large corniche moulurée) et le socle à griffes feuillagées, porte un croisillon à nœud tronçonique.
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LA FACE OCCIDENTALE.
On y voit la croix des larrons et au centre le crucifix sous un dais et le titulus, la Vierge et Jean.
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Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
Calvaire (kersantite, XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
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LA FACE ORIENTALE : LE JUGEMENT DERNIER.
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Le Christ (cheveux courts, visage imberbe) est torse nu dans le manteau de gloire : c'est le Christ de la Résurrection, qui présente au monde les plaies de ses mains. Il est assis sur un arc-en-ciel , et ses pieds reposent sur le globe terrestre.
À sa gauche, la Vierge, mains croisées, la tête recouverte de son manteau-voile qui forme un large auvent, semble implorer le Sauveur. Elle n'est guère différente des Vierges des calvaires, mais saint Jean est remplacé ici par un ange (sans ailes) qui sonne de la trompe et annonce ainsi le Jugement et la Résurrection des morts.
Trois petits personnages nus se dressent et lèvent leurs bras vers le Ressuscité : deux hommes au centre, une femme à droite.
Il illustre la doctrine exposée par Paul dans la première épître aux Thessaloniciens :
"Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l'ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres qui n'ont point d'espérance.
Car, si nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, croyons aussi que Dieu ramènera par Jésus et avec lui ceux qui sont morts.
Voici, en effet, ce que nous vous déclarons d'après la parole du Seigneur: nous les vivants, restés pour l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont morts.
Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement.
Ensuite, nous les vivants, qui seront restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur.
Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles." (1 Thess 4:13-18)
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Le thème est rare sur nos calvaires, mais il est très répandu en peinture, en enluminure et en sculpture de retable. Je pourrais donc multiplier les exemples, mais en voici cinq, dont deux en Bretagne.
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Sous les lys le texte écrit en blanc : « venite benedicti Patris mei possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi » (venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ")
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Voir également :
sur le site de l'IRHT
Paris, Bibl. Mazarine, 0391 f. 004v
Paris, Bibl. Mazarine, 0870, f. 000A-191 f. 044v
Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, 0246 Cité de Dieu (vers 1475) f. 371v Inscriptions "Surgite mortui. Venite ad judicium""Nolumus vos ignorare de dormientibus""Mortui resurgent et qui in sepulcris erunt suscitabuntur" "Ecce dominus noster omnipotens veniet, et quis sustinebit diem adventus ejus".
et sur le site Mandragore :
- Arsenal 593 [ff. 1-42], fol. 34,
- Arsenal 1186, fol. 170,
- Arsenal 3516, fol. 154v
- Français 19, fol. 190
- Français 179, fol. 236
- Français 403, fol. 40v
- Latin 511, fol. 40v
- Latin 688, fol. 44
- Nouvelle acquisition française 16251, fol. 52
- Nouvelle acquisition latine 3226, fol. 48
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Le texte du phylactère est parfaitement agaçant ; il y a d'abord, il y a surtout ces lichens qui prospèrent ici comme les vrillettes sur un vieux mobilier. L'œuvre n'est-elle pas classée ? N'est-ce pas une relique du passé ? Ne mérite-t-elle pas d'être protégée et restaurée ? Ne mérite-t-elle pas d'être étudiée, afin d'en élucider le message ?
Je compare les photos prises par E. Le Seac'h, celles que j'ai prises en 2012 et celles que j'ai prises en 2019. L'attaque par les lichens s'aggrave d'année en année.
Malgré tout le phylactère est en trois parties. La partie en bas à droite, qui se termine en rouleau serpentin, semble la plus facile; mais elle résiste à ma lecture : MRLT ? MRDT ? Elle n'a pas été incluse dans les lectures des auteurs précédents.
Au dessus, la bande horizontale n'est pas moins aisée. Au dessus de la tête, on peut lire FERATELORE, qui peut être agencé comme FERA SELON (avec un N abrégé).
La partie en bas à gauche résiste également. Ne se termine-t-elle pas par un N ?
Au total, je reprendrai volontiers la leçon de Y.-P. Castel GARDE... QU'IL FERA SELO(N) SES... JUGERA, si les lectures de cet auteur n'avaient jamais été prises à défaut (mais qui, parmi les meilleurs épigraphistes, pourrait avoir cette prétention ?), si il avait indiquer sur un schéma la correspondance avec les trois parties de la banderole, si cette inscription avait un sens, et mieux, si elle renvoyait à un texte contemporain similaire. Ce n'est pas le cas.
En examinant les Jugements derniers des enluminures et autres supports peints, (site Mandragore, site Enluminure de l'IRHT, etc), je ne retrouve aucune inscription ressemblant à celle-ci.
On attendrait plutôt SURGITE MORTUI/ VENITE AD JUDICUM.
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Les saints personnages.
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Les morts sortant de leur tombeau.
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LES INSCRIPTIONS ET ÉLÉMENTS REMARQUABLES DE L'EXTÉRIEUR DE L'ÉGLISE.
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Le porche méridional porte une inscription dont la première partie se trouve à gauche du gable :
"CE. TEMPLE. QVA/SI. RVINE. E. RED/
[RESSÉ] LAN. 1720."
"Ce temple quasi ruiné est redressé l'an 1720" (date d'une restauration).
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Du coté droit du gable :
LESRIJ :
IAMET. F.
En 1720, il doit s'agir de Louis JAMET (ca 1695-1760), fils de Guillaume (1672-1705), lui-même fils de Louis, un marchand poillier né à Saint-Fleury-sur Coutances (à l'ouest de Villedieu-les-Poêles, grand centre dinandier) et venu s'établir à Châteaulin où il épousa le 10 janvier 1763 Gabrielle LE VILLAIN. Ce grand-père est décédé le 10 octobre 1665 ; il s'est marié et fut inhumé à Saint-Idunet.
Louis JAMET, le petit-fils du marchand de poêle, fut inhumé au cimetière Notre-Dame : il appartenait donc bien à cette paroisse. Il épousa le 24 février 1721 Yvonne SALAUN.
https://gw.geneanet.org/jmignon2?lang=fr&p=louis&n=jamet&oc=1
Bien que la ligne supérieure LESRIJ: ne soit pas facile à comprendre, la proximité de la date de ce mariage avec celle de sa fonction de fabricien plaide en faveur de cette hypothèse.
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La face sud de la tour du clocher.
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MRE JEANLECARRER (*)
ME ALLAIN SANQVER
FAB LAN 17-3
(*) fleur de lys
Pour Couffon : "Mre IEAN LE CARRE. R/Me ALLAIN SANQVER/FAB. LAN. 1753".
Soit "Messire Jean Le CARRE recteur, Maître Alain Sanquer fabricien l'an 1753".
Jean Le Carré est donné comme recteur de Châteaulin de 1757 à 1761.
Pour le fabricien, je suggère Alain Le SANQUER, cultivateur Kergudon 1708-1774
https://gw.geneanet.org/charlieu?n=le+sanquer&oc=&p=alain
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Le clocheton à dôme et ses masques.
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Les cloches.
Elles portent les inscription :
LES SOINS DE MM LES [TRESORIERS
IN : DURAND CURE DU REST
JEAN FONDEUR A QUIMPER
PAULINE-HENRIETTE
APPARTENANT A LA FABRIQUE DE CHATEAULIN
EN 1885 PAR VIEL-TETREL ---
ET
NOMMEE
PAR MR HENRI GASSIS
ET MME PAULINE COTTES.
Henri GASSIS (1868-1929) était avoué licencié à Châteaulin, directeur du Crédit-Agricole du Finistère, fils d'Armand-Gabriel-Marie Gassis, architecte et maire de Châteaulin, époux de Marie-Louise-Amélie DOUGUEDROIT
https://gw.geneanet.org/alaing44?n=gassis&oc=&p=henri+joseph+marie
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), PEYRON (Paul), 1905, "[Notices sur les paroisses] Châteaulin",Bulletin de la commission diocésaine d'histoire et d'archéologie , Quimper, 5e année, 1905, p. 132-144, p. 153-167.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3d4ddc200b55b91a631b1dee087ef917.pdf
— CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas de croix et calvaires du Finistère.
http://croix.du-finistere.org/commune/chateaulin.html
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Paroisse de Châteaulin, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eda670fb19cd2344536c61242ae144f6.pdf
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— VILLE DE CHÂTEAULIN. "La chapelle Notre-Dame"
— WIKIPEDIA
"Taillé dans la pierre noire de Kersanton, le calvaire une œuvre curieuse et rare. Sur la face ouest, le Christ en croix est entouré de saint Jean et de la Vierge. De part et d’autre, les deux larrons en croix complètent la scène.
La face exposée à l’est est plus étonnante. La scène représentée est le jugement dernier. Le Dieu du jugement lève les bras dans un signe d’apaisement. Il est assis sur un arc-en-ciel qui sort d’un nuage ; ses pieds reposent sur une boule qui représente le Monde. À sa gauche, la vierge implore. À sa droite un ange sonne la trompette du jugement au son de laquelle les morts ressuscitent. Ils sont symbolisés par trois petits personnages nus qui sortent de la terre. Deux hommes au centre, une femme à droite. La banderole qui surmonte le tout porte une inscription qui à ce jour n'est pas totalement déchiffrée : « GARDE... QU'IL FERA SELO(N) SES... JUGERA" (Selon YP Castel, à rapprocher au texte de la banderole du calvaire d'Argol : « Garde qu'il fera, le roy estant jugera », que l'on peut traduire en français moderne : « Prends garde à ce qu'il fera, celui qui est le roi te jugera » ; un rappel aux fidèles catholiques bretons que leur véritable roi n'est pas Henri de Navarre, suspect à leurs yeux, mais le Christ qui les jugera). Le calvaire serait donc contemporain à Henri de Navarre qui abjura le catholicisme en 1576."
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