Les androconies des Hespéries : influence sur les Noms Propres des Thymelicini Comma, linea (=sylvestris), lineola , "Bande noire", ou "Virgule "
Je compte sur l'indulgence bienveillante du lecteur à l'égard des mutiples fautes dont cet article est, comme les bonnes viandes, persillé.
La présence des androconies a été déterminante dans la dénomination d'un certain nombre d'Hesperinae ou Hespéries fauves, alors qu'elle ne contribua en rien au choix du nom des espèces des autres sous-famille d'Hesperiidae, les Pyrginae et Heteropterinae, ou Hespéries noires qui disposent pourtant de structures androconiales. Pourquoi ? Ces structures sombres des ailes présentent-elles chez les "fauves" des particularités qui les ont fait reconnaître comme des éléments caractéristiques aux naturalistes de la fin du XVIIIe et du début du XIXe alors qu'ils en ignoraient la fonction?
Après avoir souligné dans une présentation de la taxonomie cette singularité de répartition des Noms Propres (en gras, les noms en rapport avec les androconies), je donnerai rapidement la solution en soulignant les différences existant entre les organes androconiaux des deux familles. Puis je reviendrai tranquillement sur ces conclusions en détaillant l'histoire de leur découvertes depuis 1832 et en donnant le texte des deux articles princeps, celui de J. Wüetz (1997) sur les Hesperiinae et celui de Hernández-Roldán & al. (2014) sur les Pyrginae.
— https://archive.org/stream/revuesuissed105341998schw#page/816/mode/2up
— http://biostor.org/reference/115232.text
1. Rappel de taxonomie des Lépidoptères en France (Dupont et al. 2013)
- Erynnis tages (Linnaeus, 1758) Point de Hongrie.
- Pyrgus malvae (Linnaeus, 1758) Hespérie de l’Ormière
- Pyrgus malvoides (Elwes & Edwards, 1897) Hespérie de l’Aigremoine.
- Pyrgus armoricanus (Oberthür, 1910) Hespérie des Potentilles.
- Pyrgus alveus (Hübner, [1803]) Hespérie du Faux-Buis.
- Pyrgus alveus alveus (Hübner, [1803]).
- Pyrgus alveus accretus (Verity, 1925).
- Pyrgus warrenensis (Verity, 1928) L’Hespérie rhétique.
- Pyrgus bellieri (Oberthür, 1910) Hespérie des Hélianthèmes.
- Pyrgus serratulae (Rambur, [1839]) Hespérie de l’Alchémille.
- Pyrgus carlinae (Rambur, [1839]) Hespérie de la Parcinière.
- Pyrgus cirsii (Rambur, [1839]) Hespérie des Cirses.
- Pyrgus onopordi (Rambur, [1839]) Hespérie de la Malope.
- Pyrgus carthami (Hübner, [1813]) Hespérie du Carthame.
- Pyrgus sidae (Esper, 1784) Hespérie du Sida.
- Pyrgus sidae occiduus (Verity, 1925).
- Pyrgus andromedae (Wallengren, 1853) Hespérie des frimas.
- Pyrgus cacaliae (Rambur, [1839]) Hespérie du Pas-d’âne.
- Carcharodus alceae (Esper, 1780) Hespérie de l’Alcée
- Carcharodus lavatherae (Esper, 1783) Hespérie de l’Epiaire.
- Carcharodus baeticus (Rambur, [1839]) Hespérie de la Ballote.
- Carcharodus floccifer (Zeller, 1847) Hespérie de la Bétoine
- Spialia sertorius (Hoffmannsegg, 1804) Hespérie des Sanguisorbes.
- Spialia therapne (Rambur, 1832) Hespérie tyrrhénienne. [Présent en Corse]
- Sloperia proto (Ochsenheimer, 1808) Hespérie de l’Herbe-au-vent.
- Sloperia proto aragonensis (Sagarra, 1924).
-
-
- Carterocephalus palaemon (Pallas, 1771) Hespérie du Brome.
- Heteropterus morpheus (Pallas, 1771) Miroir.
-
- Thymelicus sylvestris (Poda, 1761) = P. linea Hespérie de la Houque. Bande noire.
- Thymelicus lineola (Ochsenheimer, 1808) Hespérie du Dactyle.
- Thymelicus acteon (Rottemburg, 1775) Hespérie du Chiendent.
- Gegenes pumilio (Hoffmannsegg, 1804) Hespérie du Barbon.
- Hesperia comma (Linnaeus, 1758) Virgule.
- Ochlodes sylvanus (Esper, 1777) = O. venatus faunus Sylvaine.
2. Différences entre les androconies des Hespéries fauves et celles des Hespéries noires. Répercussions onomastiques.
a) Les organes androconiaux des Hesperiinae selon Wüetz.
Jean Wüetz étudie trois espèces Thymelicus lineola, Thymelicus acteon, et H. comma, (la Virgule) et démontre que leur trois organes androconiaux sont de complexité croissante.
Voici les constatations de J. Wüetz :
Chez Thymelicus lineola, la zone à androconies se présente simplement comme une zone à écailles modifiées, sans que les écailles adjacentes aient subi une quelconque transformation (forme ou orientation). De plus, les massifs d' androconies se trouvent chez cette seule espèce sur les deux faces de l'aile, indiquant un état non encore spécialisé.
Chez T. acteon, par contre, on note que les écailles bordant la zone à osmophores sont plus larges et s'orientent perpendiculairement à la zone à osmophores, préfigurant l'apparition d'écaillés de recouvrement. Mais les osmophores restent bien visibles de l'extérieur.
C'est chez Hesperia comma enfin, que l'appareil est le plus complexe. La zone à osmophores est entièrement cachée par des écailles de recouvrement, et la libération des osmophores doit être plus restreinte, dans des étapes bien précises de l'accouplement. Chez cette dernière espèce, la présence d'écailles filiformes normales parmi les écailles à osmophores permettrait d'envisager que ces dernières par leurs mouvements réciproques facilitent la rupture des segments osmophores et les conduisent vers la surface de la zone à androconies.
Sur le plan des Noms propres, les trois espèces concernées sont Thymelicus lineola, TH sylvestris (La Bande noire, ex Th. linea, "la ligne"), et Hesperia comma.
Or, typographiquement, et sur le plan du Nom, il y a aussi complexité ou importance croissance entre lineola (la petite ligne comme un trait d'union, le "tiret du 6"), linea (la ligne, par exemple le tiret quadratin) et comma la virgule, dotée de son bulbe épais.
Mais, pour valider ma démonstration, il faudrait que Wüetz ait étudié Thymelicus sylvestris, plutôt que Th acteon. Rien n'est parfait. Pourtant, c'est bien Th sylvestris qui avait été étudié par Pierre-Paul Grassé en 1952, décrivant en microscopie les éléments fusiformes ou osmophores d'une androconie de Thymelicus sylvestris, x 9 000 et un osmophore collé à l'antenne d'une femelle de Thymelicus sylvestris. La présence de ces boites à parfums ou osmophores chez sylvestris prouve que les androconies de cette espèce sont plus complexes que ceux de lineola, et que mon équation, lineola<linea< comma exacte sur le plan typographique, se vérifie ainsi lineola<linea≤ comma sur le plan androconial.
Thymelicus lineola ♂ (à gauche), Thymelicus sylvestris ♂ et Hesperia comma ♂ (à droite):http://www.ukbutterflies.co.uk/species.php?species=sylvestris et http://en.wikipedia.org/wiki/Hesperia_comma
b) Les organes androconiaux des Pyrginae selon Hernández-Roldán & al. (2014).
Dans cette sous-famille, il a été décrit deux principaux organes androconiaux -le pli costal et les touffes tibiales-. Les plis costaux sont présents dans de nombreux genres d' Eudaminae et dans les tribus suivantes de Pyrginae: Tagiadini, Erynnini, Pyrgini, et Carcharodini (Warren et al., 2009). Les touffes tibiales de type Pyrgus sont présents chez les Erynnini, Achlyodidini, et Pyrgini.
b1. Le pli costal.
Le pli costal sur la face dorsale de l'aile antérieure mâle forme une poche derrière la veine costale. A l'intérieur de la poche, il existe des écailles olfactives.
b2. Les touffes tibiales.
Les Touffes tibiales (tibials tuffts) sont un groupe dense de soies modifiées extrêmement longues qui se trouvent sur les tibias des pattes postérieures. La structure de ces soies est tubulaire avec un centre creux et leur surface externe est finement striée. L'ultrastructure de ces longues soies, avec un bulbe creux et une surface extérieure striée, semble appropriée pour accueillir et libérer des composés volatils. Les parois de la soies semblent être formée par un matériau spongieux, qui pourrait être liée à leur fonction.
b3 Androconies de l'abdomen et du thorax.
On trouve aussi des organes libérateur de phéromones sur le thorax et l'abdomen. Ces organes sont sur la partie ventrale du premier segment abdominal et à proximité de la cage thoracique. Les écailles de ces zones sont semblables à celles du pli costal mais avec une microstructure plus dense de nervures.
Lorsque le papillon est au repos, les touffes tibiales sont hébergés entre les écailles androconiales de abdomen de la plaque ventrale et l'appendice coxal, caché dans la poche formée par l'annexe coxal et plaque ventrale. Pendant la parade nuptiale elles sont probablement utilisées pour aider à diriger les composés chimiques vers la femelle. On peut supposer que, pendant la parade nuptiale les mâles sortent les touffes de la poche et les agitent : les composés volatils seraient alors libérés. Malheureusement, il est extrêmement difficile d'observer la parade nuptiale tant le vol est discret et rapide.
b4. Similarités morphologiques et spécificités chimiques.
Les auteurs constatent que la morphologie de ces organes ne diffère pas entre les espèces de Pyrgidae, alors que les composés volatils sont, au contraire, très différents entre espèces : cela les amène à conclure que la barrière pré-copulatoire s'opposant à l'hybridation n'est pas visuelle mais chimique, expliquant la ressemblance d'apparence extérieure entre les diverses espèces.
En outre, la richesse des composés volatils propres (n'existant pas dans les structures non-androconiales) est faible dans le pli costal par rapport aux touffes tibiales.
Les androconies, généralités.
On désigne sous le nom d'androconies en zoologie, les écailles glandulaires des ailes de certains mâles de lépidoptères sécrétant une hormone aromatique (phéromone). A leur base se trouvent des cellules glandulaires sécrétant des produits chimiques, les phéromones , liés à la reproduction, dont la fonction est d'attirer les femelles de leur propre espèce, le parfum étant diffusé depuis ces sacs glandulaires par des poils ou de minuscules plumes. Ces écailles peuvent être dispersées sur les ailes, le corps ou les jambes ou groupés en une zone sombre ou en relief nommée strie androconiale (Androconial patch, Duftschuppenflecken, Duftschuppenstreifen, Duftorgan) ou au contraire dans un pli de l'aile comme on en trouve sur les ailes postérieures des Papilionidae ou le pli costal des Pyrginae.. Elles peuvent aussi apparaître dans les plis des ailes comme des "mèches de cheveux" qui facilitent la dispersion de phéromones dans l'air et prendre la forme de touffes (par exemple sur les ailes postérieures des Morpho et Charaxes). On décrit aussi les "hair-pencils" extrudables à la base de l'abdomen ou sur les aires génitales des Danaini et des Ithomiini ou les "coremata" [touffes odorantes rétractiles du bout de l'abdomen des Zygaenae ; segments génitaux des Arctiidae]. Plus intéressant pour notre sujet, ces hairs pencils se trouvent aussi sur les pattes des Pyrginae. On trouve ces écailles odorantes sur le tarse des Noctuidae, sur le thorax, l'abdomen ou les ailes des Sphingidae.
Soulignons que bien que l'organe soit avant tout considéré comme « organe odorant », la stimulation qu'il induit n'est pas purement olfactive (ou gustative) mais également tactile (lors du contact femelle-androconie) et visuelle (androconies très voyantes...parfois).
Mots synonymes ou associés : poils androconiaux ; stries androconiaux ; androconial scales ; scent scales ; scent-brushes ; ; sex-brand ; Duftschuppen en allemand (Androconien), Duftpinsel und Duftflecke .Drüsenzellen (osmophore); phéromone. Je retrouve la première mention de ce nom en 1823 sous le nom de Plumules et en 1866 sous la forme Androconia, et la première mention d'androconie en 1921.
Nb : le terme gynoconia est utilisé par Choe & Crespy 1997 pour désigner l'organe producteur de phéromones des femelles.
Chez les papillons de nuit, l'absence de visibilité a conduit l'évolution vers des phéromones à (très) long rayon d'action, sécrétées en grande quantité par les femelles alors que les mâles disposent, eux, d'organes réceptifs, leurs antennes larges et ramifiées. A l'inverse chez les Rhopalocères, papillons diurnes qui disposent de visibilité, les phéromones sont sécrétées en petite quantité par les mâles lors des stratégies de séduction (mating, courtship) avec des phéromones dont le périmètre d'action est très court, nécessitant des organes de réception spécifiques chez la femelle. Tout le problème est alors de disperser le produit (battement d'ailes, mouvement abdominal, vol en face de la femelle), de s'opposer à l'évaporation de la phéromone, et de cibler l'organe réceptif femelle (attouchement lors du vol de séduction) : la réponse apportée va être différente selon chaque espèce.
Ces messages chimiques sont capitaux dans le choix du partenaire en s'assurant de sa condition de bon reproducteur d'une part, et de son appartenance à la même espèce (conspécificité) d'autre part.
Les molécules odorantes sont fortement liées à la plante-hôte de la chenille [à valider]. Elles sont aphrodisiaques, mais parfois tranquillisantes pour les femelles ou répulsives pour les mâles concurrents.
Au terme de cette présentation, nous pouvons déjà opposer parmi les Hesperiidae les Pyrginae dont le pli costal discret n'a pas stimulé les créateurs de Noms propres, aux Hesperiinae, dont le "sex-brand" ou pli androconial inscrit sur l'aile comme un motif imprimé à l'encre noire a suscité les dénominations de Comma, Virgule, Bande noire, et autres lignes et traits d'union.
Les androconies, histoire.
1. Les Plumules de Le Baillif et de B. Deschamps 1823-1835.
La première description en fut faite vers 1823, sous le nom de "plumules", par Alexandre-Claude-Martin Le Baillif (1764-1831), employé du Ministère de la Police à qui l'on doit le perfectionnement du microscope optique. Son cabinet était fréquenté par tous les scientifiques de l'époque parmi lesquels Bory de Saint-Vincent, Brongniard ou Progny. Pour évaluer et comparer la valeur des microscopes, il utilisait des préparations végétales ou animales de structures compliquées nommées "objet-test", dont diverses écailles particulières de papillons, les plumules, découvertes sur les ailes de Pieris rapae et plus tard chez Argynnis paphia.
N'étant pas entomologiste, Le Baillif signala sa découverte à Bernard-Deschamps, qui menait des études de microscopie sur les ailes des papillons et qui confirma la présence de ces écailles particulières sur les ailes des mâles —exclusivement— chez de nombreuses espèces de Piérides, Polyommates puis de Nymphalides (Satyres), sur la face supérieure et notamment sur les lignes ou bandes noires ou brunes de celles-ci. Bernard-Deschamps reprend le nom de Plumules, et les fait connaître dans sa publication de 1835 « Sur les ailes des lépidoptères »Annales de Sciences Naturelles février 1835, Paris pp. 111-137 Pl. 3-4 (et publié aussi sous le titre Recherches microscopiques sur l'organisation des ailes des Lépidoptères. Paris, 1835, in-8, de 29 pag. et 2 pl). Ces écailles sont décrites avec une extrémité bilobée en forme de cœur et une autre chevelue en houppe ciliée ; des stries les parcourent, qui, grossies 300x, prennent l'allure d'un chapelet de grains espacés. Voir ici Pieris Brassicae grossi 497 fois.
Cette publication est connue outre-Manche, et citée dès 1840 par John O. Westwood.
2. Les Androconia et les auteurs américains; Scudder, 1877.
Le terme androconia apparaît en 1866 sur le moteur de recherche, mais l'auteur majeur de la seconde moitié du XIXe est Samuel Hubbard Scudder (1837-1911), qui va en mener dès 1877 une étude détaillée et en donner des descriptions émerveillées. La date d'origine peut être fixée à Scudder S H 1877 "Antigeny, or sexual dimorphism in buttterfly" Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences 12: 150–158, mais sa publication principale est la suivante : The butterflies of the eastern United States and Canada, with special reference to New England Cambridge : publié par l'auteur, 1889. 3 v. : ill. Voir particulièrement chapitres xvi. xxzi. xl. Ixvii. and Ixx. and planches 43-51.
Pour la première fois (puisque B. Deschamps ne l'avait pas fait) les androconia des Hesperies sont décrits : c'est le volume II qui est consacré aux Hesperiidae (chapitre sur le genreThymelicus page 1688) alors que dans le volume III se trouve les Planches, remarquables de précision. Bien-sûr, Scudder ne décrit que les Thymelicus américain, comme T. aetna, brettus, coscinia, delaware, garita, etc.,. C'est dans le volume II, page 1680, que se trouve le chapitre (ou Excursus) LXX consacré aux androconies : Sexual diversity in the form of the scales, dont voici un long extrait :
"Mais chez certains papillons, et ceux-ci forment une proportion considérable - certainement plus de la moitié des espèces dans nos propres faune, les mâles possèdent, en plus de celles qui sont le lot commun des deux sexes, certaines écailles d'un genre tout à fait distinct et unique.
Ces écailles particulières, qu'on a nommé androconia en référence à leur nature masculine, ont d'abord été remarquées par Bernard-Deschamps il y a plus de cinquante ans, mais n'ont jamais été correctement étudiées cez l'ensemble des papillons. Deschamps les a appelées les plumules en raison de leur aspect de plumes; mais ce terme est tout à fait inapproprié pour la plupart d'entre eux; et leur forme est si variée que seulement un mot exprimant leur caractère masculin devrait être acceptée, puisque telle est leur seule particularité commune.
Ces androconies sont très capricieux dans leur apparition; un certain nombre de genres voisins peuvent les posséder, alors qu'un seul genre, qui leur est étroitement lié , peut en être tout à fait démuni. Cela est vrai pour l'ensemble des papillons; et pourtant il y a des grands groupes où ils manquent tout à fait , et d'autres où leur absence est extrêmement rare. Chez les Satyridés et chez quelques autres papillons de grande taille ils sont longs, minces, et toujours munis de plumes à leur extrémité ; dans un petit groupe, les Heliconinae, ils sont munies de dents aussi bien que de plumes, mais généralement, hormis cette exception, ils peuvent être distingués des écailles ordinaires par l'absence de toute indentation à la pointe. Chez les Pierides ils sont frangés, et avec une seule exception connue, leur base extrême est élargie en une sorte de bulbe; ailleurs, même dans les autres groupes de la sous-famille à laquelle appartiennent les Piérides, ils ne sont pas frangés, mais ont un bord arrondi lisse. Chez les Lycaenidi ils adoptent la forme d' une raquette ou d'un éventail, avec un bord lisse, et sont généralement perlés et plus fortement striées que les écailles. La même chose est vrai, mais avec plus de variations, chez d'autres Lycaenidae. Chez les Swallow-tails [Papilionidae], à l'inverse de ce que l'on attendrait, ils diffèrent moins des écailles ordinaires, mais sont beaucoup plus petits et striés plus grossièrement. Chez les Hespéries, ils présentent la plus grande variété ; dans un groupe, il y a des androconies semblables à des cheveux, parfois réunis; dans d'autres groupe, outre ces androconies ressemblant à des cheveux, il y en a certains qui ont la forme de cuillères à long manche, ou d'autres formes bizarres.
En règle générale, ces androconies sont présents dans les "patchs" (zones) à laquelle nous avons déjà fait allusion comme formant des régions à caractères sexués du mâle; mais le plus souvent, comme dans les Azurés ou les Piérides, ils sont dispersés au hasard, ou en rangées, sur la surface supérieure des ailes; parfois ils forment des taches sur les ailes postérieures, comme dans le pli qui longe le bord interne des Papilionidés; mais, à l'exception de la tache discale des Theclinae, ils semblent être présents dans toutes les parties des ailes antérieures, parfois formant la partie principale de ces plages, comme dans beaucoup de Coliades, et ne prenant aucune part au décor. Prenez, par exemple, les Fritillaires, où tant de petites écailles noires sont alignées le long de certaines veines comme pour leur donner une apparence plus épaisse; la androconies y sont également présents en grand nombre, mais entièrement cachés; on ne peut voir même les panicules de leurs lames longues et minces qu' en enlevant les écailles. Peut-être encore plus curieux que cela est la disposition par laquelle tous les androconies de Papilionidae et des Hesperiidiae sont étroitement enfermé dans le pli de la membrane costal dont il a été fait mention dans un chapitre récent. En effet, à de rares exceptions, comme dans les taches sur les ailes antérieures de la Theclinae, toute disposition semble avoir été prise pour assurer leur dissimulation. Chez les Pamphilides [Thymelicus] par exemple, si les "patch" qui les contiennent sont assez visibles, c' est donc principalement en raison des grandes écailles imbriquées qui y sont massés de manière à cacher la vraie androconie. Dans d'autres cas où ils ne sont pas massés en plaques, ils sont individuellement plus petits que les autres écailles et caché par eux, de sorte que la dissimulation peut être considérée comme définitivement liée à leur fonction.
La nature de cette fonction a été détectée par Fritz Müller*, qui leur a donné le nom de duftschuppen ou scent scales, comme cela a déjà été indiqué dans le chapitre sur les parfums chez les papillons ["Aromatic Butterflies"]. Il ne peut certes y avoir aucun doute sur le fait que c'est bien leur fonction dans certains cas, et par extension il y a tout lieu de croire que c'est vrai dans tous les cas, même si nous sommes incapables de le prouver en captant nous-mêmes ces parfums.
Mais ceci étant posé, il reste encore beaucoup à dire. Les androconies diffèrent merveilleusement des écailles ordinaires par la variété de leur forme et de la structure exquise, et nous avons encore à chercher à comprendre la signification de cela. Les écailles ordinaires semblent presque répondre à un modèle unique ; elles sont assez petites, mais ils sont énormes par rapport à la plupart des androconies; pourquoi ces motifs délicats et exquis sur une telle échelle microscopique? Qui peut les voir et en jouir ? Assurément pas les insectes eux-mêmes; ils peuvent profiter, en effet, de par leur fonction, et sans doute la sélection naturelle a mené cela à la perfection, même au-delà de ce que nous concevons; mais nous avons vu que ces objets sont pratiquement invisibles pour eux. N'y a-t-il pas ici une beauté de forme et de structure qui est une fin en soi, au delà d'une fin matérielle, sans profit possible pour son possesseur?"
* Müller 1878 retrouve une odeur perceptible par l'homme chez les mâles de 44 espèces de papillons.
Scudder aborde aussi cette description dans The Life of a Butterfly, 1883
3. Les travaux biologiques 1944-2000.
Les études ont approfondi la connaissance de l'anatomie , de la biologie des structures androconiales, conjuguées à celle des stratégies d'accouplement. Argynnis paphia a été un modèle privilégié.
— BARTH,Rudolf. 1944. Die männliche Duftorgan einiger Argynnis Arten, Zoologische Jahrbüscher, Abteilung Anatomie und Ontogenie der Tiere 68:331-362
— BARTH, R., 1949, Vergleichend morphologische Studien ueber die Duftschuppen der pieriden Pieris brassicae und Pieris rapae und der satyrine Coenonympha pamphilus, Zool. Jb. Anat. 70:397-425, 31 figs, 1 tab.
http://memorias-old.ioc.fiocruz.br/pdf/Tomo49/tomo49(fu)_628-640.pdf
http://www.scielo.br/pdf/mioc/v50/de_tomo50(fu)_335-386.pdf
—Wuest J , 1997, L'appareil à phéromone d'Argynnis paphia
Ces connaissances ont permis de décrire le rituel de la cour d'Argynnis paphia (Tabac d'Espagne) : " La femelle vole en ligne droite le long des sentiers forestiers à une hauteur d'environ 2 mètres, et en même temps elle émet un parfum aphrodisiaque de la pointe de son abdomen. Le mâle répond en la suivant de près, traçant des boucles à plusieurs reprises au dessus et au dessous d' elle, et l'asperge avec des phéromones libérées par les 4 barres noires androconiales qui courent le long des veines de ses ailes antérieures. Dans de nombreux cas, cette conduite alléchante ne parvient pas à convaincre la femelle, mais si elle est réceptive, elle mène le mâle vers les feuilles élevées d'un chêne, où la copulation a lieu. Périodiquement le couple vole vers le bas pour s'établir sur une fougère ou un noisetier, ou pour s'abreuver de nectar sur la ronce, mais revient à la cime des arbres si on les dérange. La copulation dure environ 2 heures et se déroule généralement en fin de matinée." (site learnaboutbutterflies)
Les androconies des Hesperiidae.
Scudder, 1877.
L'ouvrage déjà cité de Scudder comporte des planches consacrées aux "écailles propres aux mâles".
La planche 43 ("Wing patches and folds found in male butterflies") donne ainsi, parmi les plis alaires et patches androconiaux de 20 espèces, le discal stigma des ailes antérieures de Thymelicus aetna (fig.14), alors que la planche 45 en donne un spectaculaire agrandissement fig.6 :
La planche 50 (scales peculiar to the mâle imago—Pamphilidi) montre fig.1 et 3 les écailles prélevées à différents endroits du stigma de l'aile de Thymelicus brettus et Th. mystic.
J. Wuest 1997 Les androconies des Hesperinae.
Wüest (Jean) 1998, "Les organes producteurs de phéromones de quelques Hespérides (Lepidoptera, Hesperiidae, Hesperiinae)", Revue suisse de Zoologie 105 (3) : 813-822. https://archive.org/stream/revuesuissed105341998schw#page/812/mode/2up
L'appareil phéromone de dispersion de certains Hesperiinae (lépidoptères: Hesperiidae). - (.. Thymelicus lineola Th acteon et Hesperia comma) Chez les Hesperiinae, l'organisation de l'appareil de phéromone de dispersion, ainsi que la morphologie de la androconies, présentent un degré croissant de complexification, reflétant l'évolution au sein du groupe. L'appareil est tout simplement formé de plaques d' androconies chez Th. lineola. Chez Th. Actéon, les écailles adjacentes aux plaques d'androconies sont légèrement modifiées et orientées vers la ligne androconiales. Chez H. comma, les taches d' androconies sont complètement couvertes par les écailles adjacentes. Chez les Hesperiinae, les andronies sont des écailles tubulaires contenant la phéromone l'intérieur du tunnel médullaire. Ces écailles peuvent se briser en morceaux nommés osmophores, qui sont les moyens de dispersion de la phéromone. Chez Th. lineola, la androconies sont tubulaires et ne se cassent pas, mais certaines d'entre eux présentent des étranglements, qui pourraient être envisagés comme des états précurseurs des zones déhiscentes présentes dans les deux autres espèces. Chez Th. Acteon, toutes les androconies présentent des zones de déhiscence et peuvent se briser en osmophores, mais ils restent souvent intacts. Chez H. comma, tous androconies sont brisées et les osmophores libérés sont collées ensemble dans un filet juste sous le toit des écailles les recouvrant.
Les Hesperinae présentent un appareil tout à fait original et sans exemple comparable connu : ce sont des écailles androconiales contenant le principe attractif actif, qui se rompent et jouent le rôle de support « macroscopique » de l'odeur. Ces éléments se comportent comme une poudre et peuvent être dispersés par le mâle au cours de ses battements d'ailes. On peut en retrouver collés sur les antennes de la femelle (Sellier 1972) et il semble que la phéromone impliquée soit fort peu volatile et ait plutôt une action par contact. Ces écailles spécialisées avaient fait l'objet d'une étude de Reverdin (1916) qui les avaient décrites en microscopie optique et avaient déjà vu les différences entre Thymelicus lineola et les autres espèces, celle-là présentant des écailles en chapelets se rompant aisément. Les segments de ces écailles, en forme de petites saucisses, ont été appelées osmophores (Sellier, 1971, 1972; Grassé, 1975).
L'APPAREIL A PHEROMONE
Chez les mâles des Hespérides de couleur générale orange (représentant la sous-famille des Hesperiinae, genres Hesperia et Thymelicus présentés ici), on peut remarquer à la face supérieure des ailes antérieures une sorte de dilatation noire de la nervure cubitale, le "trait androconial". Il s'agit d'une zone spécialisée dans la production et la diffusion des attracteurs sexuels de ce groupe de Rhopalocères (Higgins &Riley 1971).
La partie essentielle de cet appareil est constituée d'une masse d'écailles plus ou moins fortement modifiées, les androconies (Figs 1, 5 & 11). Elle est organisée en plusieurs massifs placés à la suite l'un de l'autre et suivant plus ou moins le tracé de la nervure cubitale, qui borde la cellule discoidale vers l'arrière. Si la coloration noire n'est pas présente à la face inférieure de l'aile, les massifs d'androconies s'y retrouvent chez Th. lineola. Les tissus de l'aile sont fortement épaissis à cet endroit, comme le signalent Pivnick et al. (1992), renfermant probablement les cellules glandulaires à phéromones.
A partir de ce schéma, des états de complexification peuvent être mis en évidence en comparant les appareils de diverses espèces d' Hespérides.
— Chez Thymelicus lineola, on trouve l'appareil le plus simple (Fig. 1). Les écailles entourant et bordant les massifs d'androconies ne sont pas modifiées, ni dans leurs formes, ni dans leurs orientations. Elles ont alignées longitudinalement comme la grande majorité des écailles de l'aile. Ce qui est visible sur l'aile, ce sont directement les androconies. Il n'y a pas spécialisation d'une des faces de l'aile, les androconies se trouvant sur les deux faces.
— Chez Thymelicus acteon, une légère modification apparaît dans les écailles adjacentes à la zone des osmophores (Figs 5 & 6), qui deviennent plus larges et s'orientent perpendiculairement à la nervure médiane. Mais la zone des écailles à osmophores n'est pas couverte. Par contre, la face inférieure de l'aile ne présente aucun appareil androconial.
—Hesperia comma présente l'appareil à phéromone le plus complexe. Cet organe est constitué de deux parties, une proximale arrondie, qui s'étend entre les nervures cubitale et anale, et une plus distale et allongée, qui court parallèlement à la nervure cubitale bordant la cellule discoidale vers l'arrière (Figs 11 & 12). Les massifs d' osmophores, qui ont pourtant la même organisation que chez Thymelicus acteon, ne sont plus visibles de l'extérieur. Ils sont totalement recouverts par des écailles de couverture qui forment une sorte de toit au-dessus des osmophores (Figs 12 & 13). Ces écailles sont très nettement plus larges que les écailles banales des ailes. Elles sont recourbées dans le sens de la longueur, ce qui assure une couverture efficace des osmophores, et orientées perpendiculairement à la nervure médiane. Du côté antérieur, une partie des écailles adjacentes, de morphologie semblable aux écailles banales des ailes, est orientée vers la base de l'aile (Fig. 12). Cette zone est de couleur noire et tranche avec la couleur orange de l'aile. Les écailles à osmophores sont mélangées à des écailles classiques, filiformes ou légèrement aplaties, à côtes rectilignes (Fig.14). A la face inférieure de l'aile, une légère boursouflure des écailles permet de localiser la zone, sans que des androconies soient présentes.
Chez Thymelicus lineola, les androconies ne sont pas modifiées en écailles porteuses d'osmophores. Les éléments diffuseurs de phéromone se présentent comme de simples écailles filiformes à côtes longitudinales (Fig. 2). Leur tige d'implantation est relativement longue; l'apex est lisse et résulte de la coalescence des côtes. Elles ne présentent pas d'amincissements de dehiscence et ne se rompent pas. La phéromone doit ici être diffusée sous la forme de vapeur. Pourtant, en examinant un grand nombre de ces écailles, on peut repérer sur certaines des zones où les côtes s'effacent, et où le cylindre de l'écaillé a tendance à se boursoufler, préfigurant une zone de dehiscence (Fig. 4). Mais les côtes restent toujours strictement longitudinales. Chez Thymelicus acteon et Hesperia comma, les écailles portant le principe attractif sont fortement modifiées et forment des segments appelés osmophores. Il s'agit d'écaillés très allongées, filiformes, présentant sur leur longueur un certain nombre de restrictions ou zones de dehiscence. Les segments ou osmophores se détachent et peuvent reformer un réseau (Figs 7, 8 & 13), leurs extrémités étant adhésives (particulièrement chez H. comma), peut-être du fait de la présence de la substance active sous forme non volatile qui remplit la cavité centrale (Grasse 1975). Il est rare de rencontrer de telles écailles entières. En effet, elles sont destinées à se rompre au niveau de chaque zone de dehiscence, libérant ainsi de courts tronçons en forme de saucisses qui sont les éléments de transport de la phéromone. On peut cependant trouver parfois plusieurs segments encore attachés les uns aux autres (Fig. 8). La zone d'implantation de ces écailles montre qu'elles présentent dès la base la structure des segments osmophores (Figs 7 & 14). La forme des osmophores est assez constante d'une espèce à l'autre. Par contre, leur longueur est extrêmement variable d'un osmophore à l'autre et peut mesurer entre 10 um et 50 um et plus. Quelques petits détails de structure ou d'ornementation différencient les espèces étudiées ici, en particulier dans les zones de dehiscence. D'une manière générale, les osmophores présentent une partie renflée terminée à chaque extrémité par les zones de dehiscence. La partie renflée présente des côtes, avec des perforations dans les parties creuses entre les côtes, comme dans la plupart des écailles. Cependant, les côtes, au lieu d'être rectilignes, sont enroulées autour du cylindre de l'osmophore, avec un pas variable. Les zones de dehiscence, ou d'accrochage d'un osmophore à son voisin, forment un petit renflement lisse, porteur de l'orifice de communication entre les osmophores. C'est à ce niveau surtout que se constatent les différences spécifiques.
Les écailles à osmophores de Th. acteon ne semblent pas très fragiles, puisqu'on trouve beaucoup d'entre elles portant encore des chapelets d'osmophores; d'autre part, les masses d'osmophores consistent en majeure partie en baguettes de plusieurs osmophores non séparés (Figs 7 & 8). Les massifs d'osmophores sont constitués de ces baguettes emmmêlées, sans qu'un réseau d'osmophores collés se mette en place comme chez H. comma. La zone d'écaillés à osmophores consiste presque exclusivement en ce type d'écaillés, avec quelques rares écailles étroites en général peu modifiées (Fig. 7). La base des écailles à osmophores présente une morphologie en tous points semblable à celle des osmophores (longueur du segment, largeur, ornementation) (Fig. 7). Chez Th. acteon, les segments ont environ 2,5 μm de diamètre. Huit côtes garnissent la surface et font environ 2,5 fois le tour du segment pour un osmophore de 15 μm de long (Fig. 9). Les côtes ne présentent pas d'ornementation et les perforations ont des dimensions variables (Fig. 10). Les extrémités de chaque segment présentent un renflement très bombé et lisse. L'ouverture du canal est placée latéralement (Fig. 9). La longueur des osmophores peut être très variable (Fig. 8). L'orientation des côtes peut également varier et parfois onduler le long des écailles (Fig. 8). On peut trouver des figures aberrantes d'osmophores présentant des chapelets de boules de jonction entre eux.
Chez H. comma, les écailles à osmophores semblent très fragiles, puisque nous n'avons trouvé aucun osmophore en place (Fig. 14). Tous les osmophores sont regroupés à la surface de la zone, sous les écailles de couverture où ils forment des aggrégats collés en réseau (Fig. 13). On peut voir, entre les écailles peu modifiées qui parsèment la zone à androconies, les bases des écailles à osmophores restées en place (Fig. 14). Les osmophores ont toujours le même diamètre de 2,5 um. Les huit côtes présentent un pas plus ou moins serré et peuvent faire 1,5 à 3,5 fois le tour d"un segment de 20 u m de long. Les extrémités du segment sont fusiformes et l'ouverture est latérale (Fig. 15). Par contre, les côtes présentent une ornementation transversale particulière sous la forme de petits bourrelets (Fig. 16). La base des écailles à osmophores est beaucoup plus courte que. les osmophores, mais présente la même ornementation superficielle. Les osmophores de cette espèce ont la faculté de se recoller à un autre segment et de former un réseau très intriqué qui remplit tout l'espace entre les écailles banales qui sont mélangées aux androconies et les écailles de couverture (Figs 13 & 14). Ce réseau d'osmophores collés a tendance à se localiser en surface de la zone à androconies, peut-être poussé vers le haut par les écailles banales (Fig. 13).
DISCUSSION
Parmi les trois espèces étudiées, on peut distinguer une gradation nette dans la complexité de l'appareil à phéromone.
Chez Thymelicus lineola, la zone à androconies se présente simplement comme une zone à écailles modifiées, sans que les écailles adjacentes aient subi une quelconque transformation (forme ou orientation). De plus, les massifs d' androconies se trouvent chez cette seule espèce sur les deux faces de l'aile, indiquant un état non encore spécialisé.
Chez T. acteon, par contre, on note que les écailles bordant la zone à osmophores sont plus larges et s'orientent perpendiculairement à la zone à osmophores, préfigurant l'apparition d'écaillés de recouvrement. Mais les osmophores restent bien visibles de l'extérieur.
C'est chez Hesperia comma enfin, que l'appareil est le plus complexe. La zone à osmophores est entièrement cachée par des écailles de recouvrement, et la libération des osmophores doit être plus restreinte, dans des étapes bien précises de l'accouplement. Chez cette dernière espèce, la présence d'écailles filiformes normales parmi les écailles à osmophores permettrait d'envisager que ces dernières par leurs mouvements réciproques facilitent la rupture des segments osmophores et les conduisent vers la surface de la zone à androconies.
Ces étapes évolutives discutées ci-dessus rappellent ce que nous avions décrit chez les espèces du groupe des Argynnis Fab. 1807 (Wüest 1997). Chez Speyeria aglaja (Linné, 1758), la zone des androconies (qui ne libère pas d'osmophores) n'est pas recouverte par des écailles de recouvrement, contrairement à ce que nous pouvons trouver chez Argynnis paphia (Linné, 1758) sur la seconde nervure cubitale; cependant la zone modifiée (contenant des écailles à phéromone) des autres nervures (médiane, cubitale 1 et anale) de A. paphia ne présente pas ce toit d'écaillés derecouvrement. Nous devons être chez les Argynnes en présence d'un cas montrant les étapes de l'évolution de l'appareil à phéromone, entre deux espèces et aussi entre les nervures à l'intérieur d'une même espèce.
Il semblerait donc que l'évolution ait tendance à protéger de tels appareils du milieu extérieur en recourant à plusieurs occasions (exemple de phénomènes de convergence entre des superfamilles différentes, quoique proches, les Hesperioidea et les Papilionoidea) à des écailles de couverture, aussi bien chez les Hespérides (Hesperiinae, mais aussi Pyrginae, qui feront l'objet d'un prochain travail) que chez les Argynnes (Sellier 1971; Barth 1944). On peut penser que cela permettrait d'éviter un gaspillage des principes actifs, ou d'assurer leur diffusion seulement dans certaines phases du comportement de cour. Mais il est bien sûr illusoire de penser vérifier cette hypothèse en visualisant la position des écailles de recouvrement pendant les différentes étapes de l'accouplement, même si Barth (1944) a décrit les déplacements des écailles de l'appareil des Argynnes pendant le vol, permettant la libération des phéromones. Il serait intéressant de vérifier si on retrouve une telle architecture des appareils à phéromone (massifs d'androconies recouverts par des écailles de couverture) chez d'autres groupes de rhopalocères: chez les papillons de jour, les phéromones jouent un rôle dans les phases rapprochées de l'accouplement, après les informations visuelles, contrairement aux papillons nocturnes où les sémiochimiques ont une action primaire à longue distance. Il serait aussi intéressant de chercher de tels exemples chez d'autres Lépidoptères diurnes n'appartenant pas aux Rhopalocères.
Quant aux androconies elles-mêmes, nous avons pu mettre en évidence ici également une gradation entre les espèces étudiées, et cette gradation recouvre celle concernant la complexité de l'appareil lui-même. Thymelicus lineola représente un état peu différencié, puisque les androconies se présentent comme de simples écailles filiformes peu modifiées.Cependant, quelques-unes de ces écailles montrent une tendance à former des zones modifiées rappelant les zones de déhiscence des autres espèces, et Pivnick et al. (1992) ont montré que ces zones de déhiscence semblent se multiplier au cours de la vie imaginale, sans en expliquer le mécanisme. Thymelicus acteon, lui, présente deux types d'écailles dans la zone à androconies, des écailles filiformes semblables à celles de Th. lineola, et de véritables écailles à osmophores. Il faut noter que les écailles filiformes peuvent présenter des côtes non plus longitudinales, mais inclinées, et rappeler ainsi les écailles à osmophores. Nous trouvons donc ici aussi des intermédiaires entre les deux types d'androconies. Enfin, Hesperia comma présente des osmophores un peu différents de ceux de Th. acteon, avec des extrémités fusiformes. Les écailles normales parsemées dans la zone à osmophores sont filiformes ou légèrement aplaties, mais ne présentent pas d'intermédiaires avec les androconies à osmophores.
Un autre critère concerne la fragilité des androconies à osmophores. Chez Th. lineola, les limites entre segments de type osmophore n'étant que partiellement indiquées, ces écailles ne se rompent pratiquement pas et restent entières dans la zone à androconies, quoique Pivnick et al. (1992) démontrent que les cassures, comme les zones de dehiscence, se multiplient avec l'âge de l'imago. Chez Th. acteon, les osmophores sont libérés par rupture, mais on peut trouver des androconies entières ou de longs chapelets d' osmophores intacts. Enfin, chez Hesperia comma, toutes les androconies ont libéré leurs osmophores qui, par leurs hautes propriétés collantes, ont reformé un réseau en surface des androconies, poussés peut-être par les écailles filiformes présentes dans la zone, et peuvent se retrouver collés sur les antennes des femelles.
Nous avons voulu rechercher si les espèces étudiées ici (Th. lineola et Th. acteon, H. comma) avaient fait l'objet de travaux sur la constitution chimique de leurs phéromones, ou sur les séquences de certains de leurs gènes, ce qui aurait permis de déduire des liens de parentés entre ces trois espèces, et de vérifier si notre hypothèse d'une complexification et donc d'une évolution, dont les étapes se seraient maintenues chez Th. lineola, Th. acteon et H. comma, était corroborée par les méthodes moléculaires. A notre connaissance, seuls Pivnick et al. (1992) ont effectué des électroantennogrammes sur Th. lineola, qui ont permis de prouver l'émission de phéromones chez les Hespériides. Nous avons en outre consulté des banques de données sur les phéromones et sur les séquences de DNA, ainsi que le Zoological Record (entre 1972 et 1997), mais sans parvenir à trouver aucun représentant de la famille des Hespérides. Nous envisageons dans un prochain travail d'orienter nos recherches dans cette direction.
BIBLIOGRAPHIE
— Barth, R. 1944. Die männliche Duftorgane einiger Argynnis Arten. Zoologische Jahrbücher, Abteilung Anatomie und Ontogenie der Tiere 68: 331-362.
— Grasse. P. P. 1975. Phanères épidermiques. In: Grasse P. P. 1975. Traité de Zoologie, tome Vili, fase. Ill, pp. 48-67. Masson éd., Paris.
—Higgins, L. G. & Riley, N. D. 1971. Guide des Papillons d'Europe (Rhopalocères). Delachaux & Niestlé, 414 pp.
—Pivnick, K. A., Lavoie-Dornik, J. & McNeil, J. N. 1992. The role of the androconia in the mating behaviour of the European skipper, Thymelicus lineola, and evidence for a male pheromone. Physiological Entomology 17: 260-268.
—Reverdin, J.-L. 1916. Adopaea nova, mihi, species nov. Bulletin de la Société lépidoptérologique de Genève 3: 122-128.
—Sellier, R. 1971. Etude morphologique en microscopie électronique à balayage de quelques types d' androconies alaires chez les Lépidoptères diurnes. Compte Rendu hebdomadaire des Séances de l'Académie des Sciences de Paris, Série D 273: 2550-2553.
—Sellier, R. 1972. Etude ultrastructurale en microscopie électronique à balayage et essai d'interprétation du mode de fonctionnement des poils androconiaux alaires chez les Hesperiidae (Lépid. rhopal.). Compte Rendu hebdomadaire des Séances de l'Académie des sciences de Paris, Série D 275: 2239-2242.
—Wüest, J. 1997. L'appareil à phéromone d' Argynnis paphia et de Mesoacidalia
aglaja mâles (Lépidoptères Nymphalides) en microscopie électronique à balayage. Bulletin romand d'Entomologie 15: 47-56.
Les structures androconiales chez les Pyrginae
— Juan L. Hernández-Roldán & al. 2014 Morphological and chemical analysis of male scent organs in the butterfly genus Pyrgus (Lepidoptera: Hesperiidae) Gesellschaft für Biologische Systematik 2014
Les communications chimiques dans la famille Hesperiidae (Lépidoptères) ne sont pratiquement pas étudiées, même si ce groupe comprend environ 4000 espèces et représente un cinquième des espèces de papillons du monde. Nous présentons la première analyse comparative morphologique et chimique des organes de parfum pour neuf espèces du genre Pyrgus, genre d'Hesperiidae la plus riche en espèces dans la région du Paléarctique. Nos résultats montrent que la morphologie des deux principaux organes androconiaux -le pli costal et les touffes tibiales- ne diffère pas entre les espèces. Les analyses chimiques ont détecté un total de 125 composés différents exclusivement présents dans ces organes. [...]. Nos résultats suggèrent que les Hesperiidae forment un groupe à fort potentiel pour l'étude de la communication chimique qui mérite plus d'attention.
Chez les Pyrginae, certaines tribus affichent leurs organes androconiaux dans le pli costal de l'aile antérieure
Des organes androconiaux situés dans des parties du thorax et de l'abdomen ont été décrits chez Pyrgus malvae. En outre, les touffes tibiales sont un groupe de soies spécialisées sur le tibia de la patte arrière de mâles, probablement utilisé pour aider à diriger les composés chimiques vers la femelle pendant la parade nuptiale. Au repos, ces touffes tibiales sont hébergés entre les écailles androconiales de abdomen de la plaque ventrale et l'annexe coxal chez les espèces Pyrgus et Heliopetes.
Nous avons étudié les organes olfactifs masculins dans Pyrgus (Fig. 1) au moyen du microscope électronique à balayage photographies. Deux types existent: les androconies du pli costal sur l'aile antérieure (Fig. 2), et un complexe de touffes tibiales sur les pattes arrière (Fig. 3), avec en plus des androconies sur le thorax et l'abdomen (Fig. 4). Les neuf espèces étudiées affichent deux organes exclusivement chez les mâles et leur structure était similaire entre les espèces (Fig. S1, S2). Le pli costal sur la face dorsale de l'aile antérieure mâle forme une poche derrière la veine costale (fig. 2a, b). A l'intérieur de la poche, il existe des échelles olfactives qui sont arrondies en forme de fourche ou à la frontière distale (Fig. 2c, d) -comme opposés à bords dentés dans le reste de l'écaille (fig. 2e, f) -et de nervures longitudinales et transversales au sein du l'écaille formant un filet dense par rapport aux écailles normales (fig. 2f, S1). Des nervures longitudinales sont espacées de 1,36 à 1,69 um en écailles normales, de manière similaire à ceux décrits chez d'autres espèces de lépidoptères un (Garcia-Barros et Meneguz 2012), tandis que l'espacement est de 0,65 à 0,86 um dans des échelles de parfum (tableau S2). Touffes tibiales sont un groupe dense de soies extrêmement longue modifié qui se trouvent dans les tibias des pattes postérieures (3 Figs., S2). La structure de ces soies est tubulaire avec une moelle et leur surface externe est finement striée (Fig. 3c, d, S2) creux. Androconies se trouvent également sur les organes de parfum sur le thorax et l'abdomen (Fig. 4) Ces organes sont sur la partie ventrale du premier segment abdominal (plaque ventrale, Fig. 4b) et à proximité de la cage thoracique. Balance de ces zones sont semblables à ceux dans le pli costal mais avec une microstructure plus dense de nervures (Fig. 4d). Lorsque le papillon est au repos, touffes tibiales sont hébergés entre l'appendice coxal (Fig. 4a2) microstructure des côtes (Fig. 4d). Lorsque le papillon est au repos, touffes tibiales sont hébergés entre l'appendice coxal (Fig. 4a2)
L'étude morphologique des organes olfactifs des Pyrgus a montré qu'ils hébergent différents groupes d'écailles, des structures et des soies. Les touffes tibiales, en même temps que la plaque ventrale, l'appendice coxal, et les écailles androconiales à partir de la cage thoracique et des premiers segments de l'abdomen , forment un organe complexe. Dans la famille Hesperiidae, les plis costaux sont présents dans de nombreux genres de Eudaminae et dans les tribus suivantes de Pyrginae: Tagiadini, Erynnini, Pyrgini, et Carcharodini (Warren et al., 2009). Fait intéressant, dans un grand nombre de ces taxons il ya quelques espèces sans un pli costal, qui semble suggérer cas de pertes secondaires. Les touffes tibiales de type Pyrgus sont présents chez les Erynnini, Achlyodidini, et Pyrgini, plus
...l'ultrastructure des longues soies, avec un bulbe creux et une surface extérieure striée, semble appropriée pour accueillir et libérer des composés volatils. Les parois de la soies semblent être formée par un matériau spongieux, qui pourrait être liée à leur fonction (Fig. 3d). Les touffes tibiales sont généralement conservés caché dans la poche formée par l'annexe coxal et plaque ventrale (LSPN 1999). On peut supposer que, pendant la parade nuptiale des mâles prennent les touffes de la poche et celles-ci seraient alors libérer les composés volatils. Malheureusement, il est extrêmement difficile d'observer la parade nuptiale dans le vol discret et rapide