I. L'Epeire de velours Agalenatea redii (Scopoli, 1763).
Observée sur la Réserve naturelle de l'Alto Merse, Toscane, le 6 mai 2011
C'est la seule représentante européenne du genre Agalenatea. Le mâle mesure entre 3,5 et 4,5 mm et le femelle 5,5 à 7 mm. Elle est reconnaissable par son abdomen tout rond comme un coussin de velours bien rebondi et finement brodé d'un motif en V à son extrémité. Sa couleur peut varier, mais j'aime bien le panaché caramel-vanille-chocolat que l'on m'a servi, constéllé de grains de pralins ; d'ailleurs, je crois que j'ai eu le menu Enfant, car mon milk shake est décoré avec une tête de clown, un Pierrot aux grands yeux noirs et au chapeau pointu.
Giovanni Antonio Scopoli (1723-1788) est l'auteur spécifique de cette Épeire de velours, qu'il décrivit en 1763 sous le nom d' Aranea Redii (avec majuscule, donc se référant à un nom propre ) dans son Entomologia carniolica,
Je présume que l'épithète Redii rend hommage à Francesco Redii ( 1626-1698), ce médecin à la cour du grand-duc de Toscane, qui, fut aussi poète, auteur de Bacco in Toscana, Bacchus en Toscane, mais surtout entomologiste : on lui doit une Esperienze Intorno alla Generazione degl'Insetti de 1668 où il démonte la thèse de la génération spontanée en montrant que les vers qui apparaissent sur la viande ou les cadavres proviennent des oeufs pondus par les mouches.
Étudiant les parasites, il décrit un stade larvaire de la Grande Douve, et cette forme intermédiaire des vers trématodes porte désormais le nom de " rédie".
Francesco Redi travaille aussi sur le venin des serpents, démontrant que celui-ci est stocké dans la tête et s'écoule par les dents lors de la morsure, et prouvant que si ce venin peut être mortel par morsure ou injection, il est inoffensif par ingestion. Il s'oppose à Moyse Charas, pharmacien au jardin du roi et grand préparateur de la Thériaque d'Andromaque, remède fabriqué avec de la chair de vipère, du castoreum et une cinquantaine de plantes, et très utilisé comme contre-poison. Charas prétend que la salive du serpent n'est toxique que lorsque la vipère est en colère, et Redi soutient que cette toxicité est permanente.
Ces travaux de toxicologie nous raménent à Jean-Antoine Scopoli (un patronyme issu de Scopolax, la bécasse, et peut-être comparable au patronyme breton Queffelec, de même signification ), puisque ce médecin et naturaliste exerça son art en Carniole (une région alpine de l'actuelle Slovénie) auprès d'une exploitation minière de mercure et qu'il dressa le premier tableau clinique de l'intoxication au mercure.
C'est son séjour en Carniole qui lui donne l'occasion de rédiger, outre un Flora carniolica, cette Entomologia carniolica de 1763 dont le titre complet indique que Scopoli est un adepte pratiquant de la nomenclature de Linné. On y trouve la description de la zygène Zygena cariolica, du bourdon Megabombus pascuorum, de l'hemiptère Aphis fabae, du diptère Sargus bipunctatus, du coleoptère Rhagonycha fulva, etc... ou le cercope sanguinolent Cercopis sanguinolenta (plus rare que le cercope rouge-sang si commun chez nous mais qui a été décrit par Rossi) et l'Oedemera nobilis qui joue des biscotos sur chaque fleur de renoncule ou de marguerite de nos prairies.
Titrée O.flavipes par erreur.
Il décrivit aussi en 1763 Cteniopus flavus, un alleculiné :
Ce Ténebrion se nourrit de pollen qu'il broute sur la canopèe des ombellifères. Mais si on se penche pour l'admirer, ce timide descend se cacher parmi les fleurs. On le distingue avec peine de Cteniopus sulfureus, Linnaeus, 1758, ou bien les deux termes sont-ils synonymes.
Scopoli se dote vite d'un herbier et d'une collection d'histoire naturelle qui lui permet de publier de 1769 à 1772 les cinq volumes d'Anni Historico-Naturales. En 1777, il obtient la chaire d'Histoire Naturelle de Pavie.
Mais c'est une solonacèe, Sopolia carniolica, qui rend son nom familier, puisque c'est chez elle que fut isolée la scopolamine, un alcaloïde proche de l'atropine, dont l'action anticholinergique est utilisée en thérapeutique, comme elle peut être responsable d'intoxications sévères.