Les vitraux de l'église de La Guerche-de-Bretagne : la baie 12 du Jugement dernier (1er quart du XVe, 1537 et XVIIe).
.
Sur l'ancienne collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne, voir :
.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE : voir baie n°14.
.
La baie 12 éclaire le bas-coté sud en son milieu. Elle mesure 4,20 m de haut et 2,10 m de large ; C'est une verrière composite en une seule lancette, réunissant autour du Jugement dernier daté par inscription de 1537 des fragments divers et un soubassement héraldique des Cossé-Brissac de deux époques, le milieu du XVIe et le XVIIe.
Les vitraux d'origine ont été fortement remaniés, certains ayant été recomposés à diverses reprises. Leur mutilation par les huguenots en 1563 entraîna des réparations auxquelles contribuèrent les Cossé-Brissac.
Le montage du XIXe siècle a été modifié par Tournel entre 1915 et 1928 car des photographies antérieures nous montrent les panneaux accompagnés de vitreries géométriques colorées.
Les restaurations les plus récentes ont été pratiquées en 1998 par Michaël Messonnet et en 1999 par Antoine Le Bihan.
.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
.
.
.
LA PARTIE SUPÉRIEURE : JUGEMENT DERNIER ET FRAGMENTS.
.
Au centre, le Christ-Juge drapé dans le manteau rouge de la Résurrection et tenant le glaive en main droite et une palme en main gauche est assis sur un arc en ciel sur un fond de ciel jaune d'or. Il regarde vers le bas, où, sous des nuées, saint Michel psychopompe procède à la pesée des âmes dont deux anges buccinateurs annoncent le jugement.
De part et d'autre, la Vierge et Jean-Baptiste, les mains jointes, intercèdent pour les humains.
La partie inférieure de cet ensemble réunit, à gauche, la tête violette du Léviathan s'apprêtant à dévorer ceux qui seront condamnés à être damnés (les démons sont selon le Corpus, du XXe siècle). Et, à gauche, la cohorte des élus qui sont en réalité des fragments en réemploi, avec six têtes du XVIe siècle.
On notera deux médaillons de saints personnages, nimbés sur fond rouge.
.
.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
.
.
Les deux pilastres intègrent, dans un décor de rinceaux et candélabres de la première Renaissance, deux cartouches dont l'un porte la date de 1915 (restauration par l'atelier Tournel) et l'autre celle de 1537.
Cette précision est précieuse, elle renvoie à la date de 1536 inscrite sur un cartouche de la baie n°8, mais aussi de la date de 1537 portée sur l'Arbre de Jessé de Notre-Dame-du-Touchet, dont la baie 14 porte les fragments d'un doublon .
Vers 1520,Charles IV d'Alençon avait fait agrandir la nef, élever le bas-coté sud de la collégiale de La Guerche, et commandité sans doute les stalles du chapitre.
Mais en 1537, les seigneurs de la Guerche sont ses héritiers les marquis de Montferrat Frédéric II de Mantoue et Marguerite de Montferrat (cf. infra) . La commande des vitraux a pu dépendre du doyen du chapitre de la collégiale.
On se rappellera aussi que la maîtresse-vitre de Champeaux date de 1539-1541.
.
Baie 12 (Jugement dernier, 1537), collégiale Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile août 2020.
.
.
LE SOUBASSEMENT HÉRALDIQUE.
.
.
.
Les armoiries de Charles et Charlotte de Cossé-Brissac (1562-1563) de chaque coté.
.
1. L'écu masculin à droite : celui de Charles Ier de Cossé.
Charles Ier de Cossé (1507-1564), comte de Brissac, maréchal de France en 1550 , porte de sable à trois fasces d'or denchées les pointes vers le bas. Les armes sont timbrées d'une couronne et entourées du collier de l'Ordre de Saint-Michel.
Charles Ier de Cossé, comte de Brissac (1505- 31 décembre 1563), est un militaire et aristocrate français du XVIe siècle. Il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1550. Pour le distinguer de son frère cadet Artus de Cossé-Brissac, lui aussi maréchal de France, il est surnommé « Maréchal de Brissac ». Il est né dans la famille angevine de Cossé-Brissac, fils de René de Cossé, seigneur de Brissac et de Cossé en Anjou, grand fauconnier. Nommé lui-même grand fauconnier de France en 1540, il est nommé, en 1542, colonel général des gens de guerre français. Il commande en 1543 toute la cavalerie légère en Piémont, suit la même année le roi en Flandre, bat un corps considérable des impériaux, et prend François d'Este, frère du duc de Ferrare et général de la cavalerie impériale. On l'appelait communément « le beau Brissac ». Il eut la même année la charge de grand panetier. Maréchal de France en 1550, il se rend en Piémont, dont le roi lui donne le gouvernement général . (Wikipédia)
.
.
Pol de Courcy :
Cossé (de) (orig. d'Anjou), sr dudit lieu, — comte, puis duc de Brissac et pair de France en1611, — marquis d'Acigné, paroisse de ce nom, en 1609, — baron de Coëtmen, paroisse de Tréméven, — seigneur de la Guerche, paroisse de ce nom, — de Châteaugiron, paroisse de ce nom, — baron de Malestroit, paroisse de ce nom, — srdu Chastel, par. de Plouarzel, — de Coëtivy, paroisse de Plouvien, — de Fontenay, paroisse de Chartres.
De sable à trois fasces d'or, denchées par le bas.
Cette famille alliée en Bretagne aux d'Acigné, Beaumanoir, Ruéllan, de Bruc et la Forest d'Armaillè a produit quatre maréchaux de France de 1550 à 1768 ; des grands pannetiers, grands fauconniers et grands-maîtres de l'artillerie de France ; un lieutenant-général au gouvernement de Bretagne en 1645 ; un évéque de Coutances, dit le cardinal de Meudon, † 1548 ; un abbé de Saint-Melaine en 1560, évêque de Coutances, † 1587; un abbé de Bégard en 1614 † 1675.
.
Ces armes de sable à trois fasces d'or denchées vers le bas se voient aussi sur la baie 10 portant la couronne ducale et le collier de l'Ordre du Saint-Esprit se rapporte vraisemblablement au premier duc de Brissac Charles II, fait « chevalier des ordres » en 1595 .
.
.
.
Le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
.
.
.
Le décor losangique.
On notera aussi le décor en losange orné de feuilles et fruits de houx placés en croix, ou de tiges fleuries et peints en grisaille et jaune d'argent . F. Gatouillat signale "un complément de vitrerie losangique "en ajoutant entre parenthèses "Par Hubert de Sainte-Marie", atelier de restauration de Quintin actif dans la seconde moitié du XXe siècle. Effectivement, les archives de cet atelier conservent trois documents concernant la restauration de trois baies de l'église de La Guerche, notamment les baies n°10 et n°14.
Néanmoins, nous reconnaissons ce motif, employé notamment sur les verrières royales de la cathédrale d'Évreux et sur la maîtresse-vitre de Merléac. S'il était d'origine, il daterait sans-doute du premier quart du XVe siècle.
J'ai signalé un fragment identique (avec des feuilles de chêne) sur la baie n°14.
.
.
.
.
2. L'écu de son épouse Charlotte, à gauche.
.
Les armes de Cossé, à gauche, sont alliées à celles de Le Sueur d'Ecquetot d'argent à trois fasces de gueules, à droite. (Pol de Courcy, Nobiliaire et armorial de Bretagne.) .
Elles sont entourées de la cordelière à nœuds de capucin, propre aux épouses de la noblesse dans l'entourage royale, et reprenant l'attachement d'Anne de Bretagne pour la cordelière franciscaine liée à la mémoire de son père le duc François.
Il s'agit donc des armes de Charlotte Le Sueur d'Ecquetot, dame d'Estelan (ca 1523 ; ) fille de Jean Le Sueur d'Esquetôt, mort à Pavie, et de Madeleine Picart. Elle épousa en 1540 Charles Ier de Cossé et eut trois enfants :
- Timoléon de Cossé-Brissac, comte de Brissac (1545-1569). Il décède à l'âge de 24 ans :en son souvenir, tous les enfants mâles de la famille reçoivent le prénom de Timoléon associé à leur prénoms usuels
- Jeanne de Cossé dame d'honneur de Louise de Lorraine ca 1558-1602, mariée en 1578 à François d'Espinay seigneur de Saint-Luc et comte d'Estelan.
- Charles II de Cossé (1562-1626), premier duc de Brissac et pair de France, gouverneur de Paris, Henri IV lui donna le bâton de maréchal de France ; il épousa Judith d'Acigné en 1579.
.
Au total, ces deux blasons permettent d'identifier le couple qui les portent, et donc de les dater après 1540, date de leur mariage. Mais nous savons que c'est le 5 janvier 1562 que Charles de Cossé , possesseur de la terre de Caluze , en Italie, près de Montferrat, en fit un échange, avec un arrière-petit-fils de René d'Alençon, Ludovic de Gonzague, fils du duc de Mantoue contre les terres de la Guerche et de Pouancé .
.
Reprenons l'historique de la transmission de la seigneurie de La Guerche : elle appartint :
: 1°)aux vicomtes de Beaumont au Maine, par le mariage de Jeanne, avec le vicomte de Beaumont, en 1263 ;
2° aux Chamaillard, par succession en ligne collatérale;
3°) aux Valois , par le mariage de Marie de Chamaillart avec Pierre de Valois, comte d'Alençon, du Perche, baron de Fougères;
4°) à Bertrand du Guesclin, connétable de France, par acquét ;
5°) à Jean V, dục de Bretagne, par acquêt, en 1390 ;
6°) une deuxième fois aux Valois, par le mariage de Marie, fille dudit duc, avec Jean de Valois, tué à Azincourt, en 1415. [voir la baie n°14 et les portraits de Jean Ier d'Alençon et de Marie de Bretagne]
7°) aux Laval, par le mariage de Catherine de Valois, avec François de Laval, en 1462 ; Vers 1525, la seigneurie de La Guerche dépendait des enfants de René d'Alençon, troisième duc du nom (1454-1492), qui l'avait héritée en 1505 de sa sœur Catherine, femme de Guy XV de Laval. René d'Alençon avait épousé Marguerite de Lorraine-Vaudémont, et eut trois enfants
8°) aux Montferrat, par le mariage en 1508 d'Anne d'Alençon (1492-1562), avec Guillaume IX Paléologue, marquis de Montferrat ;
9°) aux Gonzague, par le mariage en 1531 de Marguerite Paléologue de Montferrat, avec François Gonzague, duc de Mantoue ;
10°) aux Cossé Brissac , par échange en 1562 ; Les descendants de cette famille la conservèrent jusqu'en 1673. Furent ainsi seigneurs de La Guerche, après Timoléon de Cossé, (1545-1569), son frère Charles II (vers 1550-1621), premier duc de Brissac gouverneur de Bretagne en 1596, époux de Judith d'Acigné en 1579 et de Louise d'Ongnies en 1602, puis ses fils François (vers 1581-1651), duc et pair en 1621, et Charles III, marquis d'Acigné depuis 1609, lieutenant général du roi en Bretagne après son père, époux en 1610 d'Hélène de Beaumanoir, baronne du Pont et vicomtesse du Faou, morte en 1636.
11°) aux Neuville, par le mariage de Marguerite de Cossé avec François de Neuville , duc de Villeroy; ils vendirent la Guerche à M. Feuillant, 1750.
.
Au total, ces armes ne peuvent être antérieures à 1562, et postérieures à 1563, date du décès de Charles Ier de Brissac.
.
.
.
Les armoiries écartelées de Cossé-Brissac (XVIIe) au centre.
Ce sont deux blasons accolés, surmontés chacun d'une couronne.
Le blason de gauche, partiellement effacé, associe les armes de Brissac à gauche (utilisation d'émaux pour le bleu) avec, à droite, un écartelé dans lequel sont en 2 les armes de Bretagne, et en 3 celles de Valois (ou d'Anjou) avec sur le tout celles de Craon. Tout ceci sous toute réserve.
Le blason de droite ne comporte pas les armes de Brissac. C'est un écartelé complexe où je peux reconnaître :
-en 1 écartelé de France, Angleterre, Navarre, et d'Anjou
-en 2 celles de Bretagne, d'Aragon (d'or à quatre pals de gueules), d'Alençon (à bordure besantée) et Béarn.
-en 3 écartelé [ de gueules à deux fasces d'or : du Chastel ?]; de Lorraine (*); de La Trémoille au chevron de gueules, accompagné de trois aigles d'azur, becquées et membrées de gueules ; et celles de Craon d'or losangé de gueules.
(*) Les armes de Lorraine à partir d'Antoine (+ 1544) sont Anjou Naples/Aragon et Anjou/Gueldre/Juliers/Bar. Merci à Laurent Hablot.
-en 4 un écartelé de Bourgogne, de Montmorency (ou mieux, de Montmorency-Laval, avec une piste vers Catherine d'Alençon épouse de Guy XV de Laval), de Gouffier d'or à 3 jumelles de sable posées en fasce , et de Châteaubriant de gueules semé de fleurs de lys d'or.
.
http://bibale.irht.cnrs.fr/bibale_img/000054.JPG
Soit une piste vers la maison de La Trémoille-Laval?
https://www.wikiwand.com/fr/Maison_de_La_Tr%C3%A9moille-Laval
,
On constate l'absence des armoiries de Beaumanoir, d'Ongnies (de sinople à la fasce d'hermines), d'Acigné (d'hermines à la fasce de gueules), etc...
http://www.genealogie22.org/sites/racines_galleses/la_chapelle_de_limoelan.htm
.
.
.
.
SOURCES ET LIENS.
.
— ANDRÉ, 1878
— AUBRY (Ernest), 1901, Notes chronologiques sur La Guerche-de-Bretagne. Paris : Office d'édition et de diffusion du livre d'histoire, 1994. (Monographies des villes et villages de France).
— BANEAT, Paul. Le département d'Ille-et-Vilaine, Histoire, Archéologie, Monuments. Rennes : J. Larcher, 1929. p. 133-149
— BRUNE, 1846, Résumé page 318-319 ; 1849, Résumé page 29
— BRUNE, 1849, Indication et descriptions des principales verrières du diocèse de Rennes, Bull. Archéologie association Bretonne t.II,2, p 199.
— BRUNE, 1861, Indication et descriptions des principales verrières du diocèse de Rennes, Bull. Archéologie association Bretonne t.II,2, p 72.
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Inventaire général du patrimoine culturel ; Rennes : Presses universitaires de Rennes , impr. 2005
—GUILLOTIN DE CORSON, (Amédée),1880-1884. Pouillé historique de l'archevêché de Rennes. Rennes : Fougeray, Paris : René Haton, 1884. TI p. 83-85 et TIII p. 4-19
—JARRY, (Alphonse), 1941. Le sanctuaire de Notre-Dame de la Guerche à travers les âges. Rennes : Imprimerie Bretonne, 1941.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/f19eba6aa5113393960b376867db3b78.pdf
— MENANT (Marie-Dominique, L'HARIDON (Erwana), 2005, Inventaire Général dossier IM35016953, la verrières de la baie 14 : Le Jugement dernier. [baie 10 du Corpus Vitrearum]
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/le-patrimoine-mobilier-de-l-eglise/fff2dfef-1913-4875-ace7-3c87753d21de
— TOURNEL (Charles), 1917, Vitraux de l'église Notre-Dame de La Guerche-de-Bretagne, Bull. Et mémoires de la société archéologique d'Ille-et-Vilaine TXLV p. 233-238. Non consulté.