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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 21:24

Le calvaire (1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec.

Voir sur cette chapelle :

La Vierge à la Démone de la chapelle de Locmaria-Lannn à Plabennec.

 

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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DESCRIPTION.

La chapelle est située au nord de Plabennec, et juste au sud du manoir du Rest et de son moulin, sur une éminence (altitude 60 m.) entre l'Aber-Benoit au sud et un affluent au nord.

Le calvaire, en kersantite, haut de 6 mètres, forme un ensemble monumental intégré  avec l’entrée du placître. Sur un haut massif en pierre de taille, à banc d'offrande, avec quatre degrés à l’arrière est érigé un fût à pans  débutant par un socle à griffes. Un bénitier de l'entrée à droite de l'escalier porte l'inscription Y .MINGAM : en belles lettres gothiques. Ce patronyme est attesté à Plabennec depuis le XVIIe siècle (a priori à défaut d'archives antérieures).

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Photo lavieb-aile

 

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C'est un calvaire à deux croisillons  mais qui n'est plus orienté, ce qui témoigne d'une restructuration, voire d'un déplacement. En effet, le crucifix n'est pas tourné vers l'ouest, mais vers le sud, en fait vers  la route donnant accès au site.

Le premier croisillon accueille les statues géminées de Jean/Pierre et de Marie-Madeleine/Barbe, tandis que le nœud est occupé par des blasons martelés. Deux anges sont placés aux extrémités et présentent des écus muets.

Un peu plus haut, en étage intermédiaire,  un culot tulipé sert d'appui à deux consoles rectangulaires où se tient   au sud  une Vierge de Pitié et au nord  un Christ aux liens.

Sur le second croisillon, le crucifix et les deux larrons sur leur fût sont tournés vers le sud, avec deux blasons intacts aux nœuds, des anges aux extrémités, et une face nord délaissée.

Au-dessus du titulus, les macles des Rohan choquent chacun par l' affirmation de leurs droits — ici déplacée— sur tout édifice de leur vicomté.

Le fût comporte deux inscriptions de style différent, et c'est par leur étude que je débuterai.
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I. LES INSCRIPTIONS.

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1. Inscription datée 1527.

Elle est inscrite sur un cartouche imitant un parchemin aux bords enroulés sur le tiers supérieur du fût et dit :

CESTE . CROIX . FAISTE . PAR

MAISTRE . [nom bûché soigneusement]

LAN . MIL . VCXXVII .

Cette formule "Cette croix (a été) faite par maître" annonce a priori le nom du sculpteur. Or, il est très rare au XVIe siècle que celui-ci soit mentionné. On trouve plus souvent le nom du commanditaire (généralement le fabricien) avec la formule "m'a fait faire". Mais sur la statue de sainte Apolline du porche de Pencran, la formulation "Cest ymage fut faicte et ceste chapelle" précède les noms d'un prêtre et de deux fabriciens suivie de la date de 1555.

Le Catalogue raisonné des ateliers de sculpture de Basse-Bretagne de Emmanuelle Le Seac'h permet l'étude regroupée des inscriptions de la  sculpture monumentale religieuse en Basse-Bretagne.

On trouve sur un bénitier de la chapelle Saint-Guévroc à Tréflez en 1545 "Bastien Prigent ma faite 1545."

La première signature de calvaire apparaît en 1554 sur le calvaire de Plougonven avec la mention "Bastien et Henry Prigent estoiet ymageurs 1554".

Au XVIIe siècle, Roland Doré inscrivit son nom sur le calvaire de Commana en 1624 (R. Doré m'a fait) ou sur une croix de Hanvec en 1627, sur les fonts de Plouédern en 1641, etc.

Cette rareté de la pratique de signatures au XVIe siècle, liée au statut  des ymageurs, doit inciter à la plus grande prudence. Un auteur comme René Couffon n'en témoigna souvent pas.

 

Si, avec Y.-P. Castel, nous postulons malgré tout que c'est bien un sculpteur qui venait après le titre de maître, nous pouvons y voir "une querelle de paternité entre artistes pas si anonymes qu’on ne le suppose souvent". [...] Ce monument portant une signature récusée qui a été "huchée", CESTE CROIX FA/STE PAR MAITRE ... , on suppose que le véritable sculpteur est S. COETDELEV dont on voit le nom au revers du fût. (Y.-P. Castel 1980).

Pour ma part, je présume plutôt qu'une querelle de prééminences, querelles dont les archives témoignent abondamment à propos des armoiries de vitraux.

Quoiqu'il en soit, le chronogramme 1527 ne prête pas à discussion, et fonde clairement la datation de ce fût. C'est précisément à cette date que débuta à Landerneau l'atelier de taille de kersanton de Bastien et Henry Prigent (1527-1577) dans un style bien différent.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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2. Inscription nominative S. Coetdeleu.

Nous lisons dans un cartouche très simple, en lettres gothiques taillées en réserve (et non en bas-relief comme la précédente) :

S. COETDELEV.

Je l'ai dit, Yves-Pascal Castel y a vu le nom d'un sculpteur.

 

"Les calvaires bretons n'ayant pu naître de génération spontanée, il faudra bien y voir des oeuvres sorties d'ateliers. Et qui dit atelier dit direction magistrale, programmes concertés, modèles définis, transmission de traditions tout autant qu'ouverture aux courants contemporains. En deçà des envolées lyriques pour qui l'art des tailleurs de pierre serait d'autant plus émouvant qu'il serait anonyme, au-delà des paresses intellectuelles qui se refusent à donner un visage aux créateurs d'un art qui continue de fasciner, il y a place au repérage d'artistes aux noms connus, et dont les autres pourront être classés sous le nom de "Maîtres de ... ". Dans cette recherche, l'observation patiente des styles et des apparentements palliera le silence désespérant des sources archivistiques. De l'atelier médiéval de Dinan, repéré vers 1350, à celui de Roland Doré, actif autour de 1630, trois siècles d'une grande sculpture étonnamment typée méritent qu'on essaie d'y voir clair. L'on placera les balbutiements d'une investigation relativement neuve sous le patronage de Jean Discalcéat, le saint minime qui avant d'entrer en religion, travailla, vers 1300, à construire des ponts et, est-ce un hasard, a faire des croix [?]. Plus près de nous, on rendra justice au perspicace abbé Jean Feutren qui découvre en 1970, au noeud du calvaire de Plougonven la signature de deux "ymageurs", Bastien et Henry Prigent. On saura aussi gré à Madame Françoise Daniel, d'avoir eu l'audace de monter au Musée municipal de Morlaix, l'exposition de 1988 qui mit en lumière l'oeuvre attachante de Roland Doré et qui, demandée par le Louvre, fut accueillie à Chaillot au Musée des Monuments Français. Certes les artistes qui ont signé leurs oeuvres sont rares. Mais dans l'impossibilité d'épingler des noms qui les authentifieraient à coup sûr, il sera légitime de regrouper sous le nom d'un même maître des oeuvres stylistiquement apparentées : Maître de Tronoën, Maître de Quilinen, Maître de Châteaulin ... Ainsi se constitue une galerie cohérente de sculpteurs non anonymes à laquelle les pages qui suivent, si rapides soient-elles, montrent qu'il n'est pas tout à fait insensé de rêver.

Anonyme, il refusait de l'être S. Coetdeleu, qui grava son nom au revers du calvaire de Locmaria-Lan à Plabennec, alors qu'une main furtive bûchait soigneusement celui d'un probable usurpateur étalé sur le fût : CESTE CROIX FAISTE PAR MAISTRE--- L'AN MIL VCC XXVII. Protestation de l'individu conscient de sa valeur ? On est en 1527, aux heures où l'artiste de la Renaissance réclame d'être reconnu en tant que tel »" (Y.-P. Castel)

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L'abbé Castel a fait entrer dans son Dictionnaire des artistes, artisans (1987), et en a rapproché le style de celui du calvaire de Lesquelen (Plabennec), dont il ne reste que le fût et les anges du croisillon, et une statue de La Roche-Maurice.

E. Le Seac'h a repris ces attribution et a décrit "S. Coetdeleu" comme l'un des petits sculpteurs paroissiaux de la Renaissance Bretonne (1511-1589)".

Pourtant, Michel de Mauny (Le Pays de Léon, 1977) écrivait que ce nom ne peut être considéré comme le nom de l'auteur du calvaire. C'est également mon avis. 

Personne ne semble s'être avisé que ce nom de Coetdeleu  n'existe sous cette graphie ni sur la base geneanet, ni dans le Dictionnaire des noms de famille d'A. Deshayes, ni ailleurs, que ce soit comme anthroponyme ou comme toponyme. C'est un hapax, un unicum.

 

Il faut mettre à mon sens ce nom  en relation avec celui de Sébastien COETELLEAU, qui, selon les archives de la chapelle, établit par testament du 20 juin 1410 une messe à note le jour de l'Ascension à Locmaria. Une messe chantée suppose quelques moyens, et a priori une noblesse d'extraction. Je rapproche ce nom de celui des seigneurs de COETELEZ, titre d'Hervé (1411) puis de Thomas du Chatel ? Le manoir de Coetelez (Coëtelez, Coatelez)   se trouve au Drennec,  paroisse de Plabennec.  On connaît Guillaume de Coetelez ca 1446 puis son fils Jean ca 1471-1494. Le rameau des Coetelez s'est fondu dans LE NY  (François Le Ny de Coatelez en 1503, Jean Le Ny de Coetelès). Les graphies sont variables.

Le toponyme (et site du manoir) est indiqué Coatelez sur la carte de Cassini, Coadélès (avec un D) sur la carte de 1820-1860, et Coat Elez sur la carte IGN. On notera la proximité des lieux ; la chapelle est située entre Plabennec et Le Drennec

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53095250j/f1.item.zoom

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Mais on trouve aussi au XVIIe siècle les mentions des  patronymes COETELEAU, COATELEAU, CATELLEAU, COATHELEAU notamment dans cet échange du forum CGF concernant une famille du Drennec :

http://www.cgf-forum.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=29428

La base Geneanet est renseignée pour COATELEAU, Le Drennec, à partir de 1570.

 

Notons aussi que la Croas ar Priol de Kerfergar, Plabennec, porte l'inscription M HERVE COET DE - - AVR FIT FAIRE CETTE CROIX 1584. RESPICE FINEM.

En résumé, nous ne pouvons valider l'hypothèse d'Y.P. Castel de voir en S. COETDELEU la signature d'un sculpteur et nous préférerons y voir la marque d'un donateur ou commanditaire, sans doute d'une famille du Drennec.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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II. HÉRALDIQUE.

 

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1. Armoiries des Rohan à neuf macles en sommité au dessus du titulus INRI (en lettres gothiques à fûts perlées aux enjambements bifides.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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2. Écartelé  Lesquelen-Carman.

Nœud du croisillon supérieur, face principale (sud).

Je noterai le blasonnement des pièces avec leurs émaux. En 1 et 4, d'azur à la tour d'argent portée par une roue de même (famille de Lesquelen). En 2 et 3 d'or au lion d'azur  (famille de Carman.

Note : le nom Carman est une forme du nom plus ancien Kermavan.  Le château fortifié de Kermavan (Kermarvan) ou Carman, est implanté au lieu-dit Kermaguam (Kervaon en breton) sur la rive droite de l'Aber Wrac'h,à Kernilis.  En 1409, Aliette de Quelen, dame du Vieux-Chastel, épouse Tanguy de Kermarvan, originaire du château de Kermarvan en Kernilis ; désormais propriété de la famille de Kermarvan, le château de Lesquelen en Plabennec prend progressivement le nom de Kermarvan (ou Kermavan), nom qui se transforme au xvie siècle en Kerman et au xviie siècle en Carman. (M. Mauguin) .Les armoiries de la famille de Carman sont représentées sur un vitrail de la chapelle de Saint-Jean-Balanant à Plouvien et sur leur tombeau de l'église de Plounévez-Lochrist.

 

 

-C'est en 1409 qu'Aliette de Quelen dame du Vieux-Chastel épousa Tanguy de Kermavan sieur de Kermavan 1453, chambellan du Duc Jean V, capitaine de Brest en 1423. Les enfants de Tanguy et d'Aliette de Quelen prendront  les armes de Lesquelen et de Kermavan.

-Leur fils : Tanguy II de Kermavan, épousa  Marguerite du Chastel ; il est fait prisonnier à Saint Aubin de Cormier en 1488.

https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=tanguy&n=de+kermavan&oc=3

-Leur fils : Tanguy III de Kermavan, épouse en 1510 Louise de la Forêt.

-Leur fils : Tanguy IV de Kermavan, épouse Catherine de Rohan-Guéméné (décédée en 1556), mort sans postérité, laissant ses biens à sa sœur Françoise de Kermavan, qui épouse en 1541 Jean de Plusquellec, seigneur de Bruillac, qui abandonne son nom pour relever celui des Kermavan.

https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=tanguy&n=de+kermavan&oc=2 

Les armoiries des Rohan sont peut-être en rapport avec Catherine de Rohan : elles auraient alors été placées postérieurement, ce que pourrait suggérer l'appareillage du sommet du calvaire.

 

 

 

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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Le même blason sur la première arche nord de la chapelle.

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chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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3. Écartelé Carman-La Forest.

Les armoiries précédentes restaient imprécises sur la datation. Celles-ci sont en rapport avec le couple Tanguy III de Kermavan / Louise de la Forêt dont le mariage date de 1510  ; Louise de la Forêt est morte en 1551. Elles sont donc cohérentes avec la datation du fût en 1527.

Voir les armoiries de La Forest, seigneur d'Armaillé : d'argent, au chef de sable : "Les généalogistes n'ont pas manqué de chercher à rattacher la famille de la Forest d'Armaillé à une famille de la Forest, éteinte au XVIème siècle, qui portait exactement les mêmes armoiries et qui appartenait à la noblesse du diocèse de Vannes, en Bretagne. Cette famille avait pour nom primitif celui de Grignon. Henri Grignon, Sgr de la Forest, en la paroisse de Languidic, rendit hommage au vicomte de Rohan en 1396. Sa descendance figura de 1427 à 1536 aux réformations et montres de la noblesse du diocèse de Vannes et s'éteignit avec Louise de la Forest, décédée en 1544, qui avait épousé Tanneguy de Kermavan."

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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Le calvaire à double croisillon.

"Au cours du XVIe siècle, l'audace des sculpteurs de petits calvaires ne cesse de grandir. Multipliant les prouesses techniques ils font porter au même fût, non plus un, mais deux croisillons. S'y placent les larrons, s'y juchent les saints, s'y campent de robustes cavaliers aussi fiers que ceux des Crucifixions aux vitraux des églises. Merveilles d'équilibre à Locmaria-Lan de Plabennec, à L'Hôpital-Camfrout, à Quimerch, à Locmélar, à Loqueffret ... Aux calmes heures vespérales, lecture directe abolie, les contours précis de ces portiques à étages se découpent en beaux contre jours. Pour vaincre les lois de la pesanteur, les tailleurs de pierre savent le secret d'assemblages destinés à affronter les gels et les tempêtes. Ils coulent le soufre fondu dans le trou sur le flanc taluté des noeuds. Pour être pleinement efficaces ils laissent aux liaisons de l'' élasticité." (Y.P. Castel)

Au  schéma adopté ici, avec le Christ entre les deux larrons, succédera pour l'atelier des Prigent celui du Christ entre les deux cavaliers, tandis que le tandem Pietà/Christ aux liens sera largement repris.

http://www.lavieb-aile.com/2020/04/sortir-d-une-epidemie-le-calvaire-de-plougastel.iii.html

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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Le croisillon supérieur : le Crucifié entre les deux larrons.

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"Le Crucifié a le visage ridé d'un vieillard édenté, un sourire satisfait aux lèvres. Les deux larrons, installés chacun sur une croix en tau ont le corps dans des positions identiques. Le bon larron a un visage inexpressif tandis que son compagnon porte une moustache.La console du coté du mauvais larron est formé d'un démon aptère. La forme des ailes triangulaires des anges est une marque stylistique de S. Coëtd que l'on retrouve sur le calvaire de Lesquelen" (Le Seac'h)

 

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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On remarquera facilement les pagnes aux formes généreuses, serrées par un lacet noué en rosette. Les thorax sont dilatés par cette forme de supplice où les jambes sont privées de l'appui qui permettrait de respirer. Elles sont d'autant plus privées de cet appui que les soldats les ont brisées, ce qui explique leur flexion orthogonale. 

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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C'est la première fois que je rencontre ce détail du mauvais larron dont l'absence de foi est exprimée par un bandeau sur les yeux. Il serait intéressant d'en trouver d'autres exemples.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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Le croisillon inférieur.

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1. Saint Jean.

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Le plus souvent, nous trouvons au pied de la croix la Vierge à gauche et saint Jean l'évangéliste à droite.

Saint Jean est bien présent ici, avec la main sur la poitrine, l'autre main retenant le pan du manteau. La tête est inclinée en signe d'affliction.

Les caractères stylistiques de ce sculpteur peu commun apparaissent clairement avec des sourcils épais, les pommettes saillantes, les sillons naso-géniens accentués, la petite bouche en arc concave. Les cheveux (comme ceux de saint Pierre qui se voient à l'arrière) sont formés d'épaisses mèches en boucles,régulièrement  striées.

Les yeux sont très reconnaissables , ils seront plus caractéristiques encore sur les autres statues.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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2. Sainte Marie-Madeleine portant le flacon d'aromates.

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Autant les visage de saint Jean et de saint Pierre sont expressionnistes, aux personnalités accentuées, autant ceux des deux saintes sont d'un ovale très pur, un front large contrastant avec un étage inférieur triangulaire et étroit, dans une recherche de se conformer à l'idéal de beauté féminine de l'époque. Les pommettes restent néanmoins saillantes.

Venons-en aux yeux. Ils sont comme enfouis sous des paupières dépourvus de plis ; on sait que l'absence de pli palpébral est la caractéristique des yeux asiatiques, conférant au visage un aspect lisse peu expressif que les jeunes femmes japonaises chinoises ou coréennes corrigent par une intervention de chirurgie plastique sur la paupière supérieure. Ici, la paupière supérieure n'est pas plissée à l'européenne, mais encore la ligne supérieure de l'œil est presque droite et horizontale, tandis que la ligne inférieure est en arc de cercle. Les deux lignes forment un coin de l'œil très pointu.

On pourrait résumer cela en disant que la caractéristique des yeux de ce sculpteur est une paupière supérieure très large : ce sera encore plus le cas pour la Vierge de pitié.

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Sainte Marie-Madeleine est souvent figurée par les peintres et sculpteurs du XVIe siècle comme un parangon de beauté, avec un front épilé et donc large, une chevelure souple et longue, et une élégance vestimentaire affirmée. Ici, la sainte porte une robe serrées par une ceinture, avec un corsage ajusté et une jupe plissée. Les manches rapportées sont bouffantes. Le manteau, ou cape, est tenue par un fermail fait d'anneaux de chaîne tenus par deux boucles plus travaillées.

On profite de ce cliché pour voir la chevelure de sainte Barbe, qui atteint les reins.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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On ne s'étonnera pas de trouver au pied de la croix de ce calvaire Marie-Madeleine, puisqu'elle y est omniprésente au XVIe siècle, le plus souvent agenouillée et les mains tordues par le chagrin, sur toutes les enluminures, les peintures et les vitraux de la Passion.

Et on ne commettra pas l'erreur pourtant commune de qualifier son attribut de "flacon de parfum", par contamination avec le parfum versé sur les pieds du Christ par Marie de Béthanie ou par la femme chez Simon le pharisien.

Dans le contexte de la Passion, il s'agit bien du vase contenant les "aromates" nécessaires à l'ensevelissement et à l'embaumement du Christ par Marie de Magdala, celle qui est présente à la Déposition, puis qui se rend au Tombeau.

Marie de Magdala, devenue par amalgame Marie-Madeleine, est, après la Vierge éplorée, le personnage premier de la Passion. Or, c'est dans l'évangile de Jean qu'elle est présentée d'abord sur le Golgotha (Jn 19:25) puis comme le premier témoin de la Résurrection, en Jean 20 . La signification de sa présence sur ce calvaire est donnée par la représentation de Jean l'évangéliste à droite, comme une citation.

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Elle est, par ce rôle dans la Mort et la Résurrection, LE personnage emblématique non seulement de la Passion, mais aussi de la pensée chrétienne sur la mort en Bretagne à la Renaissance. Or, le personnage auquel elle est adossée et accouplée est sainte Barbe, dont le principal motif d'invocation est la protection contre la mort subite, foudroyante, sans le secours des Sacrements.

Marie-Madeleine est la sainte non seulement liée à la mort, mais aussi aux soins donnés aux mourants et aux indigents, si bien que tous les lieux-dits "La Madeleine" correspondent à des lieux de réclusion des lépreux et autres contagieux.

Je me suis demandé si cette présence se justifiait par l'existence d'une chapelle ou d'un site éponyme, sans résultat. Puis, si cette date de 1527 correspondait à un contexte d'épidémie. La réponse ne peut être précise.

Il nous reste à constater la cohérence du programme iconographique autour du double thème de l'affliction de la Mort , et du Soin.

 

 

 

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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3. La Vierge de Pitié.

 

"La Pietà à deux personnages repose sur une console moulurée Renaissance. La Vierge tient son Fils dans ses bras, la main reposant sous la nuque. Son voile, qui forme des plis en serviette sur le coté, est agrémenté d'une séparation au milieu de la tête." (Le Seac'h) .

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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La Vierge a la tête inclinée vers la droite et tournée vers la gauche : elle ne regarde pas son Fils, et son visage inexpressif témoigne de l'anéantissement psychique du deuil. Ce visage est caricatural, avec les pommettes saillantes, les paupières supérieures en rideau dissimulant presque les yeux réduits à un croissant, et la couche minuscule.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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La face nord : saint Pierre et sainte Barbe. Le Christ aux liens.

 

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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1. Le Christ aux liens.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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2. Sainte Barbe.

Elle est accompagnée de ses attributs, la palme de martyre et la tour à trois fenêtres (ici, à trois étages) témoignant de son attachement au dogme trinitaire. Elle est habillée en princesse, avec les privilèges dues à ce rang, le surcot ouvert, largement doublé de fourrure,  brodé et doté de pierreries, la robe à manches larges et plissées,  le manteau  dont elle retient le pan de la main gauche, et la chaîne en guise de collier. Ses cheveux longs sont retenus par une couronne de grosses perles. Les chaussures sont à bouts ronds.

On sait que son culte est très répandu, notamment par les femmes des familles nobles, et que dans les livres d'Heures, elle est aussi invoquée que sainte Catherine et sainte Marguerite.

Les deux faces de la statue géminée rivalisent de finesse dans les détails et de raffinement. 

On les comparera à la statue en kersanton de sainte Catherine ornant le portait ouest de Rumengol :

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Sainte Catherine. Façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rumengol. Photographie lavieb-aile.

 

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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Détail de la tour : la porte, ses gonds et son loquet  (face sud).

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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3. Saint Pierre et sa clef.

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Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire (kersantite, 1527) de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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LES STATUES ADJACENTES :

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1. Saint Eloi en évêque, avec les emblèmes professionnels des maréchaux-ferrants. Blason martelé .

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Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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2. Saint Fiacre en coule monastique, son livre  et sa bêche.

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Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de la chapelle de Locmaria-Lann à Plabennec. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère.

http://croix.du-finistere.org/commune/plabennec.html

massif, quatre degrés à l’arrière. Socle à pans. Fût de même: CESTE CROIX FAISTE PAR MAISTRE [nom bûché soigneusement] LAN MILVCXXVII au revers du fût: S. COETDELEV.

Premier croisillon aux anges tenant des écus, statues géminées: Jean-Pierre, Madeleine-Barbe, au milieu Vierge de Pitié, Christ lié. Second croisillon, fût des larrons, écus au centre sur face et revers. Croix de section octogonale, crucifix, au-dessus du titulus, macles des Rohan. (Oeuvre intéressante par le fait que le nom du maître sculpteur a été supprimé, témoignant d’une querelle de paternité entre artistes pas si anonymes qu’on ne le suppose souvent. [YPC 1980]

CASTEL (Yves-Pascal), La grande Pietà de Yvon Fichaut à Laz , 1527.

http://piquetjm.free.fr/Pieta.PDF

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988,   Diocèse de Quimper et Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988, p. 232-233.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/929d131ccf0e85c0f4d63b4794d6d5e9.pdf

 

— PÉRENNÈS (Henri), 1938, « Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et de Léon. Plabennec », Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, 1938, p. 175-179, 193-199.

— LE GUENNEC (Louis), 1981, Le Finistère monumental, t. II, Brest et sa région, Quimper, 1981, p. 324, 327-330.

— MAUGUIN (Michel) Loc-Maria-Lann en Plabennec

http://michel.mauguin.pagesperso-orange.fr/sonj/loc_mari.htm

— MAUGUIN (Michel), Histoire de Lez-kellen

http://michel.mauguin.pagesperso-orange.fr/sonj/Lezhisto.htm

— PEYRON (chanoine), 1905,  Bull. SAF

https://societe-archeologique.du-finistere.org/bulletin_article/saf1905_0253_0272.html

— DANIEL (Tanguy), chapelle de Locmaria à Plabennec

https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/chapelle-de-locmaria-a-plabennec

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Published by jean-yves cordier - dans Calvaires

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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