Observée le 15 mai à l' Aber à Crozon, cette femelle de Grillon champêtre Gryllus campestris Linnaeus, 1758 me permet de découvrir cet orthoptère : sa tête en casque noir, ses deux sortes d'antennes à l'arrière qui sont les cerques (du grec kerkos, "queue"), et le long oviscapte (de ovum, "oeuf", et captare, "conduire") qui comme son nom l'indique servira à cette future mère pour pondre ses oeufs dans le sol.
J'espère que vous ne remarquerez pas qu'il lui manque, après je ne sais quel combat, la patte postérieure droite.
Je jure que ce n'est pas après les luttes épuisantes destinées à prendre en photo cet animal jamais immobile, mais qui au contraire fuit à toute allure après avoir été capturé, en courant sans me faire de démonstration de saut, ce qu'il sait pourtant faire, ni utiliser ses ailes pour s'envoler, ce dont tout grillon est incapable.
Seule, la jambe de mon pantalon a su l'intimider suffisamment pour prendre ces clichés.
La perte de sa patte postérieure ne la rend pas sourde au chant du mâle, mais si elle avait perdu ses pattes antérieures, ce grillon cul-de-jatte serait sourd par surcroit, car les tympans se trouvent sur la face externe des tibias des pattes-avant (on distingue cette plaque ovale sur le deuxiéme cliché, juste au dessous du "genou").
Si le style du bon français entomologique vous fait, comme moi, frissonner d'aise, suivez-moi dans la lecture de T. deTigny (Histoire naturelle des insectes, 1802) :
Ses antennes sont à-peu-près de la longueur du corps. La tête est grosse, noire, lisse et sans taches; le corselet est noir, arrondi, plus large que long. Les élytres sont obscures, d'un jaune grisâtre à leur base, presqu'aussi longues que l'abdomen. Les ailes sont plus courtes que les élytres, l'abdomen est terminés par deux filets sétacés, garnis de poils fins et longs. Les pattes sont noires, les cuisses postérieures sont renflées, elles ont une grande tache d'un rouge sanguin, qui s'étend depuis la base jusque vers le milieu ; les jambes de ces pattes sont armées de deux rangées d'épines très-fortes. Les autres ont deux ou trois épines près des tarses. La tarière de la femelle est noire, plus longue que les filets.
Le mot français "grillon" est un croisement tardif entre grillet et gresillon, et pour Gilles Ménage en 1676," les Poitevins disent un grelet, les angevins un gresillon et les Normands un criet , il faut dire un grillon avec les Parisiens "
Tout cela évoque une onomatopée de base, proche du surnom de cri-cri qu'il reçoit encore, mais nos divers vocables viendraient du latin grillus, gryllus, "grillon", que nous retrouvons dans le nom scientifique.
On retrouve ce son de cri-cri dans le nom anglais de Field Cricket, et dans le nom allemand Feldgrille.
Si vous consultez la description princeps de Linné à la page 428 de la dixième édition du Systema naturae, 1, vous constatez que Caroli Linneai, "equitis De stella Polari " (je traduis : chevalier de l'Étoile Polaire), fait figurer le grillon champêtre parmi les Coléoptères, dans le groupe Gryllus subdivisé en Mantis, Acrida, Bulla, et Acheta"cauda setis duabus" où trouve place avec le n°21 notre cri-cri. Toujours dans le groupe Gryllus, les Tettigonia et les Locusta suivent les Acheta.
Chopard le décrit sous le nom d'Acheta campestris. (L.Chopard, Faune de France, tome 3, Orthoptères et Dermaptères, Paris chez Paul. Lechevallier, 1922).