Exposition au Port-Musée de Douarnenez:
"Quilles en l'air, les bateaux retournés".
Que faire par un temps de chien à Douarnenez ? Il y a DEUX solutions.
La première est de mettre la barre "à tribord toute" :
La seconde est de mettre le cap sur le Port-Musée de Port-Rhu. Du 6 au 28 avril s'y tient l'exposition Quilles en l'air, les bateaux retournés.
"Prolonger ce compagnonnage né sur l'eau par la construction d'un abri à terre dont la coque qui nous a tant porté devient la voute, c'est bien là plus qu'un épilogue, c'est le deuxième tome d'un roman unissant l'homme à son navire."
Vivre sous son bateau ramené à terre, retourné et aménagé, ce n'est pas seulement renverser son monde dans un rêve hilarant et poétique, c'est devenir Noé et Jonas à la fois, escargot et tortue, écouter le bruit de la mer dans un coquillage aux odeurs de coaltar et de vieux chêne, se retrouver Diogène dans son tonneau, c'est prendre le large dans les pâquerettes, et faire un pied-de-nez moqueur et bohème aux quatre murs qui nous emprisonnent pour, enfin, avoir sa bicoque à soi.
C'est, croyais-je, un rêve révolu : Yves et Solange Dussin nous montrent, par de multiples photographies et par des croquis, que c'est, aux Shetland, en Europe du Nord, mais aussi en Bretagne, une réalité qui perdure et qui n'attend que quelques largueurs d'amarres pour devenir un futur confortable et idéal.
Mieux, ils nous révèlent que Victor Hugo dans l'Homme qui rit, Charles Dickens dans David Copperfield, Paul Féval en ont parlé, que des peintres comme Edouard Doigneau les ont observé et peint sur nos côtes normandes, qu'Epstein les a filmé sur l'île de Bannec dans Finis Terrae, ou que Per Jakez Elias ou Jean-Pierre Abraham en décrivent l'usage, par les goémoniers lors de saisons de coupe sur les îles bretonnes.
Passant à l'acte, ils ont réalisé cette maison-atelier qui n'en finit pas de me faire rêver.
Dickens a imaginé (et peut-être observé) ce toit qui fume sur la plage de Yarmouth :
Notre rêve est porté de vitrine en vitrine, jusqu'à cette maquette qui rappelle si bien les cabanes noires de goudron des chantiers navals Stipon au Fret, ou ceux de Camaret.
En 1869, Victor Hugo avair décrit dans l'Homme qui rit un navire renversé mis sur un chariot : c'est la Green-Box d'Ursus, un dispositif "d'un raffinement ingénieux" qui va permettre à cette roulotte initiatique où grandissent Gwynplaine et Déa de dispenser les représentations de son théâtre ambulant.
Une illustration de l'Homme qui rit, de Victor Hugo :
Car ce qui manque à un bateau, lorsqu'il est "quille en l'air", c'est de pouvoir bouger. Non, car voilà la roulotte des marins-saltimbanques !
Entrez-vite, la porte est ouverte.
Il pouvait pleuvoir, ce jour-là, à Douarnenez : on était si bien à l'intérieur, quille en l'air !