L' Aurore de la Cardamine Anthocaris cardamines (Linnaeus, 1758) devance l'hirondelle pour annoncer le printemps, mais il le célèbre avec tant de fougue, tant d'activité brouillonne que j'avais renoncé à le photographier jusqu'à ce que, à la bonne aubaine d'une promenade de fin de journée, je surprenne mon bonhomme posé sur une fleur, méditatif, comme endormi ou frappé enfin par un coup de blues après ce déchaînement ostentatoire de ce qui n'était, au fond, qu'une recherche de partenaire. Et serait-il le premier qui, après avoir multiplié les rendez-vous et les petites annonces, soigné son style, épuisé ses forfaits téléphoniques, avalé les couleuvres, pris et repris des râteaux, avoir offert des bonbons à Mademoiselle Germaine, avoir cueilli du lilas pour Madeleine, avoir offert une bicyclette à Marinette, avoir rêvé des Argentines félineset des Espagnoles qui passent toutes à la casserole, serait-il le premier, hein, à chanter le Knotte-le-Zoute tango avant de rentre chez lui, le coeur en déroute, et les genitalia sous le bras?
J'ai longtemps penser qu' Aurore de la Cardamine était une aristocrate, fine cousine -par exemple-de Charles-Marie de la Condamine qui inventa la quinine ( en 1745) en rêvant de découvrir les Amazones au sein nu. Mais ces papillons, ces piérides qui me narguent en agitant leurs ailes vanille-orange sont tous des mâles, et leurs compagnes, la Sylphide de leurs rêves sont d' anémiques émules de Lasthènie de Ferjol frappées de chlorose et protégeant leurs ailes pâles sous l'auvent de quelques feuillages jamais assez épais : en un mot, les femelles d'anthocaris ont le verso de leur ailes aussi blanc que les autres piérides qui se contentent de se nommer piéride du chou ou du navet. Elles s'en plaignent assez, mais d'une voix éteinte,d'être confondues avec ces marchandes de légumes.
Ce cliché est pris avec mon Canon et son objectif macro 100mm:
Voici maintenant le cliché obtenu avec mon APN Coolpix P6000 sur mode Macro:
Et voici un cliché ou Monsieur laisse entrevoir sa célèbre couleur Aurore (je rappelle que l'aurore est une couleur orangée) de son verso à travers son recto...
Même si cette couleur est un symbole lié à l'énergie solaire et au feu purificateur, c'est surtout un signal de danger très efficace, et c'est sans-doute afin de détourner les oiseaux des dangers de leur consommation -danger bien réel de leur point de vue- que les mâles, qui s'exposent à tous les risques avec abnégation et audace affichent cette orpiment sur leur casaque.
Les femelles d'Aurores déposent les oeufs sur les plants de crucifères : la cardamine bien-sûr, mais aussi l' alliaire officinale et la moutarde sauvage sinapis arviensis, toute plante qui permette à la larve d'accumuler des huiles de moutarde. L'affaire est d'ailleurs compliquée, car les glucosinates de ces plantes sont justement leur propre moyen de se protéger des insectes qui, en les croquant, déclenchent la fabrication d'isocyanates toxiques (exactement comme lorsque nous épluchons des oignons, cassant les cellules et réunissant un précurseur, le 1-propenyl-L-cystéine-sulfoxyl avec un facteur spécial qui provoque la formation de propanethial-S-oxyde qui nous fait pleurer). Comment les chenilles résistent-elles aux isocyanates? Font-ils comme la Piéride de la rave, qui détourne l'hydrolyse des glucosinates de la voie des thiocyanates vers celle des nitryl moins toxiques? Stockent-ils, comme le puceron du chou, les composés toxiques dans quelque hémolymphe ?
Si le papillon dispose d'une face destinée à servir d'épouvantail, sa face postèrieure veinée de vert comme une feuille lui sert au contraire de camouflage. D'ailleurs, cette couleur verte est une illusion créé par une association subtile d'écailles jaunes et d'autres noires, et par le miroitement de la lumière. Ceci explique que mes photographies, au lieu de reproduire fidèlement cette illusion, me donnent à voir ces réseaux noirs et jaunes plus disgracieux, mais peut-être plus proche de la 'réalité".